Simulation et modèle moléculaire

Travail de Salim et Marie ( session 2012-2013)

Savoir à enseigner et préconceptions

Le modèle moléculaire est un modèle très puissant pour expliquer une panoplie de phénomènes physiques macroscopiques, comme la température, la pression, la dilatation, la contraction et la dissolution. Cependant son interprétation du point de vue microscopique reste très abstraite pour les élèves, du fait que la représentation qu'on en fait sur papier est statique, alors que le mouvement des molécules et leurs interactions entre elles et avec le milieu sont essentiels pour comprendre le modèle.

Cette nouvelle représentation devrait remettre en question les préconceptions suivantes, fréquentes selon l’Association américaine pour l’avancement des sciences (American Association for the Advancement of Science, http://assessment.aaas.org/topics/):

      1. les molécules d’un gaz sont immobiles

      2. les particules d’un gaz sont serrées, sans espace libre entre elles

      3. les molécules d’un gaz dans un contenant ne sont pas uniformément distribuées

Le concept qui semble plus difficile à se représenter pour les élèves est celui de pression. Pour surmonter cet obstacle, nous suggérons d’attaquer la croyance populaire attribuant une force au vide, et de la remplacer dans la représentation des élèves par celle de l’équilibre des pressions, grâce à l’interprétation microscopique de la pression basée sur le modèle moléculaire.

Problématique

Quelle articulation entre simulation et expérience aident les élèves à prendre conscience de leur modèles naïfs (force du vide notamment) et à les faire évoluer vers le modèle à institutionnaliser (équilibre des pressions) ?

Déroulement

Pour ce faire, l’enseignement se déroulerait de la façon suivante:

Façon Marie:

    • une seringue vide réglée à 20 mL est montrée aux élèves

    • question déclenchante (I): que va-t-il se passer si on pousse sur la seringue ? Les élèves sont d’abord appelés à réfléchir individuellement, puis s’expriment lors d’un tour de table géré par l’enseignant, et des hypothèses sont émises prédisant le résultat de l’expérience.

    • question déclenchante (II): que va-t-il se passer si on tire sur la seringue ? Les élèves réfléchissent individuellement, s’expriment, et des hypothèses sont émises.

    • l’expérience est faite devant les élèves

    • par groupes de 3 ou 4, les élèves doivent expliquer les phénomènes observés, et produire des schéma supportant leurs explications. Chaque groupe a accès à une seringue pour répéter les deux expériences.

    • les élèves sont ensuite amenés à utiliser l’applet portant sur le modèle moléculaire pour refaire l’expérience, et doivent maintenant formuler leur explication en se basant sur le modèle moléculaire

    • chaque groupe prépare une présentation et la présente à la classe. Celle-ci doit comporter un schéma supportant leur théorie.

Façon Salim:

En présentant un tube d'air fermé par un bouchon et placé sous une cloche à vide. Prévoyez et justifiez ce que l'on va observer à l’intérieur de la cloche lorsque la pompe sera enclenchée.

Discussion des propositions. Confrontation des idées et des résultats. Réalisation de l’expérience et observation du saut du bouchon.

Discussion des interprétations, des élèves, de ce phénomène autant à l’échelle humaine qu'à l’échelle moléculaire.

Introduction en salle informatique et initialisation de l'animation ou du logiciel informatique pour tester leurs propositions en variant le nombres de molécules des deux cotes de la paroi pour comprendre les poussées. Confrontations des idées. Explication de l'enseignant. Retour en classe et Institutionnalisation du phénomène de la pression.

Etape 1:

Chaque élève réfléchit sur l’expérience en classe. Une fois l’expérience faite, les élèves proposent des interprétations à l’échelle moléculaires et les discutent par binôme en faisant une représentation à l’échelle moléculaire sur feuille.

Etape 2 :

En expliquant l'utilisation du logiciel aux élèves, ces derniers varient le nombres de molécules le nombres de molécules des deux cotes de la paroi pour comprendre les poussées. D'abord, ils mettent le même nombre de molécules des deux cotes pour comprendre le phénomène d’équilibre.

Ensuite, ils varient le nombres de molécules d'un cote à l'autre pour observer le phénomène de la poussée.

Etape 3 :

Les élèves corrigent leurs présentation à l’échelle moléculaire faite sur leurs feuille et comprennent mieux le phénomène observer lors de l’expérience en classe.

Ils testent d'autres hypothèses; grande variation des molécules de chaque coté de la paroi et proposition d'exemples concrets. Enfin, ils proposent une institutionnalisation qui sera amélioré par l'enseignant.

