8 - Syrie avant l'enfer

Au carrefour des civilisations(1) du Moyen-Orient, ce qu’on appelait Syrie sous l’Empire ottoman était un vaste territoire. Le « Bilâd al-Châm » comme l’appellent les arabes était, partagé en quatre provinces centrées sur les grandes villes. La province de Damas, la plus vaste, couvrait la Palestine, le Haurân, la plaine de la Bekaa et toute la Syrie moyenne ; le Jabal Ariha s’étendait d’Alep à la région septentrionale jusqu’à l’Amanus et Alexandrette. La province de Tripoli allait de Lattaquié à Byblos et la province de Sidon-Acre de Byblos à Gaza. Ceci explique les revendications territoriales syriennes, particulièrement sur le Liban et la Palestine, voire sur la république du Hatay en Turquie.

A l’exception d’Alep et de Damas où se concentraient le commerce, la région était pauvre et les habitants, paysans et artisans, écrasés par les impôts que collectaient les notables, riches propriétaires terriens, pour les besoins militaires de l’empire ottoman et le faste de la cour.

En voyage en Syrie en 1926, Joseph Kessel a décrit la situation syrienne et les relations entre les diverses populations. « Les allalouites, les achémites, les maronites, les sunnites, les Grecs orthodoxes, les chiites, le comité syro-palestinien, les bandits, les rebelles, les druses du Djebel et ceux du Horan,les Libanais, les Syriens,les Damascains – et j’en passe – comment s’y retrouver ? Il y a vingt-sept religions en Syrie, chacune d’elle tient lieu de nationalité(2). »

Le semi-échec de l’expédition de Bonaparte au Levant avait eu des effets collatéraux. Il avait apporté les idéaux des Lumières, mais il avait aussi, en soutenant les chrétiens maronites, généré des tensions entre les nombreuses communautés dont nous subissons encore les conséquences aujourd’hui. 

La terrible guerre civile de 1860 fut la révolte des druzes opprimés par les Turcs et les chrétiens maronites. Une vingtaine de milliers de victimes chrétiennes furent dénombrées. L’intervention d’Abdel Kader en sauva dix mille dont trois mille d’entre qui se réfugièrent dans son palais. L’ingérence des troupes françaises de Napoléon III mit fin à la guerre. Ce fut dit-on la première opération humanitaire au monde. Mais la protection des chrétiens par la France s’accompagna d’une mission dite civilisatrice. Napoléon III avait l’ambition de restaurer un empire français orienté vers l’orient. La diplomatie française considérait qu’il existait en Syrie un « Tiers Etat(3) » constitué des classes moyennes et des minorités, qui pourrait basculer du côté impérial. L’opposition à la France donna naissance au nationalisme arabe. 

La Franc-Maçonnerie en Syrie s’était développée avec le déclin de l’Empire ottoman. La première loge de rite écossais en Syrie avait vu le jour en 1748, elle appartenait à la Mère Loge Écossaise, mais c’est au dix-neuvième siècle que de nombreuses obédiences européennes s’implantèrent. Elles étaient les têtes de pont pour accompagner les ambitions vers l’Orient de leurs pays d’appartenance : l’Italie, l’Angleterre, la Prusse, la Grèce et surtout la France. 

Le Grand Orient de France fut le plus dynamique. Il a connu une activité intense avec de nombreuse ouvertures de loges, il fut à l’origine de nombreuses institutions philanthropiques après la Première Guerre mondiale. Pour les chrétiens et les autres minorités non musulmanes considérés comme dhimmis, la franc-maçonnerie représentait un espace commun ou ils étaient égaux quelle que soit leur confession. Les musulmans y voyaient une solution aux luttes

interconfessionnelles dont ils avaient fait la douloureuse expérience en 1860. Ils allaient travailler ensemble aux changements politiques et à la reconstruction de leur état libéré de l’Empire ottoman. 

