Confronter des observations en TP pour saisir les détails saillants du modèle à institutionnaliser

La confrontation d'observations en TP grâce à Beekee comme moyen de permettre aux élèves de saisir les détails saillants du modèle à institutionnaliser (MàI)

Présentation PPT disponible sur : https://docs.google.com/presentation/d/1Vp8HPFjP787HFh5V_pL60dUgWAhfirP_RMdanm2d1YQ/edit?usp=sharing

Problématique

Lors d’une observation au microscope, les élèves éprouvent souvent des difficultés à confronter la réalité au modèle théorique. Ils recherchent souvent quelque chose qui ressemble au schéma standard qu'ils ont en tête ou sous les yeux, ce qui les empêche parfois de reconnaître ce qu’ils voient en "vrai" dans le microscope. Il nous semble qu'il s'agisse de la notion même de modélisation qui n'est pas claire pour eux. Lorsque nous présentons des schémas, nous n'insistons peut-être pas assez sur le fait qu'il s'agit de modèles, et qu'ils ont été élaborés sur la base de multiples observations du réel, desquelles seuls les détails saillants sont retenus.

Selon Harrison et Treagust (Harrison et Treagust 2000), un modèle est une représentation abstraite, simplifiée d’un système, qui fait ressortir et explicite ses caractéristiques principales et permet de générer des explications et des prédictions (définition synthétisée par Schwartz et al. (Schwarz et al. 2012)).

Notre projet cherche à montrer aux élèves ce qu’est un modèle, en leur faisant constater qu’un schéma pourtant assez éloigné de la réalité de leurs observations leur permet tout de même d’identifier les types cellulaires qu’ils ont sous les yeux. Ici le schéma aura retenu les détails cruciaux permettant l’identification des globules blancs, en revanche il ne permettrait pas d’expliquer, par exemple, leur mode d’action (champ d’application limité des modèles).

L'artefact que nous avons choisi pour mener à bien ce projet s'appelle Beekee. Il s'agit d'une plateforme en ligne permettant un partage de fichiers, et notamment d'images, au sein d'un groupe, et leur classement dans des catégories. L'avantage de Beekee c'est qu'il ne s'arrête pas à son espace virtuel: Beekee est également un boitier physique, la Beekee Box, conçu (ainsi que le site qui va avec) par Vincent Widmer de Tefca, qui permet de générer un réseau wifi local permettant aux élèves de se connecter via leur smartphone (ou une tablette, selon les moyens disponibles dans les écoles). Il y a plusieurs avantages à cela: premièrement les élèves peuvent tous charger leurs images et consulter celles des autres sans risquer de frais ou de dépassement d'abonnement, puisque les données transitent directement par le wifi, cela alors même que la plupart des écoles (en tout cas au secondaire I) ne sont pas équipées de réseau wifi. Et deuxièmement, les élèves alors connectés sur ce réseau wifi restreint, ne risquent pas de se faire déconcentrer par leurs multiples réseaux sociaux pendant qu'ils travaillent avec leur smartphone!

Cependant, l'artefact à lui seul ne se suffit pas, il faut un dispositif permettant de l'intégrer dans la séquence afin que les élèves puissent atteindre les objectifs d'apprentissages. Il faut un minimum de guidage durant les étapes de reconnaissance et dans les phases de discussions provoquées par le classement des photos sur l'artefact. Avec ces élément nous nous posons la question suivante : Est-ce que la confrontation issue de la mise en commun des photos sur l'artefact Beekee permet aux élèves de saisir les détails saillants du modèle à institutionnaliser (MàI) ?

Conjectures

CJ1: Si l’on permet de nombreuses observations par un partage d’images dans des catégories Beekee, on contribue à ce que les différentes formes observées de chaque type de cellule viennent étoffer les modèles mentaux des élèves

CJ2: Si la catégorisation des différentes images est validée par l’enseignant, les élèves peuvent alors associer les différentes formes observées à leur modèle-type, et construire un modèle mental conforme au MàI.

