Médicaments qui rendent dépressifs

http://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/des-medocs-qui-rendent-depressif-48267

Des médocs qui rendent dépressif ?

Depuis quelque temps, des études tendent à montrer que certains antidépresseurs prescrits régulièrement ont davantage tendance à augmenter les cas de dépression chez les enfants et adolescents, qu’à les diminuer. Tandis que les études menées par les labos, la connivence des médecins et chercheurs avec les labos ou les techniques "marketing" des mêmes labos, elles, commencent à être dénoncées. La FDA est donc obligée d’enquêter.

En France, 15% de la population sont diagnostiqués comme étant "dépressifs", une proportion impressionnante si l’on se rappelle que les antidépresseurs datent seulement de 1957. La seule revue médicale indépendante, Prescrire, publiait en juin un article qui relativisait largement l’efficacité de certains antidépresseurs prescrits aux enfants comme aux adultes. Les risques pourraient même aller jusqu’au décès dans 0,4 cas sur 100.000 avec une catégorie de ces médicaments, les « imipraminiques ». D’autres seraient inefficaces... Conclusion : le rapport bénéfice/risques est défavorable.

Des traitements qui amènent davantage au suicide que des placebos

Mais d’autres médicaments pourraient avoir les mêmes conséquences, comme des antiépileptiques :« There was a statistically significant increased risk of suicidal behavior and suicidal ideation in the patients randomized to receive an antiepileptic drug compared to patients who received a placebo », a dit la FDA (Food & Drug administration) en février.

Voici un tableau qu’elle a publié dans le même communiqué, montrant les différences de tendance au suicide entre ceux qui ont pris des placebos et ceux qui ont pris les médicaments incriminés :

Relative Risk and Risk Difference for Suicidality According to Trial Indication

Dans la panoplie des médicaments qui donnent des idées de suicide, on trouve encore le Prozac parmi d’autres antidépresseurs, ou même un produit destiné à arrêter de fumer, un autre contre l’incontinence... La FDA a donc diligemment demandé aux labos de refaire quelques tests, un peu moins bidons ceux-là.

Il faut dire que grâce à un tout nouveau règlement, la FDA avait bloqué en 2007 un médoc de Sanofi destiné à lutter contre l’obésité (le Rimonabant), soupçonné lui aussi de coller des suicides. Puis c’est le même médoc, basé sur la même molécule mais de chez Merck, qui est vilipendé.

Ainsi la FDA a publié en 2007 une liste d’antidépresseurs engendrant davantage de suicides que les placebos, ce qui il faut bien le dire est quelque peu fâcheux pour des anti dépresseurs. Dedans, donc, le Prozac, mais encore une trentaine de molécules différentes. Glaxo SmithKline est poursuivi par une famille US depuis le mois dernier pour le suicide en 2002 de leur fils de 16 ans traité au Paxil, un médicament sur lequel pesaient déjà certains doutes. Manque de chance, c’est seulement en 2003 que la FDA a précisé qu’il valait mieux éviter de prescrire du Praxil aux enfants et adolescents soi disant parce que l’efficacité sur eux n’était pas prouvée, avant de parler clairement de risques en 2006. Quoi qu’il en soit, la famille pense que le labo connaissait les risques nocifs au moins dès 2002.

Des médicaments censés traiter les troubles bipolaires augmenteraient eux aussi les risques de suicide, comme l’ont montré différentes études du début des années 2000.

Est-ce paradoxal ?

Si en plus de tout cela, on prend en compte le fait que les antidépresseurs font partie des médicaments pour lesquels l’industrie pharmaceutique fait le plus de publicité auprès des médecins, via les revues médicales financées par l’industrie, ou encore via les « visiteurs médicaux » (qui absorbent autant de budget que la recherche et développement -R&D- dans la plupart des grandes firmes pharmaceutiques, si bien qu’en France un généraliste reçoit en moyenne 330 « visites » par an), on relativise le phénomène. Et bientôt, grâce à la « directive médicament », même les patients auront droit de se faire « visiter » par les labos pour bénéficier d’une sorte de coaching afin de mieux suivre leur traitement.

Bref, les techniques de l’industrie pour influencer les médecins, le public ou les pouvoirs publics sont nombreuses. A savoir : dans son ensemble, la publicité coûte aux labos deux fois plus que la recherche et développement. Ce qui permet de relativiser l’argument selon lequel les médicaments sont chers en raison des coûts en R&D...

