Le christianisme est-il culturel ?

Le christianisme est-il culturel ?

 

Jean-Luc Blaquart

 

Résumé

Le christianisme est-il culturel ? Les réponses à cette question sont liées aux conceptions de la culture, dont l’évolution pourrait être l’enjeu majeur de la foi elle-même.

 

 

Le christianisme est-il culturel ? Cette question se pose aujourd'hui à partir d’un contexte marqué par une double expérience, l’articulation de deux prises de conscience qui se renforcent l’une l’autre : d’un côté celle de la pluralité humaine dans l’espace et dans le temps, de l’autre celle de la liberté de choisir ses convictions. 

Une expérience de pluralité et de liberté

La prise de conscience de la pluralité  peut se résumer ainsi : ce qui vaut ici et maintenant ne vaut pas de fait ailleurs, ne valait pas de fait hier. Ce qui pour le croyant vaut partout et toujours se heurte ainsi à la finitude dans le temps et dans l’espace : pourquoi le Christ n’est-il pas venu plus tôt, pourquoi n’est-il pas venu ailleurs ? Ces questions qui pourront sembler naïves expriment une difficulté réelle. Tel est le premier choc, celui de l’exotisme, de la perception des différences entre les peuples. Il n’est pas nouveau[1], mais il a été accru par l’élargissement considérable de l’échelle des espaces et du temps portés à notre connaissance : tant de millénaires et tant de contrées pour lesquels la question de l’adhésion au Christ ne pouvait se poser !

Voici qu’une perception nouvelle de l’espace et du temps donne une dimension de recul et fait placer la foi chrétienne dans un paysage et une histoire où elle se trouve située. Le changement est d’importance : au lieu que la foi soit l’horizon qui donne sens et permette de juger toute chose, elle est elle-même comprise et évaluée dans un cadre plus large où du sens est autorisé et de la valeur distribuée. Parler de « culture », c’est fournir un tel cadre, et donc introduire dans l’expérience du croyant une médiation qui empêche de vivre ce rapport à la foi sans distance, sans la conscience d’un « ailleurs » sur le fond duquel cette foi apparaît dans une lumière différente.

Cette expérience de la pluralité représente un défi objectif qui vient d’un changement du monde extérieur et collectif. Elle s’accompagne d’une expérience plus subjective et individuelle qui vient de l’intérieur : celle de pouvoir choisir librement ses convictions, personnellement, quitte à se désolidariser de son milieu et à rompre avec les règles de comportement et les conceptions reçues dans l’éducation. Ces deux expériences, extérieure et intérieure, s’appellent et se renforcent mutuellement. En effet la découverte de la pluralité dans l’espace et le temps fait prendre conscience de la particularité de ma position : ce qui vaut pour moi vaut-il de la même façon pour toi, qui as hérité d’un autre milieu, as vécu une autre histoire ? Quand il s’agit de ce qui donne du sens et fait vivre au plus profond de soi, de ce qui fait juger « en âme et conscience », est-il possible de laisser de côté les différences de situation des personnes ? Dans l’autre sens, la prise au sérieux de ma liberté m’invite à explorer le champ des options possibles et à élargir toujours plus la portée de mon regard sur la diversité existante. Mondialisation et individualisation vont ainsi de pair, éclairant tout sous un jour nouveau en prenant comme à revers la vision traditionnelle de la foi.

Cette lumière fait vivre l’expérience d’un certain vertige, d’un déplacement de repères jusque là éprouvés comme fixes et inébranlables. Dans la mesure où la foi chrétienne représentait pour des croyants la voie du « salut », le choc vient du changement d’horizon : elle se trouve désormais située dans un cadre plus large, celui des religions et des cultures.

Cependant cette expérience de vertige et de déstabilisation du sol sur lequel on se tenait n’est pas propre aux chrétiens, ni à ceux qui se considèrent comme « croyants » : ce ne sont pas seulement les références religieuses, mais tous les repères, et notamment les convictions fondamentales, qui, en se trouvant recadrées, paraissent relativisées. Cette situation fait vivre à présent avec des repères ultimes dont on sait qu’ils pourraient être autres si on était né ailleurs ou en un autre temps.

Comment désigner ce terrain des convictions fondamentales sans l’absolutiser à nouveau sous forme d’une vérité universelle de l’Homme ou d’une Réalité ultime qui reviendrait à nier la nouvelle situation vécue, et à transposer à un niveau supérieur la certitude perdue au niveau précédent[2] ? L’utilisation du mot « culture » permet de suspendre cette tentation, et de prendre au sérieux l’expérience de ce vertige ambiant : oui, la foi chrétienne est « culturelle », comme l’est tout ce qui fait sens. C’est donc ce rapport à la culture qui fait problème et qu’il faut élucider.

