Produire une synthèse en groupe avec Powerpoint

I. Les objectifs

    • Pour la biologie (1 classe 2ème OS): présenter à l'ensemble de la classe, par le biais de PowerPoint, un article sur la physiologie humaine (les objectifs d'apprentissage sont différents pour chaque article).

    • Pour la chimie (1 classe 1ère OS): présenter à l'ensemble de la classe, par le biais de PowerPoint, une molécule organique choisie dans une liste et évoquer dans cette présentation les points suivants : propriétés chimiques et physiques, structure, toxicité, particularités (utilité dans la vie courante, relation avec l'environnement, ...) et relation avec le cours.

    • Compétences

      • extraire l’information pertinente d’une source : reformuler, organiser, sélectionner l’information

      • organiser les informations sur un support en vue d’une présentation orale

II. La problématique

    • Comment optimiser l'acquisition de compétences (dont l'infolittéracie) et de connaissances (chimie ou biologie) par l'élaboration - dans un artefact "structuré" par l'enseignant - d'une présentation par l'élève à la classe ?

    • Il s’agit de déterminer dans quelle mesure l’utilisation d’un artefact préalablement choisi par l’enseignant permet à l’élève de mettre en place dans une structure ordonnée diverses informations qu’il aura au préalable sélectionnées, triées et reformulées. Ceci lui permettrait de structurer sa pensée afin d’optimiser l’acquisition des connaissances et de modèles mentaux. L’artefact choisi est un PowerPoint dont la structure au niveau de la forme a été imposée aux élèves. Pour ce qui concerne les objectifs d’apprentissage, pour la chimie, il a été demandé de structurer la présentation de molécules organiques (proposées par l’enseignant) selon cinq thèmes spécifiques (présentation de la structure, propriétés chimiques, propriétés physiques, toxicité et particularités). Pour la biologie, il a été choisi des articles de vulgarisation scientifique. Pour le choix des articles, une attention particulière a été portée sur l’homogénéité des articles ceci par souci d'équité (niveau de difficulté, type de rédaction et longueur -7 à 11 pages- similaires, domaine de la biologie médicale, alignement avec le programme de biologie). Les articles ont été tirés de Science et Vie, Pour la Science et La Recherche (il n'a pas été possible de se cantonner à une seule revue dans la mesure où le nombre d'articles n'était pas suffisant). Pour les objectifs d’apprentissage, pour chaque article il a été relevé les éléments les plus importants, l’évaluation a été réalisée sur ceux-ci (voir méthodologie).

III. Trois conjectures

    • Écrire, synthétiser des informations dans une structure prédéfinie permettrait à l'élève de structurer sa présentation.

    • Produire un document grâce à un artefact MITIC (PowerPoint) dans un dispositif structuré, à partir d'articles ou de sources internet, favoriserait la capacité à formuler des explications étayées.

    • Transmettre des explications à autrui permettrait de mieux les acquérir.

IV. Proposition d'artefact

    • Utilisation de l'artefact PowerPoint et de ses affordances -se plier à une structure prédéfinie qui aide l'élève à organiser sa pensée- afin de présenter un sujet aux autres élèves.

V. Modalités d'observation de ses effets (récolte des traces)

    • Analyse de la complexité épistémique par un dispositif d'évaluation à quatre niveaux (description = niveau 1; description étayée = niveau 2; explication = niveau 3; explication étayée = niveau 4). Une fois, lors du rendu du travail intermédiaire et une fois lors de la présentation finale.

      • Il est demandé aux élèves de rendre la présentation PowerPoint intermédiaire et finale imprimée avec des descriptions et explications de chaque diapositive.

    • Brève évaluation écrite après l'ensemble des présentations pour chaque sujet pour tous les élèves et comparaison du résultat du conférencier versus les auditeurs (spécifique au cours de chimie).

    • Pour chaque groupe une fiche a été remplie à partir de la présentation PowerPoint et des annotations écrites faites par les élèves sur le tirage papier de cette présentation. Il est important de relever qu'il a été aussi tenu compte de la présentation orale des élèves pour évaluer la complexité épistémique. Ci-dessous, les fiches utilisées pour la chimie et la biologie qui sont légèrement différentes.