Certains articles vont même jusqu’à montrer comment lesdites firmes redéfinissent certaines affections,élargissent la définition de « la dépression », voire inventent des « maladies », dans le but de vendre leurs poudres de perlimpinpin. Il y a même un terme pour ça : on parle de « disease mangering » pour qualifier cette propension de l’industrie à inventer une maladie pour chaque nouveau médicament mis sur le marché. Les exemples sont nombreux depuis les problèmes d’érection jusqu’aux troubles bipolaires pour lesquels l’industrie incite via des publicités télévisées à consulter le « bipolar help center », si jamais on est un peu excité ou si on a dans le ventre un bébé un peu plus excité que la moyenne, car il convient évidemment de traiter une telle « maladie ».

Et puis si tout cela ne suffit pas, les firmes pharmaceutiques financent encore les associations de patients, ou les créent. Elles créent aussi des tests de dépistage elles-mêmes, utilisés par exemple lors de grandes « journées nationales de dépistage de la dépression », ou lors des campagnes de sensibilisation comme celle de l’année dernière en France, histoire que tout un chacun se sente concerné par « la dépression », ne serait-ce que par suggestion. Tout cela, bien sûr, en occultant les effets secondaires et les risques de dépendance.

L’article reprend un exemple révélateur de standardisation mondiale des maladies mentales, cité par la journaliste Kathryn Schultz : « l’expression dépression légère n’existait pas dans la langue japonaise... jusqu’en 1999. Cette année-là, la compagnie Meiji Seika Kaisha a commencé à promouvoir le Depromel (un ISRS). Selon le psychiatre japonais Tooru Takahashi, la mélancolie, la sensibilité et la fragilité n’étaient pas perçues comme des sentiments négatifs au Japon. « Pourquoi aurions-nous cherché à soigner quelque chose qui ne nous semblait pas mauvais au départ ? ».

Si la France est la championne de la consommation de médicaments en général et de psychotropes légaux en particulier (1 français sur 5 en consomme au moins une fois par an), à tel point qu’on peut réellement parler d’une banalisation de ces produits, est-ce parce que les français sont plus dépressifs que les belges ou les allemands, ou parce que nos médecins sont surexposés à la publicité des labos et ces médicaments -trop- bien remboursés ?

Un journaliste du Guardian, Brendan Koerner, a dégagé la méthode en huit étapes par laquelle les labos parviennent à nous inventer des maladies uniquement pour vendre leurs médicaments :

    1. On met en évidence une affection mineure dont pourrait souffrir un grand nombre de personnes (le trouble dysphorique prémenstruel ou le trouble d’anxiété généralisée, par ex.).

    2. Les pharmaceutiques financent des recherches qui démontrent l’efficacité du médicament.

    3. Sur la foi d’un petit nombre d’essais cliniques, la FDA autorise la mise en marché du médicament, qui a été testé uniquement contre des placebos.

    4. Dans des articles pour la presse grand public ou la presse scientifique, des médecins éminents (souvent rémunérés par des pharmaceutiques) mettent en évidence la gravité et la prévalence de l’affection.

    5. On minimise les effets indésirables du médicament, ou on ne les mentionne pas, dans les annonces publicitaires ou dans les rapports de recherche.

    6. Les résultats négatifs des essais cliniques ne sont ni publiés ni diffusés.

    7. On confie la promotion du médicament dans les médias à de firmes de relations publiques. Pour démontrer l’efficacité du médicament, on cite des statistiques provenant d’études commanditées par le secteur privé.

    8. Afin de donner un « visage humain » à cette nouvelle affection, on crée et on finance un regroupement de personnes qui en souffrent. Leurs témoignages et leurs commentaires seront largement diffusés dans les médias76.

En 1952, les professionnels de la maladie mentale de l’American Psychiatric Association (APA) créent le DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) qui recense les maladies mentales. A l’époque, en 1952, lesdits professionnels ont dénombré 60 pathologies différentes. En 1968, la deuxième édition en recense 145, toutes ou presque classifiées dans la névrose ou la psychose. Arrive la troisième édition, en 1980, et ses 230 maladies mentales, et à partir de là on considère que la maladie mentale est davantage d’origine biologique qu’affective ou liée au vécu. Ca permet de trouver encore plein d’affections différentes, si bien que la quatrième édition, en 1994, reconnaît 410 troubles mentaux.

D’après Wikipédia, cette dernière version a fait un nouveau tri dans ces maladies :

    1. pathologies psychiatriques caractérisées, troubles de développement mentaux et de l’apprentissage, addictions et intoxications

    2. troubles de la personnalité et retard mental

    3. pathologies autres que psychiatriques ou neuropsychiatriques. On parle aussi d’affections médicales générales

    4. fonctionnement social et environnemental, impact des symptômes

    5. échelle de fonctionnement global

Une étude publiée en 2006, intitulée « Liens d’intérêts financiers entre comité d’experts du DSM-IV et industrie pharmaceutique », révélait que parmi les 170 médecins ayant participé à la rédaction du DSM, 95, soit 56%, « présentaient au moins un des onze types de liens financiers possibles avec une compagnie de l’industrie pharmaceutique.