 

Les trois sens du mot culture

Le mot culture est ancien, mais son sens a évolué. Cette évolution peut être balisée à l’aide de trois stades, qui correspondent à trois conceptions de la culture apparues successivement quoique poursuivant vivant leur vie parallèle et antagoniste. La première peut être dite normative et traditionnelle, la deuxième esthétique et optionnelle, la troisième factuelle et pluraliste.

La première est normative et traditionnelle : elle valorise en effet les règles transmises. On parlera ici de « la » culture, ou encore de « la » civilisation, au singulier, parce qu’il n’y a pas d’alternative sauf à tomber dans la barbarie et le chaos. Elle est réception d’un patrimoine, culte à l’égard de ce qui doit être révéré et respecté, des valeurs à protéger et développer contre les risques d’oubli et de perte, du « sacré » que la société considère comme ce qui a valeur en soi, absolument – c’est pourquoi l’on parle de « la » culture au singulier.

Dans cette signification traditionnelle du mot, l’analogie avec ce qui se passe en agriculture – croissance, développement, maturation – est significative[3]. Un humain cultivé ou civilisé cesse d’être un « sauvage », une « brute », ou « inculte ». Il a ainsi été « élevé » ou éduqué en bénéficiant de la socialisation qui l’a fait accéder à sa véritable identité. La culture est alors le fruit du développement mental par éducation et transmission. Elle correspond à ce qui a valeur et mérite d’être transmis. S’acquérant par l’effort et le travail, elle instaure des obligations et des critères de jugement, une hiérarchisation entre les comportements. Inséparable de la morale, elle véhicule des modèles pour le langage, la connaissance et l’action.

Cette culture est activité humaine, pour développer ce qui doit l’être. Mais elle est tout entière soumise à un ordre qui n’est pas, lui, reconnu comme « culturel » et qui se présente comme « autre » : il ne vient pas de volonté humaine mais de celle des dieux, ou de la loi naturelle, ou de l’ordre originel. On ne parle de « culture » que pour mesurer le travail qui reste aux individus pour venir à hauteur de cet ordre sacré : écart à combler, devoir à remplir.

La deuxième conception de la culture est esthétique et optionnelle, et provient d’un affaiblissement de sa normativité, dans le contexte des sociétés modernes qui s’affranchissent du poids de la Tradition : si cette culture est encore coextensive à l’activité humaine, elle n’est plus soumise à une loi qui vient de l’extérieur, elle ne laisse plus en dehors d’elle que du « naturel » brut, du matériau à transformer, qui n’a pas encore été mis en valeur. On ne se situe plus dans l’impératif, mais dans ce qui est choisi par les individus en fonction de ce qui leur plaît, le domaine du facultatif, de l'additionnel, du libre : ce qui est objet de goût, de choix personnel, d’options subjectives. Ce « culturel » devient une rubrique en marge de ce qui concerne l’utile, le sérieux de l’économique, du politique ou du scientifique. Il recouvre ce qu’on nomme l’art au sens moderne, ce qui est consacré au beau séparé des autres valeurs, ce qui est ajouté aux choses, comme un ornement, un artifice, pour embellir ou humaniser. Il met en valeur l'artiste, celui qui a le savoir-faire, même quand c'est un art de l'illusion, qui fait oublier le travail et se fait passer pour naturel. Le culturel est du cultuel désacralisé[4] : une église qu’on visite, un tableau ou une statue devenue objet d’art. Les temples de la culture sont les musées et les bibliothèques, on y vénère encore des valeurs, mais elles sont celles de la création humaine, et leur culte est désormais inséparable du goût de ceux qui partagent ces valeurs et que rien n’oblige à les partager pour vivre.

La troisième conception de la culture est factuelle et pluraliste, elle naît avec l’ethnologie et l’anthropologie à partir du XIXe  siècle, mais elle était déjà en germe dans la découverte de la diversité des sociétés humaines au XVe siècle. Elle désigne alors les façons de vivre des différents peuples. A partir du sens originel du verbe colere  - « se mouvoir dans un espace, l'occuper, l'aménager » - la pratique de l’agriculture suppose la gestion de l’espace et du temps, l’organisation d’un monde propre (mundus). Par analogie, on peut considérer les cultures – et leur dimension plurielle est alors patente  – comme les « mondes » de sens qui sont propres aux différents groupes humains. Cette approche est factuelle et purement constative : elle met de côté tout jugement de valeur qui aurait quelque surplomb par rapport à ces cultures, seul le souci scientifique de vérité présidant à la description et l’analyse des systèmes étudiés. Sur ce souci peut se greffer une préoccupation de respect, sauvegarde et protection, similaire à ce qui se fait dans le domaine de la « biodiversité » : il s’agit alors de favoriser la diversité culturelle comme une richesse de l’humanité[5].