Conjectures

    • La prédiction du résultat de l’expérience pratique, l’observation de cette expérience, la discussion entre pairs, comparée à l’expérience simulée par l’applet, permettrait d’amener les élèves à modéliser par eux-mêmes (sans le "vrai" prof, mais avec l'aide du cyberprof) la pression selon le modèle moléculaire.

    • La présentation dynamique que permet l’applet permettrait aux élèves de faire évoluer leur modèle mental, et ainsi se représenter les interactions entre les molécules et les interactions des molécules avec le milieu.

    • L’élaboration d’une théorie basée sur des expériences réelles et simulées, sa présentation et sa confrontation avec les théories des autres groupes permettrait aux élèves de s’approprier les nouvelles connaissances et de d’intégrer la démarche scientifique moderne.

Proposition d’artefact

Nous avons considéré l’applet « Atelier Théorie Cinétique des Gaz » de: F. Chauvet, C. Duprez, SEMM, Université des Sciences et Technologies de Lille 1.

Nous avons aussi étudié l'usage de l’artefact suivant:

http://physiquecollege.free.fr/physique_chimie_college_lycee/lycee/seconde/pression_volume_mariotte.htm

qui nous semble avoir le très grand avantage de très bien représenter l’expérience faite en classe, et ainsi amener les élèves à modéliser la pression en se basant sur le modèle moléculaire de façon autonome. Cet artefact montre aussi le manomètre, instrument de mesure de la pression, et les unités de la pression (hPa).

Finalement, l'applet gazjar sera expérimenté en classe par Salim, et l'applet Mariotte par Marie. Les mêmes conjectures seront étudiées et les résultats provenant des deux applets différents seront comparés, ce qui permettra selon nous d'enrichir l'analyse et ainsi répondre à la problématique avec un spectre plus large de données.

Traces des effets

    • les préconceptions des élèves sont illustrées par leurs explications des phénomènes avant l’utilisation de l’applet

    • la nouvelle représentation développée grâce à l’artefact illustrée dans la présentation finale des groupes permet de déterminer l’efficacité de l’artefact à faire évoluer les modèles mentaux des élèves

    • évaluation des présentations des groupes d’élèves dans le but de valider la démarche scientifique:

  • les conclusions et schémas sont basées sur les observations expérimentales et expliquent les phénomènes observés - niveau "normal"

  • les conclusions et schémas sont la conséquence logique des observations expérimentales et permettent de prédire le résultat d'autres expériences - niveau "avancé"

    • les présentations des groupes d’élèves suscitent la discussion entre pairs, poussent les groupes à mieux définir leurs théories et rejeter certains arguments invalidés, et la mise en commun permet l'institutionnalisation de la théorie de la pression dans les gaz

Limites de l’artefact

Gazjar:

    • l’absence de lien avec le monde réel, une boite remplie de molécules n’ayant aucune application concrète

    • la température donnée en kelvins n’est pas du tout naturelle pour les élèves de 11e au CO; ceci risquerait de dévier la discussion

    • selon les auteurs, cet applet “donne une signification microscopique aux notions de pression et de température : la force pressante sur une paroi est due aux chocs des molécules sur cette paroi, et la température absolue est liée à l'agitation thermique des molécules. “, or le nombre de chocs par unité de surface correspond à l’interprétation dynamique de la pression, et la notion de force n’est pas abordée dans le programme des 11e au CO

Mariotte:

On ne peut varier qu’un paramètre, celui du volume de la seringue, on ne peut pas varier le nombre de molécules ni la température. Ceci a le grand avantage de centrer la discussion sur l’équilibre des pressions.

Données et observations (Salim)

Écart entre les effets attendus et les observations

- Suite à cette séance, les élèves sont sollicités pour expliquer un autre phénomène physique relié à la pression: Question: en poussant le piston à l'intérieur du tube en verre, prévoyez ce qu'on devrait observer au niveau du bouchon?.

Observation: Sur une classe de 13 élèves,

-11 élèves ont utilisés correctement l'argumentation déjà vue en utilisant l'artefact comme outils pédagogique

-2 élèves ont échoués à expliquer le phénomène. On voit que la représentation mentale de la pression n'est pas acquise.

Conclusion (Salim)

Les effets attendus sont plus que satisfait avec l'utilisation de cet artefact. Cependant, des exercices de renforcement sont nécessaire pour fixer leur connaissances

Observations (Marie)

    • question déclenchante (I): que va-t-il se passer si on pousse sur la seringue ?

Avec l’expérimentation, les élèves sont tous venus à la conclusion qu’un gaz est compressible car les molécules sont éloignées. Dans une grande majorité ils sont parvenus à faire un schéma du point de vue microscopique représentant cette conclusion: des molécules éloignées qui ensuite sont rapprochées. Certains ont dessiné des molécules “trop” collées s’apparentant à un liquide ou un solide.