    • Concernant la complexité épistémique, les textes n'ont pas été découpés en unités de sens comme dans Lombard et Zhang et al. (Lombard 2012, Zhang et al. 2007). Nous avons utilisé la méthode initialement proposée par Hakkarainen (2003), ceci en utilisant les quatre niveaux comme proposé par Zhang et al. (Hakkarainen propose 5 niveaux).

    • Au vu de l'utilisation pour la première fois de ce codage, l 'évaluation a été faite par deux personnes pour la chimie. Cela n'a pas été possible pour la biologie, car une seule personne a assisté aux oraux des présentations, de plus ceci nécessite passablement de temps. Pour la chimie afin d'évaluer le niveau d'accord entre les deux évaluateurs, le coefficient kappa de Cohen a été calculé de même qu'un simple pourcentage de différence entre les valeurs moyennes de la complexité épistémique attribuées par chaque évaluateur.

    • Pour la biologie, pour chaque article il a été relevé les "blocs de connaissances" ("knowledge idea", Hakkarainen, 2003). Chacun a été ensuite évalué en fonction de son niveau d'élaboration selon les quatre catégories. Il a également été estimé en fonction du contenu de l'article le niveau qui pouvait être atteint par les élèves (voir exemple ci-après).

    • Exemple d'une fiche complétée pour la biologie

VI. Grandes lignes du déroulement prévu

    • Dans deux classes (chacune d'environ 15 élèves), deux disciplines différentes (biologie et chimie), par groupe de 2 (donc 7 groupes par classe), présentation de sujets choisis en relation avec le programme et les élèves choisissent parmi ces propositions (il y a plus de propositions que de groupes d'élèves).

    • Pour la chimie, la liste de molécules organiques proposées est mentionnée dans le tableau de gauche et pour la biologie la liste des articles proposés se trouve dans le tableau de droite :

      • Déroulement

        • Un cours d'introduction (45 min): explications par l'enseignant; formation des groupes; choix des sujets

        • Un cours de rendu intermédiaire (2 x 45 min)

          • Contraintes imposées pour la présentation: 3 diapositives (les deux élèves doivent intervenir dans la présentation): 1 diapo avec la description sommaire du sujet, 1 diapo avec le plan de la présentation finale et 1 diapo avec les trois (2 à 4) points principaux explicités en une ou deux phrases chacun

          • Durée de la présentation environ 4 minutes

          • Contraintes: pas de texte continu, citer ses sources, soigner l'esthétique, pas d'effets d'animation inutiles, taille des caractères minimum 16, maximum deux couleurs pour le texte, illustrations pertinentes.

          • Questions-réponses de la part des élèves et de l'enseignant

        • Deux cours de présentation (finale) (2 x 45 min)

          • Contraintes imposées pour la présentation: 8 diapositives (la moitié pour chaque participant du groupe)

          • Durée de la présentation 8 -10 minutes

          • Contraintes: pas de texte continu, citer ses sources, soigner l'esthétique, pas d'effets d'animation inutiles, taille des caractères minimum 16, maximum deux couleurs pour le texte, illustrations pertinentes.

          • La première diapositive: titre et descriptif synthétique

          • La dernière diapositive doit contenir 2 questions auxquelles les élèves-auditeurs doivent répondre

      • Productions attendues

        • Voir ci-dessus: rendu intermédiaire et présentation finale

        • Évaluation (en chimie uniquement)

VII. Discussion concernant l’artefact et les traces relevées

    • Pertinence des traces relevées des effets de l’usage de l’artefact lors de la passation.

