SaintéLyon

Nom de la course: La SaintéLyon

Lieu: St-Etienne (42) et Lyon (69)

Catégorie: course trail

Date: dimanche 8 décembre 2013 00:00

Distance: 75.9 km

Temps: 6:38:20

Dénivelé: +1800 m / -2000 m

Vitesse moy.: 11.4 km/h

L'édition 2013 de la SaintéLyon s'achève et j'ai, comme en 2011, l'impression d'avoir vécu un rêve... enfin presque ; car dans un rêve... on ne vomit pas.

Ça commence la veille par la lecture du livre-collector des 60 ans de l'épreuve, la gorge nouée et les yeux rougis. Je m'y revois en 2007, à Sainte-Catherine, attendant Benjamin, mon relayeur ; le serpentin de lueurs se forme peu à peu et alors surgit de nulle part le futur vainqueur, Jean-Franck Proietto. Ma première image de la SaintéLyon, que je revois à l'identique dans ce livre... snif, émouvant (qui a dit "chochotte" ?).

Pourquoi cette fascination ? A mon époque cycliste, la SaintéLyon me paraissait tellement hors de portée, moi qui courais à peine 10km par an. Alors en venir à bout en 2009, dans la douleur (périostite contractée lors de la préparation), fut déjà un aboutissement. De mes 6 participations, j'en ai gardé mes meilleurs souvenirs sportifs... et les pires, aussi : la civière de Sainte-Catherine et 6 mois à boiter. Mais tant que mes deux jambes me porteront, j'y reviendrai.

Car la SaintéLyon ne se résume pas à une course d'une seule nuit d'hiver :on s'y plonge dès la fin de l'été, au travers de reconnaissances du parcours, de conjectures sur les temps probables en fonction des variantes... elle rythme mon automne.

Et une fois le jour venu, tels des sapins de Noël, l'on s'affuble d'un chasuble et de vêtements réfléchissants, l'on s'illumine la tête et l'on revêt ses plus beaux souliers, en espérant, le lendemain, un joli maillot de Finisher. Même si l'on a pas été tous les jours très sage, en ayant couru avant qui un UTMB, qui un Templiers, qui un Marathon... la SaintéLyon est la référence pour les coureurs d'entre Loire et Lyonnais : Dis-moi combien tu vaux à la SaintéLyon, je te dirai qui tu es...

Préparation automnale :

Au sortir d’un UTMB pathétique à l’issue malheureuse, je reprends vite l’entraînement. Les résolutions que je peux prendre en course, dans mes moments de déchéance suprême, ne durent jamais bien longtemps. J’enchaîne 4 compétitions en Septembre, dont le Trail du Saint-Jacques et un marathon, sans aucune courbature. Seules des inflammations aux tendons d’Achille, contractées lors de l’ascension de Bovine à l’UTMB, vont m’accompagner tout l’automne.

Octobre sera consacré aux reconnaissances du parcours : 1 à vélo, 2 en courant. De bons moments partagés entre amis, bien plus forts qu’une arrivée de course en vainqueur, mais dans l’anonymat. Celle du 19 aura été particulièrement intense, à essayer de suivre Alan, avec un gros coup de fatigue entre Soucieu et Chaponost (déjà !). Avec le recul, j'ai plus souffert ce jour-là que lors de l'épreuve !

Quelques compétitions en Novembre, davantage pour me mettre en confiance que pour réellement me préparer physiquement. Pas d’exploit mais de bons résultats, la confiance est au sommet au moment d’aborder la dernière quinzaine.

Par contre, pour l’affûtage, on repassera : alimentation normale qui, conjuguée à la baisse d’entraînement, se traduit par une (petite) prise de poids… solution : enlever les piles du pèse-personne.

