L'épistémologie des modèles formels nous enseigne ceci, comme nous l'indique Franck Varenne : "il y a une sous-détermination des modèles par les données. Pour une pierre gravée, ne trouverez-vous pas toujours une structure de site alentour (ou plus loin) qui va sembler coïncider ? Il faudrait donc pouvoir quantifier la faible plausibilité d'une congruence contingente (non voulue)"
Franck Varenne est spécialisé dans la critique des modèles formels, en particulier en géographie, à partir d'approches mathématiques et statistiques.
L'analyse statistique s'impose pour montrer en effet la faible probabilité que nos trouvailles de terrain sont dues au hasard ou au fait qu'il y a tellement de sites (néolithiques ou pas) en Europe. Toute prédiction de présence d'un site n'induit en rien que le site trouvé répond au modèle.
Pour préparer ce travail statistique nous commençons par deux exemples, afin d'exposer les modèles sur du concret.
Les points de rendez-vous sont placés aux sommets de triangles de dimension connue.
Les gravures représentent des points de repère qualifiés sur le terrain, à une échelle connue.
Le modèle à longue distance postule que nous allons de la P3E vers le Nord, en suivant d'abord un triangle 5 12 23 pour intégrer le cap vers Carnac, puis un 3 4 5 pour le parcours vers Anvers et Gosek. Ensuite l'entrée en Angleterre se fait à longitude constante et selon une distance 'standard' de 217,78 km. On arriverait donc à Ringwould après avoir effectué 3 mouvements à pieds P3E vers Carnac, Caden vers Anvers, Anvers vers Stonehenge.
En conséquence, le modèle cartographique qui permet de positionner le 1er point en Angleterre est au plus simple : ce point est à la longitude de Stonehenge et d'Anvers, à 217,78 km de la verticale de la P3E à Anvers.
Nos bases de calcul pour les grandes distances entre deux points GPS sont établies pour tous les points du modèle
ACOS(SIN(RADIANS(B2))*SIN(RADIANS(B3))+COS(RADIANS(B2))*COS(RADIANS(B3))*COS(RADIANS(C2-C3)))*RayonT
Rayon de la terre 6371.08545 km (ajustée de 85 mètres pour tomber sur une distance P3E Beigua de 336 km exactement)
Unités standard k et U obtenue par observation des éléments de terrain:
Pierre des Trois Evêques / Viseur des Ecrins : 207,36 mètres
Pierre des Trois Evêques / carrière de Beigua : 336 kilomètres
ratio de l'homothétie P3E vers Beigua k = 336 / 207,36 x 1 000 = 1620, 37037
Unité du triangle d'hypoténuse P3E Beigua U = 13,44 kilomètres
Unité du triangle d'hypoténuse P3E Viseur des Ecrins u = 8,2944 mètres
Et donc 217,78 km = k x U
On prend comme points de départ la Pierre des Trois Evêques (45.30207. 4.48927) et Stonehenge (51.17885, -1.82619) et on calcule le point qui est à la latitude de Stonehenge (51.17885) et 217,78 km de la même longitude que la P3E (4.48927) et à la meme latitude que Stonehenge (51.17885). Objectif du calcul, trouver X tel que la distance (51.17885 X) vers (51.17885 4.48927) = 217,78 km
B2 = 51.17885 ; C2 = X ; B3 = 51.17885 ; C3 = 4.48927
ACOS(SIN(RADIANS(B2))*SIN(RADIANS(B3))+COS(RADIANS(B2))*COS(RADIANS(B3))*COS(RADIANS(C2-C3)))*RayonT = 217,78
Résultat X = 1.3647 . Le point théorique d'un repère de type cercle est 51.17885 1.3647
51.17885 1.3647 : le point est placé sur la carte
En quoi ce résultat n'est-il probablement pas dû au hasard ?
Le point 51.17885 1.3647 est visuellement à 50 mètres d'un massif circulaire, isolé, non cultivé mais parfaitement contourné par les tracteurs, alors qu'on est dans une région agricole.
Le type d'objet attendu est observé à 22 mètres en longitude, et de 101 m en latitude du point calculé.
Le toponyme, Ringwould, indique la présence d'un cercle (RING). Les explications locales ne s'accordent pas la dessus.