CJ3: Si l’on confronte le schéma original aux différentes photos retenues pour la catégorie, on contribue à ce que les élèves sachent expliciter les caractéristiques importantes du MàI

Figure 1 : Conjecture-map shadow passée réellement en classe / à distance

Contexte curriculaire

· 2 Classe de 2DF : 32 élèves, cours sur les tissus

· 3 Classes de 2DF : 37 élèves, cours sur les cellules sanguines

Dispositif

Afin de tester notre problématique, nous avons imaginé un dispositif comprenant l’observation et la prise d'images de cellules sanguines (ou de cellules de tissus) dans un TP puis leur classification sur Beekee et l’établissement des caractéristiques propres à chaque groupe.

Avant la mise en place de notre activité, nous avons prévu de procéder à une phase d’entraînement durant laquelle les élèves s’exercent à prendre des photos à travers le microscope (à l’aide d’un outil permettant de stabiliser l’objectif de l’appareil photo du smartphone sur l’oculaire) ainsi qu’au recadrage des images afin mettre en évidence la cellule sélectionnée (zoomée et placée au milieu du champ de vision, voire entourée à l’aide de l’outil de retouche photo présent par défaut sur les smartphones récents).

Déroulement de l’activité

Le déroulement en classe de l’activité sur les tissus

1. Distribution d’un document (Annexe 1) qui présente les différents types de tissus à l’aide de schémas ou dessins d’observation (tissus musculaire, tissus conjonctif hyalin, tissu nerveux, etc.) (Figure 2). L’enseignant-e a créé au préalable dans l’espace Beekee des sous-dossiers correspondant aux différents types de tissus.

Figure 2: Exemples de descriptions à disposition des élèves dans le document de TP utilisé pour l’identification des types de tissu.

2. Observation au microscope par les élèves de lames de 8 tissus différents non nommées.

Instructions :

- repérer un ou plusieurs exemplaires de chaque type de cellule de tissus

- faire une photographie de chaque type de cellules

- placer ses images dans les dossiers correspondant sous Beekee.

Figure3: Espace Beekee utilisé pour la leçon sur les tissus.

3. En groupe classe, l’enseignant-e projette les images partagées par les élèves catégorie par catégorie et valide ou non les cellules sélectionnées : est-ce que toutes les photos placées dans le dossier tissu musculaire sont des cellules musculaires ou des fibres musculaires ?

Figure 4 : Exemple de photo d’élève partagée sur l’espace Beekee dans la catégorie : T. Musculaire lisse.

4. Pour donner suite au visionnage des multiples images retenues de chaque catégorie, les élèves commentent la ressemblance ou la dissemblance de ces images par rapport au modèle-type et repèrent quels étaient les critères décisifs qui ont permis d’attribuer à chaque cellule ou groupe de cellules à l’une ou l’autre des catégories.

5. L’enseignant-e présente la définition de ce qu’est un modèle, et montre en quoi l’activité a bien exemplifié l’utilité des modèles en sciences en permettant l’identification des cellules de tissus à partir de schémas. Il-elle ouvre ensuite la discussion en mentionnant les limites du champ d’application de chaque type de modèle en général (ceux-ci permettaient d’identifier les tissus en question, mais n’auraient pas permis d’expliquer leur rôle).

6. Les élèves, la semaine suivante, remplissent une feuille d’exercices afin de tester leurs connaissances sur l’identification des types de tissus.

Le déroulement en classe de l’activité sur les cellules sanguines

Dans le contexte de pandémie de ce printemps 2020, l'activité a finalement été passée dans le cadre de l'école à distance, ce qui a forcément engendré quelques modifications. Nous avons essayé de reproduire le travail qui était prévu au niveau de la reconnaissance de types cellulaires dans des frottis sanguins à partir de schémas (le déroulement prévu était identique à celui décrit pour l’activité sur les tissus). En l'absence d'utilisation de microscopes, ce ne sont pas des observations pratiquées par les élèves qui seront confrontées dans l'espace Beekee mais de simples photos de frottis sanguins (récupérées sur internet car nous n'avions pas de banque d'images prévues pour ça...).

