articuler image numérique et dessin pour améliorer l'acquisition d'un modèle biologique

1. PROBLÉMATIQUE

L'utilisation d'un microscope et la réalisation d'un dessin d'observation sont des compétences indispensables pour les élèves suivant des cours de Biologie. Cela, afin qu'ils puissent efficacement confronter le modèle qu'ils ont d'une structure biologique, tel un tissu en coupe ou des microorganismes, avec la réalité. Les enseignants en devenir que nous sommes avons remarqué que cette réalité échappe souvent à nos élèves, puisqu'elle s'éloigne quelque peu des schémas qu'ils aperçoivent dans des documents de cours ou des livres. Ces schémas sont en effet très souvent colorés ou leurs proportions sont exagérées pour mettre l'accent sur un aspect particulier. L'observation au microscope peut donc constituer un obstacle pour ces raisons-là, mais aussi pour d'autres difficultés que les élèves rencontrent avec cet instrument : prise en main, mise au point, mobilité de l'objet, fatigue oculaire, etc. La résignation n'est jamais très loin, mais au mieux les élèves reproduisent tel quel un schéma aperçu dans le cours afin d'accomplir le travail demandé par l'enseignant. Néanmoins, cela ne veut pas nécessairement dire que ces élèves ont appris à OBSERVER ce qu'on souhaite.

Nous proposons d'améliorer la pratique de ces compétences et leur acquisition, de même que la motivation nécessaire pour rester actif tout au long du processus d’apprentissage, en mettant en place un dispositif nécessitant l'intervention d'un artefact. Nous pensons en effet qu'en utilisant un smartphone, objet courant et familier des élèves, et une plateforme Internet, ceux-ci pourraient tenter une approche plus intuitive de la microscopie. Ces objets ont en effet des capacités qui n'ont plus (ou peu) de secrets pour des adolescents, puisqu'ils sont utilisés au quotidien.. Nous faisons référence ici en particulier à la prise de photographies numériques et au partage de ces images sur des réseaux sociaux et autres plateformes, souvent en quête de commentaires et critiques de la part de leurs camarades. Ce qui nous intéresse ici, c'est l'essence même de la photographie : saisir une image et la conserver pour une utilisation ultérieure. Cette capacité à figer un objet pourrait faciliter l'usage du microscope, puisqu'elle évite la perte de l'objet ou de la mise au point idéale pour réaliser un dessin d'observation. De plus, la photographie peut permettre de comparer à posteriori le dessin avec l'objet observé, biologique dans ce cas, et ceci sans limite de temps grâce au partage de l'image sur une plateforme d'échange. Ces considérations nous ont menés à poser la problématique suivante :

Est-ce que l'articulation entre une image numérique et un dessin scientifique augmente l'acquisition de notions descriptives et explicatives liées à un modèle biologique ?

A travers notre séquence pédagogique, nous souhaitons que nos élèves institutionnalisent le modèle suivant : la structure du sang.

Nous allons utiliser la photographie numérique conjointement avec le partage d'images numériques comme une aide à la compréhension et à la motivation dans un travail d'observation au microscope. L'idée est de permettre aux élèves d'acquérir un modèle précis de la structure du sang humain à travers la comparaison entre leur dessin d'observation, témoin de leur modèle mental, et l'image numérique de l'objet qu'ils ont observé. L'emploi de cet artefact devrait permettre une meilleure distinction entre les différents composants cellulaires du sang, les globules rouges et les globules blancs, de même que les cellules sanguines face au modèle classique de la cellule (voir les détails dans la section usage/ébauche de scénario).

Nous considérons qu'après cette séquence d'apprentissage d'une observation d'une portion de sang, les élèves seront capables de critiquer des schémas, images et/ou coupes de portion de sang. Les élèves doivent être capables de critiquer un dessin erroné ou d'expliquer pour quelle(s) raison(s) une portion de sang est celle d'un homme ou d'un autre organisme (si cela est observable avec le modèle que l'on a institutionnalisé).

2. CONJECTURES

A partir de notre problématique et des hypothèses que nous avons formulées, nous avons recherché dans la littérature pour trouver des conjectures (CJ) qui nous permettent de designer notre scénario pédagogique et nous aider à construire notre séquence. Nous proposons donc de tester les conjectures suivantes :

CJ1 : L'utilisation d'images numériques en parallèle à des dessins d'observations augmente l'investissement des élèves (Weeks et al., 2013; Glynn & Muth, 2008; Alias et al., 2002).

