Ecrire est accoucher...

Au début, tapis au fond de moi, il commençait à prendre forme,

Il a grandi, peu à peu, sans contrainte et protégé du monde au fond d’un inconscient fertile.

Petit à petit, j’ai pu percevoir sa forme, générale d’abord, grossière, sans contour véritable.

Il a grandi, a commencé d’exister. Se séparant du fond, la forme finit par se distinguer.

Enfin je pouvais le percevoir, je l’ai senti se nourrir de moi, me suçant peu á peu de l’intérieur, comme un merveilleux parasite qui finit par vous démanger.

J’étais fier, il remuait mes tripes, il était déjà fort, je pouvais maintenant sentir sa beauté, son identité, encore partie de moi, mais déjà bien lui-même.

Le moment s’approchait, il me bougeait les tripes, ses coups de pieds au ventre perturbant mon sommeil, finirent par me réveiller.

Il fallait qu’il sorte, l’urgence de lui fut telle que je ne maitrisais rien.

Alors, je l’ai couché là, en pleine nuit, à deux heures du matin, sur la première page blanche venue.

Il s’est contorsionné d’abord puis quand le rythme fut pris, il s’étira, s’étala, se rependit sur la feuille blanche de l’écran lumineux. Et par là même, je me vidais de lui dans la douleur, dans la contraction et la tension, de mon esprit jusqu'à ma main qui brulait.

Au paroxysme de ma souffrance, de ma libération, je sus à quel point il serait beau. C´est la douleur et l’effort qui mesure l’importance de la création.

Et tout d’un coup plus rien, le point final, l’œil du cyclone arrête le temps en pleine tempête, le point final.

Il est lá, devant moi, il ne lui manque rien, il peut commencer á vivre sa propre existence. Dans un cri terminal, il peut enfin prendre son inspiration, pour la transmettre á tous ceux qui l’approchent.

Je le trouve déjà merveilleux, c’est mon bébé, une part de moi, ma part de fierté, mon leg au reste du monde et du temps.

Mais il est encore moche, tout fripé, aux sons écornés d’une voix éraillée et aux mouvements malhabiles.

Il va falloir encore longtemps, des années peut être, pour corriger, modifier, modeler, sculpter par petite touche. Longtemps, très longtemps, s’armer de patience et persévérer sans se décourager.

Au bout du chemin, ce don de la vie, cette magie de la création, je la laisserai finalement voler de ces propres ailes. Et j’espère que son vol laissera aux autres hommes, le plus beau des spectacles, le meilleur des moments, le plus grand des bonheurs, pour tous ceux qui voudront bien s’envoler avec lui.