1.Introduction:
Introduite par Nicanor Isse en 1994, la technique de lifting endoscopique des sourcils a connu une évolution notable. Cette procédure minimalement invasive s’impose désormais comme une référence en chirurgie esthétique du tiers supérieur du visage, reflétant une tendance croissante vers des approches associant efficacité clinique et réduction de l’agression tissulaire. Son adoption généralisée s’explique par sa capacité à concilier des résultats morphologiques durables, un taux de complications réduit et une satisfaction élevée des patients, en faisant une compétence essentielle en chirurgie plastique reconstructrice et esthétique.
Cette technique repose sur l’utilisation d’une mini-caméra introduite par voie endoscopique, permettant au chirurgien de visualiser et de guider précisément ses gestes. Elle offre l’avantage de minimiser les traumatismes chirurgicaux et de réduire de manière significative les cicatrices post-opératoires. La procédure consiste à décoller les tissus du front et des tempes jusqu’aux arcades sourcilières et à la racine du nez. Les muscles responsables des rides dynamiques sont ensuite affaiblis : le muscle frontal pour les rides horizontales et les muscles intersourciliers pour les rides glabellaires. Enfin, les tissus décollés sont remis en tension pour corriger l’affaissement du front, relever les sourcils et lisser les rides latérales, de la pattes d’oie.(36)(37)
2.Les indications
Ptôse du sourcil.
Rides profondes frontales et glabellaires.
Aspect d’un front ou d’une peau temporale lourde ou redondante.
Pseudo-blépharoptose et/ou restriction du champ visuel.
Préférence du patient pour une procédure moins invasive et/ou des cicatrices moins visibles.
Patient ayant un front court (moins de 6 cm entre le sourcil et la ligne capillaire).(38)
3.Les contre-indications
Lagophtalmie.
Asymétrie de hauteur des sourcils supérieure à 3-4 mm : Cette technique soulève l'ensemble du front en un bloc, ce qui rend difficile l'application d'une tension significativement plus forte sur un côté par rapport à l'autre.
Antécédents de symptômes de sécheresse oculaire ou de blépharoplastie précédente : Augmente le risque de lagophtalmie.
Attentes irréalistes du patient.
Récession excessive de la ligne capillaire : Le lifting endoscopique des sourcils peut légèrement remonter la ligne capillaire.
Front excessivement incurvé et/ou protubérance frontale importante : Ces caractéristiques peuvent empêcher le passage des instruments endoscopiques vers la région périorbitaire.(38)
4.Préparation :
Des photographies doivent être réalisées en utilisant une série de 5 vues de la tête avec le patient en position assise et droite, sans animation faciale. Des vues rapprochées des yeux (fermés/ouverts/regard vers le haut/regard latéral) doivent également être documentées.
Points de repère anatomiques à identifier :
Le foramen supraorbitaire et le pédicule supraorbitaire
Le nerf supra trochlaire
Le point le plus haut prévu du sourcil.
Le trajet de la branche temporofrontale du nerf facial.
La veine zygomaticotemporale médiale
Les muscles (procerus, corrugator et orbicularis des paupières.)
Marquage des incisions :
Incisions frontales : Trois incisions sur la ligne capillaire frontale (1 médiane et 2 paramédianes) sont placées à 1 cm en arrière de la ligne capillaire, avec une longueur généralement inférieure à 2 cm. Les incisions paramédianes sont marquées verticalement au-dessus et légèrement médiales par rapport au point le plus haut prévu de l'arcade sourcilière.
Incisions temporales : Deux incisions parallèles et postérieures à la ligne capillaire temporale, elles mesurent généralement 3cm de longueur, alignées sur une ligne tracée depuis l’aile du nez en passant par le canthus latéral et s’étendant dans la ligne capillaire.
Le rasage n'est pas nécessaire et peut être désagréable pour le patient. L'utilisation d’élastiques pour maintenir les cheveux des deux côtés des sites d’incision est recommandée afin d'améliorer la visibilité.(36)(37)(38)(39)(40)(41)
L’image illustre les sites d'incision prévus.
5.La technique chirurgicale:
5.1.L’anesthésie:
Une infiltration d'anesthésie locale est réalisée le long des bords orbitaux supérieurs et latéraux. Lidocaïne à 1 % avec adrénaline (1:100 000)
Une solution de tumescence (Lidocaïne à 0,1 % avec adrénaline (1:100 000) diluée dans du sérum physiologique.) est injectée en sous-périoste, depuis le bord supraorbitaire jusqu'au vertex, entre les lignes temporales supérieures, puis dans les espaces temporaux superficiels bilatéraux.