CJ2 : La comparaison entre un dessin d'observation et une photographie permet une meilleure critique du dessin (Dauer et al., 2013; Walter et al., 2012). C'est un moyen actif d'apprentissage (Quillin & Thomas, 2015).

CJ2a : L'utilisation combinée du dessin et de la photographie permet de révéler les préconceptions erronées (Dauer et al., 2013).

CJ2b' : La comparaison entre une image numérique et un dessin d'observation permet une meilleure critique du dessin en confrontant les préconceptions erronées. (Dauer et al., 2013; Walter et al., 2012). Cela permet donc à l'élève d'adopter un nouveau modèle, celui que l'on veut institutionnaliser.

CJ2b'' : La comparaison entre une image numérique et un dessin d'observation permet à l'élève d'acquérir des notions descriptives et explicatives d'un modèle à institutionnaliser.

3. PROPOSITION D'ARTEFACT

Utilisation des smartphones des élèves pour prendre des photographies numériques.

Utilisation de la plateforme OpenClass (http://www.openclass.ch/) pour récupérer les photos.

Exemple d'un journal d'OpenClass (Image 1) : http://openclass.ch/classes/AFM2A/

4. USAGES/ÉBAUCHE DE SCÉNARIO

1er cours (45 min)

Première phase : dessin d'observation et photographie

Tout d'abord, les élèves recherchent ce qu'ils doivent dessiner. Au moment où ils pensent avoir trouvé la chose à observer, ils appellent l'enseignant pour confirmation. L'enseignant valide et demande à l'élève de ne plus changer le point de vue. Ensuite, l'élève prend une photographie numérique avec son smartphone de ce qu'il observe et la charge directement sur la page OpenClass du cours (site préalablement ouvert par l'enseignant). Une fiche avec la marche à suivre peut être distribuée aux élèves pour les aider dans cette phase.

Enfin, l'élève doit faire un dessin d'observation de ce qu'il observe à partir de la photographie (sur son smartphone) ou du microscope (pour ceux qui n'ont pas de smartphone). Ce dernier point permet, selon la littérature, de motiver l'investissement des élèves (Weeks & Bachman, 2013).

Deuxième phase : utilisation et préparation de l'artefact par l'enseignant.

Après le cours, l'enseignant récupère les photos depuis la page OpenClass, scanne les dessins et réalise une présentation PowerPoint où il met côte à côte la photo de l'objet à observer et le dessin d'observation correspondant (sans les noms).

2ème cours (45 min)

Troisième phase : utilisation combinée de l'artefact et du dessin

A) Au cours suivant, l'enseignant projette les images (dessin et photo en parallèle) à la suite et distribue une grille d'évaluation simple aux élèves pour qu'ils corrigent par eux même et critiquent la première moitié des dessins en fonction des photos de ce qu'ils ont observé.

B) Ensuite, l'enseignant engage une discussion critique avec la classe en repassant les images et en faisant noter (sur la feuille où se trouve la grille d'évaluation) les notions importantes à retenir (institutionnalisation) :

- Le sang n'a pas la structure classique d'un tissu : les cellules ne sont pas collées entre elles. Ce n'est pourtant pas des unicellulaires (bactéries ou protistes). C'est un tissu fluide.

- Les globules rouges n'ont pas de noyau. Leur fonction de transport d'O2 et de CO2 ne demande pas la présence de matériel génétique. Il n'y a pas non plus de création de protéines et ils ne sont pas capables de se diviser.

- Les globules rouges sont très nombreux, ce qui permet de transporter beaucoup d'O2 pour l'apporter aux cellules du corps.

- Les globules blancs sont beaucoup moins nombreux que les globules rouges (rapport env. 1/100).

- Les globules blancs sont plus gros que les globules rouges (10-20 vs. 7-8 µm).

- Les globules blancs n'ont pas tous la même structure (forme des noyaux). Ils n'ont pas tous la même fonction.

- Les globules blancs participent aux défenses immunitaires du corps.

- Le bleu de méthylène permet de colorer l'ADN.

Ces différentes notions descriptives que l'on veut institutionnaliser se heurtent à différentes préconceptions erronées : toutes les cellules ont un noyau, le noyau des cellules est rond et au centre de la cellule, les cellules non-collées sont forcément des organismes unicellulaires, les globules blancs sont blancs, etc.

