Simulation et ordre de grandeur

Travail du groupe Aurélia - Patrick et Cyril (session 2012-2013)

Brève explication du projet et son intérêt :

L’une des difficultés qui se posent aux élèves en biologie durant l’année est la question de l’échelle et des niveaux d’organisation. Dans un programme qui va de l'atome à la biosphère, il est vital de poser des repères qui permettront aux élèves de situer le sujet dans l’ordre des choses. C’est le but que se fixe le chapitre concernant les niveaux d’organisation du PER et du Plan d’étude au PO. Nous avons choisi de présenter une séquence pédagogique se basant sur une animation flash en rapport avec ce chapitre.

Thèmes généraux abordés avec ce projet :

Niveaux d’organisation, ordres de grandeur et la composition de la matière vivante.

Notions transversales avec les mathématiques, la chimie et la physique :

Constitution de la matière (l'atome, le système solaire, etc.) et les ordres de grandeur (puissances de dix, unités de mesure…).

Objectifs du Plan d’études que nous avons visé :

Appropriation des différents niveaux d’organisation de la vie aux niveaux micro- et macroscopique (atome – molécule – cellule – tissus – organe – organisme unicellulaire et/ou pluricellulaire – population – écosystème – biosphère).

La problématique :

Comment utiliser un artefact à la croisée entre la modélisation et la simulation[1], consacré aux échelles de grandeur, de manière à ce que les élèves se construisent une représentation de l'imbrication des différents niveaux d'organisation? Comment faire accéder les élèves à un niveau d'apprentissage plus élevé, dépassant la simple idée des tailles différentes pour introduire la notion d'imbrication fonctionnelle?

Trois conjectures :

(1) Les artefacts (animation+ppt) induisent la curiosité et augmentent la motivation de l'apprenant ce qui l'immerge plus facilement dans une phase d'apprentissage active.

(2a) En créant une tension entre le modèle proposé par l’artefact, qui est centré sur les ordres de grandeur, et un questionnaire poussant l’élève à effectuer des allers-retours entre l’artefact et le cyberprof (internet, Wikipédia, etc.) introduisant les notions de niveaux d’organisation ainsi que leur imbrication, une rupture s’opère dans les représentations des élèves qui sont amenés à faire évoluer leur conception de l’architecture du vivant.

(2b) En faisant travailler les élèves sur des énigmes portant sur l’idée d’imbrication, la nouvelle représentation du monde acquise par les élèves est renforcée et ils peuvent ainsi accéder à un niveau d’apprentissage plus élevé.

(3) La production des élèves renforce et permet d'évaluer l'acquisition d'une nouvelle représentation du monde en termes de niveaux d'organisation.

Proposition d'artefacts :

Trois artefacts dont deux mis à disposition des élèves en salle d'informatique:

(1) une animation sur les échelles de grandeurs (http://htwins.net/scale2/) afin de permettre aux élèves d'aborder la complexité des échelles de grandeurs.

(2) Des sites internet permettant d’accéder à différentes informations, jouant le rôle de cyberprof[2].

(3) une présentation PowerPoint (ppt) donnée par l’enseignant[3] des différents niveaux d’organisation.

Public visé :

Classes du CO 10ème option S, CO 11ème option LS, ainsi que du PO 2ème DF.

Durée :

2x45min (ou 4X45min).

Déroulement de la séquence :

(1) Une courte présentation ppt (en annexe) donnée par l’enseignant fait office d’introduction à la séquence. Cette dernière aborde les différents niveaux d’organisation de la matière, de l’atome à l’écosystème. Des consignes précises sont ensuite données aux élèves sur les objectifs à atteindre avec le temps imparti pour chacune des tâches en relation avec l’artefact.

(2) Un questionnaire (en annexe) est distribué aux élèves.

(3) Les élèves répondent au questionnaire en faisant des allers-retours entre l’artefact et des recherches sur des sites internet de référence (cyberprof).

(4) Correction du questionnaire.

(5) L’enseignant distribue alors une énigme (en annexe) par groupe de 3 ou 4 élèves, qui en prennent connaissance et démarrent une recherche afin d’y répondre, en utilisant des sites suggérés.

(6) Les élèves produisent un document de synthèse (selon un canevas donné en annexe) qui répond à leur énigme et le présentent à la classe.