Les consignes données aux élèves sont restées inchangées : ils devaient chercher dans les images à disposition, comme ils l’auraient fait en se baladant dans leur lame à l’aide du microscope, une cellule de chacun des types présentés dans leur document (un document couleur fourni via les ressources de Beekee, et les élèves avaient également un tableau récapitulatif des différents types de cellules sanguines dans leurs documents de TP) (Annexe 2 et 3). Une fois trouvée, ils devaient « photographier » la cellule (en l’occurrence en faire une capture d’écran, puisque les photos qui leur étaient fournies étaient des vues d’ensemble contenant plusieurs cellules différentes) et placer l’image obtenue dans la bonne catégorie de l’espèce Beekee.

Dans un deuxième temps, ils devaient aller regarder les photos rangées par leurs camarades et en commenter 2 pour dire :

1) si elle était bien rangée

2) sur quels critères ils basaient leur affirmation

Enfin, nous avons discuté durant une brève rencontre sur Meet les critères qu’ils avaient retenus, et les difficultés parfois rencontrées à identifier certains types cellulaires.

Matériel

· Document de TP (Annexe 1, 2)

· Lames anonymisées ou photos de la banque de données)

· Boitier Beekee et/ou espace associé

Pour l’activité en classe :

· Salle avec projecteur

· Un smartphone par groupe d’élèves

· Beekee scope : un petit outil conçu et imprimé en 3D par Vincent Widmer, qui sert à positionner un smartphone sur un microscope afin de photographier ce que l’on y observe

Figure 5 : Beekee scope

Artefact

· Beekee : un site sécurisé où les élèves peuvent partager des images dans des dossiers, les consulter, les aimer, les commenter…

· Beekee box : un boitier mis au point par Vincent Widmer et imprimé en 3D, générant un réseau Wifi local permettant le partage d’images dans les salles de classes non-équipées de Wifi.

Figure 6 : Beekee Box

Analyse a priori du dispositif

Il y a deux points importants à analyser dans ce dispositif : L’utilisation de l’espace de partage et les discussions qui suivent l’identification des types de cellules.

L’espace Beekee : Cet artefact permet de partager en temps réel les photos prises par les élèves et de les classer dans des catégories préalablement crées par l’enseignant. Afficher ensuite les photos des élèves permet d’entrainer la discussion vers les caractéristiques qui ont permis de classer ces images dans l’une ou l’autre des catégories. En laissant les élèves s’engager dans l’activité avec un minimum de guidage (De Vecchi, 2006), donné par des documents structurants, on permet à ces derniers de s’approprier la recherche des caractéristiques.

La confrontation des photos placées dans les catégories : Les élèves vont devoir argumenter pour défendre les caractéristiques qui leur ont permis de classer leur photo dans l’une ou l’autre des catégories, en se basant sur les schémas présents sur le document. A l’issue de la discussion des photos d’une catégorie (par exemple : Tissus nerveux), les élèves vont devoir noter les caractéristiques importantes qui permettent de caractériser le type de tissu. Nous nous attendons à ce qu’ils comprennent mieux les caractéristiques retenues pour élaborer le schéma, et que ce dernier peut être différent sur certains points de la réalité. En effet, la confrontation entre les groupes permet une amélioration des productions des élèves lors de certains TP (Baillif, Boukhenoufa & Sutter, 2020).

Méthode de récolte

Nous avons récolté les photos des élèves sur l’espace, les fiches d’exercices (pour l’activité tissus) et observé les interactions entre les groupes lors des moments de discussion. Nous avons par ailleurs vérifié le classement des images dans chaque catégorie afin de déterminer si les élèves identifiaient de manière correcte les photos avant la discussion.

