Unités des Catalans

Dans quelles unités servent et meurent

les habitants des Pyrénées-Orientales

Lorsque l’on étudie de près les transcriptions d’actes de décès de militaires Morts pour la France et que l’on a le loisir de feuilleter les diplômes de décorations ou les rubriques de décès des journaux pendant la période de la Grande Guerre, force est de constater que quasiment toutes les unités sont représentées, mais certaines en très petit nombre.

En effet, au début de la guerre, les engagés volontaires, officiers et sous-officiers de notre département, sont en garnison un peu partout en France et dans les colonies, au gré de leur affectation. A partir de 1916, les classes rappelées ainsi que les soldats exemptés que la commission de santé jugera « bon pour le service armé » seront envoyés dans des régiments disséminés sur le territoire. Il faudra également boucher les trous de corps exsangues après de dures batailles et enfin, les mutations effectuées pendant le conflit ne tiendront pas souvent compte de la région d’origine du militaire.

Pourtant, dès le début des hostilités, les Roussillonnais servent presque tous dans des unités qui leur sont propres. Nous allons tenter d’en faire un état, le plus exhaustif possible.

La France militaire est divisée en régions, dans celles-ci sont stationnés les Corps d’Armée dont nous avons parlé. Les Pyrénées-Orientales sont dans la 16ème Région Militaire, donc appartiennent au 16ème Corps, dont l’Etat Major est à Montpellier. La région aura mobilisé pendant le conflit 336 794 hommes. 57 013 d’entre eux donneront leur vie à la France, soit 16,92 % des soldats. 20 881 seront prisonniers. Mais le département possède également ses propres garnisons.

Le 16ème corps d’Armée

Il comprend deux divisions d’infanterie à deux brigades chacune et fait partie de la 2ème Armée du général Curières de Castelnau.

I) La 31ème division dont l’état-major est à Montpellier :

1) La 61ème brigade (Montpellier) : 81ème RI (Montpellier) et 96ème RI (Béziers et Agde)

2) La 62ème brigade (Mende) : 122ème RI (Rodez) et 142ème RI (Mende et Lodève)

3) Le 56ème régiment d’artillerie (Montpellier)

4) Le 1er régiment de Hussards (Béziers)

II) La 32ème division dont l’état-major est à Albi :

1) La 63ème brigade (Narbonne) : 53ème RI (Perpignan) et 80ème RI (Narbonne)

2) La 64ème brigade (Albi) : 15ème RI (Albi) et 143ème RI (Carcassonne et Castelnaudary)

3) Le 3ème régiment d’artillerie (Carcassonne)

4) Le 19ème régiment de Dragons (Castres)

III) Les E.N.E. (Eléments Non Endivisionnés)

1) Le 9ème régiment d’artillerie (Castres)

2) Le 322ème régiment d’infanterie de réserve (Rodez)

3) Le 342ème régiment de réserve (Mende)

IV) Le 16ème bataillon du 2ème régiment de génie (Montpellier)

V) Le 16ème escadron du Train (Lunel)

VI) La 16ème section des C.O.A., Commis Ouvriers et d’Administration (Montpellier)

VII) La 16ème section d’Infirmiers Militaires (Perpignan)

VIII) La 16ème Légion de Gendarmerie (Montpellier)

IX) La 16ème bis Légion de Gendarmerie (Perpignan)

Cette énorme machine va se mettre en marche vers la Lorraine à partir du 7 août 1914. Les combats commencent le 18 dans la bataille dite de Morhange. Le 96ème et le 142ème sont durement éprouvés et le colonel LAMOLE, de Sournia, inaugure la longue liste des chefs de corps tués à l’ennemi. Le 53ème de Perpignan et le 80ème connaissent leur baptême du feu de 20 août à Rorbach les Dieuze où plusieurs dizaines de Roussillonnais sont tués. Le recul s’amorce vers la Mortagne. Les 81ème et 96ème se sacrifient du côté de Lunéville pour permettre au reste du Corps d’Armée de se repositionner. Le 25 août, les Catalans infligent enfin une cuisante défaite aux Allemands.

Après une tentative ennemie pour prendre à revers la ville de Nancy, le 16ème Corps se porte dans la région de Bernecourt, à quelques kilomètres à l’ouest de Pont-à-Mousson. Là, pendant plus d’un mois, entre les bois de la Voisogne et de la Hazelle, les duels terribles vont succéder aux assauts infructueux. Il n’est pas une commune dans les Pyrénées-Orientales qui n’est eu un de ses enfants tué ou blessé sur ce terrain.