 

Par-delà deux illusions symétriques

Sortir de la première conception, c’est rompre avec une conception sacrale de la culture qui imposait de la transmettre de façon inconditionnelle sous peine de déchéance honteuse voire de mort. La modernité l’a fait, en valorisant ce qui est historique, ajouté, créé par le travail de l’homme, dévalorisant tout donné préalable : la nature est réduite à un matériau brut, pâte molle à transformer. La culture devient affranchissement par rapport à tout ordre qui la précéderait et prétendrait s’imposer au nom d’une nature qui aurait caractère sacré. Mais elle se prive aussi par là d’un fondement qui lui donnerait sa légitimité objective et universelle : coupée de la nature, elle est réduite elle-même à son statut purement factuel, historique et arbitraire. Seule la décision des humains peut la justifier désormais. La liberté moderne ne joue pas seulement vis-à-vis de la nature, mais aussi de l’ordre social – les deux étant d’ailleurs solidaires et emboîtés l’un dans l’autre pour les sociétés traditionnelles. La culture est objet de choix individuel, et non plus une loi impérative qui soumettrait au diktat du groupe. La culture au premier sens était une mise aux normes de l'individu, au deuxième elle devient option libre. L'individu était vu comme un champ où la culture pouvait se développer, il est maintenant valorisé comme tel, le culturel devenant pour lui un moyen. Une culture humaniste ne se contente pas de développer l’homme, mais elle est le fait de sujets humains.

Cependant, quand la modernité interprète la pluralité des cultures comme une palette d’objets entre lesquels l'individu pourrait arbitrer à sa guise, elle ignore leurs tenants et aboutissants sociaux historiques : nous ne sommes pas en situation d’extériorité ou de détachement tel que nous puissions naviguer de l’une à l’autre, mais pris dans notre monde culturel et déterminés par lui . Bien plus, c’est encore notre culture qui nous donne ce rôle de sujet libre et de consommateur indépendant : quand la deuxième conception croit comprendre la troisième comme la confirmation du statut central de l’individu – toutes les cultures du monde tournant autour de moi -, elle occulte le fait que ce statut est lui-même culturel : l'individu ne peut jouer son rôle qu’en orbite autour des axes déterminés par sa culture, ses valeurs et ses modèles. L’humanisme fait de la culture l’activité des sujets humains, mais il risque d’oublier le fait que lui-même, avec ces sujets, obéit à un modèle culturel.

Le troisième sens du mot « culture » permet ainsi de rendre compte des deux autres : du premier sens, il retient le caractère obligatoire et fondateur des normes, contre l’illusion du choix souverain des individus : celui-ci n’est pensable et ne prend sens que dans une configuration donnée de la culture ; tout n’est pas matière à option, et en particulier l’établissement des options lui-même. Du deuxième sens, il retient la pluralité factuelle de ces normes, contre leur absolutisation qui les ferait s’imposer toujours et partout. La culture antique a tort de ne pas prendre conscience qu’elle est une culture et non « la » culture. La culture moderne a  tort de se prendre pour une option individuelle et non un déterminant collectif.

Le troisième sens du mot « culture » fait sortir du danger de sacralisation comme de l’illusion subjectiviste. La culture n’est pas un absolu incontestable qui imposerait soumission, elle n’est pas simple matière à option. La majorité des Européens naissent chrétiens, si l’on entend par là un socle de convictions, valeurs et représentations qui ont été transmises au nom du christianisme ou sous son couvert. Cela est vrai même et surtout s’ils montrent avoir des comptes à régler avec le christianisme. Quelle prise ont-ils en réalité sur la culture commune héritée ? Dans quelle mesure croient-ils ou pas personnellement ? Quelle est leur part d’autonomie ? Elle n’est possible que par un programme culturel, qui donne à l'individu une marge de liberté, et même un devoir d’interprétation. Tels ont été les programmes de la rationalité grecque et de la foi biblique[6] : ils sont à l’origine de la distance introduite par notre culture vis-à-vis d’elle-même, lui donnant les ressources d’un recul, ou d’une extériorité par rapport à elle[7]. Ils ont permis la naissance de la modernité en tant que suspens, doute, examen, rupture, et corrélativement celle d’individus responsables. Mais cette responsabilité risque de s’éteindre si elle tombe dans l’illusion d’une totale indépendance des individus par rapport aux traditions. Que gagne-ton à ignorer le christianisme dès lors qu’il est en nous sans que nous l’ayons choisi ? La condition d’une vraie distance, c'est-à-dire d’un tri conscient, est dans une connaissance de la religion comme fait pour une liberté responsable et non illusoire, par des consciences capables de reconnaître, d’investir, de valoriser, de cultiver cette dimension-là de leur héritage, de la réinterpréter, d’y puiser et de lui donner du sens, en sachant qu’elle est souterrainement présente et active comme composante importante de leur culture commune.