Résultats et synthèses

Tissus

Nous avons vérifié pour chaque type de tissu si les photos étaient placées dans la bonne ou dans une mauvaise catégorie (Figure 7). A partir de là, nous avons compté le nombre de photos afin de savoir quel type de tissu était le plus reconnaissable pour les élèves. Etant donné que les élèves n’ont pas tous eu le temps de classer l’entièreté de leurs photos, les catégories contiennent entre 3 et 12 photos. Nous avons donc converti le nombre de photos en pourcentage afin de permettre la comparaison. On constate rapidement que les élèves ont de la peine à identifier les caractéristiques des tissus épithéliaux et musculaires squelettiques. En effet, seulement 50% et 64% des élèves sont capable de les identifier. Au contraire, les tissus nerveux (92%) et osseux (87%) sont identifiés plutôt facilement par les élèves.

Figure 7 : Adéquation du classement des photos des élèves dans les différentes catégories présente sur l’espace Beekee. (le n est variable selon la catégorie car certains élèves n’ont pas classé toutes leurs photos ce qui donne des catégories avec 4 ou avec 12 photos)

Figure 8 : Photo classée dans musculaire lisse

Figure 9 : Photo bien classée

Dans la Figure 8, on peut voir une photo de « tissu musculaire squelettique » classée dans la catégorie « tissu musculaire lisse ». En effet, nous avons constaté que les élèves confondaient les types de tissus musculaires. Nous avons entendu dans les discussions « les muscles sont constitués de fibres musculaires et donc les cellules en bâtonnets sont toutes musculaires, on ne peut pas savoir s’ils sont lisses ou squelettique. ».

Ces réflexions d’élèves nous indiquent qu’ils sont focalisés sur la forme de ce qu’ils observent. Dans la Figure 9, c’est une photo de tissu osseux que les élèves considéraient comme du cartilage hyalin de par l’organisation des cellules et les « trous de lumière » présents entre-elles. Pour les élèves, le tissu osseux devrait plus ressembler à la Figure 4. Nous suggérons qu’après les discussions, les élèves ont noté les caractéristiques importantes de chacun des types de tissu mais malheureusement nous n’avons pas réussi à récupérer ces documents. Nous n’avons que les identifications des élèves de l’activité 2 : exercice 1. Ceux ci vont néanmoins nous informer de la réussite des élèves à identifier les différentes photos une semaine plus tard.

Dans la Figure 10, ci-dessous, on voit que les élèves ont sensiblement amélioré leur capacité à identifier les types de tissus.

Figure 10 : Résultats de l’identification des photos de l’activité 2 : exercice 1 (n=32 élèves)

Les élèves ont toujours de la peine à identifier le tissu épithélial. En effet, ce dernier reste assez difficile à observer et peut être « facilement confondu avec le cartilage ou le tissu musculaire lisse » (propos d’élève). En effet, sous le tissu épithélial se trouve le tissu conjonctif qui partage des caractéristiques communes avec les cartilages hyalins, ces derniers étant des tissus conjonctifs.

Au vu de ces résultats, nous suggérons que la confrontation a produit un effet positif sur les capacités des élèves à identifier les tissus. Le partage et la collaboration autour des photos semblent avoir permis aux élèves de comprendre que des photos différentes peuvent provenir du même tissu. Cependant, nous constatons que notre dispositif tel qu’il a été passé dans ces classes ne permet pas d’observer l’acquisition des caractéristiques propres à chaque tissu. Nous ne pouvons que supposer que si les élèves ont réussi à identifier les tissus, ils doivent l’avoir fait grâce à la connaissance de leurs caractéristiques.

Il serait donc intéressant d’améliorer le dispositif afin pouvoir véritablement utiliser l’EO3.