Pendant quelques jours, mi-octobre, le 16ème Corps se battra sur le chemin des Dames, à Troyon, avant d’arriver à la fin de mois-là en Belgique, à l’est d’Ypres. L’enfer commence pour les Roussillonnais. Jusqu’à début janvier 1915, il n’est pas un jour qui n’est vu disparaître un enfant de notre département. Dans des conditions humaines effroyables, nos compatriotes se battent dans des terribles corps à corps ou disparaissent dans les tranchées boueuses soumises à des bombardements titanesques. C’est à cette période que se situent les disparitions. En effet, en raison de la difficulté du terrain, plus de la moitié des habitants des Pyrénées-Orientales qui seront tués ne seront pas retrouvés.

Le 15 mars 1915, le 16ème Corps arrive en Champagne, dans le secteur de Beauséjour. Il est tout de suite engagé lors de la 1ère offensive. Combattant avec un grand courage, nos compatriotes vont laisser beaucoup des leurs dans les tranchées d’approche du fortin mal nommé. Plusieurs régiments sont exsangues et la liste des Roussillonnais Morts pour la France s’allonge démesurément. C’est vers le milieu du printemps que le 53ème et le 142ème quittent le Corps pour la 124ème division et plus tard la 163ème. Ensemble ils vont lutter jusqu’à la fin des hostilités.

Le 25 septembre 1915, la 2ème offensive de Champagne est déclenchée. Jusqu’au 6 octobre, de nombreux régiments en partie composés de Catalans seront engagés. Pour le 53ème et le 142ème commence alors une longue période de veille aux tranchées et de travaux d’approche et de consolidation du terrain. Les deux régiments sont envoyés à Verdun fin mai 1916. Ensemble, ils vont participer à la défense du fort de Vaux.

Début 1917, les deux unités partent pour le secteur des Eparges où ils vont demeurer jusqu’en avril, alternant les assauts meurtriers et les coups de mains sanglants. De là, ils se dirigent de nouveau en Champagne pour prendre une part active, au prix de lourdes pertes, aux combats pour le Mont-Haut. Puis viennent les Caurières, au nord-est de Verdun, où l’Allemand se lance dans une nouvelle offensive qui sera stoppée.

En mars 1918, les ennemis rompent le front anglais et pénètrent profondément en territoire allié. La 163ème division se porte au-devant des adversaires et réussit à les maintenir près de Noyon. Un grand nombre de nos compatriotes disparaîtront à jamais dans ces duels. Vient ensuite l’offensive allemande du 15 juillet 1918, que le 53ème et le 142ème subissent de plein fouet. Mais ils repoussent définitivement l’ennemi. La poursuite vers la victoire s’amorce. Elle s’achèvera le 10 novembre 1918, étant la dernière division engagée. Un millier d’habitants de notre département laissera sa vie au sein du 53ème, environ quatre cents au 142ème.

Les autres régiments du 16ème Corps dans lesquels servent et meurent, nous l’avons vu précédemment, de nombreux Roussillonnais, ont suivi chacun leur glorieux chemin.

Les 81ème, 96ème et 122ème, après les combats de Champagne, se portent dans l’Aisne puis arrivent à Verdun mi-juillet. Durement éprouvés, ils partent en Argonne quelques semaines avant de revenir dans l’enfer de la grande bataille pour récolter leur part de gloire lors des assauts sur le Mort-Homme et la côte 304. Mis au repos en Alsace, ils se déplacent début 1918 en Flandre, avant de continuer la guerre sur les rives de l’Ailette puis terminer le conflit en apothéose pendant la bataille de la Serre.

Les 15ème, 80ème et 143ème demeurent après la grande offensive de Champagne du 25 septembre 1915 sur el secteur. Ils montent héroïquement à l’assaut des positions ennemies de la butte de Tahure avant de se reposer dans un secteur « tranquille » à Soissons. Verdun veut sa part de tués. Les trois régiments y arrivent en juillet 1916 pour être jetés en pâture au Dieu de la guerre lors des combats terribles de Fleury et de Thiaumont. En 1917, ils retournent sur les lieux de la grande bataille afin de participer aux duels d’Esnes et des Caurières. Après un temps de repos en Alsace, les régiments rejoignent l’Oise ou les Allemands ont rompu le front et les poursuivent jusqu’au Mont Kemmel où la bataille coûte la vie à de nombreux compatriotes.