 

La foi et les trois sens du mot « culture »

Comment comprendre la foi chrétienne, son statut et son enjeu, à la lumière de cette analyse de la culture ? En dépassant deux sens de la culture qui s’opposent et en proposant de privilégier un troisième sens, notre analyse permet de sortir d’un dilemme où se trouve enfermée la théologie chrétienne en situation de modernité. Dans cette alternative, le rapport entre foi et culture s’est interprété sous le signe d’une opposition ou d’une concurrence entre Dieu et l’homme. Loi venant d’ailleurs et caution divine à ce qui échappait au pouvoir humain, d’un côté, et libre choix des hommes pour donner  figure à leur monde, de l’autre.

Du point de vue de la foi, sa réduction moderne à du culturel a été comprise comme un athéisme, et la contestation du caractère absolu lié au premier sens de « culture » est vécue comme la chute dans le relativisme. L’emploi de l’expression « christianisme culturel » porte cette charge de dépréciation. Ce qui est particulièrement redouté, c’est le risque que la foi soit confondue avec un besoin psychique, une option individuelle, un goût subjectif. Cette crainte est renforcée par le fait que la modernité, après avoir – dans la ligne des libres penseurs – récusé le religieux en tant que normativité sacrale, le réinvestit en tant qu’option personnelle. Le christianisme orthodoxe n’est plus seulement refusé par principe comme fondement des normes sociales, mais concurrencé dans son contenu et sa fonction spirituelle elle-même par la libre réappropriation qui en est faite individuellement.

Quand la foi chrétienne était placée en continuité avec la culture au premier sens, le rapport à Dieu exprimait la dépendance vis-à-vis d’un ordre dont la remise en cause était à la fois interdite et impossible : seul l’insensé pouvait douter de l’existence de « l’être tel que rien de plus grand ne peut être pensé[8] ». Que peut-on penser de plus grand que l’ordre de la culture à laquelle on appartient ? Dieu était évidence qui s’impose, ni inventé ni choisi mais premier, toujours déjà là.

On comprend que la modernité se soit instaurée comme une revendication de liberté par rapport à un tel ordre de la culture. Face à ce dieu de l’ordre reçu et imposé, elle a promu l’homme créateur, faisant basculer la culture du côté de la production humaine. Quand la foi chrétienne est comprise comme « culturelle » en ce deuxième sens, elle devient expression de volonté humaine et non plus divine. Le christianisme en tant que symbole de la culture héritée et l'Église en tant qu’autorité normative se sont trouvés visés par le refus moderne de la dépendance. La modernité s’est comprise comme un recommencement, naissance d’un monde nouveau, impliquant la caducité de l’ancien : l’athéisme correspond à cette logique poussée à l’extrême, où rien ne doit être sacré, en principe. En fait il en est toujours autrement : l’athéisme est un programme de négation indéfinie, mais un programme idéal qui ne peut jamais être mené à bien, et qui comme tel est illusoire s’il est pris pour la réalité : on sacrifie toujours quelque chose à quelque chose. On ne peut jamais tout retrancher, ni tout recréer ex nihilo. La prise au sérieux de la culture permet de lever une partie du malentendu qui sépare ceux qui croient en un Dieu et ceux qui n’y croient pas : elle nous fait reconnaître que si notre humanité n’est pas ailleurs que dans la plus-value historique qu’elle engendre, cet ajout est toujours aussi déjà un fondement qui nous précède et nous permet d’être humains.

Cet ordre refusé était collectif, la modernité a promu le choix individuel. Si le religieux paraît alors encore légitime, c’est comme recherche individuelle à des besoins spirituels. Tandis que « la religion » a mauvaise presse, et se trouve exclue de la sphère de la culture en tant qu’elle refuse cette souveraineté du jugement de l'individu, « le spirituel » fait florès comme libre investissement des personnes en quête de bonheur intérieur. L’importance du « for interne » n’est certes pas nouvelle dans le christianisme, et on sait l’importance qu’y a prise souvent le salut des âmes au détriment du social et du politique. Mais la vie moderne poursuit ce processus en faisant de la foi une démarche strictement intérieure et individuelle.

Or Dieu ne peut être simplement ce qui serait librement créé et décidé par les hommes, c’est pourquoi il a été perçu dans la modernité comme aliénation insupportable, et accusé de servir des intérêts non voulus comme tels par les individus, mais déterminés par une instance, psychique – l’inconscient –, ou sociale – la lutte de classes – qui les déposséderait d’eux-mêmes. Il couvre le fait qu’il y a toujours de l’hétéronomie dans la vie de l’homme moderne, en dépit de son idéal. L’athée est encore religieux, parce qu’il vit avec d’autres, qu’il partage avec eux des convictions vitales et qu’il participe à des combats communs[9]. Si l’on donne au mot « culture » un contenu qui ne se réduise pas à des traditions mortes et des objets de musée, on doit y intégrer cette dimension religieuse collective[10]. Le christianisme pris comme un objet spirituel à la disposition des individus fait partie du mythe moderne de la souveraineté absolue de la conscience. Celle-ci trouve ses limites dans la part irréductible du collectif qui traverse la culture[11].