      • Nous attendions que les élèves suivent les consignes concernant la forme imposée de la structure dans l’artefact MiTIC (PowerPoint). Il a été évalué dans l’ensemble des présentations le suivi de ces consignes. Dans pratiquement dans tous les cas, à quelques rares exceptions sur un point ou un autre, les élèves ont suivis ces consignes. Est-ce que le suivi de ces consignes a permis aux élèves de structurer leur présentation ? Est-ce que les thèmes imposés en chimie permettent également cela ? Les élèves ont suivis ces consignes. Le respect de ces consignes et des thèmes imposés sont des conditions que nous estimons nécessaires pour que la présentation soit structurée. Est-ce que cela a permis une meilleure acquisition des connaissances? Ce sont des conditions nécessaires, mais non suffisantes. Est-ce que les traces relevées permettent d’infirmer ou confirmer cela ? Dans ce cas, il a été nécessaire de récolter les traces relatives à la complexité épistémique afin d’argumenter sur ce point (voir résultats). Il a également été relevé une trace qui consiste en une évaluation écrite relative aux connaissances acquises au cours des présentations (en chimie), afin de confirmer ou infirmer la troisième conjecture : « transmettre des explications à autrui permettrait de mieux les acquérir » (voir résultats). Par ailleurs, et ce point n’est de loin pas négligeable, l’artefact est utilisé ici dans une séquence d'enseignement où la collaboration entre élèves et le fait qu’ils fassent une présentation devant la classe pourrait suffire à confirmer les conjectures. En fait, l’artefact est-il nécessaire ?

    • Pertinence de l'artefact au dispositif d'enseignement

      • Ce qui semble « simplement » évident, c’est que l’utilisation de l’artefact PowerPoint, nous permet d’imposer une structure à laquelle les élèves se plient de façon uniforme et conforme. Un autre artefact aurait-il fait l’affaire ? Ou aurait-il été plus difficile d’exiger cela des élèves sans PowerPoint ? Par exemple, avec les mêmes consignes, mais simplement avec des acétates au rétroprojecteur ou des explications au tableau ? Cela aurait été sans doute plus difficile pour les élèves et aussi moins abordable pour eux. Par ailleurs, cela permet aux élèves de se familiariser avec cet outil qui est largement utilisé : ils gagnent en compétence. Nous supposons que lors d’une prochaine présentation sans artefact et sans consignes, l’élève serait plus apte à la tâche. Un autre aspect de l’artefact PowerPoint c’est qu’il n’est ni une animation, ni une simulation, ni un jeu. Cet artefact permet une construction que les élèves réalisent et partagent lors de la présentation afin de transmettre des connaissances. Autre affordance, cet artefact permet de produire un document.

      • Limites de cet usage

    • Une limite qui nous semble importante, c’est que l’artefact PowerPoint ne permet pas une rédaction sous forme de texte continu, mais uniquement sous la forme de phrases courtes qui ne permettent pas à la seule lecture de celles-ci d’estimer le niveau de connaissances acquises. C'est la raison pour laquelle, afin d’estimer la complexité épistémique, nous avons demandé aux élèves d’accompagner chaque diapositive d’un texte explicatif. C'est ce texte explicatif combiné à la présentation orale en classe des différents aspects de l'article ou de la molécule qui ont été évalués, afin de mesurer la complexité épistémique.

VIII. Résultats

En chimie

    • Les données récoltées après remplissage des fiches d'évaluations (cf ci-dessus) ont été rassemblées dans le tableau ci-dessous afin de mettre en évidence la répartition des niveaux de complexité épistémique attribués à chaque thème.

    • De manière générale, on observe que la majorité des groupes a atteint le niveau de complexité "description" et que dans très peu de cas, le niveau "explication étayée" a été atteint. Le thème "particularités" obtient le meilleur résultat en terme de complexité épistémique ceci étant sûrement dû à l'intérêt porté par les élèves sur cet item, d'ailleurs la plupart des questions proposées par les intervenants auprès de la classe à l'issue de la présentation portaient sur les particularités de la molécule exposée. Il convient de rajouter que la distinction entre les différents niveaux de complexité épistémique n'a pas été exposée aux élèves

    • Dans un deuxième temps, nous avons évalué la complexité épistémique globale de chaque présentation. Pour ce faire, deux évaluateurs ayant relevé le niveau de chaque thème ont effectué une moyenne globale dont les résultats sont présentés dans le tableau ci-dessous.