Le lifting endoscopique des sourcils peut être réalisé entièrement sous anesthésie locale. Toutefois, une anesthésie générale ou une sédation intraveineuse est recommandée pour améliorer le confort du patient.
En cas de sédation intraveineuse, des blocs nerveux supplémentaires des nerfs auriculo-temporal et zygomatico-temporal peuvent réduire les douleurs per- et postopératoires.
5.2.les étapes de la procedures
Le patient est placé en position décubitus dorsal sur la table opératoire, et des moniteurs et alarmes appropriés sont utilisés en fonction de la technique anesthésique choisie.
Les protections cornéennes sont préférables à la lubrification et à l'occlusion des yeux par ruban adhésif si une anesthésie générale est utilisée.
Le visage et les cheveux sont préparés avec une solution de chlorhexidine, et le patient est drapé de manière stérile pour exposer la zone allant du vertex au menton.
5.2.1.Dissection initiale à l’aveugle :
Une lame n°15 est utilisée pour réaliser les incisions médiane et paramédianes jusqu'à l’os.
À l’aide d’un élévateur à périoste courbé, les ports médian et paramédians sont utilisés pour effectuer une dissection à l’aveugle (sans endoscope) afin de créer une poche sous-périostée d'épaisseur complète entre les lignes temporales.
La dissection progresse en direction antérieure jusqu’à un point situé à 1 à 2 cm au-dessus des bords supraorbitaires et antérolatéralement le long des bords orbitaires latéraux jusqu’au canthus latéral.
Le lambeau frontal est soulevé à l’aveugle à l’aide d’élévateur n°9 .(36)
5.2.2.Utilisation de l’endoscope :
Un endoscope à 30 degrés (introduit par le port médian) et des instruments endoscopiques (introduits par les ports paramédians) sont utilisés pour libérer complètement l’arcus marginalis, en prenant soin d’éviter les faisceaux neurovasculaires supraorbitaires.
L’endoscope permet de visualiser la libération périostée, ainsi que le nerf supra-orbitaire.
5.2.3.Élévation du périoste et modifications musculaires :
Une fois l’élévation du périoste terminée, une résection ou une ablation des muscles frontaux, corrugateurs et procerus peut être réalisée si nécessaire, notamment chez les patients présentant des rides profondes au front et à la glabelle.
Attention : une libération excessive des muscles corrugateurs peut entraîner un élargissement de la distance intersourcilière.
5.2.4.Dissection temporale :
Un élévateur courbé est introduit via le port temporal pour disséquer le plan tissulaire entre le fascia temporopariétal (fascia temporal superficiel) et le fascia temporal profond recouvrant le muscle temporal. Cette dissection est réalisée de préférence sous visualisation directe.
L’espace temporal superficiel est libéré entièrement en direction antérieure, postérieure et inférieure jusqu’à environ 1 cm au-dessus de l’arcade zygomatique, pour éviter de léser le nerf facial à son passage sur le zygoma.(36)
La dissection temporale et la libération du tendon conjoint, visualisées par l’endoscope inséré à travers une incision parasagittale.
5.2.5.Gestion de la veine zygomatico-temporale médiale :
Identifiée à environ 1 cm latéralement par rapport à la ligne de suture frontozygomatique, cette veine ne doit pas être cautérisée si possible, afin de réduire le risque de lésion du nerf facial.
En cas de lésion, une pression directe suffit généralement pour contrôler le saignement. Si une cautérisation est nécessaire, des pinces bipolaires à faible intensité (10 watts) peuvent être utilisées avec précaution, en ciblant uniquement la surface profonde et en évitant le fascia temporopariétal.
5.2.6.Connexion des cavités de dissection :
Les cavités de dissection latérale et centrale sont reliées en incisant nettement la zone d’adhérence au niveau de la ligne temporale supérieure, généralement en passant un élévateur de latéral à médial.
Le tendon conjoint est ensuite ouvert au-dessus du bord supraorbitaire et postérieurement jusqu’à ce qu’il y ait une connexion complète entre les poches de dissection latérale et centrale.
5.2.7.Fixation :
L'évaluation de la peau frontale et temporale vise à vérifier son élévation passive jusqu'à la position souhaitée. En cas de résistance persistante, le site en cause est identifié et traité, généralement en raison d'une libération insuffisante du périoste au niveau du rebord supraorbitaire ou du bord orbital latéral.
Ports temporaux :
La fixation commence généralement par les ports temporaux. Une suture permanente ou semi-permanente (par exemple, du nylon 0-0 ou du polydioxanone) est utilisée pour ancrer le fascia temporopariétale au fascia profonde du muscle temporal.