En plus de quatre ans de guerre, le 16ème Corps aura vu dans ses rangs périr de très nombreux habitants des Pyrénées-Orientales, sûrement la moitié des Morts pour la France Catalans du conflit, mais d’autres ont lutté pied à pied contre un ennemi farouche et discipliné et ont auréolé de gloire leurs actions.

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La « Coloniale »

A la déclaration de guerre, l’armée coloniale compte en France de nombreux régiments et lorsque l’on regarde de près les listes de nos compatriotes décédés, l’on s’aperçoit que quasiment toutes les unités sont représentées. Certaines d’entre elles sont pourtant composées en grand nombre de Roussillonnais. Cette armée, héritière de l’infanterie de marine, se décompose en 1914 de la manière suivante en métropole :

Le Corps d’Armée Colonial :

I) La 2ème division : 4ème RIC (Toulon), 8ème RIC (Toulon), 22ème RIC (Marseille) et 24ème RIC (Perpignan)

II) La 3ème division : 1er RIC (Cherbourg), 2ème RIC (Brest), 3ème RIC (Rochefort) et 7ème RIC (Bordeaux)

III) La 5ème brigade : 21ème RIC (Paris) et 23ème RIC (Paris)

IV) La 2ème brigade au sein du 14ème Corps : 5ème RIC (Lyon) et 6ème RIC (Lyon)

Chacun de ces douze régiments a mobilisé sa réserve dans une unité à deux bataillons :

I) Les 34ème et 38ème RIC (Toulon) sont affectés à la 65ème division de réserve

II) Le 35ème RIC (Lyon) part en Lorraine avec la 64ème division de réserve

III) Le 36ème RIC (Lyon) est intégré à la 74ème division de réserve

IV) Le 41ème RIC et le 43ème RIC (Paris) sont affectés au 20ème Corps de Nancy et se concentrent en couverture de la 2ème Armée en Lorraine

V) Le 42ème RIC (Marseille) et le 44ème RIC (Perpignan) partent combattre avec la 75ème division de réserve

VI) Les 31ème, 32ème, 33ème et 37ème RIC restent affectés à la défense des ports.

Le 24ème RIC est en grande partie composé de personnels engagés et nombre d’entre eux sont originaires du département. En août 1914, une partie des Catalans ayant effectué leur service militaire dans la Coloniale seront également affectés au 22ème RIC de Marseille. Ensemble, les deux régiments feront toute la guerre.

Les deux régiments montent directement en Belgique où ils pénètrent le 22. Au prix de très lourdes pertes, les coloniaux de dégagent de l’étau allemand à Jamoignes et Rossignol, la retraite commence. Le 6 septembre, la bataille de la Marne est engagée. Pour nos compatriotes, les combats seront d’une extrême violence, d’abord dans le choc du premier jour puis pendant la poursuite qui se terminera par un duel titanesque en Champagne.

A partir de fin septembre, les « marsouins » s’installent en Champagne et organisent une ligne fortifiée robuste.

Début 1915, la prise du fortin de Beauséjour est programmée. Ce sera de mi-février à mai des effroyables duels qui se solderont par la prise de la position ennemie mais malheureusement par des centaines de tués des Pyrénées-Orientales.

Après avoir séjourné en Picardie, les 22ème et 24ème RIC reviennent sur les lieux de leurs exploits pour monter glorieusement à l’assaut lors de l’offensive de Champagne du 25 septembre 1915.

Joffre a prévu dès le début de 1916 une grande offensive dans la Somme avec les Britanniques. Les deux régiments frères y arrivent dès le début de l’année afin de participer à la préparation de la grande attaque. En février, un violent combat les oppose aux adversaires dans les environs de Frize et de Herbecourt. Le 1er juillet 1916, l’assaut général est déclenché. Au prix de centaines de tués et de blessés, les coloniaux remplissent leur mission par des coups de butoirs meurtriers.

Après avoir occupé des secteurs secondaires en Picardie et dans l’Oise, les deux régiments se préparent à l’offensive du Chemin des Dames. Celle-ci débute le 16 avril 1917. Nous savons ce qu’il en est advenu. Les coloniaux se jettent avec un grand héroïsme sur les positions ennemies. Les mitrailleuses crachent la mort et nos compatriotes tombent par centaines. Néanmoins, ils réussissent à se maintenir en dépit des lourdes pertes sur les positions conquises. Relevés, les survivants partent au repos en Alsace.