      • La moyenne générale de complexité épistémique obtenue par la classe est de 1.79. Cette valeur nous permet de nous situer par rapport aux données de complexité épistémique obtenues lors d’une investigation pour un groupe d'élèves (Lombard, 2012). Dans cette thèse, les élèves ont obtenus une moyenne de 2.27 lors de la première évaluation, puis cette moyenne a évolué les mois suivants avec l’utilisation du dispositif (wiki).

        • Il faut noter que les élèves de notre classe sont de niveau 1ère année et qu’ils n’ont pas l’habitude de produire des travaux avec des explications étayées. De plus, une explication détaillée (avec présentation d’un exemple) des critères d’évaluation aurait probablement permit d’obtenir un meilleur résultat. Effectivement, les élèves n’avaient pas connaissance de la gradation en 4 niveaux de complexité épistémique.

    • Enfin, nous nous sommes assurés de la corrélation entre les deux évaluateurs. Nous avons pour cela utilisé deux techniques différentes.

      • La première consiste simplement à calculer le pourcentage de différence lié uniquement aux moyennes attribuées. Nous observons alors une corrélation acceptable en général (rarement supérieure à 25%).

    • La seconde consiste à calculer le kappa de Cohen (Santos, 2015) qui prend en considération les critères évalués indépendamment les uns des autres et mesure le niveau de concordance entre les deux évaluateurs. Nous observons que ce niveau de concordance est en général acceptable dans plus de la moitié des cas. Il ne faut toutefois pas négliger qu'il nous soit arrivé d'être en désaccord pour l'évaluation de l'un des groupes. Ceci est dû au fait qu'il est sans doute nécessaire d'avoir passablement de pratique afin d'évaluer selon les quatre niveaux.

    • Cette deuxième méthode de calcul de la corrélation entre évaluateurs nous paraît plus cohérente car elle tient compte de chaque critère indépendamment.

    • Un dernier point nous intéressant était de savoir si la troisième conjecture était vérifiée. Les élèves ont donc passé une évaluation dont les questions portaient sur l'ensemble des présentations. Nous souhaitions savoir si les élèves répondaient mieux aux questions portant sur leur propre présentation. Le résultat est sans appel: le taux de réussite aux questions portant sur leur propre présentation est de 94% alors qu'il n'est que de 66% pour les questions portant sur les présentations d'autrui. Nous en concluons que la troisième conjecture semble se vérifier.

En biologie

    • Le tableau ci-dessous présente le respect des contraintes qui ont été fixées pour la présentation ("x" signifie que la contrainte a été respectée; "(x)" signifie qu'elle a été partiellement respectée; s'il n'y a pas d'indication, la contrainte n'a pas été respectée). Nous pouvons remarquer que l'ensemble des contraintes ont été pratiquement respectées dans tous les cas, sauf pour la mention des sources (ligne jaune). Dans ce cas, seul 2 groupes sur 7 ont suivi cette consigne, 2 sur 7 partiellement et 3 sur 7 ne l'ont pas suivie. La première conjecture est ainsi vérifiée. Pour la mention des sources, les élèves n'ont pas l'habitude de cette pratique -c'était sans doute la première fois-, raison pour laquelle ce critère n'a été suivi que par 2 groupes sur 7.

    • Le graphique (ci-dessous à droite) présente la répartition des différents niveaux de complexité épistémique qui ont été répertoriés dans l'ensemble des présentations. Grossièrement, un tiers pour chacun des niveaux: "description" (28%), "description étayée" (35%) et "explication". (28%). Il n'y a que 2% d'explications étayées. "Rien" signifie qu'il était attendu une production sur un des aspects de l'article, mais que les élèves du groupe n'ont pas développé cet aspect (p.ex. sur la modification de l'expression génétique au niveau du muscle dans l'article sur les bienfaits du sport pour la santé). Cette synthèse permet de répondre à la deuxième conjecture "Produire un document grâce à un artefact MITIC (PowerPoint) dans un dispositif structuré, à partir d'articles ou de sources internet, favoriserait la capacité à formuler des explications étayées". Cette conjecture n'est pas vérifiée. Cette répartition conduit au calcul de la complexité épistémique moyenne (des groupes) de 1.91 (tableau ci-dessous, 2ème colonne).

