Le pardon à l'épreuve de la déportation

"La voie du pardon comme attitude chrétienne face au mal"

in Le pardon à l'épreuve de la déportation,

Lille Le Geai bleu éditions, 2015, sous la dir. de Cathy Leblanc (collaboration)

Dans Le siècle et le pardon[1] J. Derrida rappelait l’origine chrétienne du pardon, qui participe de « la mémoire abrahamique », comme la notion de crime contre l’humanité, contre le Dieu fait homme, auquel il répond. « La mondialisation du pardon ressemble à une immense scène en cours, donc à une convulsion – conversion – confession virtuellement chrétienne, un processus de christianisation qui n’a plus besoin de l'Église chrétienne. » Il est donc opportun de revenir sur l’origine juive et chrétienne du pardon, pour entrer dans sa signification, et pour comprendre en quoi il continue d’animer aujourd'hui notre culture.

Le pardon est placé par les Évangiles au cœur de la relation qui sauve. Il est ainsi la voie qui est privilégiée pour surmonter le mal. Nous en explorerons le sens et la portée pour notre culture et son évolution. En effet la mise en valeur du pardon dans la foi chrétienne n’est pas seulement de l’ordre de l’arbitraire individuel ni de la convention sociale ni de la programmation institutionnelle ni même de l’exigence éthique, mais s’y jouent le rapport au réel et l’attitude fondamentale face au mal qui structurent en profondeur notre culture.

Le pardon n’obéit à aucune règle qu’elle soit de politesse (civilité), de morale (disculpation), de droit (non-lieu, acquittement ou prescription), de politique (amnistie), ou même de piété religieuse (purification). Il ressortit à une attitude plus profonde, qui fait vivre autrement le rapport à tous ces registres valant chacun dans son ordre propre.

En replaçant le pardon dans son ancrage biblique, on pourra mieux en comprendre la spécificité, et reconnaître les malentendus qu’il engendre. En l’interprétant à partir de la blessure ressentie et non de la faute jugée, on modifiera la perception de sa gratuité, ce qui ouvrira le regard sur sa pertinence au cœur même de notre culture.

[1] Le siècle et le pardon, texte paru dans Le monde des débats en 1999 et reproduit aux éd. du Seuil en 2000. Les références suivantes à J. Derrida se rapportent à cette dernière publication.