L’autonomie est faite d’assentiment en grande partie implicite accompagné d’une touche de réinterprétation personnelle. Comme tous les individualismes, l’individualisme religieux est illusoire, parce qu’il occulte par principe les déterminants collectifs des choix individuels. La dénonciation du subjectivisme et du relativisme est dupe de cette illusion. L’optionnel n’opère en réalité qu’à la marge et dans la mesure de la définition des marges par la culture ambiante. Quand le croyant ou l’incroyant se déterminent dans leur conviction, ils ne voient pas que du décisif est déjà engagé en amont de leur choix pour en fixer les attendus. Il n’y a jamais de subjectivisme, en ce sens. La compréhension de la foi comme réponse à un besoin psychique ou goût subjectif laisse de côté l’essentiel de ce qui compte vraiment. Car le besoin et le goût ne sont pas définis indépendamment des normes globalement partagées. A fortiori en va-t-il de ce qu’on croit être vrai. Choisit-on de « croire », et en quel sens ? « Je n’arrive pas à croire », « J’ai perdu la foi », « Vous en avez de la chance, de croire »… : il n’est pas sérieux de mettre ce qui se joue là au crédit ou au débit de « la grâce », ni non plus de l’acte de foi demandé par Jésus, confiance, décision capitale qui change la vie. La crédibilité, définie comme ce qui est croyable dans une société à un moment donné, ne dépend pas des individus – hormis quelques prophètes ou philosophes qui tentent de changer les critères de crédibilité et qui la plupart du temps sont incompris ou récusés. Celle de Dieu ne tient pas non plus à la « nature humaine », c'est-à-dire à un ordre évident qui s’imposerait universellement aux humains en se faisant passer pour naturel. Le mot « Dieu » avec ce qu’il signifie n’est pas commun à tout homme qui vit sur cette terre, mais il est transmis de façon socio-historique.

La structure de crédibilité est en effet toujours collective, et passe par l’emprise du cadre social de référence. Celui-ci peut être restreint à un groupe local qui est le milieu de vie quotidien – tel le monastère – quand la norme du vrai n’est pas partagée dans la société globale. Mais toujours une assise sociale est requise pour donner à la foi sa condition de possibilité, du moins quand il en va de foi chrétienne. Celle-ci s’est définie à partir de la foi juive qu’elle était à l’origine, puis en mimétisme avec l’ambition philosophique de vraie connaissance : l’une comme l’autre visaient à structurer l’ensemble du réel vécu, à la différence des cultes antiques qui ne poursuivaient que des objectifs partiels et limités – une guérison, l’ordre politique d’une cité, etc. Cette dimension « intégrale » ne peut se satisfaire de rester une enclave dans un monde qui lui serait étranger. Quand des communautés particulières enferment leurs membres dans un sous-univers[12], elles sont plus ou moins « sectaires » – au sens neutre et sociologique du mot – selon le degré de compatibilité de ce sous-univers avec le monde global. Si l’Église a pu fonctionner à l’origine comme une secte dans un empire qui ne la reconnaissait pas, et si chaque philosophie était enseignée dans une école qui lui était propre, toutes portaient en elles cette aspiration fondamentale à éclairer et convertir la réalité globale, ce qui ne pouvait se réaliser vraiment qu’en transformant la société et la culture au troisième sens du mot. L’enjeu fondamental est à la hauteur des critères du vrai et du juste. Ce que même la philosophie n’avait pas réussir à convertir - la vie de la cité –, le christianisme l’a entrepris, en endossant la religio romana[13].

Jésus changeait-il les critères de crédibilité ? Il n’aurait pu le faire totalement sans être incompris. Une bonne nouvelle ne peut être perçue qu’en s’appuyant sur ce qu’on sait déjà être bon, dans les marges de cette bonté présupposée attendue. Jésus a déplacé des centres d’équilibre, s’appuyant sur certaines convictions admises pour en bouger d’autres, avalisant des termes servant à juger – « heureux » ou « malheureux », « béni » ou « pécheur » – tout en en inversant les attributaires. Mais cette pratique introduit dans une dynamique de transformation qui entraîne plus loin ; car l’inversion des attributaires n’est pas une simple permutation qui laisserait inchangée la relation qui les unit, elle invite à entrer dans une autre logique[14] : il s’agit de changer la conception du bonheur et du malheur, de la bénédiction et du péché, c'est-à-dire de la foi elle-même et du salut annoncé. L'histoire du salut devient alors une histoire des conceptions du salut. La Bonne nouvelle périme en germe les assises culturelles sur lesquelles elle s’appuie, la nouveauté s’étendant à la conception du bon. La modification de la marge subvertit l’ensemble.