    • Quelle est la signification de cet état de fait, de cette complexité épistémique "plutôt faible"? (voir le point "IX. Retour sur les conjectures")

      • Pour chacun des articles qui ont été lus par les élèves, il a été fixé pour chaque thème important de l'article un niveau de complexité épistémique attendu (voir exemple d'une fiche complété pour la biologie, point V ci-dessus). Ce niveau de complexité épistémique attendu a été déterminé en fonction de ce qui était rédigé dans l'article et des connaissances des élèves en lien avec les objectifs d'apprentissage de la première année de biologie et des premiers mois de 2ème année. C'est une appréciation en partie subjective de l'enseignant. En quelque sorte, ces complexités épistémiques attendues pour chaque thème de chaque article sont les objectifs d'apprentissage qui auraient dû être fixés avant les présentations. Or ceci n'a pas été réalisé. De plus, il aurait été nécessaire d'aligner ces objectifs d'apprentissage avec le programme de biologie, ceci n'ont plus n'a pas été fait de façon précise. Pour tempérer ce dernier point, les articles ont été sélectionnés en tenant compte de plusieurs critères (voir point II ci-dessus), dont l'alignement avec le programme, donc en tenant compte indirectement des objectifs d'apprentissage. Ce travail réalisé à postériori permettra d'éliminer certains articles lors d'une prochaine passation (voir point X ci-dessous).

      • Remarquons que (voir tableau ci-dessous):

        • selon l'article lu par chaque groupe, le niveau de complexité épistémique attendu varie entre 2.5 et 3.5;

        • qu'un groupe ayant atteint une complexité épistémique moyenne de 2.14 (groupe 1) arrive à 75% de l'objectif, alors qu'un autre groupe qui obtient une complexité épistémique supérieure (groupe 2 à 2.33) n'atteint "que" le 67% de l'objectif.

IX. Retour sur les conjectures

1. Écrire, synthétiser des informations dans une structure prédéfinie permettrait à l'élève de structurer sa présentation.

Dans pratiquement tous les cas, les élèves ont suivis strictement les consignes. Nous ne pensions pas que les élèves allaient autant les suivre. La présentation intermédiaire leur a sans doute permis de satisfaire l'ensemble des exigences dans la présentation finale. Par ailleurs, cela nous indique qu'il est possible de fixer plus d'exigences, au-delà de la forme, afin d'étoffer les exigences d'apprentissage (par exemple par l'utilisation de liens hypertextes ou en demandant aux conférenciers de réaliser un test écrit à destination de leurs camarades).

2. Produire un document grâce à un artefact MITIC (PowerPoint) dans un dispositif structuré, à partir d'articles ou de sources internet, favoriserait la capacité à formuler des explications étayées.

La mesure de la complexité épistémique indique que pour la biologie la moyenne est de 1.91 et que pour la chimie 1.79. Est-ce que cette mesure répond à cette conjecture? Cette mesure nous indique que nous sommes en moyenne à un niveau de complexité épistémique situé au niveau de "description étayée" et similaire entre la biologie et la chimie. Nous sommes ainsi "loin" du niveau "explication étayée" donc nous pourrions répondre par la négative à cette conjecture. Quelle est la signification de cet état de fait, de cette complexité épistémique "plutôt faible"? La réponse n'est pas triviale, ceci pour plusieurs raisons.

  • Premièrement, nous ne disposons pas d'une comparaison possible, par exemple avec le même dispositif et une évaluation similaire dont la passation aurait eu lieu auparavant avec le même groupe d'élèves ou avec une autre volée d'élèves.

  • Deuxièmement, il est fort difficile de comparer cette répartition avec une répartition de la littérature. Tout au plus, nous avons relevé l'augmentation des valeurs moyennes suivantes de complexité épistémique -2.27, 2.56 et 2.66- dans un dispositif mis en place au sein d'une classe (Lombard, 2012, figure 35, p. 265). Dans ce cas, c'est bien plus l'augmentation du nombre "d'unités de sens" qui est pertinent. Par ailleurs, le codage des réponses n'est pas le même puisque nous avons utilisé pour les articles de biologie et pour les molécules en chimie la méthode initialement proposée par Hakkarainen (2003) et non un codage en "unité de sens".