(7) Evaluation sous forme de questions intégrées dans une épreuve.

Les traces des effets :

(1) Les réponses du questionnaire.

(2) Canevas rempli répondant à l’énigme.

(3) Questionnaire sur la motivation.

(4) Questions de l’épreuve.

Les limites des artefacts (liste non-exhaustive) :

  • Cette animation étant centrée uniquement sur les ordres de grandeur, elle doit être utilisée à bon escient afin de pouvoir correctement éprouver nos conjectures. En effet, elle est intéressante en ce qu’elle peut servir de base pour opérer une évolution du modèle des élèves, si tant est que l’enseignant y intègre la notion de niveau d’organisation. L’animation seule ne peut suffire.

  • L’animation n’aborde pas les niveaux d’organisation au sein même de l’espèce humaine que sont les « tissus, organes, systèmes, etc. » demandés par le PER. De plus, la notion d’écosystème n’est pas représentée clairement dans cet artefact. Les enseignants doivent pallier à cela grâce au questionnaire.

  • Un des risques d’un tel artefact est que les élèves ne l’utilisent pas comme un moyen d’apprentissage mais uniquement comme un jeu vidéo dans lequel ils se promènent sans opérer de travail cognitif. Les exercices inclus dans le questionnaire doivent pousser les élèves à s'approprier l'outil pour entrer dans une certaine forme d'apprentissage.

Résultats et analyse des exercices sur l’artefact :

Confrontés au questionnaire au début du dispositif, les élèves se sont mis à la tâche par groupe de deux. Ils ont exploré au moyen de l’artefact mis à leur disposition les différentes échelles de grandeurs de la taille du virus à la taille d’un écosystème, en passant par les bactéries, l’homme et d’autres organismes pluricellulaires. Au cours de la séquence, les élèves ont pu se tourner vers l’enseignant qui les dirigeait dans leur cheminement sans répondre directement à leurs questions personnelles. Ils ont parfois été tentés, pour trouver les définitions, de recourir au polycopié plutôt qu’à l’internet, mais dans l’ensemble, tous les élèves ont répondu aux questions soulevées de manière satisfaisante.

Résultats et analyse du questionnaire de motivation :

Les élèves ont répondu à la fin de la séquence à un questionnaire de motivation concernant les effets et les impressions ressentis suite à l’activité utilisant l’artefact sur les échelles de grandeurs. Bien que les résultats ne soient pas significatifs, mais plutôt de l’ordre de la suggestion, il est quand même possible de dégager plusieurs points pertinents. Sur une échelle de 1 (en total désaccord) à 6 (totalement d’accord), il s’avère que l’artefact a été apprécié dans son ensemble et a su attiser leur curiosité. Il est ressorti que beaucoup ont été déstabilisés par les allers retours entre l’animation et le questionnaire. Ceci soutient notre conjecture 2a et montre qu’une tension s’est mise en place dans cette activité.

Résultats et analyse des énigmes :

Les énigmes de manière générale ont suscité de l’intérêt auprès des élèves. Ils se sont appropriés rapidement leur question et ont démarré leur recherche. Cependant, nous avons observé lors de cette phase que certains élèves n’arrivaient pas à lier les informations issues de leur recherche avec leur question d’énigme. Ils avaient de la difficulté à trier les informations nécessaires à la construction de leur réponse. Certains étaient déstabilisés par le fait qu’ils ne trouvaient pas une réponse toute faite mais qu’au contraire il leur revenait de la construire.

Piste d’amélioration future : Après la lecture des énigmes, l’enseignant devrait prévoir une phase où les élèves rédigent des questions qui guideront leur recherche. Ils seront ainsi amenés à identifier les savoirs manquants nécessaires pour répondre à leur énigme.

Certaines énigmes devraient être retravaillées pour être plus précises. De plus, le travail de recherche devrait être mieux balisé de sorte que l’élève soit amené à affiner son questionnement et maîtriser l’infobésité[4] .

Les énigmes se sont révélées très inégales dans leur degré de difficulté. Certains élèves ont ainsi terminé beaucoup plus rapidement leur travail de recherche en obtenant une réponse pertinente, tandis que d’autres n’ont pas réussi à résoudre leur énigme dans le temps imparti.

Ceci nous a conduits à constater que les sites fournis pour leur recherche étaient également de niveaux de complexité différents, ce qui a rendu la tâche très difficile pour certains élèves.

