Préparation au débat sur l’instruction publique au Québec
Document – 1 - L’instruction 1663-1760
Dans les petites écoles, les programmes d'études sont plutôt dépouillés. Généralement, les instituteurs se contentent d'inculquer aux écoliers des rudiments d'arithmétique, de lecture et d'écriture sans plus. Quant aux jeunes filles, celles-ci sont soumises aux mêmes apprentissages, nonobstant elles doivent suivre en plus certains cours d'arts ménagers où on les initie aux travaux familiaux et domestiques.
Dans ces écoles, aucun cours d'histoire ou de géographie n'est dispensé, mais les leçons de religion occupent une partie importante de l'horaire quotidien de ces élèves. L'objectif premier du cours primaire est bien plus de former de bons citoyens catholiques aux mœurs exemplaires que de les préparer aux études avancées. Dans un tel contexte, toutes les matières servent à transmettre les valeurs chrétiennes aux enfants; par exemple, l'apprentissage de la lecture se faisait au moyen de textes dévots. Les connaissances acquises y sont plutôt sommaires étant donné la durée réduite des études qui se limite généralement à deux ans pour les hommes et à quelques années supplémentaires pour les femmes qui doivent assimiler les travaux ménagers.
Pour la plupart des enfants, la petite école est la phase terminale de leurs études. Cependant, dans le dessein de former une élite autochtone1, on inaugure en 1655 à Québec le collège des Jésuites qui est une école secondaire où l'on y dispense le cours classique. Institution de prestige, elle se compare aux meilleures écoles supérieures de France. Pour les plus talentueux des moins fortunés, on institue un programme de bourses, le premier d'ailleurs en Amérique du Nord. Ce plan a pour fonction d'assurer la subsistance et la pension de ces écoliers afin qu'ils puissent poursuivre des études supérieures.
Le cours secondaire permet aux élèves de s'orienter, vers les classes de lettres ou les sciences. Le jeune qui se dirige vers la première option est soumis à l'apprentissage de la grammaire, du latin, du grec, de la rhétorique et des sciences humaines, telles la géographie et l'histoire. On y étudie les grands classiques, tels Virgile et Cicéron. Quant à ceux ayant opté pour les sciences, on les initie à la philosophie, à la physique et aux mathématiques.
Fait intéressant à noter, l'usage du français était interdit dans les classes de lettres, car les cours s'y donnaient uniquement en latin, tandis que les cours de sciences pures étaient dispensés dans la langue de Molière. A une certaine époque, afin d'y attirer les autochtones, des cours furent donnés en langues huronne et algonquine.
Source : Richard Leclerc. Histoire de l'éducation au Québec (Consulté le 3 mai 2014)
1 – Élite autochtone : L’élite née au Canada français peu importe qu’elle soit de parents français ou de parents amérindiens.
Document 2– Apprendre 1760-1867
Après la Conquête, le réseau scolaire de la Province of Quebec est fort mal en point. De nombreuses écoles fermées pendant la guerre restent closes. Le fragile statut de l’Église catholique, qui contrôlait la plupart des établissements d’enseignement, empêche une véritable reprise des activités éducatives. Les jeunes Canadiens français fréquentent de moins en moins l’école. Le taux d’analphabétisme de la population catholique demeure très élevé.
Il faut attendre le début du 19e siècle pour que le gouvernement du Bas-Canada ouvre de nouvelles écoles. Toutefois, les catholiques boudent ces nouveaux établissements qui sont surtout fréquentés par les jeunes de religion protestante. Ce n’est qu’à partir des années 1840 et 1850 que le clergé catholique encourage une nouvelle fois l’ouverture d’écoles.
Sébastien Brodeur-Girard et al. Le Québec, une histoire à construire, Volume 2, Éditions Grand Duc, Laval (Québec), 2008, p. 567.