Samedi 7 décembre. Jour J. Une journée interminable à attendre que la nuit tombe et que la grand-messe prenne forme à St-Etienne. Le ciel bleu azur, les bonnes sensations et l'absence de douleurs lors des dernières séances, la connaissance du parcours au millimètre... tout converge pour un plan sans accroc ; seul l'état du sol entre Sorbiers et Ste-Catherine apporte un peu d'incertitude... mais pas d'inquiétude pour autant. D'ailleurs, je partirai avec mes fidèles Asics Kinsei aux pieds, aux semelles lisses mais si confortables, qui n'ont quasiment pas servi depuis... l'édition 2012, attendant patiemment leur heure !

19h40 : arrivée à St-Etienne. la nuit est tombée et offre un splendide ciel étoilé. Si j'arrive à lever la tête en course, le spectacle sera magnifique. La température a en revanche déjà chuté. Je partage mon repas d'avant-course avec mon mentor ès-défis-ultimes Henri, loin du tumulte du Parc des Expositions.

11h45 : me voilà dans l'arène, aux premières loges. L'enthousiasme du speaker, le Light my Way de U2... une ambiance unique que j'attends depuis des mois et savoure avec toujours autant d’émotion. 15’ de bonheur avant des heures de galère ? parfois, oui, hélas. Mais je veux croire que mon épopée 2013 sera belle.

ultimes préparatifs et attente au chaud

sur la ligne de départ

Minuit, départ : une meute de 5800 coureurs est lancée pour 75km à travers les Monts du Lyonnais. Le chemin est long, mais cela ne nous empêche pas de partir au sprint - la faute en partie au départ commun avec les relayeurs, qui eux n'en n'ont que pour 16 ou 30km. Je partage quelques instants dans le sillage des favoris, mais dois très vite les laisser filer : 1er km en 3'40'', l'explosion est assurée si je persiste !

Sorbiers (km 6) : le rythme cardiaque est stabilisé. Il était temps, nous entrons dans le vif dès les dernières habitations, avec la pénombre, la neige et... les plaques de verglas. A vif, comme la fesse du malheureux relayeur qui choit lourdement dès la première descente : le pauvre grimace et semble payer cher sa cabriole.

Me voilà prévenu... mais trop tard : je réalise à mon tour une jolie pirouette, et me relève heureusement sans bobo.

Sur cette première portion du parcours, la stratégie était la suivante: m'économiser en faisant fi du classement, boire et manger régulièrement, conserver toute ma lucidité pour éviter une chute fatale. Je m'y tiens plutôt bien, même si je ne peux éviter deux autres cabrioles, avant le col de la Gachet, puis dans la descente qui mène à Cojarenton. Les sensations s'améliorent au fur et à mesure que je récupère de notre départ rapide.

Un énorme travail de déblaiement a été réalisé par les organisateurs depuis mon passage en reco la semaine d'avant. Finies les congères, ne reste qu'une petite couche de neige, trop dure pour s'y enfoncer. On y court presque comme sur route.

St-Christo-en-Jarez (km 16) : grosse ambiance à cette première étape, avec comme toujours des spectateurs en nombre et les feux de Bengale à la sortie. Je passe en 47ème position en 1h13 et zappe le ravitaillement. La variante du Fond du Loup est éludée, tout comme le chemin dans le bois au-dessus du Moreau : probablement non carrossables pour la pelleteuse. Tant pis, rendez-vous en 2014.

Moreau : on repasse donc cette année encore dans ce hameau. Peu après arrive la nouvelle descente de Plein Pot où les signaleurs nous conseillent de ne pas s'y engager ainsi (...plein pot). On passe sur le versant Sud des crêtes, la neige est bonne, le verglas plus rare, la terre un peu moins gelée. Pas de souci pour la dévaler, pour ma part. S'ensuit le Bois du Châtelard, où la neige cède une première fois la place à la boue, terrain que je préfère - pas mes pauvres Asics, par contre. La cheville fragile vrille une fois, mais la douleur s'estompe vite.

Je rebondis sur une des polémiques alimentées au travers les forums de discussion, et rejoins l'effarement de certains devant le nombre de gels vides laissés au sol. Devant, ils n'étaient pas des centaines, et sur ce point-là, l'élite ne donne pas l'exemple. Il faut croire que l'obscurité donne un sentiment d'impunité.