Piste d’amélioration future : travailler les énigmes afin qu’elles soient de même complexité et affiner la sélection des ressources pour les rendre de complexité plus homogène.

Une observation a posteriori : Les élèves qui se sont appropriés et ont compris leur énigme semblent avoir acquis une nouvelle représentation des niveaux d’organisation. En effet, lors de l’établissement d’un glossaire des mots importants pour l’épreuve, à la demande de la définition d’un organisme, de nombreux élèves ont ainsi fait remarqué : « Mais ! Un organisme, c’est aussi un écosystème, comme l’arbre ! ». Il semble donc qu’il y ait eu une progression dans leur modèle de représentation du monde et que ce dernier y intègre les notions de niveaux d’organisation. Cependant, il nous est difficile d’évaluer l’étendue de ces changements et de savoir s’ils se sont opérés chez tous les élèves.

Piste d’amélioration future : mettre en place une activité axée sur les différents niveaux d’organisation auxquels chaque objet peut appartenir en fonction de ce à quoi il est mis en relation. Exemple : utiliser une grande carte contenant des images représentant plusieurs fois les différents niveaux d’organisation de manière différentes, puis demander aux élèves d’établir des chaînes de niveaux d’organisation de différentes couleurs (sur le principe des chaînes et réseaux alimentaires).

Résultats et analyse de l’évaluation :

Les élèves ont été testés dans une épreuve contenant trois questions ayant trait aux niveaux d’organisation. La première portait sur des définitions. Les élèves devaient définir en utilisant leurs propres mots, différents niveaux d’organisation et les illustrer d’un exemple. Le deuxième exercice consistait en un QCM posant des questions « pièges », auxquelles les élèves devaient répondre par « vrai » ou « faux » en justifiant leur choix à chaque fois. Les questions posées ici mettaient en lien un objet du quotidien et un niveau d’organisation, ou alors proposait d’inclure cet objet dans un niveau. Le troisième exercice reposait sur une image de la savane avec un tigre sur lequel un zoom de niveau en niveau était représenté, allant de l’organisme à la cellule. Les élèves devaient identifier chaque niveau et en donner un exemple.

Des trois exercices, le moins bien réussi est le premier. Il demandait un certain appris par cœur qui n’a apparemment pas été fait. Ceci est peut-être dû au fait que les définitions que les élèves avaient à leur disposition pour apprendre avaient été rédigées par eux et que l’enseignant n’a fait que les approuver ou pas. Cette manière de faire était animée par l’envie de pousser les élèves à faire confiance à leur propre formulation, à créer leur savoir. Mais l’absence de référence s’éloigne des formes scolaires habituelles et demanderait aux élèves une pratique plus courante de l’apprentissage à partir de leur savoir construit.

Le deuxième exercice a été plus convainquant. Les élèves ont pour la majorité réussi à répondre aux questions du QCM. Et l’imbrication des niveaux d’organisation organisme> système> organe> tissus> cellules semble être acquis. Cependant, on note une confusion courante entre les tissus et l’organe, notamment lorsqu’il est question de la peau.

Le troisième exercice va dans le sens du deuxième. Aidés d’images, les élèves semblent avoir été plus à l’aise et avoir réussi à identifier les différents niveaux demandés.

L’évaluation permet d’identifier un certain nombre de points qui font encore obstacle chez les élèves. Ainsi, la notion d’écosystème est encore très mal comprise, pratiquement aucun élève n’a réussi à le définir correctement, mais certains ont tout de même pu en donner un exemple (barrière de corail, forêt, etc.). Il semble avoir été difficile pour eux de comprendre la différence entre tissu et organe. Cependant, nous avons été agréablement surpris de constaté que beaucoup d’élèves avaient compris que les molécules sont faites d’atomes : de manière générale, de très bons exemples ont été utilisés pour le montrer, comme d’expliquer que l’eau est une molécule faite d’oxygène et d’hydrogène.