En mars 1918, les Allemands ayant rompu le front, les 22ème et 24ème RIC se portent d’urgence aux environs de Reims afin de stopper l’avance adverse. En mai de la même année, les ennemis tentent une nouvelle offensive qui leur permet un gain de terrain considérable. Les deux régiments sont utilisés et remplissent leur mission.

Après la dernière offensive des Allemands le 15 juillet 1918, les régiments coloniaux poursuivent l’ennemi jusqu’à la fin du conflit.

Le 44ème RIC de Perpignan est quant à lui composé presque totalement d’habitants de Pyrénées-Orientales, mais certains sont affectés également au 42ème RIC de Marseille. A l’instar de leurs glorieux corps support, ils vont faire toute la guerre côte à côte.

Arrivés le 23 août au sud de Verdun, les régiments subissent un terrible feu d’artillerie qui décime les troupes. Les survivants reculent jusqu’à l’ordre de Joffre du 6 septembre. Alors, comme un seul homme, les marsouins du 42ème et du 44ème se retournent et engagent un duel violent avec l’ennemi, qu’ils poursuivent jusqu’en Champagne. Après avoir été mis au repos, les Catalans se battent jusqu’à fin septembre aux alentour de Verdun et dès le 5 novembre 1914, ils vont occuper le secteur de mauvaise réputation de Vauquois.

Le 8 décembre, les deux régiments sortent au petit matin de leurs tranchées pour se ruer à l’assaut des positions adverses solidement tenues. Malgré les pertes extrêmement lourdes, le terrain conquis est maintenu.

En 1915, les régiments frères combattent glorieusement lors de l’offensive de Champagne du 25 septembre, puis en 1916, ils sont du début de la bataille de Verdun avant de monter à l’assaut dans la Somme.

Fin septembre 1916, une nouvelle division coloniale est créée. Elle doit partir à l’Armée d’Orient. C’est la 11ème DIC. Elle comprend les 34ème et 35ème RIC et les 42ème et 44ème RIC. Les Roussillonnais s’embarquent à Marseille et après un voyage tranquille, débarquent à Salonique. Une nouvelle guerre commence contre les Bulgares qui, ne respectant pas les Lois de la Guerre, revêtent des uniformes français pour fusiller à bout portant les marsouins.

Alternant marches épuisantes et assauts d’une rare violence sur le long de la rivière Cerna, les coloniaux réservistes montreront en toute circonstance un grand courage et une rare abnégation.

Jusqu’à la fin du conflit, les régiments, toujours unis, vont combattre dans des circonstances très rudes, sur un terrain hostile et sous une température extrême de froid et de chaleur. De nombreux soldats, grièvement blessés, périront à cause de cet état de choses, lorsque la maladie de les emportera pas.

Les deux unités seront dissoutes le 21 décembre 1918.

La 66ème division de réserve

Nous l’avons vu plus haut, chaque régiment d’infanterie s’est dédoublé de son unité de réserve. Chaque Corps d’Armée en possédait deux dans son Elément Non Endivisionné. La 2ème Armée compte deux groupes de divisions de réserve (G.D.R.), soit au total six divisions comprenant au total 32 régiments. La 5ème Armée dispose de trois divisions dans lesquelles se trouvent 11 régiments. Trois autres divisions sont à la disposition du ministre de la Guerre pour 18 régiments. Enfin, le Général en Chef a à sa main deux groupes de divisions de réserve (six divisions pour 36 régiments) et quatre divisions (23 régiments) affectées à la défense mobile des Places du nord-est.

Dans le 1er G.D.R. se trouve la 66ème division de réserve. Elle est composée des unités suivantes :

I) 131ème brigade de réserve : 215ème RI (Albi), 343ème RI (Carcassonne) et 253ème RI (Perpignan)

II) 132ème brigade de réserve : 281ème RI (Montpellier), 296ème RI (Béziers) et 280ème RI (Narbonne)

La division est composé d’habitants de la 16ème Région et par là comporte de nombreux enfants des Pyrénées-Orientales, surtout au 253ème, quasiment Catalan. Elle part le 11 août en direction de l’Alsace où elle connaît le baptême du feu et perd ses premiers hommes dès le 19 août dans un violent combat à Flaxlanden.