De manière purement qualitative, l’artefact a aussi produit une motivation plus élevée chez les élèves lors de son utilisation. Utiliser un espace de partage collaboratif permet de créer une dynamique plus importante lors des échanges. De cette manière, chaque production d’élève peut être discutée.

Cellules sanguines

Sur l’ensemble des 3 groupes de 2DF à qui l’activité a été proposée (37 élèves), très peu ont fait l’effort de se rendre sur Beekee pour effectuer le travail demandé… Chaque catégorie a reçu entre 9 et 13 photos (réparties dans les 3 espaces séparés correspondant aux 3 groupes habituels, ce qui fait que chaque espace ne comptait que 3-6 photos par catégorie). Encore moins d’élèves ont joué le jeu de commenter les images des autres. Par conséquent, les discussions que nous aurons sur les résultats seront d’ordre qualitatif uniquement, nous ne pourrons pas dégager de réelle tendance sur les effets que peut avoir eu notre dispositif.

Classement des images :

Nous remarquons que certaines catégories de cellules sanguines sont plus reconnaissables que d’autres pour les élèves :

Tableau 1 : Adéquation du classement des images par catégorie

Un problème survenu en raison de l’adaptation du dispositif au moyen de photos de frottis plutôt que la prise réelle d’images à travers le microscope (qui aurait également soulevé ses propres challenges évidemment), est le fait que les images n’étaient pas d’une résolution forcément formidable à la base, et que donc les captures d’écran prises dedans sont parfois si pixellisées qu’il n’est plus vraiment possible d’y reconnaître formellement une cellule, d’où certaines images classées dans « non reconnaissables » (les élèves les avaient bien placées dans une catégorie, mais nous n’avons pas pu valider avec certitude).

Figure 11 : Classement des photos de cellules sanguines sur Beekee

Commentaires des élèves

Les commentaires laissés par les élèves pour valider ou invalider le classement de certaines images montrent qu’ils ont choisi différents critères pour faire leurs choix :

- forme du noyau

- nombre des cellules

- présence et couleur des granulations

Pour les globules rouges, les élèves semblent plutôt les reconnaître par ce qui leur fait défaut (le noyau) plutôt que de décrire leur forme :

« Elles n’ont pas de caractéristiques spéciales apparentes donc c’est forcément des globules rouges »

« Ce sont bien des globules rouges car ils sont bien dépourvus de noyaux »

Ils remarquent également leur nombre :

« … car ces cellules sont présente en très grande quantité (bien plus que les autres) et leurs nombres ~5 million ne pourrait être aucune des autres cellules »

Certains remarquent qu’une cellule est mal classée mais ne parviennent pas vraiment à dire clairement pourquoi, ils ne font pas référence à des caractéristiques :

« Je pense que cette photo appartient à la catégorie des Neutrophiles (classée dans les basophiles) car cette cellule a plus de ressemblances à cette catégorie selon le document d'identification. »

Pour les monocytes, seule la forme du noyau a été retenue dans leurs commentaires (et probablement aussi comme critère de classement), aussi nous avons discuté en réunion de l’importance de regarder également la taille relative de la cellule et la présence de granulations. Beaucoup de cellules classées dans monocytes étaient en fait des neutrophiles.

Figure 12 : Monocyte argumenté par un élève

« C’est bien un monocyte car le noyau a la forme d’un coude »

« C’est bien un monocyte car sa forme de noyau est très reconnaissable, elle forme une sorte de U »

Un élève a fait un commentaire tout à fait complet dans sa validation d’un basophile :

« Je pense que cette cellule est dans la bonne catégorie car les petites tâches présente à la surface de la membrane ne sont présente que chez trois types de cellules sanguines. Vu que les tâches sont violettes ce n'est pas une Eosinophile car sinon les tâches seraient rose. Ce n'est pas non plus une Neutrophile car les tâches sont nombreuses et volumineuses, à l’inverse de celle-ci. C'est donc pour moi une Basophile. » (Figure 13).