Les premières défaillances se manifestent dans la tête de course, victimes de leur tactique "ça passe ou ça casse" : numéros 13, 4, 6, 14, 47... à ce loto-là, tout le monde est perdant. Je grignote donc quelques places et rentre en 31ème position à Ste-Catherine. Le speaker annonce B.Charles-Mangeon, un sacré client, juste devant moi (29ème) : plutôt bon signe.

Ste-Catherine (km 30): ravitaillement express : j'ai opté cette année pour une ceinture porte-bidons, que je remplis en quelques secondes, plutôt que de m'escrimer avec une poche à eau dans le sac et d'y laisser à chaque fois plusieurs minutes.

Une journaliste me sollicite pour une interview ; une minute de perdue, car avec ma mâchoire gelés et la banalité des propos que j'ai tenus, la séquence va à coup sûr passer à la trappe.

ravitaillement de Sainte-Catherine : qui a dit que ça bouchonnait ?

banderole des Coursières du Haut du Lyonnais

la Bullière : La portion au-dessus de Riverie nous confronte une dernière fois aux pièges du verglas, avant d'atteindre ce hameau symbolique, car porte d'entrée du Bois d'Arfeuille. 

Sensations toujours bonnes au moment d'aborder ce passage mythique, dans une configuration toute nouvelle : d'abord une descente inédite, puis la section habituelle mais... dans le sens de la montée. Moitié en marchant, moitié en courant. Malgré la pénombre, je remarque que la célèbre Chaise Rouge a désormais une petite soeur (verte, pour info) ; toutes mes félicitations.

Une sympathique troupe encourage les coureurs au sommet, là où nous rejoignons la route de St-André : l'association organisatrice des Coursières du Lyonnais, habituée à braver le froid pour donner le meilleur aux coureurs. Merci à eux pour leurs encouragements et leur ferveur : je les entendais depuis 2km !

St-André-la-Côte (km 39) : les illuminations embellissent davantage l'église de cette bourgade haut perchée. Pas le temps de traîner au belvédère et de contempler les lumières du plateau mornantais et de Lyon, qui se révèle déjà à nous (attention, il reste 45km !), car... il faut plonger sur le redouté Bois des Marches. Sachant ce qui m'attend, je l'aborde avec prudence et le traverserai sans encombre. Toujours aussi chaotique, un peu plus boueux qu'à l'automne, mais guère plus glissant.

St-Genoux (km 47) : d'habitude, je suis déjà très "entamé" à ce ravitaillement. Là, pas de trace de fatigue, le film se déroule, comme lors des reconnaissances... mais de nuit. Remplissage d'un bidon, 4 pâtes de fruit prises à la volée, et je replonge dans la pénombre.

Dans la petite côte qui suit, le dossard n°18, que j'avais doublé peu avant, me rejoint en petites foulées. Au sommet -le lieu-dit des Ravières - des spectateurs scandent des "allez Jean-Franck"... non, dites-moi pas que je rêve : je cours à côté d'une des légendes de l'épreuve, détenteur du record de l'épreuve (4h20). La même personne qui m'a marquée en 2007 (voir plus haut). Je ne lui cache pas mon admiration et nous entamons un brin de causette - trop bref hélas, car déjà arrive le Bois de la Gorge.

Bois de la Gorge, Bois de la Dame... des portions présentes depuis 2012 et qui impactent le dénivelé et la distance du parcours, alors que jadis l'on filait tout droit, par la route, en direction de Soucieu. Rien à signaler, sinon... que ça fatigue un peu.

Durant la remontée du Bois de la Dame, l’église de Rontalon sonne 4 fois ; un rapide calcul, et les 6h30 semblent atteignables. Cela fait bien longtemps que je ne regarde plus ma montre : les distances, je les connais par cœur, et peu m’importe désormais les pulsations cardiaques, l’objectif est de me rapprocher du top 20. Jean-Franck me rattrape une nouvelle fois dans cette montée et m’encourage, puis je file seul en direction du Mauvais Pas.