Les savoirs-faire importants liés au dessin d'observation sont : la cohérence de forme entre ce qu'on voit et ce qu'on dessine, les proportions et la place des divers composants ainsi que les divers éléments nécessaires annexes (titre, légende, grossissement, etc..). Ils sont indispensables pour une observation correcte et ainsi adopter une vision critique.

Nous désirons aussi que les élèves puissent utiliser les notions descriptives et les savoirs-faire importants pour critiquer/analyser n'importe quelle portion de sang. Nous espérons donc qu'ils intègrent des notions explicatives avec cette séquence.

Exemples de fiches remplies durant cette phase (Image 2) :

C) Enfin, l'autre moitié des dessins est évaluée par les élèves à la lumière ce ce qui a été discuté et noté sur leurs feuilles avec les grilles d'évaluation (phase d'institutionnalisation).

Quatrième phase : vérification de l'institutionnalisation

Évaluation certificative/semi-certificative : on demande aux élèves de produire et/ou critiquer un schéma et/ou photographie d'une portion de sang. Ceci, sans aucun document. Avec cet exercice de réflexion (qui demande des notions explicatives pour être complété), un tableau comparatif récapitulant les caractéristiques propres aux globules rouges et aux globules blancs est aussi demandé (notions descriptives).

5. TRACES

Feuilles avec grille d'évaluation et notions importantes à retenir.

Impressions des dessins d'observations et des images combinées.

Évaluation certificative/formative.

6. ÉLÉMENTS OBSERVABLES/MÉTHODE

CJ1 : Commentaires des élèves sur les dessins d'observation de leurs camarades.

Nous pensons que l'on peut "ressentir" l'investissement des élèves lors d'une discussion de classe ou en passant aider les élèves. Si l'artefact est un outil motivateur, les élèves devraient participer à la discussion et s'investir dans les différentes tâches demandées. Le ressenti des enseignants s'est fait sur une comparaison personnelle : climat motivationnel durant cette passation vs. climat motivationnel durant une observation au microscope sans artefact préalablement effectuée.

De plus, grâce aux dires des élèves, l'enseignant peut avoir un aperçu oral du ressenti des élèves.

-> nos résultats sont essentiellement qualitatifs. Nous avons comparé l'investissement ressenti par l'enseignant lors de cette activité avec d'autres activités d'observation sans l'artefact effectuées avec les mêmes classes.

CJ2a : Dessins d'observations des différents élèves. Les dessins permettent aux élèves de se construire des modèles externes et internes (Quilin & Thomas, 2015). Ils permettent aussi à l'enseignant de se rendre compte des préconceptions des élèves. La construction d'un dessin est une représentation du modèle interne des élèves.

-> L'analyse des dessins a permis de voir les taux de présence de certaines préconceptions erronées : présence de la préconception erronée/nombre de dessins total.

Pas de résultat pour la passation de Jérémie Huguenin.

CJ2b' : Les grilles d'évaluation des élèves et celle de l'enseignant permettent de révéler comment est fait la critique du dessin d'une portion de sang. Les grilles comportent des points liés au dessin d'observation de manière générale (entête, grossissement, trait au crayon,...) et des points spécifiques à l'observation d'une portion de sang (présence de globules rouges ET de globule(s) blanc(s), formes et proportions des cellules, formes et proportions des constituants cellulaires - qui diffèrent entre globules blancs et globules rouges -, légende spécifique).

Exemple de grille vide (Image 3) :

-> Observation de la variabilité des évaluations par les élèves (grilles évaluatives) par rapport aux enseignants (qui utilisent leur modèle expert) avant et après l'institutionnalisation des notions.

1) Moyenne des points attribués par les élèves pour chaque dessin. Comparaison brute de ces moyennes avec les points attribués par l'enseignant.

2) Calcul de l'écart des moyennes des élèves par rapport au points attribués par l'enseignant pour chaque dessin.

3) Moyenne totale d'une passation des écarts prof-élèves (valeurs absolues) avant et après institutionnalisation.

4) Normalisation de ces résultats avec les différentes passations.

Si le modèle institutionnalisé a bien été intégré par les élèves lors de la discussion, leurs grilles d'évaluation remplies après l'institutionnalisation devraient correspondre davantage à celles de l'enseignant.

