1.la chirurgie des paupières:
Le vieillissement de la région orbitopalpébrale entraîne des modifications esthétiques et fonctionnelles dues à la ptôse des tissus, la perte de volume graisseux et le relâchement musculaire. Ces changements peuvent altérer l’harmonie du regard et, dans certains cas, affecter la vision périphérique.
Pour corriger ces altérations, plusieurs techniques chirurgicales ont été développées, permettant d’adapter chaque intervention aux besoins spécifiques du patient. La blépharoplastie supérieure et inférieure traite l’excès cutané et les hernies graisseuses, tandis que les techniques de lifting du sourcil et du front corrigent l’affaissement des structures sus-jacentes. La canthopexie et la canthoplastie jouent un rôle clé dans la restauration de la tension du canthus latéral, améliorant à la fois l’esthétique et la fonction des paupières. Ces procédures peuvent être combinées pour offrir un résultat optimal, en tenant compte des particularités anatomiques et des attentes du patient.
Ce chapitre détaille les différentes approches chirurgicales du rajeunissement orbitopalpébral, leurs indications et les précautions à prendre pour garantir un résultat naturel et harmonieux.
2.L’évaluation préopératoire :
2.1.L’examen clinique
2.1.1. Anamnèse :
L’évaluation préopératoire commence par une anamnèse médicale et ophtalmologique complète. Celle-ci vise à identifier les éventuels facteurs de risque ou contre-indications opératoires, notamment les comorbidités telles que les allergies, l’hypertension artérielle, le diabète, ou la prise de médicaments anticoagulants et antiagrégants plaquettaires. La coordination avec le médecin généraliste ou le cardiologue pour gérer ces traitements est essentielle.
La consommation de tabac, facteur de retard de cicatrisation et de dysfonctionnement du film lacrymal, doit être relevée. Une consultation visant à encourager l’arrêt du tabac peut être proposée. Certains traitements à base de plantes, tels que la niacine, l’échinacée ou le kava, doivent également être suspendus, car ils peuvent affecter la surface oculaire.
Le chirurgien doit explorer les motivations et attentes du patient lors d’un dialogue honnête. Cela permet de détecter d’éventuels troubles psychologiques, tels qu’une demande disproportionnée, et d’établir une relation de confiance. Si des doutes persistent quant aux attentes ou au bien-être psychologique du patient, l’intervention doit être reportée ou annulée, avec orientation vers un accompagnement approprié.
2.1.2. les antécédents médicaux et chirurgicaux:
Il est important de rechercher des antécédents de chirurgie (la qualité cicatricielle) , notamment des interventions esthétiques ou ophtalmologiques (chirurgie réfractive, strabisme, chirurgie rétinienne ou glaucome). Ces informations permettent de prévenir d’éventuelles complications per- ou postopératoires. Le dépistage du patient monophtalme est impératif, car il constitue une contre-indication médico-légale à une blépharoplastie esthétique comportant une lipectomie. Il faut rechercher un syndrome sec, l’ophtalmopathie Basedowienne, la fonction du nerf VII, le port de lentilles de contact, et enfin des problèmes cornéens
2.1.3. Examen clinique approfondi:
L’examen clinique doit être minutieux, bilatéral, et comparatif en évaluant la symétrie statique et dynamique. Les observations incluent la hauteur et le contour de la fissure palpébrale, la position de la paupière supérieure, le pli palpébral, la position du sourcil et le tonus du muscle frontal. Il est réalisé de face, de profil et de trois quarts, avec des photographies préopératoires pour détecter toute asymétrie. Il appréciera l’importance de l’excès cutanéo-orbiculaire, ou à l’inverse la quantité de tissu adipeux à apporter
Pour une blépharoplastie fonctionnelle, des tests complémentaires sont nécessaires tels que l’évaluation du champ visuel, la sensibilité au contraste, les aberrations optiques d’ordre élevé (HOAs) et la topographie cornéenne. Ces tests doivent être effectués avant et après l’intervention pour mesurer les bénéfices fonctionnels.(1)(2)(5)(6)
3.L’examen du sourcil :
Avant toute intervention sur la paupière supérieure, une évaluation minutieuse de la position des sourcils s’impose. La détection d’une éventuelle ptôse sourcilière est cruciale, car un diagnostic manqué pourrait conduire à une exérèse cutanée excessive. Cette erreur technique risquerait de sacrifier inutilement la peau supratarsale, générant des cicatrices étendues et inesthétiques s’étirant vers la région temporale. Ainsi, l’analyse initiale doit systématiquement intégrer deux éléments clés : la position anatomique des sourcils et leur impact sur l’apparence d’un excès cutané palpébral.