Figure 13 : Basophile bien argumenté par un élève

Enfin, certains se confortent dans des erreurs, probablement en se focalisant sur le même mauvais critère :

(Sur une photo de neutrophile classée dans les éosinophiles) : « Je pense que cette cellule est rangée dans la bonne catégorie car on distingue bien les deux parties (du noyau) comme deux "poumons" reliés par un conduit assez fin. »

Discussions durant la réunion :

La réunion Meet n’a pas non plus été suivie par l’ensemble des élèves, et les discussions n’ont pas été très riches du fait qu’il y avait très peu d’images à discuter classées dans chaque espace. Nous en avons tout de même profité pour relever quelques points :

- les noyaux sont en effet très discriminants lorsqu’il s’agit de distinguer certains types de globules blancs, mais attention aux pièges, lorsque l’on observe une cellule au microscope, selon comment elle et ses constituants sont placés et à quelle profondeur se fait la netteté, on ne voit pas forcément les mêmes choses.

- lorsque c’est possible, il vaut mieux chercher la convergence de plusieurs critères ou déterminer lequel est le plus important ou le plus valable pour établir l’appartenance à une catégorie. (Par exemple, le taille ou les granulations sont peut-être plus valables que la forme du noyau que l’on ne voit pas forcément très bien).

Conclusion :

Cette implémentation modifiée du dispositif, menée à distance et avec une faible participation, nous a tout de même parue encourageante. En effet, les élèves qui ont été jusqu’à faire des commentaires ont eu des réflexions qui étaient tout à fait celles que l’on attendait de cette activité, à savoir qu’ils ont vraiment cherché à déterminer quelles étaient les caractéristiques saillantes des schémas (modèles) afin de les retrouver dans les photos qu’ils regardaient. Certes, ils ont fait quelques erreurs, mais l’intérêt de cette activité était avant tout d’engager ce processus de questionnement par rapport à ce qui fait qu’une observation (ou une photo) appartient ou non à une catégorie.

Et au niveau pratique, l’artefact a rempli son rôle en permettant le classement des images et leurs commentaires dans un espace partagé, entre des élèves qui étaient chacun chez eux.

Les modalités d'intégration de l'artefact (dans le dispositif d'enseignement)

L’artefact que nous avons sélectionné s’intègre dans notre dispositif d’enseignement de deux manières différentes.

Premièrement, c’est un outil de partage d’images qui permet de rendre accessible à l’enseignant-e et au groupe-classe les observations individuelles faites par les élèves. D’une activité essentiellement solitaire (une lame pour un élève), l’observation au microscope devient collaborative. Le temps d’un cours, l’élève est ainsi confronté à de multiples images pour chaque type de cellule sanguine, alors que tout seul il n’aurait pu en observer qu’un nombre restreint. Confronté à plusieurs exemplaires d’un même type cellulaire, l’élève saura tenir compte de la variabilité des formes dans son modèle mental (voir CJ1 et CJ2).

Deuxièmement, la plateforme Beekee offre la possibilité de créer des sous-dossiers pour chaque type cellulaire, où l’élève pourra « ranger » ses photos. Cette activité de classification permet de discuter des caractéristiques communes à chaque type cellulaire (qu’est-ce qui fait que cette image de cellule va dans le dossier nommé « neutrophile » ?) et d’identifier celles qui ont été retenues pour construire le modèle-type (voir CJ3). Le fait qu’elles soient accessibles à tous dans l’espace commun permet la bénéfique confrontation en groupes.

La pertinence de l'artefact au dispositif d'enseignement

Nous pensons que la partie « plateforme en ligne » de l’artefact est pertinente par rapport à notre dispositif d’enseignement, dans le sens où elle a rempli son rôle d’outil de partage et de classification d’images et nous a permis d’éprouver nos trois conjectures. Finalement, le boîtier physique (Beekee Box) n’a pas été employé pour notre projet (voir explication ci-dessous dans le paragraphe consacré aux limites de l’artefact).