Pour les francs-maçons syriens, c’était « grâce à la France et à ses fils, ces sauveurs de l’humanité opprimée, que, depuis 1860, la maçonnerie du Levant se trouve illuminée par ce foyer de vérité, lieu des lumières intellectuelles et morales ». Dans leur esprit, la Franc-Maçonnerie combattait la misère, conseillère des mauvaises mœurs et des crimes, dans un total désintéressement afin de rendre l’homme meilleur. Las, en 1896, la loge La Syrie d'Alep a informé le G.O.D.F. des massacres perpétrés par les Turcs, et les Druzes. Une lettre terrible qui dit les frères arméniens qui disparaissent laissant leurs familles désespérées, l’impossibilité de se réunir à cause de l’absence imprévue des officiers arméniens de la loge. Une lettre signée du vénérable qui laisse entendre qu’il sera peut-être le prochain. 

On connait l’essentiel de l’histoire maçonnique syro-libanaise grâce à Thierry Millet, auteur du livre « le tablier et le tarbouche(4) » et de nombreux articles. « Les francs-maçons en Syrie mandataire de 1920 à 1939 doivent concilier, dit-il, à la fois leur engagement maçonnique régi par ses codes de fraternité et la vie politique dominée par les confrontations nationalistes… La franc-maçonnerie en Syrie évolue au rythme des rivalités politiques et maçonniques rendues difficilement indissociables ». 

En avril 1920, la Société de Nations institua le mandat français sur le Levant. Son objectif était d’aider la Syrie à accéder à l'indépendance et à la souveraineté après avoir atteint un niveau suffisant de maturité politique et de développement économique. Dès lors, les nationalistes détournèrent à leur profit les loges françaises en y adhérant en nombre et réussirent à ériger de nouvelles structures maçonniques indépendantes(5). 

En septembre 1920 la France découpe la Syrie en créant l'État du Grand Liban, appuyé sur les chrétiens maronites, l’Etat Alaouites autour de Lattaquié et l’État d'Alexandrette. La Syrie est complètement enclavée. Pour l’achever la France la divise entre l’État de Damas et l’État d'Alep, jouant de la rivalité historique des deux villes. La naissance du Liban est vécue par les Syriens comme un affront. Le nom de « Liban » désignait jusque-là la chaîne de montagnes qui sépare le littoral de la plaine de Bekaa. Pour compléter ce morcellement on sépare un État peuplé de Kurdes. Le nationalisme syrien est exaspéré, la « Grande Révolte Syrienne » éclate. Un de ses leaders est le frère Nasib al Bakri, fondateur de la loge Kayssoun. Il était cadre du Bloc National et chef des chemises de fer(6). La France entre en guerre. Elle durera de 1925 à 1927, Damas est bombardé, 10 000 Syriens et 2 500 Français y laissent la vie mais l’ordre est rétabli.

De nombreuses loges ont été crées après cette guerre. Les principales ont été :

- Khaled bin al Waleed de la Grande Loge d'Egypte en Syrie, crée le 18 décembre 1921sous les auspices du Grand Orient de France. l'Orient français selon la patenta du .

- Lumière de l'Orient n ° 1058 de l'obédience Scottish Lodge. C'était un loge très influente.

- Venus sous la présidence de George Kupter, sous les auspices de la Loge Nationale d'Egypte.

- al Aziz de la même obédience.

Le Grand Orient syrien comprenait 16 loges qui travaillaient au rite écossais. Il avait été installé en Syrie le 23 avril 1935, deux ans avant l'indépendance.

La Grande Loge Nationale Libanaise et Syrienne, a été créée en 1949 avec onze loges et deux chapitres.

L'Orient arabe syrien, fondé à Beyrouth en 1939. il a ensuite cessé ses activité en raison de la Seconde Guerre mondiale.