Document 3 – L’école primaire
La très grande majorité des enfants fréquentent seulement l’école primaire de leur région pendant quelques années. Il s’agit surtout d’écoles de rang ou de village où tous les élèves sont regroupés dans une seule pièce, peu importe leur sexe, leur âge ou leur niveau. Le plus souvent, l’instituteur ou l’institutrice enseigne les nouvelles notions à quelques élèves pendant que les plus vieux supervisent les travaux des plus jeunes.
Sébastien Brodeur-Girard et al. Le Québec, une histoire à construire, Volume 2, Éditions Grand Duc, Laval (Québec), 2008, p. 567.
Document 4- Éva Circé-Côté (1871-1949) Femme de lettres
Libre penseuse, féministe, nationaliste, elle milite toute sa vie pour l’instruction gratuite et obligatoire et pour la fondation de bibliothèques. Elle est la fondatrice de la bibliothèque municipale de Montréal dont elle est la conservatrice et la bibliothécaire adjointe. Elle est la première vice-présidente de la Société des auteurs canadiens. Elle a presque toujours écrit sous un pseudonyme : Colombine, Musette, Jean Nay, Fantasio, Arthur Maheu et Julien Saint-Michel.
Jean-Herman Guay, Éva Circé-Côté (1871-1949) Femme de lettres, Bilan du siècle.
Document 5– Les études secondaires
La plupart des jeunes se retrouvent sur le marché du travail immédiatement après avoir terminé leurs études primaires ou même avant. Quelques-uns, plus doués ou plus fortunés, peuvent suivre les cours secondaires classiques. Toutefois, seuls les garçons ont cette chance, puisque les premiers collèges classiques pour les filles n’ouvrent leurs portes qu’au début du 20e siècle. La formation classique porte essentiellement sur l’apprentissage du latin, de la rhétorique (l’art de bien s’exprimer), de la philosophie et des mathématiques. Le cours classique donne un baccalauréat et permet aux diplômés de poursuivre leurs études universitaires en droit, en médecine ou en théologie.
Sébastien Brodeur-Girard et al. Le Québec, une histoire à construire, Volume 2, Éditions Grand Duc, Laval (Québec), 2008, p. 594.
Document 6– Les écoles ménagères
Pour les jeunes filles, il y a les écoles ménagères, l’équivalent des écoles professionnelles ou plus tard, les instituts familiaux. Dans ces écoles, étroitement encadrées par le clergé, les jeunes filles apprennent tout ce qu’il faut pour devenir de bonnes épouses et de bonnes mères. On y enseigne la cuisine, le tissage ou la couture. À partir des années 1930, de nouvelles matières, telle la pédagogie familiale ou la psychologie féminine, sont introduites. Dans les années 1950, cet enseignement sera contesté par plusieurs femmes éduquées qui le jugent stéréotypé et trop conservateur.
Sébastien Brodeur-Girard et al. Le Québec, une histoire à construire, Volume 2, Éditions Grand Duc, Laval (Québec), 2008, p. 595.
Document 7– La formation professionnelle
Au 19e siècle, une formation publique offerte aux adultes commence à se développer. À partir de 1828, les Montreal Mecanic’s Institute propose des cours du soir au travailleurs anglophones. Ceux-ci peuvent également consulter la bibliothèque bien garnie de l’établissement et participer aux nombreuses activités sociales qui y sont organisées. Quant aux possibilités de formation pour les ouvriers canadiens-français, elles sont peu nombreuses et peu populaires.
Sébastien Brodeur-Girard et al. Le Québec, une histoire à construire, Volume 2, Éditions Grand Duc, Laval (Québec), 2008, p. 568.
Document 8– Formation technique des paysans
Seuls les agriculteurs font l’objet d’une certaine attention à partir des années 1850. Une presse spécialisée dans les questions agricoles voient le jour et permet de faire connaître les nouvelles pratiques à un plus vaste public. Des cercles agricoles s’organisent dans plusieurs paroisses pour donner une meilleure formation technique aux paysans. En 1859, le collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière développe un programme agricole. Son exemple est bientôt suivi dans d’autres collèges, mais leur clientèle demeure assez faible. Peu scolarisé, les Canadiens français de cette époque n’ont pas tendance à se tourner vers l’éducation pour améliorer leur sort.