Dans 6 commissions sur 18, des liens avec l’industrie pharmaceutique ont été trouvés chez plus de 80 % des membres. Ces liens concernent 100 % des membres du groupe de travail « Troubles de l’humeur » (n = 8) et du groupe « Schizophrénie et désordres psychotiques » (n = 7) [ces deux groupes de maladies étant ceux pour lesquels on prescrit le plus de psychotrope, comme par hasard], ainsi que 81 % du groupe « Troubles anxieux » (n = 16), 83 % du groupe « Troubles de l’alimentation » (n = 6), 88 % du groupe « Troubles kinesthésiques liés à la prise de médicaments » (n = 8) et 83 % du groupe « Troubles dysphoriques prémenstruels » (n = 6). »

Et sur les liens financiers : « Parmi les membres des panels ayant des liens avec l’industrie pharmaceutique (n = 95), 76 % avaient reçu des subventions de recherche, 40 % des revenus comme consultants, 29 % travaillaient dans la communication, et 25 % percevaient des honoraires d’un autre type. Plus de la moitié des membres ayant un lien financier présentaient plus d’un type de relation financière l’engageant auprès d’une compagnie. Onze membres avaient 5 types de liens. »

Et la direction actuellement en place pour le DMA V qui devrait sortir en 2012 n’est pas plus transparente : le magazine US News & World avait décelé que « 19 membres sur 27 au moins ont des liens avec les compagnies pharmaceutiques ». Gageons qu’une bonne centaine de maladies mentales seront encore ajoutées à l’interminable liste du DMA. Une étude du New York Times de janvier 2008 montre que « les psychiatres touchent plus d’argent des laboratoires pharmaceutiques que les médecins de n’importe quelle autre spécialité ». Et comme par hasard, les psychotropes sont la 1ère source de dépense pour le programme Medicaid, destiné aux pauvres.

Le Figaro, qui reprenait aussi cette étude, citait un exemple concret parmi les dizaines possibles : « Assez récemment, un jeune retraité d’un laboratoire pharmaceutique a expliqué à l’un de nos interlocuteurs que le concept « d’attaques de panique », qui est classé dans le DSM4, avait été spécifiquement élaboré par Donald Klein pour le laboratoire Upjohn qui allait mettre sur le marché le médicament Xanax. ». Aux Etats-Unis, les associations citoyennes, et enfin la FDA, commencent à soulever le voile sur ces questions, en pointant les relations « incestueuses » de l’American Psychiatric Association avec les labos, dont une vingtaine ont investi en 2008 environ 30 millions de dollars dans ladite APA.

Quelques exemples (mais il y en a de nombreux autres dans le rapport), pour les Etats-Unis, dans les groupes DSM puis au Congrès Mondial de psychiatrie :

- David Kupfer, Professor and Chair, Department of Psychiatry, University of Pittsburgh School of Medicine, was a member of the DSM-IV Task Force and is Chair of the DSM-V Task Force. He has been a consultant to Eli Lilly & Co., Hoffman-LaRoche, Pfizer, Forest Labs and Servier and also sat on the advisory boards of Eli Lilly & Co., Forest Labs and Pfizer.

- Joseph Biederman, Chief of the Clinical & Research Program in Pediatric Psychopharmacology, Massachusetts General Hospital gave seminars at the APA convention on pediatric bipolar disorder and ADHD, the latter funded by Ortho-McNeil Janssen Scientific Affairs. Biederman has received research funds from 10 pharmaceutical companies, including manufacturers of antipsychotic drugs prescribed for bipolar. He was a member of the DSM-IV committee overseeing what infant, childhood and adolescent disorders would be included. His labeling of children with “bipolar” has been attributed to the increase in antipsychotic drug sales for pediatric use. In 2007, such promotion was blamed, in part, for the death of 4-year-old Rebecca Riley fromMassachusetts. She died from a prescribed cocktail of psychiatric drugs that included antipsychotics. Dr. Lawrence Diller, a California behavioral pediatrician, told The Boston Globe, “I find Biederman and his group to be morally responsible in part. He didn’t write the prescription, but he provided all the, quote, scientific justification to address a public health issue by drugging little kids.” The New York Times exposed how Biederman earned $1.6 million in consulting fees from drug makers between 2000 and 2007 but did not report much of this income to Harvard University officials. In 2008, his financial conflicts of interest were the subject of a U.S.congressional investigation.