Mauvais Pas et Bois du Bouchat : Je rejoins un autre concurrent, le n°22, qui m’est familier ; j'hésite un instant, remonte à sa hauteur... oui, c'est bien Gilles Guichard, à mes côtés sur la SaintéLyon, après 50km de course ! Le rêve continue. Euphorique, le Bois Bouchat se passe comme à l’entraînement, à peine perturbé par un lacet défait.

A la sortie du bois sur les vergers, un autre coureur en vue : il se retourne, m'aperçoit à son tour, et... « passe la seconde » :  le bougre avait des réserves ! Tant pis, je ne saurai jamais de qui il s'agissait.

Soucieu-en-Jarrest (km 55) :  un ravitaillement qui aurait lui aussi pu être expédié en 30’’, s’il n’y avait pas eu besoin de parlementer avec un bénévole, sûrement charmant mais un peu zélé, pour un peu de coca et de thé chaud dans mes bidons. Je tiens à rassurer tout de suite les autres participants : avec 8 mini pâtes de fruits, une demi-banane, 50cl de coca et autant de thé, je ne pense avoir pris votre part. Passons.

Non, ce qui me contrarie, c’est que les années passent, les conditions changent, le parcours aussi, mais que je prend immuablement une défaillance sur la portion Soucieu-Chaponost ! A peine sorti du village que je me sens déjà moins en jambes ; Gilles Guichard et un autre coureur me doublent, puis un troisième. Entre la ferme du Milon et Chaponost, j’arrive bien à me relancer un peu, mais... non, décidément, il y a quelque chose qui cloche.

Chaponost (km 65) : le vire-vire dans le lotissement et la traversée du Parc du Boulard sont laborieuses, ça va de mal en pis. Je reconnais les symptômes, ça se passe au niveau du ventre. Le froid ? pas cette année, j’ai pris toutes mes précautions ? Le repas d’avant-course ? pas 9 heures après. Une saturation en sucré ? peut-être. Quelle que soit la cause, il n’y a qu’une issue : tout « renvoyer ».

C’est ce que je me résous à faire à la sortie du village : je ne décrirai pas ici le protocole opératoire, jamais très agréable, mais diablement efficace. Dès les foulées suivantes, ça va déjà nettement mieux, et en plus je servirai d’anecdote pour une dizaine de randonneurs de la SaintExpress contraints au triste spectacle.

Beaunant (km 68) : vu l’état de mon estomac, je préfère m’abstenir du dernier ravitaillement. Il doit bien me rester assez de calories pour boucler les 7 km restants. La célèbre montée des Aqueducs (chemin de Montray pour l’état-civil) se dresse devant moi. Je marche 500m, reprend la course dans la seconde partie, double un concurrent à la dérive.

Les sensations sont revenues, mais l’envie n’y est plus : me supposant aux alentours de la 25ème position, je me résous à échouer aux portes du top 20. Didier Rahm, que je retrouve chaque année à la signalisation sur ce secteur, m’adresse de sympathiques encouragements pendant quelques foulées. Un grand merci à lui, ça brise la monotonie du final.

Gerland, arrivée (km 75) : Pas grand-chose à signaler sur le final : 2km, 1km, 150m, 50m, un dernier virage, l’arène et l’arche d’arrivée... et voilà, c’est déjà fini. 6h38’20’’, j’échoue donc aussi dans l’objectif de 6h30 que j’avais envisagé, un peu à la louche. Me voilà renseigné.

Qu'espérer avec un plan vraiment sans accroc ? Ôtons deux minutes pour l’interview de Ste-Catherine, cinq pour mes soucis gastriques… les deux objectifs étaient réalisables. Peut-être même la 15ème place, en regardant le classement. Par contre, pour le rêve ultime d’un top 10… va falloir arrêter le chocolat, Nono !

Mais je ne nourris aucun regret : stratégie payante, aucun bobo ni la moindre ampoule, pleins de bons souvenirs (même mes chutes avaient leur côté comique)… de quoi terminer 2013 sur une bonne note, oublier définitivement mes abandons passés (UTMB…), et envisager sereinement 2014.