    • question déclenchante (II): que va-t-il se passer si on tire sur la seringue ? Les élèves réfléchissent individuellement, s’expriment, et des hypothèses sont émises.

Une moitié des élèves avaient prévu juste: le piston revient en place “tout seul”. Une autre moitié a prévu qu’il ne se passerait rien. D’autres n’avaient aucune idée.

    • par groupes de 3 ou 4, les élèves doivent expliquer les phénomènes observés, et produire des schéma supportant leurs explications. Chaque groupe a accès à une seringue pour répéter les deux expériences.

      • L’explication du 2e phénomène a été beaucoup plus ardue.

      • La notion de pression est ressortie spontanément, sans l’apport du prof.

      • La grande majorité des élèves a trouvé que les molécules sont plus espacées lorsqu’on tire sur le piston, et que la pression devient moins grande, mais ils n’arrivaient pas à expliquer pourquoi le piston revenait en place.

      • L’idée du vide est survenue dans toutes les classes, mais pas dans tous les sous-groupes.

      • Quelques uns -mais très rarement- ont pensé à la pression ambiante.

    • les élèves sont ensuite amenés à utiliser l’applet portant sur le modèle moléculaire pour refaire l’expérience, et doivent maintenant formuler leur explication en se basant sur le modèle moléculaire

      • L’utilisation de l’applet n’a posé aucun problème, les élèves ont tout de suite compris ce que représentaient la seringue, le piston, les boules bleues (molécules de diazote) et les boules rouges (molécules de dioxygène), et ont remarqué que “ça fait la même chose”: quand on pousse ou tire sur le piston, il revient en place. Quelques élèves ont compris que l’aiguille du manomètre monte ou descend avec la pression, mais la plupart n’a pas posé de questions sur le manomètre et son utilité.

      • Avec l’utilisation de l’applet, la représentation des élèves a évolué, non seulement les molécules sont plus espacées lorsqu’on tire sur le piston, mais elles “bougent moins”, “tapent moins”, “s’entrechoquent moins”.

      • Très peu ont compris que les molécules à l’extérieur du piston représentaient les molécules de l’air ambiant sans l’aide du “vrai” prof.

      • Même avec un peu d’aide individuelle, “que font les molécules sur le piston ?”, très peu d’élèves ont associé le mouvement du piston avec les collisions des molécules sur sa surface. Cependant ils ont ensuite réussi à formuler une explication sur cette base.

    • chaque groupe prépare une présentation et la présente à la classe. Celle-ci doit comporter un schéma supportant leur théorie.

Les présentations ont aidé à préciser les explications des élèves, et les éléments apportés ont été utilisés lors de l’institutionnalisation.

Traces

Traitement des erreurs

Traitement des bonnes réponses

Analyse

    • la question était claire, car les élèves savaient ce qu’ils devaient faire

    • l’explication du 2e phénomène a été beaucoup plus ardue: la question était peut-être hors de portée des élèves ?

    • très peu ont compris que les molécules à l’extérieur du piston représentaient les molécules de l’air ambiant: l’applet n’était pas adéquat ? difficulté de faire des aller-retour de la réalité à la simulation ?

    • très peu d’élèves ont associé le mouvement du piston avec les collisions des molécules sur sa surface. Cependant, avec de l’aide du “vrai” prof, ils ont ensuite réussi à formuler une explication sur cette base: l’applet a certainement aidé les élèves à former leur représentation mentale du principe de pression du point de vue microscopique

    • lors de l’institutionnalisation suivant l’activité, les élèves étaient “prêts” à recevoir la définition de pression, et comprenaient à quoi elle correspondait

Retour sur les conjectures

    • La prédiction du résultat de l’expérience pratique, l’observation de cette expérience, la discussion entre pairs, comparée à l’expérience simulée par l’applet, permettrait d’amener les élèves à modéliser par eux-mêmes (sans le "vrai" prof, mais avec l'aide du cyberprof) la pression selon le modèle moléculaire.

Pas du tout... le “vrai” prof a été nécessaire dans tous les cas...

Dans sa revue exhaustive portant sur plus de 800 méta-analyses d'études sur la réussite des élèves, Hattie (2009) regroupe 25 860 études portant sur les méthodes d'enseignement, et en vient à la conclusion que c'est l'enseignement lui-même, et non pas sa méthode, qui influence l'apprentissage des élèves. Par exemple, les devoirs et l'utilisation de technologies comme l'ordinateur n'ont un effet positif que si l'enseignant est impliqué dans le processus. (Hattie 2009)

    • La présentation dynamique que permet l’applet permettrait aux élèves de faire évoluer leur modèle mental, et ainsi se représenter les interactions entre les molécules et les interactions des molécules avec le milieu.