Les réservistes occupent des positions montagneuses entre les cols des Vosges et de l’Alsace. La 131ème brigade y restera jusqu’à mai 1917. Elle y connaîtra de longues périodes de veille par une température inhumaine et perdra de nombreux hommes dans des coups de main sanglants et furtifs.

Les 18 et 19 février 1915, les Roussillonnais du 253ème subiront une très violente attaque qu’ils parviendront à repousser au prix fort. Presque la moitié des morts pour la France du régiment pendant le conflit (environ 400 hommes) seront tués à l’ennemi lors de ce combat.

Le 9 septembre 1916, la 23ème compagnie sera également prise sous un feu violent sur le Reichackerkopf et sera décimée.

En août 1917, la brigade est déplacée sur le front de l’Aisne pour participer à la guerre d’usure du Chemin des Dames. Après ces attaques, le 2ème régiment catalan, le 253ème, sera dissous et ses soldats affectés soit au 215ème, soit au 343ème et termineront la guerre en pleine gloire.

La 132ème brigade sera retirée du front d’Alsace en octobre 1914 et rejoindra l’Artois, puis Verdun, au plus fort de la bataille du Mort-Homme en 1916. Les régiments, exsangues, seront dissous les uns après les autres et les Roussillonnais clairsemés dans de multiples unités. C’est là que nous perdons leur trace.

Bien que composée de soldats âgés, la composante réserve du 16ème Corps n’a pas déméritée et si elle a été souvent employée de manière moins brutale que leur régiment d’active, la longue liste des tués donne la preuve de leur engagement pour la défense de la Patrie.

La territoriale

Après onze ans d’affectation en réserve, le citoyen français est affecté dans son unité de territoriale, les RIT. Deux divisions à deux brigades chacune existent dans la 16ème Région et ont pour mission théorique de défendre la frontière avec l’Italie dont la politique est encore floue. Ces unités sont les suivantes :

1ère division territoriale de la 16ème Région (Montpellier)

1ère brigade : 121ème RIT (Béziers) et 122ème RIT (Montpellier)

2ème brigade : 123ème RIT (Mende et Lodève) et 124ème RIT (Rodez)

2ème division territoriale de la 16ème Région (Perpignan)

1ère brigade : 125ème RIT (Narbonne) et 126ème RIT (Perpignan)

2ème brigade : 127ème RIT (Carcassonne et Castelnaudary) et 128ème RIT (Albi)

Il s’avère très vite que la mission qui est confiée à ces corps est obsolète. La 1ère division monte donc sur le front de la Meuse dès le 20 août et elle y restera toute la guerre.

Pour la 2ème division, une aventure nouvelle commence. Les 125ème, 127ème et 128ème RIT, dans lesquels servent un nombre élevé d’enfants des Pyrénées-Orientales, embarquent pour le Maroc. Pendant tout le conflit, ils seconderont efficacement les troupes d’active dans leur lutte âpre et épuisante contre les rebelles rifains et gagneront tous l’inscription « Maroc 1914-1918 » sur leur drapeau. En effet, dans des conditions humaines extrêmes, ils devront faire face à de nombreuses embuscades sur les voies de circulation dont la garde leur est confiée. Souvent, sous le feu de l’ennemi, ils construiront des fortifications solides pour protéger les puits et les habitations isolés.

Le 126ème de Perpignan aura quant à lui un destin différent mais autrement glorieux. Il part en Tunisie fin août. Il restera dans le nord du pays jusqu’à septembre 1915. Pendant cette période, il sera affecté à la surveillance des prisonniers allemands, des points sensibles et des voies de communications. Un bon nombre de soldats rejoindra la France afin d’être affecté dans des régiments métropolitains, tels les 53ème et 253ème de Perpignan.

La situation militaire se détériore au Sud-Tunisien en septembre 1915. Le 126ème y est envoyé avec des éléments du 125ème de Narbonne. Sur un territoire désertique, ponctué de rares oasis, les territoriaux roussillonnais vont devoir, dans des circonstances climatiques d’extrême chaleur, patrouiller à travers ce terrain hostile.

Le 25 septembre, un convoi composé en partie de soldats du 126ème est attaqué sur le point d’eau de Bir-Remtsa. Malgré leur âge et leur fatigue, nos compatriotes se battent avec un grand courage pendant plus d’une journée et stoppent l’assaut. Le coût est élevé : 14 sont tués et plusieurs autres blessés.