3.1.Distinguer ptôse sourcilière et dermatochalasis:
Une confusion fréquente existe entre un véritable excès cutané de la paupière supérieure et une ptôse sourcilière masquée. Certains patients sollicitant une blépharoplastie pourraient en réalité bénéficier d’une correction de la position du sourcil, tandis que d’autres demandant un traitement des rides sus-sourcilières pourraient nécessiter une blépharoplastie associée. Cette distinction souligne l’importance d’une évaluation globale, où la demande du patient doit être confrontée aux observations cliniques objectives.
3.2.Techniques d’évaluation selon la position du sourcil:
Lorsque le sourcil se situe naturellement au-dessus de l’arcade sourcilière, une méthode spécifique est recommandée : demander au patient de fermer les yeux pour relâcher le muscle frontal, puis maintenir manuellement la position relâchée avec un doigt afin d’éviter toute contraction réflexe. Cette manœuvre permet d’évaluer précisément l’excès cutané palpébral. À l’inverse, si le sourcil est spontanément situé sous l’arcade, une blépharoplastie peut être envisagée, mais elle devra souvent s’accompagner d’une correction de la ptôse sourcilière pour optimiser les résultats.
3.3.Considérations musculaires et asymétries:
L’évaluation doit également intégrer l’activité musculaire dynamique, tant involontaire que volontaire (élévation, froncement des sourcils), ainsi que les caractéristiques des rides (profondeur, nombre, symétrie). Ces paramètres permettent d’apprécier le tonus musculaire et d’identifier d’éventuelles asymétries, éléments déterminants dans le choix technique (chirurgie isolée ou combinée) et la prédiction des résultats esthétiques. (1)(5)(6)
4.L’examen de la paupière supérieure:
Après avoir écarté une ptôse sourcilière, l’évaluation de la paupière supérieure doit suivre un protocole rigoureux. Cette étape vise à identifier les caractéristiques anatomiques et les anomalies spécifiques qui guideront le choix des techniques chirurgicales.
4.1.Évaluation de l’excès cutané:
L’excès cutané se présente typiquement sous forme d’un repli recouvrant la partie tarsale de la paupière, plus marqué dans les tiers moyen et externe. Ce surplus, source de gêne esthétique (maquillage difficile) ou fonctionnelle (réduction du champ visuel), doit être quantifié en l’absence de lentilles de contact, dont le port peut fausser l’appréciation en repoussant la paupière vers le haut. Le pinch test à l’aide d’une pince non griffée (type Adson) permet une mesure objective de cet excès, essentielle pour déterminer la quantité de peau à réséquer.
4.2.Détermination du pli palpébral par le test de Sheen:
Le test de Sheen est incontournable pour localiser le pli palpébral supérieur. Réalisé en demandant au patient de regarder à 45° vers le bas tout en maintenant le sourcil relevé, il permet de mesurer la distance entre le pli naturel et le bord libre de la paupière. Une mesure inférieure à 7 mm contre-indique une blépharoplastie classique. Ce test révèle également des anomalies structurelles (pli absent, dédoublé, asymétrique ou trop bas), nécessitant des ajustements techniques personnalisés.
4.3.Recherche des hernies graisseuses internes:
Une palpation minutieuse de la paupière supérieure permet d’identifier une hernie graisseuse interne et d’en estimer le volume. Cette évaluation conditionne la stratégie chirurgicale : une hernie significative implique une excision ou un repositionnement des tissus adipeux pour restaurer un contour palpébral harmonieux et prévenir les complications postopératoires.
4.4.Recherche d’un ptosis associé:
La présence d’un ptosis (affaissement palpébral) doit être systématiquement recherchée, car il résulte souvent d’une déficience du muscle releveur de la paupière. Si confirmé, sa correction par renforcement musculaire doit être intégrée au geste de blépharoplastie pour éviter un résultat asymétrique ou une persistance de la gêne visuelle.
4.5.Identification d’une ptôse de la glande lacrymale:
Localisée principalement au tiers externe de la paupière supérieure, une ptôse de la glande lacrymale doit être diagnostiquée précocement. Son omission pourrait entraîner des complications fonctionnelles (sécheresse oculaire) ou esthétiques (asymétrie). Sa prise en charge peropératoire, par repositionnement ou fixation, est essentielle pour garantir un résultat optimal.(1)(5)(6)
Le pinch test réalisé avec une pince non dentée (pince d’Adson) offre une évaluation objective de l’excès cutané, guidant précisément la planification de la résection tissulaire nécessaire.
