Nos hypothèses couvrent un champs nouveau : la cartographie préhistorique et les techniques de navigation à longue distance dans l'Europe néolithique. Ce champs a été théorisé (Delano Smith), indiquant qu'on on a rarement sinon jamais observé le type d'installation capable de mettre à l'échelle un paysage, et d'orienter les voyageurs dans leur projets de déplacement.
En effet la théorie actuelle veut que nul objet du néolithique que nous avons sous les yeux n'a servi à la navigation terrestre, à s'orienter ou à confirmer son chemin. Ni les monuments, ni les pierres gravées, ni les murs, ni l'emplacement de menhirs ou de sites n'ont eu de fonction de transmission de savoir et de savoir faire destiné à s'orienter et entreprendre des déplacements à pieds de façon organisée.
Nos hypothèses sont en rupture avec ce consensus scientifique et les conceptions actuelles sur la cartographie et sur les techniques de navigation à longue distance, et plus généralement sur la capacité des humains à établir des cartes à l'échelle sans les moyens modernes d'observation et de calcul.
Nos propositions viennent percuter l'idée commune qu'un progrès technique est naturellement à l'oeuvre chez l'homme, et que si les cartes établies par les romains et transmises au moyen âge se résument à des portulans, des suites de lieux de passage inscrits de façon linéaire, il ne pouvait pas exister mieux avant.
Dans la même veine du consensus actuel, l'usage de techniques d'arpentage précises, mettant en oeuvre les propriétés des triangles rectangles et du théorème de Thalès pour évaluer des distances de plusieurs dizaines de kilomètres et remettre à l'échelle réduite ces mesures semble réservé au monde Egyptien, Sumérien, Grec et moderne, mais peu envisageable pour des peuples sans écriture, qu'ils soient contemporains ou anciens.
Des savoir-faire et techniques existent dans différentes aires géographiques, au sein de peuples sans écriture : la navigation aux étoiles, au cap, aux amers, la création et l'apprentissage de cartes à l'échelle, la reproduction de cartes sur des modèles portatifs, toutes ces techniques existent et sont documentées. Elle sont établies depuis des milliers d'années dans les régions 'vierges' des conquêtes européennes comme les iles du Pacifique ou les côtes Atlantique du Canada.
Il n'est donc pas impossible qu'en Europe aussi ce savoir faire ait existé avant l'arrivée de l'écriture. On commence d'ailleurs à trouver des cartes gravées à l'âge de Bronze.
A la reprise de la navigation au long cours, à la Renaissance, on a rapidement retrouvé la visée, la triangulation et la projection à l'échelle d'une surface sphérique sur un plan. Exactement comme le faisaient les navigateurs natifs des Iles Marshall avant l'arrivée des Européens. Les concepts de triangulation et de calcul de latitude aux étoiles sont les mêmes dans les deux époques.
Aussi nous devons interroger nos représentations de ce qu'est un homme du néolithique, ses compétences, et ses buts. De même, nous ne savons pas ce qu'est une carte adaptée à un besoin 'néolithique', comment se repérer dans un espace complexe et vaste sans GPS, mais avec une très bonne mémoire et une grande visibilité. Notre hypothèse générale est que ces personnes sont exactement aussi intelligentes que nous, avec des objectifs de sécurité, rapidité et précision dans leurs déplacements à longue distance.
Dans chaque chapitre d'hypothèse on aura une présentation qui se veut complète car elle peut être accessible individuellement, et il peut donc y avoir des répétitions...
Nous proposons de livrer des démonstrations rigoureuses sur tous les aspects suivants :
nos hypothèses sont documentées par des observations minutieuses, mesurables et opposables.
des vérifications sur le terrain montrent la constance de nos hypothèses et de leurs implications, sur de nombreux exemples. Nous sommes attentifs au modèle prédictif que constitue une carte, une mesure de distance : si on a une carte alors tous les signes doivent indiquer un lieu, une particularité, et si on a une distance elle doit être exacte.
les techniques employées pour mettre en oeuvre ces sites, gravures etc... doivent être à la portée de populations n'ayant ni écriture ni instruments, et des exemples concrets de telles réalisations sont à apporter. On regarde donc les techniques connues de triangulation disponibles sans instruments (le "comment") et une approche ethno archéologique comparant cette capacité humaine et les usages de cartes à travers le monde et le temps (le "pourquoi"). On verra que des cartes préhistoriques commencent à être décrites par le monde académique, avec une première série de méthodes de confirmation.
des comparaisons avec d'autres sites de la même époque, ayant la même fonction, indiquent une pratique courante et une répétition des techniques employées.
nous essayons de documenter les échecs, les vérifications incomplètes ou non probantes. Les vérifications sur le terrain doivent aussi montrer les impasses (absence de confirmation) et remettre en question les hypothèses ou fournir une explication factuelle de l'absence de confirmation. En la matière les suggestions sont bienvenues.
nous référons aux thèses acceptées à ce jour, et aux définitions admises, tout en tentant la création d'un point de vue scientifique solide et nouveau. Quelques lectures autour des notions du consensus scientifique, en particulier dans les domaines des sciences sociales nous aident à distinguer les faits, les opinions et les croyances, pour nous en tenir aux faits.
On nous fait valloir que cette approche qui consiste à observer des éléments surprenants, à imaginer une explication possible sous forme d'hypothèse, qui en ferait un élément tout à fait normal et courant si cette hypothèse était vérifiée, est typique de l'enquête par abduction proposée par Peirce au tournant du XXième siècle.
"La seule procédure légitime pour l’induction, dont le rôle consiste à tester une hypothèse recommandée par la procédure rétroductive, est de recevoir ses suggestions d’abord de l’hypothèse, de prendre les prédictions expérimentales qu’elle fait conditionnellement, puis de tenter l’expérience pour voir si elle tourne de la façon qui était virtuellement prédite dans l’hypothèse où elle le serait. [...] Maintenant quand nous arrivons à l’étape inductive de l’enquête, ce que nous voulons c’est trouver à quel point notre hypothèse se rapproche de la vérité, c’est-à-dire, quelle proportion de ses anticipations seront vérifiées." (CP 2.755, c. 1908).
Comme le précise Frédéric Roudaut "Peirce pensait que l’abduction, finalement, n’obéit à aucune règle, en dehors des deux conditions très générales [...] , l’hypothèse doit avoir une valeur explicative et doit être testable."
Nos références pour décrire ces méthodes d'enquête, s'inspirent de la philosophie de Peirce
Comment on invente les hypotheses : Peirce et la theorie de l'abduction Frédéric Roudaut / Vrin | « Cahiers philosophiques » 2017/3 N° 150
Et renvoient également aux thèmes de la "rupture épistémologique" et du capital "social / culturel"
Le savant et le politique (1919) Max Weber
La Formation de l’esprit scientifique, 1938 Gaston Bachelard
Pierre Bourdieu La Distinction - Critique sociale du jugement (1979)
Pierre Bourdieu, Les structures sociales de l'économie, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Liber », 2000
Pierre Bourdieu, Langage et pouvoir symbolique, Paris, Seuil, coll. « Points Essais », 2001
Pierre Bourdieu, Science de la science et Réflexivité, Paris, Raisons d’agir, coll. « Cours et travaux », 2001