Analyse de la séquence utilisant un artefact :

L’artefact est un modèle proposé aux élèves, qui leur permet de naviguer dans les ordres de grandeurs et de se représenter l’univers à travers ce filtre. Notre intention était d’utiliser ce point de départ pour y inclure la notion d’organisation de la matière. L’artefact seul ne permet donc pas d’atteindre cet objectif, c’est pourquoi nous avons créé un questionnaire permettant d’interroger ce modèle et d’introduire l’idée de niveaux d’organisation. Les questions posées aux élèves les confrontent aux différents manques de l’artefact et les amènent à compléter son exploration par des recherches sur des sites de référence (Wikipédia, dictionnaires en ligne,…). Les allers-retours occasionnés entre les questions, l’artefact et ces sites internet créent une tension entre la représentation du monde selon les ordres de grandeur et celle intégrant l’idée d’organisation et d’imbrication, indépendante de la première. L’enseignant doit cependant cadrer les élèves, notamment en les aidants à faire le tri dans la multitude d’informations qui leur est proposée. Cette tension se solde par une rupture observée au fil de l’activité par l’enseignant (facilité grandissante à répondre aux questions, discussions entre élèves, questions posées à l’enseignant, etc.) et l’adoption d’un nouveau modèle.

Afin de renforcer ce nouveau modèle et d’accéder à un niveau d’apprentissage plus élevé (tels ceux défini par Bloom, à savoir l’application du nouveau modèle au monde environnant et l’analyse de ce dernier[5]), des énigmes portant sur la notion d’imbrication poussent l’élève à mobiliser ses nouvelles représentations et à se libérer du modèle proposé par l’artefact dans lequel le monde est perçu uniquement selon un ordre de taille.

Décontextualisation

Les points importants à retenir pour l’utilisation d’un artefact de simulation :

  • Un artefact étant un objet construit par l’homme, il découle forcément de la représentation du monde de son créateur au moment de sa création. Il est ainsi porteur d’un modèle que l’enseignant(e) doit identifier avant son utilisation en classe, de façon à ce qu’il soit sûr qu’il convienne aux objectifs visés. Toute utilisation aveugle porte le risque de promouvoir un modèle erroné, ou décalé de celui sur lequel l’enseignant cherche à travailler.

  • La clarification des objectifs à atteindre dans la séquence permet à l’enseignant de définir l’utilisation correcte de l’artefact. Il est également important qu’il identifie le modèle ou la représentation que l’artefact apporte pour définir le rôle qu’il aura dans la séquence. Par exemple, s’il est utilisé pour modéliser, illustrer un modèle, le mettre à l’épreuve face au réel ou mettre à l’épreuve un modèle face au modèle incarné dans l’artefact[6].

  • Un artefact n’ayant pas de pertinence immédiate dans le cadre du cours peut toutefois jouer un rôle dans l’apprentissage des élèves s’il est utilisé correctement.

  • Le questionnaire imprimé et distribué aux élèves est un objet physique traduisant de manière concrète l’avancement des élèves en les poussant à formuler et synthétiser des réponses. Il associe à l’artefact et aux sites de références le rôle d’outils d’apprentissage. Il nous semble important de garder un tel « objet » définissant l’ordinateur comme aide, et concentrant l’apprentissage sur un support tangible.

  • Il est apparu au fil des activités de recherches des élèves que le « cyberprof » est limité et l’encadrement de l’apprentissage par l’enseignant est essentiel. En effet, il instaure par ses interactions avec les élèves une progression par pallier dans la maîtrise des objectifs d’apprentissage fixés et des outils, ce que ne fait pas l’ordinateur qui reste un outil impersonnel. L’enseignant est l’adaptateur.

  • L’utilisation d’un artefact informatique est intéressante du point de vue de la motivation, car elle apporte de la diversité dans les activités scolaires. L’enseignant doit tout de même veiller à ce que l’activité dépasse l’aspect divertissant et permette un réel apprentissage.

[1] Présentation du 12 décembre 2012 par F. Lombard et A. Conti.

[2] Présentation du 3 octobre 2012 par F. Lombard.

[3] Le masculin utilisé dans ce texte est purement grammatical.

[4] Conférence introductive du colloque de didactique de la biologie 2013 par F. Lombard.

«L'investigation : comment développer des connaissances scientifiques entre guidage nécessaire et autonomie de l'élève ?».

[5] Crowe, A., Dirks, C., & Wenderoth, M. (2008). Biology in bloom: implementing Bloom's taxonomy to enhance student learning in biology. Life Sciences Education, 7(4), 368.

[6] Présentation du 12 décembre 2012 par F. Lombard et A. Conti.