Si cela se produit, et si la foi réussit à transformer les critères du bon, elle se mue elle-même en évidence, en culture commune, « naturelle »… Elle tend alors à échapper au choix et perd son statut de bonne nouvelle. Elle ne peut donc vivre comme telle qu’à la frontière entre ce qui est reçu et ce qui est choisi, entre l’appel et la réponse, entre la tradition et son interprétation, entre du natif et de l’électif.

 

Le natif et l’électif

Si la foi chrétienne s’est transmise durablement, c’est portée par une culture qui en a fait son emblème. Ce qu’on appelle « christianisme » n’a pu exister historiquement que comme « nativité »[15], c'est-à-dire structure collective de sens dans laquelle chacun se trouvait d’emblée déjà inscrit dès sa naissance. Il y était lié comme composante désormais essentielle d’un englobant fondateur, même s’il n’était pas seul à le structurer[16]. Une telle structure est toujours en partie inaperçue comme force de l’ordre déjà donné, et échappe de ce fait aux individus ; le christianisme y a pris forme en jouant le rôle de religion qui justifie et sacralise cet ordre. En tendant vers le pur natif, il devenait instance de soumission, de contrainte, et de conformité. Par rapport à ce rôle hétéronomique, la modernité lui donne aujourd'hui de la liberté. Elle l’incite à se définir comme choix personnel, de la même façon désormais que toute religion légitime. Elle lui permet ainsi d’honorer davantage sa propre tradition : « On ne naît pas chrétien, on le devient[17] ». On est chrétien par réinterprétation de sa tradition, non par naissance mais par renaissance. Cette valeur du choix personnel, qui se trouve maintenant dans la culture englobante à cause de l’action historique du christianisme, lui est réadressée pour l’obliger à changer dans son statut de religion.

Le troisième sens de la culture oblige à penser l’articulation du social natif et du personnel électif. Un pur électif serait illusoire, il en est de même pour le christianisme, et ce à toute époque : l’écrasante majorité des chrétiens dans l'histoire n’ont pas choisi de l’être. Ils l’étaient, de fait. Qu’ont-ils choisi personnellement ? En quoi consiste ce choix ? Sa nature et son sens ne furent pas strictement identiques à Jérusalem, à Rome ou à New York : la conception de la foi sera donc différente inévitablement, la part du choisi est différente, dans une culture qui donne à choisir non pas abstraitement mais selon des possibilités qui font sens pour elle et qui lui sont propres. L’enjeu le plus important se situe à la frontière de ce qu’une culture autorise et donne comme possibilité de choix. Mais cette frontière bouge continuellement, parce que le natif est sans cesse remanié par l’électif – les choix petits et grands qui sont faits à tous les niveaux de comportement par les individus, sans préjuger d’autres facteurs d’évolution qui échappent à leur conscience.

Un christianisme redéployé en droiten fait, on reste beaucoup dans le conformisme, autant chez les intellectuels que dans l'Église – et ouvert aux réinterprétations, cela va avec l’appel à croire personnellement. Le mouvement vient de la Réforme, et de plus loin : tout le christianisme n’est-il pas dans la réinterprétation des écritures et de l’ethos juifs ? Il n’était pas à l’origine une « autre religion » que le judaïsme. Celui-ci déjà, en développant le thème de l’élection, ne le fait pas jouer seulement comme sacralisation d’une appartenance ethnique mais comme réciprocité d’un choix, d’un électif. Ce caractère central de l’interprétation nourrit aujourd'hui le besoin de lire la Bible, de faire de la théologie, et vient déplacer même la frontière entre croyants et incroyants. La réflexion de fond sur la foi vient se glisser entre ce « fait religieux » et ce que le christianisme devrait être en droit, et maintenir ouvert entre eux cet espace d’interrogation. Le « je crois » devient plus un programme d’élucidation et choix personnel que la reconnaissance d’un consensus nous rattachant à nos ancêtres.

Cependant l’électif suppose toujours le cadre d’un natif dans lequel il joue jusqu’à le faire bouger à la marge. S’il s’exerce en ouvrant un sous-univers, il n’est pas vivable en dehors de l’univers. Dans le cas du christianisme et de sa prétention d’éclairer la totalité de l’expérience, il ne peut même se résigner à demeurer un sous-univers. Si elle ne touche à l’englobant, la foi devient un sous-univers parmi d’autres, à classer plutôt dans le registre des dérivatifs imaginaires individuels ou communautaires. Elle se mue en art de vivre, poursuite du bien-être personnel, nourrissage du sentiment subjectif, recherche d’un « petit salut » privé. Mais ce qu’elle gagne en plasticité apparente et en liberté pour l'individu, elle le paye en « sérieux » et en crédibilité. De plus, si elle perd l’ambition d’orienter l’univers global, elle reste dans l’illusion et la dépendance vis-à-vis de cet univers : si elle ne touche à l’englobant, celui-ci la détermine forcément. Cela serait-il le prix à payer pour exister dans la culture moderne et participer à son développement ?