La traction suit un vecteur correspondant à une ligne tracée de l’aile du nez au canthus latéral.
Dissection temporale : des sutures 0-0 fixent le fascia temporo-pariétal au fascia temporal profond en postéro-supérieur. Fermeture avec des agrafes. (36)
Ports paramédians :
La fixation est ensuite réalisée au niveau des incisions paramédianes, souvent à l’aide de dispositifs de fixation tissulaire résorbables appelés Endotines.
Des trous sont percés dans le crâne par les incisions paramédianes pour placer ces dispositifs bilatéralement.
Le lambeau frontal du cuir chevelu est ensuite soulevé de l’os et suspendu aux dispositifs Endotine avec l’aide d’un assistant. Cette manœuvre maintient le périoste en place et détermine la hauteur et l’arc des sourcils.
En cas d’asymétrie de hauteur des sourcils le chirurgien élèvera le sourcil le plus bas plus haut que son homologue. Une fois le lambeau frontal fixé, il est recommandé d'attendre que l'affaissement des tissus mous se manifeste. la hauteur des sourcils et la tension de la peau frontale sont réévaluées avant de conclure. En cas de laxité, le périoste est détaché du dispositif Endotine, réélevé et refixé sous tension. La distance entre le point inférieur du sourcil à son arc maximal et le rebord supraorbitaire est mesurée. Une récidive verticale de 4 à 6 mm est généralement prévue, selon l'épaisseur et la redondance du front préopératoire, et la position du sourcil est ajustée en conséquence .
Séquence pour la pose de l’Endotine parasagital (36)
5.3.Techniques supplémentaires :
Des tunnels peuvent être percés dans l’os frontal pour permettre le passage de sutures afin d’ancrer le cuir chevelu en position supérieure.
Certains chirurgiens préfèrent placer des vis à l’extrémité supérieure des incisions paramédianes, puis fermer les incisions avec des agrafes qui tirent le cuir chevelu vers l’arrière. Les vis sont ensuite retirées en consultation six semaines après l’intervention.
5.4.Fermeture des incisions :
Les incisions du cuir chevelu sont fermées avec des agrafes cutanées ou des sutures. Une pommade à base de pétrolatum ou un antibiotique topique est appliqué.
Les drains ne sont généralement pas nécessaires. Un bandage léger peut être utilisé en tant que pansement compressif sur le front, en prenant soin d’éviter toute traction descendante qui pourrait réduire l’effet du lifting.
5.5.Chirurgie complémentaire :
En cas de blépharoplastie supérieure concomitante, celle-ci doit être réalisée uniquement après le lifting des sourcils. Ce dernier réduit la redondance cutanée de la paupière supérieure et diminue ainsi la quantité de peau à exciser lors de la blépharoplastie.(36)(37)(38)(39)(40)(41)
6.Les suites opératoires :
Le patient est généralement contacté le soir de l’intervention. Il n’est pas rare qu’il rapporte une gêne intense de type céphalée de tension, qui se résorbe habituellement en 24 à 48 heures.
Une ecchymose et un œdème péri-orbitaires sont attendus. Une cure de corticostéroïdes peut être prescrite si nécessaire.
Le patient est autorisé à rincer ses cheveux délicatement dès le deuxième jour postopératoire, mais il doit éviter toute traction vers l’avant ou vers le bas sur le lambeau frontal pendant une durée recommandée de 6 semaines.
L’utilisation de maquillage est permise à partir du deuxième jour, bien que l’efficacité du maquillage correcteur ne soit généralement optimale qu’entre le 5ᵉ et le 7ᵉ jour.
Les agrafes sont retirées au bout de 7 jours.
La coloration capillaire peut être réalisée après un délai d’un mois.
Les résultats sont considérés comme stabilisés entre la 6ᵉ et la 8ᵉ semaine postopératoire. Il n’est pas rare que les dispositifs Endotine restent palpables jusqu’à 5 mois après l’intervention.(36)(38)
7.Les complications
Les complications les plus fréquentes du lifting frontal endoscopique incluent la paresthésie ou dysesthésie, l'asymétrie, l'alopécie, la lagophtalmie et la nécessité d'une révision chirurgicale. La lésion motrice de la branche frontale du nerf facial, bien que redoutée, est rare et se manifeste généralement par une parésie temporaire plutôt qu'une paralysie permanente. D'autres complications possibles comprennent l'œdème, les infections, les hématomes, les troubles oculaires, les irrégularités glabellaires, le prurit, et la palpabilité des dispositifs implantés.(36)(38)