Sébastien Brodeur-Girard et al. Le Québec, une histoire à construire, Volume 2, Éditions Grand Duc, Laval (Québec), 2008, p. 568.
Document 9– Les écoles amérindiennes
Conçue par les responsables du département des Affaires indiennes comme lieu d’acculturation privilégié, l’école de la réserve devait « inculquer le plus rapidement et le plus complétement possible les habitudes, coutumes et manières de penser les Blancs » aux enfants amérindiens. Le système scolaire allait cependant se heurter aux valeurs culturelles et aux habitudes nomades ancestrales des autochtones.
Chad Gaffield, « Vers une présence institutionnelle », Histoire de l’Outaouais, p. 378.
Document 10 – L’instruction publique
Dans ses discours, Mercier insiste sur le rôle de l’instruction dans l’exercice de la démocratie. Pour exercer son droit de vote de manière éclairée, dit-il, il faut savoir lire, réfléchir et posséder des connaissances variées. D’autre part, dit-il aussi, des travailleurs et des agriculteurs instruits augmenteront la richesse collective. En 1888, son gouvernement annonce la création d’un réseau d’écoles du soir pour les travailleurs. Implantée en 1889, cette mesure remporte un immense succès. Stimulé par l’exemple de l’Ontario et de plusieurs États américains, le gouvernement national encourage également la formation de bibliothèques publiques et l’édition de livres canadiens.
Malgré ses convictions personnelles et celles de ses collègues libéraux, Mercier n’ose pas proposer l’instruction obligatoire. Pour se maintenir au pouvoir, il doit en effet composer avec les « conservateurs nationaux » et avec l’influence des Églises. Ces dernières contrôlent le système scolaire et s’opposeraient avec la dernière énergie à une intervention accrue de l’État en éducation, qui serait à leurs yeux un pas vers la laïcisation.
Honoré Mercier, PREMIER MINISTRE DU QUÉBEC DE JANVIER 1887 À DÉCEMBRE 1891, Commission de la Capitale nationale (Québec)
Document 11– Les études universitaires
Toutefois, à l’exception des séminaires qui forment les prêtres, les établissements universitaires mettent du temps à s’implanter au Bas-Canada. Les anglophones sont mieux servis avec la fondation de l’Université McGill en 1821 et l’Université Bishop en 1843. Les francophones doivent attendre la création de l’Université Laval en 1852, qui ouvrira une succursale à Montréal en 1878.
Sébastien Brodeur-Girard et al. Le Québec, une histoire à construire, Volume 2, Éditions Grand Duc, Laval (Québec), 2008, p. 568.
Document 12– Première obtention d'un baccalauréat par une Canadienne française du Québec
[ Octobre 1911] Fille d'une pionnière de l'action sociale, Marie Gérin-Lajoie devient, en 1911, la première Canadienne française à obtenir un baccalauréat ès arts. Elle fréquente alors l'école d'enseignement supérieur pour filles des Soeurs de la Congréation de Notre-Dame, affiliée à l'Université Laval.
Les résultats de Marie Gérin-Lajoie , les meilleurs de sa promotion, auraient normalement dû lui mériter le prix Colin et celui du prince de Galles, assorti d'une bourse d'études universitaires. Mais les membres du jury n'ont pas jugé bon de lui décerner ce prix, étant donné l'impossibilité pour une jeune fille d'être admise à l'université à l'époque. Ils ont donc remis le prix à l'étudiant ayant obtenu les meilleurs résultats, après Marie Gérin-Lajoie, une pratique discriminatoire qui s'est déroulée dans le plus grand secret.
Bilan du siècle
Document 13– Comment les écoles se développent-elles au Québec à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle?