De nombreuses loges de Syrie ont été fermées vers 1930 avec l’avènement de la République Syrienne. Les représentants de la maçonnerie française au Levant estimaient l’état des loges en pleine décomposition. Le mercantilisme, le nombre exagéré et ingérable des membres et les efforts déployés par certains chefs nationalistes pour arriver au pouvoir en s’aidant des loges ont déconsidéré la maçonnerie au Levant. Ces actions ont discrédité, aux yeux du Haut-Commissariat, la maçonnerie française au Levant(7).

Une lettre de Souleiman el Assad, le grand-père de Bachar, à Léon Blum de 1936 prévoyait déjà le massacre des minorités par les musulmans, il envisageait une alliance avec les Juifs de Palestine. L’histoire nous montre que l’évolution de la Syrie a été différente. « La nation Alaouite [sic !!] qui a maintenu son indépendance pendant des années avec beaucoup de zèle et au prix de beaucoup de victimes, est une nation qui diffère des nations musulmanes sunnites par ses croyances religieuses, par ses coutumes et par son histoire. La nation Alaouite [qui vit dans les montagnes de la côte ouest syrienne] n’a jamais été soumise aux lois de ceux [musulmans] qui gouvernent les villes à l’intérieur du territoire…(8)».

En 1940, suivant le décret de Pétain qui interdit les sociétés secrètes, le haut-commissaire français, Henri Dentz(9), dissout les loges et saisit leurs biens et leurs archives. Les loges se mettent en sommeil. Le haut-commissaire appelle toutefois les frères au gouvernement, Nazib al-Bakri de la loge Kayssoum et Muhsin al-Barazi de l’atelier Orient et Occident réunis.

Certains ateliers ont cependant poursuivi leurs travaux dans le plus grand dénuement au domicile d’un des frères, jusqu’à la reprise du Levant par les Forces Françaises Libres et britanniques en 1941, les francs-maçons n’ont repris leurs travaux qu’en 1943 quand le général Catroux a abrogé les lois de Pétain. C’est grâce au général Paul Beynet(10), chef de la mission française que la franc-maçonnerie a pu ressusciter mais les biens saisis n’ont pas été restitués.

Nur Dimashq, loge de Damas dépendant de la Grande Loge d’Ecosse comptait deux cent membres avant la guerre en 1940, elle rouvrira en 1943 avec 20 frères, l’un d’eux a expliqué cette désaffection par une perte des valeurs et par l’appauvrissement des services rendus.

Pour stabiliser la situation, le général Catroux, commissaire français s’entoure de francs-maçons qui ont une expérience politique(11) :

- Abd al Rahman Kayyali du Grand Orient de Syrie, ancien ministre.

- Ahmed Nami Bey, président de la République Syrienne sous le mandat Français de 1926 à 1928. Il fut consacré en 1947 Grand-Maître d'Honneur du Grand Orient de France.

- Ata al Ayoubi, ministre de l'Intérieur en 1920, Premier ministre en 1943 sous le mandat français, Grand Maître de la Grande Loge de Syrie.

- Husni al-Barazi, du Grand Orient de Syrie, ancien ministre.

- Jamil al-Ulshi de la loge Ibrahim al –Khalil.

- Luttfi al Haffar, membre du Bloc National, Premier ministre de Syrie en 1939 sous le mandat français, Grand Maître de la Grande Loge de Syrie.

- Haqqi Bey al Azm, Premier ministre de Syrie de 1932 à 1934.

- Jamil Mardam Bey, Grand Maître de la Franc-Maçonnerie syrienne. Il fut condamné à mort en 1920 par l'armée française, pour avoir détrôné le roi Fayçal, puis amnistié. Il fut plusieurs fois ministre de Syrie.

- Mustapha al-Shihabi, de la loge Syrie.

- Choucri Kouatly, président de la République Syrienne de 1943 à 1949 et de 1953 à 1958.