La question est aigue dans une société laïque, qui oblige à penser la coexistence de deux registres, c'est-à-dire à reconnaître par chacun qu’il a un sous-univers et ses voisins un autre. Cette règle promeut la légitimité pour l'individu de développer librement un imaginaire tout en maintenant l’interdiction de lui faire gouverner la vie commune. Elle instaure donc le deuil d’un sens global, par-delà cette césure entre privé et public, sens global qui pourtant est toujours déjà là mais provisoirement et faute d’une mise en question toujours possible : il n’a pas de légitimité définitive. On fait comme s’il n’existait pas, comme si rien n’occupait la place de l’ancien ordre chrétien global. La foi chrétienne est donc contrainte – alors même que sa raison d’être est d’englober tout le réel – à se vivre comme un imaginaire auquel il est impensable que le monde commun obéisse.

Comment des croyants peuvent-ils vivre l’articulation entre ces deux mondes ? La question certes n’est pas nouvelle. Elle se posait à l’époque des premiers moines. Ceux-ci avaient créé leur monde, le monastère, dans l’attente de la fin du monde ambiant, qui serait la fin de cette dualité indue. Le premier christianisme a eu une attitude ambivalente à l’égard de la société globale : ni manichéisme, ni soumission inconditionnelle aux autorités, mais une troisième voie à trouver, transposant la tension entre l’électif évangélique et le natif juif à la situation des chrétiens dans l’Empire. La tension s’est trouvée en partie réduite par l’instauration d’une société chrétienne, en partie seulement parce que la foi n’a cessé en même temps de se présenter comme une conversion à effectuer, un choix personnel toujours à faire, de l’électif permis et demandé par le natif. Elle resurgit avec la modernité.

            Le problème du christianisme aujourd'hui dans les sociétés occidentales est d’avoir à vivre entre l’incroyable et l’évident. D’un côté, le danger de se tenir dans un monde marginal, hors du champ de ce qui est tenu pour vrai. De l’autre, le péril de se cantonner à répéter indéfiniment ce qui a déjà été intégré par la culture commune. Deux façons de rendre insignifiante la foi, soit par retrait hors de la trame qui porte le sens ambiant, soit par transparence totale vis-à-vis de ce tissu. Exténuation de la Bonne nouvelle soit par méconnaissance des attentes, soit par canonisation de ce qui est déjà considéré comme bon.

L’évolution rapide de la culture depuis quatre siècles a marginalisé en Europe occidentale l’orthodoxie chrétienne, spécialement catholique. Cela explique pourquoi, au cours de la seconde partie du vingtième siècle, les catholiques ont été autant préoccupés de s’enraciner dans « la vie ». Mais cela a pu conduire à des comportements de réassurance mimétique et stérile, une sorte de ritualité apologétique dans la pensée, pour montrer qu’on se tenait bien dans l’espace commun des convictions, dans ce qui est jugé par tous réel et valable.

En réalité, ce qu’on appelle « la vie », c'est-à-dire les normes prégnantes de la culture, est plus fort et présent qu’on ne croit, et donne une fonction même aux comportements les plus marginaux. L’existence de l’ermite le plus retiré reste imprégnée des valeurs et significations dont il a héritées. De plus, la culture n’est pas figée mais en évolution continue, plus ou moins rapide selon les milieux et les époques. Elle se perpétue et se transmet par un constant filtrage opéré par et dans la communication des individus et des groupes : par mes paroles et mes gestes, je renforce à tout instant la culture commune, ou je la modifie insensiblement, rarement délibérément. Je valorise tel ou tel élément, le fais exister pour d’autres, le pondère en lui donnant plus ou moins d’importance, le réinterprète, ou le censure. La culture est faite de toutes ces micro-décisions qui se communiquent et se transmettent.

Ce filtrage permanent est la vie de la culture, sa reproduction et son métabolisme évolutif. L’interaction entre la foi chrétienne et la culture commune passe donc par la myriade de comportements qui communiquent, la plupart du temps implicitement, des significations. Elle est un lent travail d’inflexion et transformation, qui pour l’essentiel n’est pas rationnel, explicite ou systématique. La fonction de la théologie est de s’interroger sur ce processus, ce qui suppose un difficile travail d’explicitation des significations cachées, travail de nature philosophique.  