CJ2b'' : La création et/ou critique d'un schéma-type (notions explicatives ; activités cognitives de haut niveau selon Bloom) et d'un tableau comparatif (notions descriptives ; activité cognitive de bas niveau selon Bloom) oblige les élèves à transmettre leurs nouveaux modèles. En effet, les élèves doivent utiliser le modèle institutionnalisé pour faire des critiques des dessins (les repères selon Bloom sont basés sur la traduction de F. Lombard de la Table 1 de Crowe et al., 2008).

L'enseignant peut ainsi clairement observé si le modèle à institutionnaliser est bien celui qui se trouve chez les élèves (ou un modèle permettant de prédire ou d'expliquer aussi efficacement). Il s'agit d'une évaluation demandant une activité cognitive de haut niveau (Évaluation, selon Bloom). Cela nous permettra de voir si notre séquence a permis aux élèves d'atteindre nos objectifs.

-> % de réussite au tableau comparatif et % de réussite aux questions de réflexions (critique de dessin). Les % des deux types de réponses ont été fait indépendamment.

Pas de résultat pour la passation de Vincenzo Marchese.

7. RÉSULTATS

CJ1 :

De manière générale la motivation était grande. Les élèves étaient investis dans la tâche et intéressés par le fait d'effectuer un dessin à partir de leur smartphone. Le fait d'envoyer leur dessins et leurs photos sur un site internet, avec leurs noms comme auteurs, a aussi permis d'augmenter l'investissement des élèves. Il est possible que l'idée d'être soumis au jugement de la classe (pairs + enseignant) ait contribué à ceci.

Dans la classe de 10ème LC de Djan Antico, en revanche, la motivation s'est vite dissipée avec la difficulté de prendre de bonnes photographies.

CJ2a :

Nous avons observé quelques préconceptions erronées qui se retrouvent, en petite proportion, dans toutes les classes testées :

Tableau 1 :

CJ2b' :

Graphiques 1 :

Graphiques 2 :

CJ2b'' :

Tableau 2 :

Exemple de résultat A : critique de dessin, notions explicatives (Image 4) :

Exemple de résultat B : grille (notions descriptives) et critique de dessin (notions explicatives) (Image 5) :

8. ANALYSE

CJ1 :

De manière générale, nous pensons que l'artefact a amélioré l'implication des élèves. Évidemment, nous n'avons pas de trace quantitative pour démontrer ce ressenti. Nous nous basons essentiellement sur un ressenti partagé entre enseignant par rapport à d'autres activités du même type avec les mêmes classes. Nos résultats sont donc forcément subjectif. Néanmoins, ils nous semblent intéressant parce qu'ils se retrouvent dans les différentes passations.

L'utilisation des smartphones a bien fonctionné. De façon générale, les élèves se sont mis rapidement à la tâche et les remarques négatives étaient plutôt rares. L'investissement motivationnel des élèves nous semblait bon. Ils ne se dispersaient pas dans d'autres utilisations de leurs téléphones portables intelligents et posaient des questions en relation avec la tâche à effectuer. Ceci, sans une évaluation formative et donc une motivation due à une note.

Le logiciel OpenClass, il nous semble, a aussi renforcé l'implication des élèves. Ceux-ci, en partageant leurs propres productions - soumises au regard de leurs pairs lors de la phase de critique des dessins (inter-évaluations) - ont été exigeant avec leur travail. Nous avons ressenti un "sentiment de vouloir bien faire". Le fait de laisser les élèves apporter leurs ressentis par rapport aux dessins, de les écouter et de considérer leurs critiques a, selon nos observations, dû augmenter l'investissement des élèves. Cela correspond au besoin de proximité sociale selon Sarrasin et al., 2006.

Néanmoins, notre artefact a aussi mené, dans une des passations, à un désinvestissement de certains élèves. Dans une des classes de 10ème LC, les élèves ont eu de la peine à prendre des photographies nettes. Cette phase de prise d'images numériques a semblé hors de portée pour les élèves. Ainsi, des plaintes sont apparues et des attitudes d'abandon de la tâche aussi. Des problèmes de réseau ont aussi accentués ces attitudes à cause d'un temps d'attente trop long. Les élèves ont eu de la peine à "poster" leur photo. Les élèves ont alors donné moins de sens à l'activité.