Les limites de cet usage

Comme expliqué ci-dessus, nous n’avons utilisé que la plateforme Beekee et pas le boîtier physique pour notre projet. La Beekee Box permet de créer un réseau local sécurisé que les élèves vont utiliser afin de déposer leurs images dans le boîtier. Son avantage est qu’il ne nécessite pas de réseau wifi au sein de l’école (souvent absent dans beaucoup d’établissements) et n’utilise pas les données des élèves eux-mêmes. Néanmoins, nous voyons deux limitations majeures à ce système qui nous ont poussés à en abandonner l’utilisation.

La première difficulté concerne la connexion au réseau wifi Beekee Box : l’enseignant-e doit se connecter depuis son ordinateur portable personnel. En effet, il n’est pas possible de se connecter à un réseau différent de celui de l’école sur les postes maîtres présents dans les salles de cours. Amener son laptop n’est pas très compliqué en soi, mais il reste à avoir à disposition un adaptateur pour le projecteur ; sinon impossible de montrer quoique ce soit (à part sur son propre écran) et encore moins de valider la catégorisation des images avec les élèves.

Le deuxième obstacle à l’emploi de la Beekee Box concerne l’accessibilité des données collectées dans le boîtier. Une fois les images déposées, il n’est pas possible de récupérer les fichiers sur une clé USB ou un disque dur. Les photos restent bien sûr disponibles via Beekee Live. Cette limitation nous empêche de réutiliser les images prises dans un document de synthèse ou pour une évaluation formative sur le thème des cellules sanguines.

Retour sur les conjectures

CJ1 : Nous avons en effet constaté que beaucoup d'images ont été classées dans la bonne catégorie (EO1), ce qui laisse penser que les élèves ont profité de notre ED1 et ont réussi à reconnaitre dans différentes observations la forme cellulaire représentée dans leur schéma. Pour vérifier qu'ils ont en effet compris qu'un modèle (le schéma) est une généralisation de nombreuses observations ne gardant que des détails saillants, il nous faudrait un observable supplémentaire. Nous suggérons à cet effet de demander aux élèves, à l'issue du dispositif décrit, de réaliser eux-mêmes un schéma à partir d'un panel d'observations (d'un type de cellules différent que ceux étudiés durant le TP). S'ils parviennent à réaliser un schéma généralisant l'ensemble de ces observations et permettant de les y rattacher, c'est qu'ils ont en effet compris comment sont élaborés les modèles. Par ailleurs, on nous a fait remarquer lors du colloque qu'en distribuant à chaque fois deux jeux de lames pour chaque tissu à chaque groupe permettait aux élèves de déduire facilement les catégorisations restantes, en regardant simplement le nombre de lames déjà classées. C'est pourquoi, dans une perspective d'amélioration, nous proposons de mettre des jeux de lames différents pour chaque groupes (par exemple, pour le groupe 1 : 4 tissus épithéliaux, 2 musculaires lisses et 3 tissus sanguins et pour le groupe 2 : 2 tissus musculaires lisses, 2 tissus conjonctifs hyalins, 3 tissus osseux et 1 tissu nerveux). Cela éviterait que les élèves procèdent par élimination et les obligerait à faire un travail d'identification et de classement tout au long de l'activité.

CJ2 : Lors des discussions en classe/Meet, certaines images assez éloignées du modèle-type ont en effet été validées dans une catégorie, ce qui en soi devrait suffire à démontrer aux élèves que même des observations assez différentes peuvent être des représentantes de la même structure. Pour nous assurer que cela est bien compris, nous aurions pu leur demander lors d'un exercice complémentaire de classer de nouvelles images, choisies par nos soins pour être assez éloignées du modèle-type, dans la bonne catégorie (EO2bis dans une version n+1).