« La Montreal High School fut construite en 1843. Comme le Stanstead College (fondé en 1817), le Bishop's College (fondé en 1837) et la St. John's School, devenue le Lower Canada College en 1909, la Montreal High School fut fondée pour préparer les garçons protestants à une carrière professionnelle dans un secteur comme la médecine ou le droit. Les Écossais exerçaient sur cette école une influence supérieure à celle des Anglais; c'est pourquoi les sciences et les sujets classiques y occupaient une place importante. Plusieurs des diplômés de l'école poursuivirent leurs études à l'Université McGill qui, dans les années 1850, possédait des facultés de médecine, de droit et des arts. Dans les années 1860, les femmes étaient admises dans de nombreuses universités américaines, et en 1875, la Mount Allison University, au Nouveau-Brunswick, comptait une femme parmi ses diplômés. C'est en 1888 que sortit de McGill la première classe de femmes diplômées, alors qu'à Laval, les femmes ne furent admises qu'en 1910.
Dickinson, John A. et Brian Young. Diverse Pasts, a History of Québec and Canada. Mississauga, Copp Clark, 1995, p. 202-206.
Document 14- Apprendre – 1867-1960
Dans la deuxième moitié du 19e siècle, le clergé catholique renforce son emprise sur le système d’éducation québécois. Ce contrôle se fait sentir à la fois par une nette augmentation du nombre de religieux et de religieuses qui se consacrent à l’éducation ainsi que par une domination administrative du réseau scolaire. À partir de 1869, le Conseil de l’instruction publique (l’organisme responsable de gérer le domaine de l’éducation) est divisé en deux comité, un catholique et un protestant. Les évêques sont nommés d’office sur le comité catholique, ce qui leur assure une grande influence.
Au début des années 1880, le premier ministre du Québec accepte même de soumettre aux évêques tous les projets de lois relatifs à l’éducation afin qu’ils les approuvent. Il faudra attendre la Révolution tranquille pour que les choses changent au prix de difficiles négociations avec le clergé.
Sébastien Brodeur-Girard et al. Le Québec, une histoire à construire, Volume 2, Éditions Grand Duc, Laval (Québec), 2008, p. 593.
Document 15- Les écoles confessionnelles
La Constitution canadienne de 1867 fait de l'éducation une compétence de juridiction provinciale. Au Québec, elle garantit aux catholiques et aux protestants des écoles distinctes, gérées par des commissions scolaires confessionnelles. Le Québec se dote, en 1868, d'un premier ministère de l'Instruction publique mais, face aux pressions de l'Église catholique, l'abolit en 1875. Le clergé juge en effet qu'il est seul en mesure de dispenser un enseignement adéquat aux jeunes et que l'État ne doit pas intervenir dans les questions scolaires. L'éducation est alors confiée à l'autorité du département de l'Instruction publique (DIP), formé d'un comité catholique et d'un comité protestant. Cette situation reste inchangée jusqu'en 1964, alors que s'amorce la laïcisation de l'éducation et que l'État développe un réseau d'éducation public.
Mathieu Pigeon, « L'éducation au Québec, avant et après la réforme Parent », Ensemble thématique du Musée McCord,
Document 16– À l’école ou au travail ? Les effectifs scolaires
Malgré de sensibles améliorations dans les institutions scolaires, dans les villes et villages surtout, la fréquentation scolaire ne se généralise pas aussi rapidement que les inspecteurs ou les parents le souhaiteraient. Même dans les milieux supposément réfractaires à la fréquentation scolaire, on commence à réaliser l’importance de l’instruction pour améliorer ses conditions d’existence, Dans cette optique, certains mouvements ouvriers, dont le CMTC, réclament dès 1887, une loi sur l’instruction publique obligatoire. Elle ne se matérialisera au Québec qu’en 1943.
Chad Gaffield, « Vers une présence institutionnelle », Histoire de l’Outaouais, p. 383.
Document 17– La maternelle et le primaire
Avant que l’instruction devienne obligatoire, la plupart des enfants en milieu rural s’absentent régulièrement de l’école afin d’aider leurs parents dans les travaux des champs. Ils et elles peuvent ainsi passer plusieurs jours ou même plusieurs semaines sans se présenter en classe. En milieu urbain, le problème se pose moins, mais la révolution industrielle et le travail des femmes suscitent d’autres difficultés.