  • Troisièmement, nous avons effectué ce "codage" pour la première fois et de façon unique dans le cas de la biologie (il n'y avait qu'un évaluateur). Et pour la chimie, les deux évaluations faites montrent que la dispersion des évaluations est importante (voir Cohen de Kappa pour la chimie), ce qui relativise la pertinence d'une telle mesure. Il faudrait éventuellement trois évaluateurs!

  • Quatrièmement, les limites entre les différentes catégories de complexité épistémiques ne sont pas strictement définies, elles dépendent de l'appréciation de l'évaluateur.

  • Cinquièmement, le niveau de complexité épistémique attendu dépend des objectifs d'apprentissage fixés. Il se pourrait qu'un niveau de complexité épistémique de 3 soit atteint et que celui-ci soit en phase avec les objectifs d'apprentissage attendus.

Cette dernière remarque, nous a conduit lors de la passation en biologie, d'estimer un niveau de complexité épistémique attendu pour chaque bloc de connaissances, ceci pour chaque article. Pour la chimie, les thèmes étaient les mêmes pour chaque groupe. Le niveau de complexité attendu pour chaque thème pouvait atteindre le niveau 4. Il aurait fallu expliciter aux élèves les objectifs à atteindre pour chaque thème, ceci avec des exemples précis afin que les élèves puissent saisir la signification de ces niveaux. De même, donner des exemples aux élèves pour la biologie en citant des exemples tirés d'un article aurait été pertinent pour le travail des élèves.

Pour ces présentations, nous supposons que le fait d'avoir complété les diapositives à l'aide d'un texte rédigé a été bénéfique pour les élèves. Ainsi la question qui peut être posée est la suivante, entre la rédaction de ces textes et la présentation orale, quelle est celui des deux processus qui a apporté le plus aux élèves? A notre avis, ces deux processus sont complémentaires et nécessaires afin de favoriser l'acquisition des connaissances. Ce n'est pas uniquement l'utilisation de l'artefact MITIC dans un dispositif structuré qui favorise cette acquisition.

Ces réflexions nous conduisent à formuler trois nouvelles conjectures: présenter aux élèves le système d'évaluation systémique permet d'augmenter le niveau cette complexité épistémique; combiner les sources internet et la lecture d'un article permet d'augmenter le niveau de complexité épistémique: encadrer la rédaction du texte complémentaire pour chaque diapositive permet d'augmenter le niveau de complexité épistémique.

3. Transmettre des explications à autrui permettrait de mieux les acquérir.

Le taux de réussite aux questions portant sur leur propre présentation est de 94% alors que pour les questions sur une présentation d’autrui est de 66% (chimie). Nous en concluons que la troisième conjecture semble se vérifier.

X. Améliorations proposées

      • Est-ce que l’utilisation d’un autre artefact permettrait d’augmenter le niveau de complexité épistémique ? Non, car l’artefact est juste l’outil.

      • Comment pourrions-nous changer le dispositif pour le rendre plus efficace, c’est-à-dire atteindre des niveaux de complexité épistémique plus élevés ? En définissant des objectifs plus clairs quant au fond de la présentation plutôt qu’à la forme. En décrivant le système d’évaluation utilisé. En donnant un exemple d’évaluation grâce à ce système.

      • Aurait-il été préférable de faire une présentation détaillée des 4 niveaux de complexité épistémique aux élèves? Oui, cela aurait été pertinent afin qu'ils se rendent compte à l'aide d'un exemple de ce qui était attendu en terme d'objectifs à atteindre.

      • Comment pourrions-nous améliorer l'adéquation des articles ou molécules choisies, avec les objectifs d’apprentissage? Pour la biologie, certains articles étaient en marge du programme (p.ex. "Guérir par la pensée"), ils ne seront plus proposés.

      • Pour une prochaine passation en biologie, le nombre d'articles sera réduit. Deux groupes présenteront le même article (il y aura ensuite deux présentations). Ces deux groupes proposeront ensuite une version unique d'un document écrit (diapositives et textes) qui sera donné aux autres élèves et qui sera utilisé comme support d'apprentissage pour une évaluation. Au sein d'une classe de 15 élèves, il y aura ainsi trois (ou quatre) documents.