Les analyses de sous sol montrent une intense concentration de traces néolithiques
il n'y a pas d'autre cercle en surface dans un rayon de 30 km.
Le cercle de Ringwould est dans sa dimension proche des autres cercles identifiés dans le réseau
Il y a beaucoup d'autres excavations dans la craie dans cette zone d'Angleterre, mais c'est la seule qui marque un cercle, et il est parfait.
Il y a beaucoup d'autres cercles au Sud de l'Angleterre, mais ceux qui sont sur cette ligne sont équidistants
(présentation faite par l'auteur de ce site pour accompagner l'équipe locale qui est allée constater sur place)
Exercice répété pour la localisation du cercle proche d'Anvers
Nos méthode pour projeter une pierre relevée sur le paysage
L'orientation du relevé de la pierre doit être corrigé de la différence entre le Nord magnétique et le Nord géographique à la date du relevé : 1.75° en novembre 2021 (à vérifier donc à quelle date a été pris le relevé). On obtient le vrai Nord et la déclinaison sur ce site https://www.ngdc.noaa.gov/geomag/calculators/magcalc.shtml#declination à un point donné, à une date donnée.
L'échelle de la pierre relevée par rapport au paysage réel est de 1 / 101 980 ème (rapport entre l'hypoténuse et la base d'un triangle rectangle de base 5 et d'élévation 1). On a affiné cette échelle qui avait été mesurée empiriquement à 1 / 102 000 initialement, en imaginant une technique de report par une visée de 5 unités de longueurs sur 1 unité de hauteur.
La position réelle de la pierre relevée peut être positionnée au centre de la pierre représentée, comme testé pour la pierre du Pertuis (mais qui n'est pas pertinent pour la projection de la Pierre des Trois Evêques ou celle de Cro da Lairi)
Le relevé a été mis à l'échelle 1/102 000, réorienté de 1.75° et un des cercles, celui placé au centre, à été positionné sur l'emplacement de la pierre dans la réalité
Les bordures de la pierre et son relief principal épousent les contours du paysage sur des lignes de crêtes
On a bien au centre de la pierre une cupule qui pourrait jouer le rôle de la pierre elle-même dans cette représentation
Cupules = point de repère (sommet, pierre gravée)
Croix arrondies = dépression, descente
Lignes = chemin à suivre à pieds
correspondance de signes / orientation corrigée / échelle se trouvent à l'identique sur la Pierre des Trois Evêques, la Pierre du Pertuis et Cro da Lairi.
correspondance des chemins indiqués avec des parcours plausibles au néolithique (à travailler pour la Pierre du Coq)
On a superposé la gravure mise à l'échelle (noir), les sites néolithique connus à ce jour (violet) et les parcours à pied les plus rapides calculés par Google Maps (orange). On évoque ici la possible congruence entre la carte avec des indications de chemins (pieds) et de points de repère remarquables (sommet / amers, pierres gravées / point de vue / carte), et le paysage rencontré dans la réalité du voyageur.
Pour aller plus loin on pourra entreprendre comme Roel Nicolai de démontrer que nos projections à l'échelle, comme pour les premiers portulans recopiés au moyen âge, tiennent compte de la rotondité de la terre. On devra pour cela procéder à une analyse précise sur un grand nombre de points et montrer leur faible différence par rapport à la projection de Mercator, qui est celle employée par Google Maps. C'est un peu ce qu'on a fait dans les exemples ci-dessus, en guise de démonstrateur.
"The conclusions must be as follows:
• Contrary to popular opinion, the map projection cannot be coincidental; it must therefore be intentional
• By implication portolan charts were not constructed by plane charting
• That makes the original partial charts geodetically-constructed, almost modern charts.
By “geodetically-constructed” I mean to say that the makers compensated correctly for the effects of earth curvature. This is undoubtedly hard to accept for many people, bit is much harder to deny the facts in the matter. The consequence of these conclusions is that a medieval origin of portolan charts is highly unlikely."
Geodetic and methodological aspects of the research into the origin of portolan chars June 2016 Conference: First International Workshop on the Origin and Evolution of Portolan Charts Roel Nicolai
Franck Varenne Théories et modèles en sciences humaines - Le cas de la géographie, Paris, Éditions Matériologiques, 2017