Il faut par exemple trouver un moyen de s’occuper des jeunes enfants pendant que les parents sont à l’usine. Les premières maternelles apparaissent chez les protestants à la fin du 19e siècle et chez les catholiques au début du 20e. Ces établissements privés sont toutefois trop peu nombreux pour répondre à la demande. Ce n’est qu’après la Seconde guerre mondiale qu’un véritable réseau de maternelle se développe au sein des commissions scolaires publiques.
Au 19e siècle, la plupart des écoles primaires comptent qu’une seule classe pour tous les élèves. Cette tendance persiste jusque dans les années 1940, bien qu’on tente de plus en plus de créer au moins deux classes afin de séparer les filles des garçons. À la même époque, la durée des études primaires s’étend, passant de quatre ans à six ans dans les années 1920, puis à sept ans à partir de 1937.
Sébastien Brodeur-Girard et al. Le Québec, une histoire à construire, Volume 2, Éditions Grand Duc, Laval (Québec), 2008, p. 593-594.
Document 18– Les collèges classiques
Ceux qui souhaitaient entreprendre des études universitaires doivent nécessairement passer par les collèges classiques. Ces établissements privés coûtent cher et sont généralement fréquentés par les enfants des familles aisées. Dans le milieu agricole, seuls quelques jeunes peuvent espérer aller un jour dans un collège classique, à condition de devenir un prêtre. En effet le curé du village accepte parfois de financer les études des élèves les plus brillants, qui prendront éventuellement la relève. Malgré les coûts élevés, de plus en plus de jeunes s’inscrivent dans ces collèges, si bien qu’il faut ouvrir de nouveaux établissements. Au début, ils demeurent réservés aux garçons, mais une forte demande entraîne l’ouverture d’un premier collège classique pour fille en 1908. Il est suivi de plusieurs autres, malgré les réticences de certains religieux qui voient d’un mauvais œil la possibilité d’une trop grande instruction chez les filles.
Sébastien Brodeur-Girard et al. Le Québec, une histoire à construire, Volume 2, Éditions Grand Duc, Laval (Québec), 2008, p. 595.
Document 19– De quelle façon les enfants d’ouvriers fréquentent-ils l’école?
« Pour les enfants des campagnes ou de la classe ouvrière urbaine, instruction et travail ne sont pas incompatibles. Souvent, les enfants des villes fréquentent l’école pendant plusieurs mois, puis ils cessent d’y venir pour des raisons familiales ou personnelles. Leurs modèles de fréquentations ressemblent en cela à ceux des enfants des campagnes à qui l’on demande de rester à la maison pour les semailles ou les moissons. Les enfants assidus, eux, peuvent toujours disposer des heures après l’école pour mendier ou gagner de l’argent de quelque manière pour eux ou leur famille. Certains des « petits enfants » qui vendent des journaux dans les rues le soir travaillent peut-être à ces heures tardives pour gagner de l’argent tout en étudiant. »
Bradbury, Bettina. Familles ouvrières à Montréal, Âge, genre et survie quotidienne pendant la phase d’industrialisation, Montréal, Les éditions du Boréal, 1995, p. 158.
Document 20– Quel est le niveau d’instruction des ouvriers?
« Le manque d’instruction dans les manufactures est flagrant: des enfants ignorants sont incapables de dire leur âge, des adultes sans instruction sont incapables de lire et d’écrire. Ceci oblige les employeurs à faire venir de l’étranger des travailleurs instruits pour occuper des charges pour lesquelles les travailleurs canadiens ne sont pas formés. »
Crevier, Claudette. « État et travail des enfants au Québec (1880-1900) ». Mémoire présenté comme exigence partielle de la maîtrise en histoire, Université du Québec à Montréal, 1992, p. 50.
