Laurie BLOUDEAU

Impact de la réalité augmentée sur l’engagement des étudiants en simulation :
Une exploration dans l’enseignement supérieur

2024


La technologie se développe et prend de plus en plus de place dans toutes les sphères de nos vies, que ce soit dans notre vie privée ou professionnelle. À l’ère du développement de la réalité augmentée et virtuelle, nous sommes en droit de nous demander quelle place devons-nous donner au numérique dans l’enseignement ?

Les structures de formation ont pressenti l’utilité potentielle de ces outils au service de l’apprentissage et c’est dans ce contexte que l’ESAMB s’est doté, en novembre 2022 d’une salle reliée à un logiciel immersif : « immersive studio app ».

Cette salle, d’une quinzaine de mètres carrés, est équipée de trois beamers projetant des images à 180 degrés, de capteurs sensitifs aux murs pour favoriser l’interactivité, de jeux de lumières, d’une machine à odeur ainsi que d’un ventilateur. Plusieurs caméras et microphones permettent à l’enseignant et aux éventuels observateurs d’écouter, d’observer et de piloter cette salle à distance depuis un ordinateur de contrôle.

Pendant de nombreuses années, les simulations, à l’ESAMB se sont déroulées dans des salles de classe standards. Les étudiants devaient alors s’imaginer des décors parfois très différents de l’environnement réel dans lequel ils se situaient, comme un accident sur la voie publique ou une intoxication alcoolique aigüe dans une boîte de nuit. Cette dichotomie entre l’environnement réel et l’environnement supposé peut freiner l’étudiant dans la suspension consentie de son incrédulité (Cowperthwait, 2020). Or, cette suspension consentie de l’incrédulité serait un élément nécessaire à l’engagement et par extension à l’apprentissage en simulation (Padgett, 2018). En effet, lorsque le scénario est convainquant et fidèle à la réalité, les étudiants se sentent plus immergés et impliqués. Cette implication favorise un apprentissage efficace. (Pastré, 2006, p. 115-116). C’est pourquoi l’ESAMB a investi dans ce dispositif immersif.

En effet, à l’inverse d’une salle de classe standardisée, la salle immersive a pour but d’améliorer la fidélité du scénario à l’aide de la réalité augmentée (Lewis et al. 2021). Les étudiants se retrouvent alors projetés dans des scènes différentes qui stimulent plusieurs de leurs sens (vue, odorat, ouïe) et peuvent, selon les cas, interagir avec le décors pour obtenir des informations complémentaires utiles à la prise en charge du patient simulé. Les images projetées, les odeurs ou encore les jeux de lumière doivent permettre aux étudiants de se sentir en totale immersion dans le scénario. Ce point est essentiel car un environnement fidèle semble favoriser la suspension de l’incrédulité et aurait ainsi un impact positif sur l’engagement dans l’activité.(Cowperthwait, 2020. Padgett 2018, Rudolph et al. 2007) La simulation est un outil d’apprentissage efficace et couramment utilisé dans le domaine de la santé et les publications scientifiques sur le sujet sont nombreuses (Betz, 2014).

Malheureusement, l’utilisation de la réalité augmentée dans ce contexte-ci est relativement récente et les publications fiables relatant un lien positif entre un dispositif de RA et une amélioration de l’apprentissage manquent. (Shorey, 2020. Padgett, 2018)

De nouvelles études tendent à démontrer que la réalité virtuelle et/ou augmentée a un impact positif sur l’intérêt et la motivation des étudiants (Lewis et al. 2021). La dimension ludique de cette technologie pourrait favoriser un état de flow et ainsi augmenter l’engagement des élèves dans la tâche. L’utilisation de la réalité augmentée serait donc un élément favorisant l’apprentissage.

À contrario, la distraction, la surcharge cognitive additionnelle et la distorsion de perception que peut engendrer de tels outils pourrait impacter négativement l’apprentissage (Scerbo, 2007).

Parallèlement, il a été reporté des cas de cybercinétose à l’utilisation de ces technologies. Certaines personnes se plaignent de symptômes désagréables tels que des céphalées, des nausées, une fatigue oculaire ou des vertiges lors de l’utilisation de la réalité augmentée (Lewis et al. 2021). Si tel est le cas, quel impact cela pourrait-il avoir sur l’apprentissage de nos étudiants ?

Bien que de nouvelles études sur le sujet soient régulièrement publiées, la recherche de littérature que j’ai mené dans le cadre de ce travail ne m’a pas permis de trouver des résultats fiables sur l’impact d’une salle de réalité augmentée comme celle de l’ESAMB, sur l’apprentissage des étudiants. En effet, chaque dispositif de réalité virtuelle et/ou de réalité augmentée est différent. Leur utilisation est également extrêmement variable. Il est donc difficile de pouvoir transposer les conclusions des recherches scientifiques actuelles à l’utilisation spécifique de la salle par les enseignants de l’ESAMB. Or, nous utilisons régulièrement cette salle depuis plus d’un an… Alors comment s’assurer de son utilité ?

Face à ce manque de données fiables concernant les effets de la réalité augmentée sur l’apprentissage des étudiants, il m’a semblé important d’effectuer ma propre récolte de données pour mesurer l’apprentissage des étudiants ambulanciers de Genève lors d’ateliers de simulation dans cette salle immersive.

L’apprentissage étant une notion vaste et comprenant de nombreuses variables, j’ai fait le choix de me concentrer sur la notion d’engagement. En effet, de nombreuses études démontrent une relation directe entre un fort taux d’engagement chez les étudiants et un taux de réussite scolaire élevé (Wang, 2021). L’engagement serait donc un prédicteur d’un apprentissage réussi (Casuso-Holgado, 2013)

Par ailleurs, certaines études mettent en évidence un lien entre une fidélité augmentée et une augmentation de l’engagement chez les étudiants lors d’exercices de simulation (Rudolph, 2007). J’ai donc présupposé que la salle immersive, par sa vocation d’améliorer l’immersion des étudiants, pouvait impacter l’engagement de ces derniers.

Toutes ces réflexions m’ont finalement amené à me poser la question de recherche suivante : « L’utilisation de la salle immersive lors d’ateliers de simulation à l’ESAMB peut-elle favoriser l’engagement des étudiants ambulanciers ? »

Bloudeau_Laurie_TD-final.pdf