CJ3 : Les quelques commentaires qui ont été faits pour valider ou invalider le classement des images de cellules sanguines étaient intéressants et montraient que les élèves se posaient de bonnes questions et cherchaient à identifier des critères importants. Après le travail sur les tissus et la confrontation, les élèves ont montré qu'ils parvenaient mieux à identifier les tissus observés, ce qui nous indique qu'ils ont été capables de retenir les critères fondamentaux de chaque type cellulaire.

Des réflexions sur les modifications du système didactique qu'induit l'intégration MiTIC

Du triangle d’Houssaye, représentation classique de la situation pédagogique à trois pôles (le savoir, l’enseignant-e et l’apprenant-e) (Houssaye, 1988), l’intégration des MiTIC en classe fait apparaître un quatrième sommet : le dispositif-cyber-prof (DCP) (Lombard, 2003). Ainsi ce tétraèdre d’intégration (Lombard, 2003) sert d’outil d’analyse pour un dispositif d’enseignement qui utilise un artefact technologique, comme c’est le cas de notre séquence autour de la construction de modèles en biologie.

Dès lors que le DCP est introduit dans une séquence didactique, se pose alors la question du rôle de l’enseignant-e dans l’interaction entre l’élève et l’artefact technologique. La crainte de prendre la place du mort (Houssaye, 1988), pousse certains professionnels de l’éducation à rejeter en bloc les apports des MiTIC pour l’apprentissage en classe. D’autres y voient un réel danger pour le développement cognitif de nos enfants (Desmurget, 2019).

Pourtant, il nous semble difficile, au vu du contexte politique, économique et sociétal, de chercher à bannir le numérique à l’école. Nos dirigeants affichent la volonté de faire « entrer l’école dans l’âge du numérique » et nos élèves sont plongés dedans toute la journée (réseaux sociaux, vidéos en ligne, …). Par conséquent, en tant que futurs enseignants, notre rôle est de réfléchir à une utilisation intelligente des MiTIC, qui vienne soutenir l’apprentissage en classe tout en conservant la place du maître dans la situation pédagogique (guidage et institutionnalisation) et en donnant une part de responsabilité à l’élève dans la construction des savoirs. Finalement, l’artefact doit être un moyen pour atteindre les objectifs d’apprentissage et non un but en soi.

Bibliographie

Desmurget, M. (2019). La fabrique du crétin digital. Les dangers des écrans pour nos enfants. Paris : Editions du Seuil.

De Vecchi, G. (2006). Enseigner l'expérimental en classe : pour une véritable éducation scientifique. Paris: Hachette éducation.

Harrison, A.G., & Treagust, D.F. (2000). A typology of school science models. International Journal of Science Education, 22(9), 1011–1026.

Houssaye, J. (1988). Le triangle pédagogique. Paris: Peter Lang.

Lombard, F. (2003). Chapitre 8. Du triangle de Houssaye au tétraèdre des TIC : comprendre les interactions entre les savoirs d'expérience et ceux de recherche. In B. Charlier & D. Peraya, Transformations des regards sur la recherche en Technologie de l’Education. Université de Genève. TECFA.

Quillin, K., & Thomas, S. (2015). Drawing-to-Learn: A Framework for Using Drawings to Promote Model-Based Reasoning in Biology. Cell Biology Education, 14(1), es2‑es2. http://doi.org/10.1187/cbe.14-08-0128

Schwarz, C. V., Reiser, B. J., Acher, A., Kenyon, L., & Fortus, D. (2012). MoDeLS: Challenges in defining a learning progression for scientific modeling. In A. C. Alonzo & A. W. Gotwals (Eds.), Learning progressions in science: Current challenges and future directions (pp. 101–137). Rotterdam, The Netherlands: Sense

ANNEXE 1 disponible ICI

ANNEXE 2 disponible ICI

ANNEXE 3 disponible ICI