XI. Sondage

    • Il nous semblait important de proposer un sondage auprès des élèves afin d'avoir un retour anonyme sur l'activité que nous proposions. Ceci dans un but auto-évaluatif d'une part mais aussi dans le dessein d'une optimisation pour les prochaines années sachant que nous prévoyons de réitérer cette activité.

    • Ce sondage en ligne (SurveyMonkey) a été réalisé, en posant 7 questions, qui nous semblaient pertinentes, aux élèves (listes ci-dessous).

    • Tous les résultats du sondage ont été relevés mais nous ne développerons ici que les réponses qui nous semblent intéressantes.

    • La première question porte sur le niveau de difficulté de la molécule ou de l'article à analyser. De manière générale, nous observons que les élèves estiment que le niveau de difficulté des articles et des molécules est moyen. En réalité, il faut admettre que cette question est plus pertinente pour les articles proposés en biologie. En effet, une molécule ne présente pas en tant que telle un niveau de difficulté, c'est plutôt les informations disponibles qui peuvent être source de difficulté ou non. Les molécules ont été choisies de telle sorte qu'un maximum d'informations soient facilement disponibles (ex. Wikipedia) et donc relativement accessibles pour des élèves de secondaire 2.

    • Pour ce qui est de la question n°3, nous sommes satisfaits d'observer que globalement, les élèves estiment intéressants les articles et molécules présentés. Une fois de plus, nous avons choisi de proposer des articles et des molécules pour lesquelles suffisamment d'informations intéressantes étaient disponibles. Malgré tout, nous aurions pu nous attendre à un manque d'intérêt des élèves ce qui n'est apparemment pas le cas ici.

    • Le point n°5 nous semble intéressant. Pour rappel, il était demandé aux élèves de préparer une présentation intermédiaire environ deux semaines avant la présentation finale, nous permettant ainsi d'évaluer l'avancement de leurs travaux et, au besoin, corriger le tir. Il faut avouer qu'au premier abord, nous trouvions que cette présentation intermédiaire était chronophage tant pour les élèves que pour nous mais il faut admettre que cette présentation prend tout son sens dans la mesure où les élèves peuvent faire un bilan de leur avancement (nous nous assurons ainsi qu'ils ne préparent pas leur présentation finale à la dernière minute et de manière négligée) et aussi une comparaison dans la mesure où ils peuvent voir le travail de leurs collègues et se faire une idée des diverses améliorations envisageables pour leur propre présentation.

    • Le point n°6 nous a tout à la fois fait plaisir et rassurés. De manière globale, l'activité semble avoir plu aux élèves qui seraient partant pour la grande majorité à réitérer ce travail de présentation. Il faut dire qu'il est fort probable qu'une activité qui casse un peu la routine des cours habituels a de fortes chances de plaire aux élèves. De même l'investissement des élèves semblait proportionnel aux notes qu'ils ont obtenues, ainsi les groupes ayant fait l'effort de suivre les consignes données et de préparer une présentation adéquate ont été récompensés.

XII. Retours suite au colloque

    • Il a été mentionné lors du colloque que la nouveauté a déjà un effet sur l’implication et la motivation des élèves (Cohen d de 0.4). Peut-on arriver à un Cohen d plus élevé pour que cela soit vraiment intéressant? Lors du cours de didactique des sciences (automne 2014, cours de M. Müller et M. Strasser), il a été présenté que l'activité "learning by doing" obtient en moyenne un Cohen d de 0.57. Nous pouvons estimer que l'activité que nous avons proposée est du type "learning by doing" et qu'ainsi -en principe- elle devrait avoir un Cohen d supérieur à 0.4. Par ailleurs, bien que ce type de présentation n'a pas été organisée auparavant dans le cadre du cours de chimie et de biologie, il est probable que certains élèves l'aient déjà expérimenté dans une autre branche.