Et beaucoup d’autres, cependant que les anglais s’appuient sur les loges écossaises et égyptiennes pour étendre leur influence en Syrie en prévision de l’indépendance. Les Britanniques considèrent le Moyen-Orient comme leur chasse gardée où les français sont des intrus, malgré les accords Sykes-Picot.

Les élections législatives de juin 1943 sont gagnées par les nationalistes. Leur chef, franc-maçon notoire, Shukri al-Kouatli est porté à la présidence. Il nomme à la tête du gouvernement un autre franc-maçon, Sa’dallah al-Jabiri de la loge Kayssoun. Cependant la franc-maçonnerie n’en tire aucun avantage.

A la même période le Grand Orient de Syrie reprend ses activités avec une quinzaine de loges et la Grande Loge de France renait sous la tutelle de la Grande Loge de Syrie.

En avril 1946 la France évacue le Levant sous la pression des Etats Unis et de la Grande Bretagne. Le Liban avait déclaré son indépendance en 1943, mais la fin de la tutelle française donne une réalité à cette indépendance. La conséquence en est l’éclatement des obédiences syro-libanaises et la réorganisation des obédiences syriennes qui s’interrogent sur leur union.

L’Etat d’Israël voit le jour en 1948. La grande bourgeoisie syrienne, les grands propriétaires terriens (féodaux-cléricaux), les seigneurs de la finance et du commerce, les officiers supérieurs éduqués à l'occidentale, précipitent l'avènement d'une série de coups d'État(12).

- Mis en cause pour corruption après la guerre israélo-arabe, Shukri al-Kouatli est renversé par le colonel Husni al-Zaïm.

- Husni al Zaïn a été Initié à la loge al Haqiqa de la Grande Loge d’Ecosse à Lattaquié. Il prend de nombreux francs-maçons dans son gouvernement. Il signe l’armistice avec Israël. Il accorde le droit de vote aux femmes, augmente les taxes s’attirant l’ire des milieux d’affaire et des religieux. Il est renversé et exécuté par le colonel Sami al-Hinnawi

- Sami al-Hinnawi a renoué les liens avec l’Irak. Adib Chichakli le renverse en 1949.. 

- Le général Adib Chichakli était Franc-maçon au Grand Orient Arabo-Syrien(13). Il était membre du Parti Social Nationaliste Syrien qui voulait rétablir les frontières de l’ancienne Syrie incluant le Liban, la Palestine et Israël sans les Juifs. Il proclame la Constitution. En maçonnerie les débats prennent une tournure nationaliste. Les délégués déclarent qu’il serait temps de se débarrasser du « colonialisme maçonnique » et de son « joug esclavagiste ». Adib Chichakli se rapproche du Grand Orient de France. Le 25 février 1954, il est renversé par le colonel Hachem al-Atassi.

- Hachem al-Atassi est aussi présenté comme franc-maçon par Jean-Marc Aractingi. Il organise des élections à l’issue desquelles on retrouve le frère Shukri al-Kouatli président de la république.

- Finalement, en 1967, après la guerre des six jours et la perte du Golan, le ministre de la défense, Hafez al-Assad, et les éléments nationalistes du parti, mènent un coup d’état éclair.

- Parvenu au pouvoir, Hafez el Assad a interdit la franc-maçonnerie. Le Grand Orient Arabe OEcuménique affirme pourtant que Hafez el Assad lui-même était franc-maçon(14), initié à la Grande Loge de France à Paris.

La fin de la franc-maçonnerie est histoire de prise de pouvoir, de renversement de francs-maçons par les francs-maçons allant jusqu’à leur emprisonnement ou leur exécution… Nous avions évoqué une perte des valeurs ! Pourra-t-elle revoir le jour en Syrie ?

Il n’y a plus d francs-maçons dans la terrible guerre que mène contre son peuple Bachar el Assad, le petit fils de Suleiman el Assad qui voulait s’allier aux juifs.