Document 21 – L’instruction obligatoire
Au début de la période contemporaine, l’éducation demeure sous l’unique responsabilité des parents. Selon l’Église, les parents sont en effets les seuls qui doivent décider s’ils souhaitent ou non envoyer leurs enfants à l’école. Le clergé et ses partisans les plus conservateurs exercent donc de fortes pressions pour empêcher toute loi sur l’instruction obligatoire, même si plusieurs demandes en ce sens sont faites dès les années 1870. Leur position ne s’assoupit qu’en 1943, lorsque le gouvernement d’Adélard Godboult réussit à convaincre les évêques d’accepter une loi qui oblige tous les jeunes de 7 à 14 ans à fréquenter un établissement scolaire. Cette loi arrive toutefois tardivement et le Québec accuse un important retard par rapport aux provinces voisines. Les écarts provinciaux diminuent graduellement à partir de 1960, mais ils demeurent perceptibles au moins jusqu’en dans les années 1990.
Sébastien Brodeur-Girard et al. Le Québec, une histoire à construire, Volume 2, Éditions Grand Duc, Laval (Québec), 2008, p. 605.
Document 22– Les autochtones et le réseau de l’éducation
L'histoire de l'intégration des autochtones dans le réseau de l'éducation est d'ailleurs bien peu glorieuse pour le Québec et le Canada. Au début du XXe siècle, les modifications apportées à la Loi sur les Indiens ont enlevé la responsabilité juridique des parents envers leurs enfants. Avec la réforme de cette loi en 1951, le gouvernement fédéral a obligé ces derniers à fréquenter les pensionnats amérindiens qu'il avait mis en place. L'usage de leur langue y était interdit. Aujourd'hui, malgré de grands progrès, près de la moitié des autochtones ne détiennent pas un diplôme d'études secondaires.
Lisa-Marie Gervais, « Dernière province à adopter une loi sur l'instruction obligatoire - L'école primaire fut longtemps un luxe au Québec, » Le Devoir, 25 septembre 2010, http://www.ledevoir.com/societe/education/296834/derniere-province-a-adopter-une-loi-sur-l-instruction-obligatoire-l-ecole-primaire-fut-longtemps-un-luxe-au-quebec
Document 23– La formation et le milieu agricole
Très démuni au plan scolaire, le monde rural disposera, à la fin du 19e siècle, non seulement d'un réseau d'écoles, mais aussi, de fermes de « démonstration », de journaux spécialisés et de nombreux cercles agricoles qui permettront la diffusion des connaissances. En dehors des écoles, ces cercles vont constituer un outil privilégié de formation pour les agriculteurs. Ils mettent en avant un mode d'apprentissage basé sur le travail de groupe, mieux adapté que le travail scolaire au mode de vie des cultivateurs. C'est au sein des cercles d'études que prendront naissance les syndicats et coopératives agricoles.
(…)
Entre 1850 et 1860, le gouvernement et, encore davantage, l'Église, conscients des problèmes que pose la modernisation de l'agriculture, s'efforcent de cerner les besoins des agriculteurs en matière de formation. On implante un réseau d'écoles supérieures d'agriculture et de fermes modèles, à partir de l'infrastructure existante des collèges et des séminaires. Les autorités provinciales sont fortement influencées par la pensée agriculturiste qui prévaut depuis l'Union. C'est une idéologie qui amalgame le patriotisme canadien-français, la religion catholique et l'activité agricole. Le discours officiel alimente néanmoins une idéologie éducative élitiste qui favorise l'émergence d'une catégorie d'agriculteurs, futurs leaders de leur milieu. L'exemple et la compétition seront les deux principaux éléments sur lesquels s'appuiera la formation des agriculteurs.
Centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition féminine, Apprendre : une action volontaire et responsable : énoncé d'une politique globale de l'éducation des adultes dans une perspective d'éducation permanente , (Consulté le 4 mai)
http://bv.cdeacf.ca/bvdoc.php?no=2005_07_0003_partie1&col=CJ&format=htm&ver=old
Document 24– La formation des travailleurs et des travailleuses
Les écoles de métiers
L'industrialisation favorise la mécanisation et la division du travail; un nombre grandissant de travailleurs et de travailleuses est amené à effectuer des tâches souvent monotones et ingrates. Dans une ville comme Montréal, la masse des prolétaires augmente rapidement durant la deuxième moitié du 19e siècle. Les quartiers les plus populeux sont ceux de l'est où habitent une majorité d'ouvriers canadiens-français. Dans ces quartiers, le taux de mortalité est plus élevé, le niveau d'instruction plus bas, et les revenus plus faibles que dans les autres quartiers. La mécanisation change aussi la nature du savoir technique. Pour répondre aux besoins de l'industrie, il devient nécessaire d'organiser la formation professionnelle d'un certain nombre de travailleurs et travailleuses. Le gouvernement et quelques entreprises prennent certaines initiatives, mais, dans l'ensemble, l'enseignement spécialisé demeure inadéquat. La période 1869-1907 sera néanmoins marquée par la fondation des écoles de métiers, sous l'égide du Conseil des arts et manufactures, et par la création des écoles du soir du gouvernement dirigé par Mercier.
Centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition féminine, Apprendre : une action volontaire et responsable : énoncé d'une politique globale de l'éducation des adultes dans une perspective d'éducation permanente , (Consulté le 4 mai)
http://bv.cdeacf.ca/bvdoc.php?no=2005_07_0003_partie1&col=CJ&format=htm&ver=old
Document 25– L’école obligatoire et la gratuité scolaire
Il faudra attendre 1943 pour que le gouvernement libéral d'Adélard Godbout réussisse à traverser les débats acrimonieux avec le clergé et adopte une loi sur la fréquentation scolaire obligatoire. Dorénavant, les enfants doivent aller à l'école de l'âge de 6 ans jusqu'à 14 ans ou jusqu'à l'achèvement de la 7e année. Les parents risquent même de se voir imposer des amendes s'ils retirent leurs enfants de l'école. La gratuité scolaire est également instituée.
L'après-guerre et le baby-boom qui s'ensuit feront pression pour une éducation plus en phase avec les nouvelles valeurs sociales: s'instruire n'est plus un passage pour embrasser la vie religieuse. La population rêve d'occuper des fonctions lucratives.
Kathleen Lévesque, « Paysage législatif - Un ministère fut créé en 1964. L'école secondaire publique a été instaurée en 1956. ». Le Devoir, 25 septembre 2010.
Document 26– Réforme constante
Sous l'impulsion du gouvernement du Parti québécois, on lance en 1995 les états généraux sur l'éducation qui enclencheront un processus de réforme de fond en comble du système scolaire. Parmi les recommandations des travaux effectués, on retrouve notamment la déconfessionnalisation du système scolaire, des investissements dans la petite enfance et la réduction du nombre de commissions scolaires. Le gouvernement implantera cette réforme entre 1999 et 2006.
L'un des moments forts fut l'abrogation de l'article 93 de la Constitution canadienne, ce qui a permis la création de commissions scolaires linguistiques plutôt que religieuses. Fort de cette décision, le gouvernement du Québec adoptera en 2000 la Loi 118 sur le statut non-confessionnel des écoles québécoises. Dans cet élan et malgré de nombreuses protestations, les cours d'enseignement religieux sont abolis et, depuis 2008, les enfants doivent suivre le cours Éthique et culture religieuse.
Kathleen Lévesque, « Paysage législatif - Un ministère fut créé en 1964. L'école secondaire publique a été instaurée en 1956. ». Le Devoir, 25 septembre 2010.
Document 27– La lente arrivée de la laïcité
Entre-temps, un autre débat s'est amorcé. Le Mouvement laïque de langue française (MLLF), nouvellement créé, réclame la mise sur pied d'un réseau d'écoles, neutre celui-là. En 1966, la commission Parent fait droit à cette revendication. Satisfait, le MLLF se sabordera en 1969. Pourtant, rien ne changera avant... 2000!