    • Il a été mentionné lors du colloque que les objectifs d’infolitéracie ne sont pas ceux de la mesure de la complexité épistémique. Effectivement, la complexité épistémique montre ce que les élèves ont produit, donc ce qu’ils ont compris. Cela nous permet alors de voir si les objectifs sont atteints. Pour ce qui concerne l'infolitéracie, la très grande majorité des groupes a atteint un bon niveau conformément à ce qui était attendu concernant la forme du document et la sélection des informations tirées des sources.

    • Est-ce que la complexité épistémique à atteindre dépend des objectifs à atteindre ? Par exemple, concernant la structure chimique, pouvait-on attendre que le niveau 4 soit atteint ? Pour la première question, oui, la complexité épistémique dépend des objectifs à atteindre. Justement, pour la structure chimique, il n'est pas attendu une complexité épistémique de niveau 3 ou 4, car il s'agit dans ce cas d'une simple description d'une molécule. Dans le cas de la biologie, des différents articles présentés, il a été évalué pour chaque "blocs" de connaissances (p.ex. méthodologie en double aveugle) un niveau épistémique attendu en fonction de l'information et de l'importance de ce bloc de connaissance au sein de l'article. Selon les blocs de connaissances cela pouvait être un niveau 2, 3 ou 4. Il a été ensuite calculé le rapport entre le niveau épistémique atteint et celui attendu (entre 0 et 100%, voir point VII).

    • Il a été mentionné lors du colloque que refaire une telle séquence d'enseignement pouvait apporter un bénéfice plus important aux élèves. Sans doute, le fait de réaliser pour une première fois une telle séquence d'enseignement n'est pas "trivial" dans la mesure où ni l'enseignant, ni les élèves ne sont habitués à cette nouvelle approche. Une mise en place de ce dispositif une deuxième fois dans l'année serait sans doute bénéfique pour les élèves : ils seraient déjà rompus à l'exercice et il serait possible d'augmenter le niveau des exigences lors de la deuxième passation. Aller au-delà de deux ou trois fois dans l'année pourrait conduire à la routine, et la routine pourrait conduire à la lassitude! Pour ce qui concerne les enseignants, répéter l'ensemble du processus d'année en année permet "d'épaissir le scénario", soit de rendre le cadrage, les objectifs d'apprentissage et l'évaluation plus robustes. Finalement, la mise en œuvre d'un "nouveau contrat didactique", ici sur une séquence spécifique prend du temps et nécessite des... itérations.

    • Un des participants du colloque a souligné que lors d'une présentation intermédiaire qu'il avait mis en œuvre lors d'une séquence d'enseignement les élèves n'étaient absolument pas concentrés sur cette présentation, car ils savaient qu'il y aurait une présentation finale ultérieurement. Dans notre cas cela ne s'est pas passé ainsi: les élèves étaient attentifs aux présentations de leurs camardes (différence peut-être entre le cycle et le PO?). Par contre, ce qui était intéressant, c'est qu'une grande majorité des élèves ont estimé que la présentation intermédiaire était inutile. Pour notre part, nous n'avons pas le même avis. Cela leur a permis de structurer leur présentation, de tenir compte des critères concernant la forme et de poser des questions afin d'avoir un retour concernant les points importants à traiter lors de la présentation finale. Cette présentation intermédiaire sera reconduite l'année prochaine. Peut-être il serait opportun de changer la forme, de ne pas nécessairement faire une présentation orale, mais un rendu écrit à l'enseignant qui le consulte afin de donner un retour aux élèves.

XII. Bibliographie

    • Hakkarainen, K. "Progressive Inquiry in a Computer-Supported Biology Class." Journal of Research in Science Teaching 40, no. 10 (December 2003): 1072–88. doi:10.1002/tea.10121

    • Lombard F. "Conception et analyse de dispositifs d'investigation en biologie: comment conjuguer autonomie dans la validation scientifique, approfondissement conceptuel dans le paradigme et couverture curriculaire?", thèse de doctorat, n° FPSE 521, université de Genève, 2012

    • Santos F. "Le kappa de Cohen : un outil de mesure de l’accord inter-juges sur des caractères qualitatifs", CNRS, UMR, 12 mars 2015

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