Sans faire d'uchronie, on peut s'interroger sur les conséquences des actions de la France et de certains francs-maçons pendant le mandat sur la Syrie et sur leur responsabilité dans la catastrophe qu'est la guerre civile actuelle.

Les Juifs en Syrie, citoyens de seconde zone, traités en otages.

On ne connait pas de francs-maçons juifs en Syrie. Persécutés, les Juifs étaient maintenus à l’écart de la vie sociale et politique du pays.

Selon la légende, La présence juive en Syrie remonte à l’époque du roi David qui avait conquis la région. L’archéologie démontre cette présence à l’époque du second Temple, il y a deux mille ans. Elle s’est poursuivie sans interruption jusqu’à une période récente, mais dans quelles conditions ! Selon les sources, la communauté juive comptait entre 30.000 et 40.000 Juifs en Syrie à la fin de la seconde guerre mondiale. 

En Syrie, comme dans tous les pays arabo-musulmans les Juifs n’ont jamais été des citoyens à part entière. Au mieux, ils étaient des « dhimmis » dont la vie dépendait des caprices du souverain régnant. Ces Juifs ont connu des périodes de tranquillité et même des périodes de « lumières » mais toujours précédées et suivies de périodes de persécutions et de brimades qui menaient soit à l’exil soit à la mort. Les Juifs syriens ont commencé a émigrer, surtout aux Etats-Unis, au début du 20ème siècle.

Après la création de l’Etat d’Israël et la guerre d’indépendance où l’armée syrienne fut vaincue comme les autres armées arabes, il ne restait plus qu’à peine 5000 Juifs en Syrie. Environ 4 000 à Damas, 750 à Alep et 150 à Kamishlya. Ils étaient petits commerçants et artisans, les autres professions leur étaient interdites ou difficiles d’accès à cause du numérus clausus. Ils vivaient dans des ghettos interdits aux étrangers. Les juifs cohabitaient avec des réfugiés palestiniens qui s’étaient vu attribuer les logements vacants. Ces « voisins » leur rendaient l’existence intenable en multipliant insultes, provocations et voies de fait.

Is étaient devenus une communauté prisonnière et otage sous l’autorité des « Moukhabarat » (les services secrets syriens), ils étaient placés sous une surveillance inquisitoriale, à la merci d’arrestations et de perquisitions arbitraires, à leur domicile comme à la synagogue et vivant dans un constant climat de terreur. Les téléphones étaient sous écoute et le courrier censuré. Les pogroms étaient courants (voir carte ci-dessous). Ils étaient porteurs d’une carte d’identité où figurait le terme « Mousawi » (Juif), c’est-à-dire la mention de leur appartenance religieuse, ce qui n’était pas le cas ni pour les chrétiens, ni pour les musulmans.

En outre, les Juifs de Syrie étaient victimes de discriminations multiples dans leur vie professionnelle et devaient faire face à un étranglement économique officiel. Ils ne pouvaient accéder à des postes dans l’administration, le secteur nationalisé, l’armée, la police. Partout il était recommandé aux populations musulmanes de ne pas s’approvisionner dans les boutiques juives dont l’accès était d’ailleurs officiellement interdit.Les lieux de culte étaient en toute occasion la cible du vandalisme des foules musulmanes. Les écoles juives, deux à Damas et une à Alep, avaient obligatoirement à leur tête un directeur musulman qui multipliaient brimades et vexations.

La discrimination fondamentale entre les Juifs et les autres citoyens syriens reposait sur le refus de leur accorder le droit de circuler librement à l’intérieur du pays et le droit de quitter le pays pour ceux qui le souhaitaient. La montée de la violence, l’instabilité politique et économique avaient déterminé un nombre croissant de Syriens, chrétiens et musulmans, à s’expatrier. Les Juifs étaient le seul groupe religieux auquel il était interdit d’émigrer.