Le rapport Parent propose en outre de remplacer les commissions scolaires catholiques et protestantes par des commissions scolaires uniques. Celles-ci prendraient en charge toutes les écoles, françaises, anglaises, catholiques, protestantes, non confessionnelles. Cette recommandation se heurte à l'opposition ferme des protestants et des milieux catholiques conservateurs, qui tiennent aux droits et privilèges confessionnels garantis constitutionnellement en 1867. Les protestants ne veulent pas tomber sous la gouverne des francophones; les catholiques conservateurs craignent avant tout la montée de l'école «neutre».
Jean-Pierre Proulx, « De la confessionnalité à la laïcité scolaire - Il est un débat séculaire qui dure et perdure... Le «projet éducatif chrétien» deviendra de plus en plus illusoire » Le Devoir, 25 septembre 2010
Document 28– Besoin de changement
Le système scolaire élaboré dans la deuxième moitié du 19e siècle demeure en place jusqu’à la fin des années 1950. Sa structure rigide et peu démocratique, ses programmes anciens, de moins en moins adaptés à la vie moderne ainsi que l’élitisme et le sexisme qu’on y retrouve expliquent la nécessité d’importants changements. De plus l’Église n’arrive plus à fournir les ressources nécessaires au maintient du réseau. Avec le baby-boom et l’instruction obligatoire, de plus en plus de jeunes fréquentent l’école au moment même où le personnel religieux diminue.
Sébastien Brodeur-Girard et al. Le Québec, une histoire à construire, Volume 2, Éditions Grand Duc, Laval (Québec), 2008, p. 595.
Document 29– Grèves et droits de scolarité
C'est aussi la décennie qui verra naître les collèges d'enseignement général et professionnel (cégeps), en même temps qu'elle sera secouée par plusieurs grèves étudiantes. Ces mouvements de protestation ont tout à voir avec le financement des universités et les droits de scolarité. En 1989, l'ancien directeur du Devoir, Claude Ryan, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science à l'époque, doublera en deux ans le montant des droits de scolarité, les faisant passer de 540 $ — montant qui était le même depuis 20 ans — à environ 1200 $. Résultat? Au début des années 90, les étudiants québécois sont deux fois plus nombreux à faire faillite.
Après un calme relatif, une autre tempête viendra balayer le réseau de l'éducation au Québec, celle des «Bourses du millénaire». En 1998, le gouvernement libéral de Jean Chrétien fait adopter le projet de loi C-36, qui permet de distribuer des bourses aux étudiants de toutes les provinces, ce qui ranime le spectre de l'ingérence du fédéral dans un champ de compétence provinciale. Loin de s'éteindre, le mouvement étudiant de protestation sera ravivé en 2004. En réponse aux coupes de 103 millions effectuées dans le Programme d'aide financière, des manifestations étudiantes finissent en une grève générale illimitée en 2005.
Si le Québec a réalisé l'impossible en rejoignant le peloton des pays les plus scolarisés en l'espace de 50 ans, il lui reste pourtant du chemin à faire. Car, fait inquiétant, l'éducation ne semble plus être plus une priorité à l'aube du nouveau millénaire. En 1966, au moment où se terminait le vaste chantier de la commission Parent, 41 % des Québécois souhaitaient que le gouvernement concentre ses efforts pour rendre l'instruction accessible à tous. Mais, en 2002, un sondage fait par Ad hoc recherche a révélé que la priorité accordée à l'éducation n'était souhaitée que par... 5 % de la population.
Lisa-Marie Gervais, « Dernière province à adopter une loi sur l'instruction obligatoire - L'école primaire fut longtemps un luxe au Québec, » Le Devoir, 25 septembre 2010, http://www.ledevoir.com/societe/education/296834/derniere-province-a-adopter-une-loi-sur-l-instruction-obligatoire-l-ecole-primaire-fut-longtemps-un-luxe-au-quebec