La tradition chrétienne est mise à contribution, plus ou moins explicitement, dans ce tri, et pas seulement de la part de personnes qui se disent croyantes. Bien des valeurs chrétiennes sont devenues un bien commun de nos sociétés, ce qui contribue à la « transparence » du christianisme actuel : valeurs de vérité, de liberté, d’insatisfaction historique, refus de l’unidimensionnalité, légitimité du souci d’être reconnu, protégé… Mais le tri se fait aussi dans l’autre sens, en prenant pour objet le christianisme tel qu’il est transmis et communiqué explicitement : il y a les significations et valeurs que nous intériorisons, pour autant qu’elles ne soient pas déjà passées du côté de ce bien commun. Et il y a celles que nous refusons, souvent à cause de la coloration qui leur est donnée par leurs modalités de transmission : notre culture nous rend hostiles à des croyances et rites imposés explicitement par un mot d’ordre venu de loin et de haut, et privilégie le conformisme ambiant rampant de proximité et de séduction. Elle valorise les communautés d’élection par rapport aux appareils institutionnels. Ce qui est transmis du christianisme est sans cesse objet de sélection, mutilation, réinterprétation, rendu insignifiant parce que redondant par rapport aux évidences acquises dans la culture globale ou bien insupportable et refusé parce que lié à un état de la culture avec lequel la modernité a rompu.

 

Conclusion

Le christianisme est-il culturel ? Il ne peut accepter de l’être au premier sens de la culture, comme un ordre sacralisé et transmis comme tel, même s’il est de fait passé dans les mœurs et dans les mentalités sans qu’on en soit toujours conscient. Il ne peut davantage accepter de l’être au deuxième sens de la culture, comme une option individuelle placée devant notre choix souverain, même s’il a de droit dans la société laïque le statut d’une libre conviction pour la conscience privée. Il doit l’être au troisième sens de la culture, comme structure globale de sens qui oriente fondamentalement ce qui vaut et ce qui est, ce que notre culture a traditionnellement nommé « Dieu » et qui ne cesse de la travailler de l’intérieur. A cette hauteur doit être compris et situé le salut qu’il propose, non comme l’exercice autoritaire d’une norme, non comme la consolation narcissique de l’âme, mais comme nouvelle création corrélativement individuelle et collective. Ce salut ne peut venir qu’à cette échelle d’une culture dont nous sommes radicalement dépendants et dont nous pouvons devenir davantage responsables.

 

Texte publié dans la revue Mélanges de Science Religieuse tome 67, 2010, n°4 pp. 33-46.

 

 

[1] Montaigne, Les essais, « Des cannibales ».

[2] Telle était l’attitude, déiste ou athée, qui trouvait dans la référence à une Raison universelle, dans une philosophie, voire dans une science triomphante, un substitut aux religions désormais dévaluées.

[3] Elle se trouve déjà en latin : « Un champ si fertile soit-il ne peut être productif sans culture, et c'est la même chose pour l'humain sans enseignement » (Cicéron, Tusculanes, II, 13).

[4] « Culture est un mot qui désigne les cultes qu’on ne pratique plus » (Régis Debray, Rapport sur l'enseignement du fait religieux à l'école, 2001).

[5] UNESCO, Déclaration de Mexico de 1982.

[6] Ainsi que je l’ai montré dans Dieu bouleversé, éd. du Cerf Paris 1999.

[7] Cf mon article « Gratuité et transcendance », MSR  t.66, 2009 n°2 pp.15-16.

[8] Anselme de Canterbury, Proslogion..

[9] "J’ai découvert que, tout athée qu’on était, on était bel et bien religieux, du type prophétique et mystique. Du judéo-chrétien pur jus. On ne peut pas participer à n’importe quel combat douteux – et ils le sont tous – sans croire, ni croire sans participer."  (Régis Debray, Le monde des religions mars avril 2001  p.48).

[10] Le même Régis Debray qui oppose la culture au culte reconnaît que le religieux en tant que collectif ne peut être effacé : " Culture  est un mot qui désigne les cultes qu’on ne pratique plus. Cependant reste l’autre volet du fait religieux à l’école : dessiner les contours de ce continent noir qu’est l’immense domaine des actes de croyance" (Rapport sur l’enseignement du fait religieux à l’école, 2001).

[11] « Notre appartenance c’est notre point aveugle » (Régis Debray, Le feu sacré, Fonctions du religieux, Fayard 2003 p. 213).

[12] Selon le concept de W. James repris par P. Berger et Th. Luckmann, tr. fr. La construction sociale de la réalité, éd. A. Colin 2005.

[13] M. Sachot, Quand le christianisme a changé le monde, I La subversion chrétienne du monde antique, éd. O. Jacob 2007.

[14] Jean-Luc Blaquart, Le mal injuste, éd. du Cerf 2003 p. 258 et s.

[15] Est-ce un hasard si l’instauration de cette fête de la Nativité se fait au moment de l’établissement d’une société chrétienne ? Désormais chaque bébé naîtra chrétien à la suite du Fils de Dieu.

[16] Ou plutôt était-ce sa capacité à intégrer de la rationalité grecque, du droit romain et de la ritualité païenne qui lui a donné ce rôle structurant.

[17]  Tertullien, Apologie du christianisme, ch.18.