On comprend que dans le climat de terreur dans lequel ils vivaient, et dans l’impossibilité absolue de quitter le pays légalement, certains juifs de Syrie tentaient des évasions désespérées, courant le terrible danger d’être massacrés par des gardes-frontières ou de croupir en prison.

L’attitude du gouvernement syrien était en totale contradiction avec les articles 13 et 14 de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État, le droit de quitter tout pays, y compris le sien et d’y revenir, le droit, devant la persécution de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays. »

Depuis l’arrivée au pouvoir de Hafez el-Assad en 1971 on avait assisté à la violation par la Syrie de ses propres lois, et des accords internationaux dont elle était partie prenante, comme notamment les accords internationaux sur les droits civils et politiques, lorsqu’il ne s’agit pas de la violation pure et simple des normes élémentaires du droit coutumier, comme le droit de quitter son pays, ou d’être protégé contre la torture et autres formes de traitement cruel, inhumain et dégradant.

Après dix ans de combats difficiles, la communauté juive de Syrie a enfin obtenu, grâce aux pressions internationales, le droit d’émigrer. Ils ont commencé une nouvelle vie en Israël, aux Etats-Unis ou en Europe. Il semble ne rester que soixante-dix Juifs en Syrie.

Sources

- Roger Pinto ; Le combat pour la libération des Juifs de Syrie - Dans Pardès 2003/1 (N° 34). cairn.info. 

- Lyn Julius : Uprooted ; How 3000 years of Jewish Civilisationin the Arab World Vanished Overnight – ed. Valentine Mitchell, 2018. 

- Poopa Dweck : Le message d’une Juive syrienne à Alep : Gardez vos traditions et ne perdez pas espoir – The Times of Israël, 16 septembre 2016. 

- Le Monde : La situation des juifs en Syrie – 27 décembre 1967 - Wikipedia : Exode des Juifs des pays arabes et musulmans

Notes : 

1 - la Méditerranée, la Mésopotamie, la Perse, l'Inde, l'Asie mineure, le Caucase, et l'Égypte (Wikipedia).

2 - Joseph Kessel : En Syrie » p.14, les orthographes de Kessel sont respectées.

3 - Carlo Facci, Lumières et révolutions dans l’Orient ottoman – Chroniques d’histoire maçonniques n° 68. 

4 - Thierry Millet, Le Tablier et le Tarbouche : Francs-maçons et nationalisme en Syrie mandataire , juillet 2014 – Classiques Garnier. 

5 - Avec Jamil Mardam Bey, nationaliste, premier ministre du mandat français sur la Syrie.

6 - Les chemises de fer étaient une organisation paramilitaire sur le modèle des groupes nazis en Allemagne et en Egypte. Nasib al Bakri deviendra misistre de la justice en 1939 et des finances en 1941.

7 - Cahiers de la Méditerranée - La Franc-Maçonnerie en Syrie sous l’administration française (1920-1946), Attraits et rejets du modèle français - Thierry Millet.

8 - Mediapart : https://blogs.mediapart.fr/danyves/blog/290116/une-lettre-du-grand-pere-d-assad-leon-blum-de-1936-prevoyait-deja-le-massacre-des-minorites-par-les-mus 

9 - Le représentant de la France était le haut-commissaire de France au Levant, vivant à la Résidence des Pins à Beyrouth (l'actuelle résidence de l'ambassadeur de France au Liban).

10 - Il ne semble pas que le général Beynet ait été franc-maçon.

11 - Grand Orient Arabe OEcuménique, Wikipedia et Thierry Millet.

12 - Walid Nassef, la Syrie et ses coups d’état - The Times of Israël, 18 décembre 2014 

13 - Jean-Marc Aractingi, Dictionnaire des Francs-Maçon Arabes et Musulmans (2018) 

14 - "Les francs-maçons en terres d'islam", interview d'Antoine Sfeir, L'Express, 29 mai 2003, p. 3, Grand Orient Arabe