Cependant, ces attitudes ne se sont retrouvées que dans cette classe de 10ème LC (pas l'autre). C'est une classe avec des élèves qui ont besoin d'être énormément guidés et soutenus dans leurs apprentissages. L'autre classe de 10ème LC, semble, après discussion entre enseignant, être de manière générale plus indépendante. La séquence que nous avons passé demande en effet aux élèves des manipulations peut-être compliquées. L'autonomie est un aspect important pour améliorer le climat motivationnel (Sarrasin et al., 2006). Néanmoins, il faut faire attention au niveau d'indépendance de la classe. La motivation n'était pas auto-déterminée. Peut-être car le sentiment de compétence n'était pas acquis. Cela a soulevé certainement de la résignation chez les élèves.

CJ2a :

La récupération des dessins des élèves, en les comparant aux photographies qu'ils ont postés, nous a permis de faire ressortir certaines préconceptions erronées. Il semble que ces préconceptions, se retrouvent à différent degrés scolaires. Dans nos résultats, il nous paraît que les élèves de 2ème OS ont moins de préconceptions erronées. Cependant, il faut préciser que la passation a été effectuée en fin de séquence du système circulatoire. Les élèves avaient donc déjà vu, en cours, la structure du sang et ses caractéristiques. Il est donc probable que ce soit la cause du plus petit nombre de préconceptions erronées dans nos résultats.

La comparaison entre les photographies et les dessins permet de relever les différences de manière concrète. Il existe une preuve visuelle qui peut être quantifiée.

CJ2b' :

Tout d'abord, en faisant une critique personnelle des dessins (avec la grille), les élèves se sont rendus compte de certaines erreurs qui ont été faite dans certains dessins. Durant la phase de discussion, les préconceptions erronées ont été confrontées. Elles ont été explicitées, puis améliorées par le groupe-classe.

Suite à une institutionnalisation du modèle (phase de discussion, mise en commun, remplissage d'un tableau récapitulatif ou de schémas comparatifs), les élèves ont affiné leurs critiques des dessins. En effet, les élèves se rapprochent plus de la notation de l'enseignant (qui a un modèle expert en lui) après la phase de discussion (voir graphiques 1 et 2). Les écarts diminuent et les écarts types aussi. Ces résultats se retrouvent dans les 3 types de degrés où nous avons effectués la passation. Nous pensons que ces résultats appuient donc notre conjecture CJ2b' et la littérature lue sur le sujet (Dauer et al., 2013; Walter et al., 2012). Bien, entendu, le faible nombre de passations et d'élèves est a prendre en compte pour mesurer nos conclusions.

CJ2b'' :

Au regard de nos résultats (tableau 2), il apparaît que des notions descriptives et explicatives ont été apprises par les élèves. En effet, en moyenne 71,75% des questions demandant des notions descriptives ont été complétées par des réponses appropriées (complètes et pertinentes avec ce qui a été institutionnalisé). La même chose a été constatée pour 58,5% des questions demandant des notions explicatives (critiques de dessins).

Ces résultats comprennent la passation de la classe de 10ème LC où a été observé une plus faible motivation et des attitudes d'abandon (voir analyse CJ1). Dans la seconde classe de 10ème LC, les notions descriptives semblent avoir été moins bien acquises. Cela peut être expliqué, d'après discussion entre l'enseignant et les élèves, par un manque de révision du sujet. Malgré cela, on voit que la passation a permis aux élèves d'acquérir des notions explicatives (70%).

On peut observer une plus grande réussite au secondaire 2 où les résultats avoisinent les 95% pour les questions demandant des descriptions et 68% pour celles demandant des explications.

Nous pensons donc, malgré le faible nombre de résultats, que la comparaison entre une image numérique et un dessin d'observation, accompagné d'une institutionnalisation, permet aux élèves d'acquérir des notions descriptives et explicatives. Les notions explicatives sont, par contre, moins acquises. Cependant, ce sont des compétences de plus haut niveau selon Bloom (Crowe et al., 2008).

9. CONCLUSION

Tout d'abord, rappelons notre problématique : Est-ce que l'articulation entre une image numérique et un dessin scientifique augmente l'acquisition de notions descriptives et explicatives liées à un modèle biologique ?

Suite à nos passations, nous pensons que cette articulation permet en effet aux élèves d'acquérir les notions visées.

En général, nous avons observé une amélioration du climat motivationnel. De façon surprenante, nous n'avons pas vu les élèves jouer avec leurs smartphones et il n'y a eu aucun soucis de discipline. De ce point de vu, notre utilisation de cet artefact est recommandable.