5.L’examen de la paupière inférieure:
Lors de l’examen clinique des paupières inférieures, il est essentiel de procéder à une évaluation méthodique incluant les points suivants :
· 5.1.Appréciation de la position du bord libre:
Le bord libre inférieur, en position normale, affleure le limbe sclérocornéen au niveau nasal. Une position basse entraîne un scleral show, caractérisé par une exposition excessive de la sclère entre le bord palpébral et le limbe. Ce phénomène peut être d’origine constitutionnelle (héréditaire) ou acquise (sénile, endocrinienne, etc.). Il convient de distinguer le scleral show de l’ectropion, où le bord libre de la paupière est éversé.
· 5.2.Recherche et quantification des hernies graisseuses :
Une pression douce exercée sur le globe oculaire, paupière fermée, accentue les poches palpébrales inférieures, permettant d’en préciser la topographie et l’importance. les modifications subtiles des coussinets adipeux de la paupière inférieure peuvent être davantage mises en évidence en position de regard vers le bas et atténuées en regard vers le haut.
· 5.3. Recherche des poches malaires
Les poches malaires se manifestent par une boursouflure cutanée de la région malaire, distincte des poches palpébrales inférieures par la présence d’un sillon séparateur palpébromalaire plus ou moins marqué.
5.4.Excès cutané, rides et cernes
L’excédent cutané est quantifié pour adapter la résection( pinch test) , tandis que les rides (glabellaires, patte d’oie) et les cernes sont analysés. Ces derniers, souvent d’origine pigmentaire ou vasculaire, doivent faire l’objet d’une information claire : la blépharoplastie a une efficacité limitée, voire nulle, sur leur correction.
· 5.5.Etude du tonus palpébral
La tonicité de la paupière inférieure est évaluée au repos, où elle doit normalement rester en contact avec la conjonctive. Avec l’âge, une altération du tonus et une laxité accrue peuvent survenir, notamment en raison de l’involution sénile. La laxité est mesurée par le snap test, qui consiste à tirer doucement la paupière antérieurement entre le pouce et l’index. Un décollement de plus de 10 mm par rapport au globe indique une hyperlaxité tarsotendineuse, exposant à un risque majeur d’ectropion. En cas d’hypotonie, le patient devra cligner volontairement des yeux pour réappliquer la paupière contre le globe.
· 5.6. La laxité des tendons canthaux :
Tendon canthal médial : La laxité est appréciée en évaluant le déplacement du point lacrymal lors d’une traction latérale de la paupière inférieure.
Tendon canthal latéral : Elle est évaluée par une traction médiale de la paupière inférieure, permettant d’observer le déplacement de la commissure latérale. Un déplacement excédant 2 mm est considéré comme pathologique.
· 5.7.Le vecteur négatif :
Désigne un déplacement postérieur du rebord orbitaire par rapport à la paupière inférieure, se manifestant par un globe oculaire proéminent relativement au maxillaire. Cette altération involutionnelle est fréquemment observée avec l’avancée en âge.(1)(5)(6)
(A) Le Snap test
Réalisé en abaissant la paupière inférieure. La paupière doit revenir spontanément à sa position initiale en moins d'une seconde.
(B) Mesure la distance maximale à laquelle la paupière inférieure peut être éloignée du globe oculaire (par traction antérieure). Une distance inférieure à 6 mm est considérée comme normale.
La direction du regard vers le haut permet de mettre en évidence les poches graisseuses sous-orbitales inférieures .
Un globe à vecteur négatif est observé lorsque l’apex du globe oculaire est plus antérieur que la proéminence de la joue (ligne continue). Les lignes en pointillé illustrent un vecteur neutre, où l’apex du globe et la joue se situent dans le même plan vertical.
La taille de la flèche est proportionnelle au degré de vecteur négatif.
6.Le bilan préopératoire
Un examen ophtalmique est pour certains praticiens systématique : acuité visuelle, recherche d’un syndrome sec et d’une instabilité du film lacrymal, mesure de la pression intra-oculaire, test d’oculomotricité, un test de sensibilité cornéenne et un examen du fond d’œil (non dilaté). Une supplémentation des xérophtalmies par des larmes artificielles est possible. Le patient doit être averti de ce qui n’est pas corrigé par les blépharopmasties (poches malaires, cernes, rides), de la présence temporaire d’un certain degré de lagophtalmie pendant les trois ou quatre premiers jours postopératoires, des complications possibles, du type d’anesthésie. Enfin le patient doit être prévenu que la finesse de l’expression du regard n’est pleinement retrouvée qu’au bout de deux ou trois mois. En effet, lors des blépharoplasties inférieures, il peut persister pendant un certain temps une rigidité des paupières, qui diminue pendant quelques semaines l’expressivité du regard. Au terme de ce bilan, des photographies (de face, de profil et de trois quarts) seront systématiquement prises. Un consentement écrit détaillé et éclairé du patient doit être obtenu avant le jour de la chirurgie afin d’éviter toute ambiguïté ou anxiété préopératoire (1)