Qu'est-ce que la théologie ?

Comme tous les mots qui finissent par "logie", le mot "théologie" désigne une connaissance qui vise une certaine rationalité. La théologie veut être rationnelle à propos de Dieu ("theos" en grec). Elle est un travail critique et réflexif qui porte sur les croyances et pratiques dont nous héritons. Il y a des théologies chrétiennes mais il y a ou il y a eu aussi des théologies juives ou musulmanes, et la théologie a été inventée par les philosophes grecs avant le christianisme, comme ce qu'il convient de penser à propos du divin.

La théologie aujourd'hui fait appel aux sciences positives (histoire, analyse littéraire, sociologie, psychologie, etc.) qui étudient la culture, incluant ses dimensions religieuses, comme une réalité objective à comprendre de l'extérieur selon leurs méthodes respectives.

A cela la théologie ajoute une dimension propre : elle se pose la question de la signification actuelle des traditions étudiées. Elle se laisse interroger par leur richesse symbolique et met en valeur leur fécondité dans la culture actuelle. Elle réfléchit sur leur interprétation et les options qui la commandent. Au fond elle ne cesse de s'interroger sur ce que veut dire "croire", et ainsi d'actualiser la démarche de foi dans la culture d'aujourd'hui.

En cela la théologie s'apparente à la philosophie dont elle est issue. Elle hérite de la tradition des philosophes grecs non seulement la recherche d'un certaine cohérence et d'une rigueur de la pensée mais aussi une distance par rapport aux croyances naïves ou aux langages convenus. A la différence de la philosophie cependant, elle prend explicitement en considération dans son jugement le point de vue de la foi, celui qui est mis en oeuvre dans les textes et les traditions qu'elle étudie, comme une source d'éclairage possible. Dans la philosophie en effet l'influence de la foi biblique reste ordinairement implicite, elle est rarement pensée comme telle. Pourtant c'est le rôle de la philosophie de rendre toujours davantage conscients et explicites les présupposés qui orientent notre culture, et de débattre de leur sens. C'est pourquoi la théologie pourrait être reconnue comme partie intégrante de la démarche philosophique, comme elle l'était déjà avant même le christianisme, quand Platon interprétait les mythes dominants de sa culture.

Si l'origine de la philosophie en Grèce ancienne est déjà liée à de la théologie, réciproquement, l'origine de la théologie chrétienne, c'est de la philosophie, et plus précisément le christianisme en tant qu'il s'est considéré comme une philosophie, ce qu'il a fait pendant les premiers siècles de son histoire. Au Moyen-âge, une nouvelle différenciation s'est établie entre ce qui s'est nommé alors "théologie" et la philosophie héritée des Grecs antiques, notamment celle d'Aristote, qui ne faisait naturellement pas de place à la révélation biblique. Jusque là avait dominé à vrai dire le platonisme qu'on semblait pouvoir concilier davantage avec la foi, à la façon d'une préparation à celle-ci. Comme l'Eglise voulait imposer dans l'enseignement une façon d'interpréter qui soit compatible avec sa façon de comprendre la foi, cet enseignement a commencé à vouloir se démarquer de la théologie pour garder une autonomie de la réflexion rationnelle par rapport aux empiètements du pouvoir ecclésial et de ses normes au sein de l'Université.

Aujourd'hui, dans un régime de laïcité et de liberté de penser, et où nulle Eglise n'impose plus sa loi, y compris en matière religieuse, la philosophie montre pourtant encore, particulièrement en France, une certaine réticence à reconnaître ce qu'elle doit aux traditions bibliques. Or la raison moderne n'est plus la raison grecque, elle a notamment été transformée sous l'influence de la Bible. il est donc vital pour notre réflexion de s'exercer à l'interprétation de l'ensemble de nos sources spirituelles. La théologie française se trouve malheureusement marginalisée, cantonnée aux universités catholiques et à quelques instituts de formation dont ceux des Eglises protestantes et l'Institut Saint-Serge des chrétiens d'Orient. Elles est absente des universités publiques à l'exception des universités de Strasbourg et Metz, sous régime d'Alsace-Lorraine hérité de la période allemande.

Qu'est-ce qu'une Faculté de théologie ?

C'est une faculté organisée comme toutes les facultés d'enseignement et de recherche de l'Université, avec ses enseignants-chercheurs et ses étudiants. Ceux-ci ont toutefois la particularité d'être très divers par l'âge et la situation sociale : on fait rarement de la théologie sans avoir déjà suivi ou suivre simultanément une autre formation. La théologie permet à celui qui la pratique d'élargir sa culture générale, ses connaissances sur nos traditions spirituelles, d'améliorer ses capacités de réflexion, d'étayer un discernement personnel sur un engagement, des événements ou sur le sens de la vie. Elle est accessible à toute personne quels que soient ses projets et ses opinions, pourvu qu'elle soit prête à une étude intellectuelle de type universitaire.

Accès au texte des doyens des facultés canoniques françaises : "Une tradition universitaire de rencontre entre foi et raison", paru dans la revue "Esprit" en 2004