Le transport de jadeite depuis l'Italie (Beigua et le Mont Viso) et le Morbihan au néolithique est une pratique connue, extrêmement documentée par plusieurs équipes, en particulier celle de Pierre Pétrequin et le projet JADE. Ces haches sont faites de roches résistantes, qu'on peut reconnaitre par leur couleur et leur forme, leur densité est facile à calculer pour se conforter en cas de doute. Il n'existe que deux carrières connues, aux monts Viso et Beigua en Italie. N'importe laquelle de ces pierres et identifiable ensuite par sa signature au spectromètre et il a été par là même possible de connaitre le bloc d'extraction de certaines.
On estime la production et le transport entre une hache par mois à une par semaine, sur une période de 3 000 ans.
Un résumé par le Neolithique Blog:
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Tout commence dans les Alpes.
Le « jade jadéite » du Viso (NaAl Si2O6) par opposition au « jade néphrite ») est composé essentiellement de jadéite, un silicate de sodium et aluminium du groupe des pyroxènes, plus dur (7 sur l’échelle de Mohs), plus dense et plus rare. C’est le minéral le plus difficile à travailler du Néolithique et sa couleur ne s’altère pas avec le temps. On peut penser que ces caractéristiques faisaient de ce minéral un objet d’exception.
Les gîtes de « jade » (jadéitite, éclogite et omphacitite) sont rares dans le monde et rarissimes en Europe. Après des décennies de prospections, les archéologues et les géologues du « Projet JADE » n’ont identifié que 2 gîtes susceptibles de fournir des ébauches assez grandes pour fabriquer des grandes haches : Principalement les contreforts du Mont Viso (le plus haut sommet des Alpes du Sud, il faut le souligner) mais aussi sur le Mont Beigua (au Nord de Gènes).
Les carrières identifiées au Mont Viso se situent entre 1700 et 2400 mètres d’altitude. Au Néolithique (comme aujourd’hui d’ailleurs), l’homme ne vit pas à ces altitudes. Il vit dans les vallées et montent sur les contreforts du Viso uniquement pour extraire des ébauches de haches. Il faut de la volonté et une organisation sociale forte pour organiser ces expéditions à seule fin d’extraire ces blocs. Les hommes viennent de villages situés jusqu’à 50 kilomètres à la ronde, il leur faut 2 jours pour monter en altitude, une semaine ou deux pour extraire la roche puis encore 2 jours pour descendre les kilos d’ébauches destinées à être retravaillés dans les villages.
L’exploitation sur les contreforts du Viso ne peut se faire que l’été. On sait que l’érosion est forte en montagne et que chaque année de nouveaux blocs de jadéitites vont apparaître sur la montagne. Pierre et Anne-Marie Pétrequin comparent cette situation à celle observée chez les papous de Nouvelles Guinée. Là-bas, on ne parle pas de roche mais du sang d’une puissance surnaturelle qui « transpire » ces jades pour les donner aux hommes.
Les modèles ethnographiques nous indiquent que l’extraction des haches est une affaire d’hommes. Le mobilier des tombes néolithiques confirme ce modèle avec des haches (et des poignards) dans les sépultures d’hommes (et du matériel de mouture du côté des femmes). Comme les papous, nos ancêtres néolithiques ont utilisé le feu pour extraire les blocs. La roche est tellement dure qu’elle ne se brise pas. Il faut mettre en place des foyers le long des blocs et utiliser le choc thermique (chaud et froid) pour débiter des ébauches. Les charbons de bois retrouvés aux pieds des blocs nous aident aussi à positionner ces carrières dans la chronologie. On observe une utilisation sur près de 3000 ans (entre -5 300 et -2 300 avant notre ère avec un pic autour de -4 300).
Au sein des exploitations, une très grande majorité des ébauches concernent des petites haches de travail (moins de 13 cm). Des dizaines de m3 de roches ont été débité mais seuls quelques abris témoignent de la préparation de grandes haches polies. Un inventaire de ces haches de plus de 13 cm. a été lancé il y 20 ans. On en a retrouvé un peu plus de 2 000 dans les musées et les collections particulières. En imaginant qu’il y en ait 10 fois plus, ça ne ferait que 20 000 haches produites sur 3 000 ans, soit à peine 7 par an !
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