Cependant, l'utilisation de l'artefact (smartphone et Openclass) est chose compliquée. Elle peut être hors de portée pour certains élèves peu autonomes. La technicité de la prise de photo peut être un obstacle à la bonne prise d'image. Nous pensons donc que l'utilisation d'un dispositif pouvant faciliter la prise d'image numérique dans un microscope est nécessaire, surtout dans les classes peu autonomes. Cela permettra de raccourcir le temps mis à disposition pour cette phase (le temps mis à disposition pour l'activité était un peu court). De plus, cela limitera le nombre de photographies floues (synonyme d'échec pour les élèves).

L'utilisation de l'artefact a lancé les élèves dans la tâche. Dessiner à partir des images numériques était agréable (après discussion avec les étudiants) et il était possible de zoomer pour améliorer l'observation (la pixelisation ne pose pas trop de soucis). Nous pensons donc que l'usage des MITIC peut améliorer l'apprentissage d'une observation. Cela permet de varier le travail et de laisser les étudiants apprendre activement avec des outils qu'ils connaissent.

La comparaison entre les images numériques et les dessins est d'après nous un point central de notre utilisation d'artefact. Nous avons pu relever les préconceptions erronées et permis aux élèves de voir que d'autres préconceptions existent. Nous avons aussi permis une confrontation de ces préconceptions. Nous rejoignons donc notre conjecture CJ2 et l'article de Dauer et al. (2013). Nous pensons en effet que cette méthode d'apprentissage fonctionne. Les élèves donnent du sens à cette activité car ils critiquent leurs propres productions et peuvent les remettre en question grâce à l'analyse des productions des autres camarades. Comme l'assument Quillin et Thomas (2015), la comparaison entre une image numérique et un dessin d'observation est un moyen actif d'apprentissage.

Sarrasin et al. (2006) reportent que la proximité sociale, la compétence et l'autonomie des élèves sont des besoins qui permettent d'améliorer le climat motivationnel. Nous pensons que nos passations permettent d'assouvir quelque peu ces besoins. En effet, nous impliquons activement les élèves dans le processus d'apprentissage, nous leur permettons à tous d'acquérir des compétences et nous laissons une place importante aux élèves pour qu'ils s'expriment et pour que leurs critiques soient considérées.

Par contre, il est important d'insérer au milieu de ces critiques une phase d'institutionnalisation du modèle que l'on veut transmettre aux élèves. Nous avons observé une plus grande similarité entre les critiques des élèves et celles de l'enseignant (qui utilise un modèle expert). Nous pensons que l'apprentissage en autonomie complète n'est pas possible avec notre utilisation de l'artefact. Un guidage nous a semblé nécessaire et nos résultats semblent confirmer cela.

De plus, nous n'utilisons pas à pleine puissance l'artefact OpenClass. Nous avons choisi cette plateforme uniquement pour récolter les images numériques des élèves. Il n'y a eu aucune phase de partage entre étudiants. Plusieurs outils pourraient améliorer cette utilisation. Les "hashtags" pourraient permettre de retrouver les images qui présentent les mêmes éléments, par exemple. La phase de critique avant institutionnalisation pourrait aussi être faite individuellement en devoirs. Cela amèneraient les élèves à aller par eux-mêmes sur la plateforme (ce qui augmenterait de l'autonomie). Cependant, nous avons pensé que l'importance de cette phase nous empêchait de la donner en devoirs. C'est en effet une phase critique (révélation et confrontation des préconceptions) qui devait être faite nécessairement. Les devoirs ne sont pas toujours effectué, surtout dans les classes de 10èmes LC avec des élèves peu autonomes.

Finalement, pour répondre directement à notre problématique, nous pensons que nos résultats sont bons mais que nous n’avons pas utilisé l’artefact comme point central. L’articulation entre une image numérique et un dessin scientifique, grâce aux phases de confrontation et d’institutionnalisation, a effectivement bien permis une acquisition des notions et des démarches attendues. Cependant, l’utilisation de l’artefact a, en réalité, plutôt créé un cadre favorable à cette articulation. En effet, l’implication des élèves, leur familiarité avec les téléphones portables et le sens qu’ils donnent à l’activité grâce à leurs propres productions ont permis de profiter pleinement de leur investissement dans la phase de comparaison entre images et dessins.

Nous recommandons donc l'utilisation de cet artefact lors d'une observation au microscope. Cependant, nous soulignons qu'il est important d'adapter l'activité en fonction de l'autonomie des élèves et qu'il est possible d'améliorer l'utilisation de l'artefact.

10. BIBLIOGRAPHIE

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