- David Shaffer, Professor of Child Psychiatry at Columbia University and Director, Division of Child Psychiatry, New York State Psychiatric Institute, is part of a symposium discussing “disorders of childhood : A DSM-V research agenda.” Shaffer was a member of the DSM-IV Task Force and is responsible for inventing TeenScreen, a subjective survey conducted on teens in schools to determine if they are potentially suicidal. He admits there’s a potential 84% chance of wrongly identifying students using his survey, potentially put them at risk of being prescribed suicide-inducing antidepressants. Shaffer has served as an expert witness for Hoffman la Roche and Wyeth. He was also a consultant to GlaxoSmithKline on Paxil (paroxetine) and adolescent suicide and has been a paid consultant for Pfizer, another antidepressant maker.

- S. Charles Schulz, Professor and head of the Department of Psychiatry,University of Minnesota Medical School Minneapolis, Minnesota, was a DSM-IV project participant. His industry-supported seminar about “medication treatment for youth” was funded by AstraZeneca, the manufacturer of the antipsychotic Seroquel. The company has faced multiple suits alleging that it downplayed the risk of diabetes with the drug. Schulz has been a consultant for AstraZeneca and Eli Lilly & Co. and has received grants from them, Abbott Laboratories and Janssen Pharmaceutica.

Présents au Congrès mondial de la psychiatrie :

- Dilip V. Jeste, APA Trustee and Member of the DSM-V Task Force is a consultant to Bristol-Myers Squibb, Lilly, Janssen, Solvay/Wyeth and Otsuka ; honoraria from Bristol-Myers Squibb, Janssen and Otsuka ; received “supplemental support to NIMH-funded grants” from Astra Zeneca, Bristol-Myers Squibb, Eli Lilly, and Janssen in the form of donated medication for the study, “Metabolic Effects of Newer Antipsychotics in Older Patients.” Jeste’s 2008 APA disclosure for the DSM-V Task Force stated he received honorarium from Abbott, AstraZeneca and Pfizer-Eisai. He also received consulting fees from four pharmaceutical companies.

- Jan Fawcett, Professor of Psychiatry, Chair, Mood Disorders Work Group Member, DSM-V Task Force.He has received grants and research support from Abbott, Bristol-Myers Squibb, GlaxoSmithKline, Eli Lilly, Organon, Pfizer, SmithKline Beecham, Wyeth-Ayerst, and Zeneca ; was a consultant to Abbott, Bristol-Myers Squibb, Eli Lilly, EM Industries, Forest Laboratories, Glaxo Wellcome, Pfizer, Pharmacia-Upjohn, and SmithKline Beecham ; was a member of speakers’ bureaus sponsored by Abbott, Bristol-Myers Squibb, Eli Lilly, Pfizer/Roerig, Pharmacia-Upjohn, SmithKline Beecham and Wyeth-Ayerst.

- Nada Stotland, former APA President who serves on the Board of the pharmaceutical company that funds the U.S. National Mental Health Association (NMHA) that received over $2 million in pharmaceutical company funding in one year alone. Stotland is on the speakers’ bureau for Pfizer and GlaxoSmithKline, both makers of antidepressants. In a published article in 2008, Stotland said that “black box” warnings about psychiatric drug risks, that include antidepressants, are “unwarranted.”

Etc.

Evidemment, les revues dites “scientifiques” sont elles aussi noyautées par l’industrie pharmaceutique, qui les subventionne allègrement ainsi que les chercheurs qui y sont publiés.

A tous les niveaux, la décision en matière de santé est influencée voire totalement contrôlée par l’industrie pharmaceutique. De la FDA à l’AFSSA, en passant par la Commission européenne, les médecins et désormais les patients, chaque maillon de la chaîne ne fait qu’obéir à des principes purement mercantiles, imposés par l’industrie.

On sera donc moins étonné de voir l’augmentation exponentielle du nombre de « maladies mentales » qu’il convient, évidemment, de traiter avec des « médicaments ». Et encore, les auteurs de l’étude précisent qu’ils n’avaient pas les moyens de vérifier la totalité des liens entre ces médecins et les labos.

*Notice :

Les informations diffusées sont données à titre non professionnel.

Elles ne remplacent aucunement les visites médicales, les diagnostics et les traitements médicaux qui doivent être faits en fonction

des situations particulières de chacun, et que seul un médecin, dont le titre est légalement reconnu en France, peut réaliser.

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