Certainement: les élèves ont tenté d’expliquer le phénomène en disant “les molécules bougent moins”, “les molécules se tapent entre elles”. Des discussions intéressantes ont eu lieu au sujet du vide avec quelques sous-groupes, et l’idée qu’il y a “plus de vide” dans la seringue lorsqu’on tire semble avoir passé. La plupart de ceux qui avaient cette idée de la “force du vide” l’ont abandonnée, et ont évolué vers une “force de poussée” de l’air ambiant.

Dans certains cas, l’idée de “force du vide” a persisté même après l’institutionnalisation. Ceci est une réalité du processus d’apprentissage:

“Même si une représentation plus élaborée s’instaure, elle peut cohabiter longtemps avec une ou plusieurs représentations antérieures moins puissantes. Elles seront activées différemment selon le type de situations proposées à la réflexion. De plus, on peut voir souvent les élèves revenir au cours du cursus à des représentations anciennes à propos de problèmes nouveaux; ce phénomène marque bien que le dépassement des obstacles n’est nullement ponctuel. C’est une oeuvre de longue haleine.” (Joshua 1999 p35)

    • L’élaboration d’une théorie basée sur des expériences réelles et simulées, sa présentation et sa confrontation avec les théories des autres groupes permettrait aux élèves de s’approprier les nouvelles connaissances et d’intégrer la démarche scientifique moderne.

Le niveau de motivation et d’activation des élèves a été très élevé tout au long de l’activité. Ils étaient très impatients d’utiliser l’ordinateur pour formuler leur explication. Le fait que l’applet représentait exactement l’expérience en classe leur a permis de l’apprivoiser sans autre explication. Les discussions étaient centrées sur le sujet (... un peu moins dans les classes B, mais quand même) et très soutenues.

Limites de l’artefact

Le fait qu’on ne peut varier qu’un seul paramètre, celui du volume de la seringue, et non pas le nombre de molécules ni la température a eu l’effet escompté, celui de centrer la discussion sur les collisions entres les molécules et sur les parois et l’équilibre des pressions. En aucun cas les notions de température, d’augmentation ou diminution du nombre ou de l’agitation des molécules ne sont intervenues.

Cependant, un compteur de collisions auraient peut-être aidé les élèves à leur associer le mouvement du piston. L’applet gazjar aurait possiblement été dans ce cas plus performant.

Conclusion (Marie)

Ce travail a permis de faire ressortir et remettre en question une préconception fortement ancrée chez moi, celle de l’auto-suffisance du cyberprof. Cet apprentissage basé sur l’axe savoir-élève du triangle pédagogique (Houssaye 2000) n’est pas efficace ni suffisant.

Cependant, même si le cyberprof ne suffit pas, il aide substantiellement à faire évoluer les représentations des élèves en illustrant un phénomène physique, et leurs modèles mentaux en permettant un aller-retour entre le modèle et la réalité grâce à la simulation. (Lombard 2012)

Cette approche différente a permis d’aborder la problématique du modèle moléculaire sous un autre angle, et a été très bénéfique, puisque pour la plupart des élèves l’apprentissage a été réussi, mais aussi a permis de faire ressortir d’autres interprétations que celles issues des méthodes pédagogiques classiques.

“Les nouveaux outils mis à disposition des élèves peuvent ainsi contribuer à élargir le domaine de variation des variables didactiques (...) (Les) micro-ordinateurs peuvent entrer dans le processus de modélisation (...) Dans tous les cas le contexte où se déroule la modélisation peut s’en trouver notablement modifié, sans que jamais la seule présence de l’ordinateur en soit le responsable exclusif.” (Joshua 1993)

Bibliographie

Hattie J. (2009). Visible Learning. A synthesis of over 800 meta-analyses relating to achievement, Routledge, London.

Houssaye J. (2000), Le triangle pédagogique. Théorie et pratiques de l'éducation scolaire, Peter Lang, Berne.

Joshua S. et Dupin J-J. (1993), “Introduction à la didactique des sciences”, Presses universitaires de France, Collection Premier Cycle, Paris.

Joshua S. et Dupin J-J. (1999) “Représentations et modélisations: le “débat scientifique” dans la classe et l’apprentissage de la physique”, Collection Exploration Recherches en sciences de l’éducation, Peter Lang.

Lombard F. et Conti A. (2012) “Usage et approche critique des MITIC”, UF 2.1.2, cours du 03.10.2012, Institut universitaire de formation des enseignants, Université de Genève.