Après de longs mois passés dans le désert, les Catalans du 126ème retournent à Tunis et Bizerte avec un effectif fortement diminué en raison des maladies, des affectations sur le front français et des conditions éprouvantes du séjour.

La frontière de l’est

Si avant la guerre, une majorité de Français effectue son service militaire au plus près de son domicile (en raison des congés agricoles), certaines régions comportent un grand nombre d’unités et le voisinage ne suffit pas à combler en effectifs les régiments. Toutes les régions envoient donc un contingent plus ou moins important faire son devoir dans l’est, car à cet endroit-là, l’infanterie pullule. Les Catalans revêtent donc l’uniforme très loin de chez eux.

I) Le 6ème Corps d’Armée : entre autres 5 régiments à Verdun, soit les 151ème RI, 162ème RI, 164ème RI, 165ème RI et 166ème RI

II) Le 7ème Corps d’Armée : entre autres 4 régiments à Belfort, soit les 35ème RI, 42ème RI, 171ème RI et 172ème RI

III) Le 20ème Corps d’Armée :

a. 4 régiments à Nancy, soit les 26ème RI, 37ème RI, 69ème RI et 79ème RI

b. 4 régiments à Toul, soit les 146ème RI, 153ème RI, 156ème RI et 160ème RI

IV) Le 21ème Corps d’armée : entre autres 2 régiments à Epinal, soit les 149ème RI et 170ème RI

Nous constatons que presque 20 régiments sont stationnés dans cinq villes. Il serait trop long de faire l’historique de ces glorieuses unités dans lesquelles vont mourir tant de nos Roussillonnais, mais nous citerons le lieutenant BEDOS, natif de Rivesaltes et affecté au 149ème d’Epinal. Il sera tué à l’ennemi le 6 août 1914 et sera par là le 1er officier tué du conflit.

Le 146ème est un cas particulier. En garnison à Toul, il s’y trouve des soldats de notre département. Début 1915, son dépôt se déplace à Castelnaudary où il y restera le reste du conflit. De par sa proximité des Pyrénées-Orientales et sa position dans la 16ème Région, de nombreux Audois et Roussillonnais y seront affectés.

Le régiment se porte sur le secteur de Chicourt, dès le début du conflit, et pénètre en Lorraine. Le 20 août voit la défaite des armées françaises lors de la bataille de Morhange, le 146ème perd 1250 hommes. Mais les survivants parviennent à repousser l’ennemi le 25 lors de la bataille de la trouée de Charmes. L’unité fortement diminuée va cependant combattre avec acharnement jusqu’à mi-septembre.

L’année 1915 voit le 146ème se dépenser dans de terribles duels sur le Mont Kemmel, à Neuville-Saint-Vaast pendant l’offensive d’Artois et Maisons en Champagne. Le 25 septembre de cette année-là, à l’instar des unités des Pyrénées-Orientales citées plus haut, le régiment monte à l’assaut des positions adverses et en dépit des pertes, parvient à prendre ses objectifs. 1916 verra le courageux régiment se battre sur la côte 304 à Verdun et gagner sa Médaille Militaire sur le front de la Somme où pendant plus d’un mois, il va démontrer qu’il est l’un des régiments sur lesquels le Commandement peut compter.

L’offensive du 16 avril 1917 arrive et le valeureux 146ème est de la partie. En partie anéanti, il parvient pourtant à se fortifier sur la ligne nouvellement conquise.

C’est pendant l’année 1918 que le régiment participera aux combats du mont Kemmel ainsi que l’offensive allemande de Château-Thierry. Il terminera la guerre en étant l’un des artisans de la reprise du saillant de St Mihiel.

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D’autres unités

Comme nous l’avons vu plus haut, plusieurs régiments d’infanterie se trouvent dans l’est de la France. Pour combattre avec eux en 1ère ligne, les bataillons de chasseurs foisonnent, ils sont situés dans les régions suivantes :

I) 2ème Corps d’Armée : 9ème (Lille) et 18ème (Longwy)

II) 6ème Corps d’Armée : 8ème (Amiens), 16ème (Lille), 19ème (Verdun), 25ème et 29ème (Epernay) et 26ème (Pont à Mousson)

III) 7ème Corps d’Armée : 5ème (Besançon) et 15ème (Montbéliard)

IV) 20ème Corps d’Armée : 2ème (Troyes et Toul) et 4ème (Brienne)

V) 21ème Corps d’Armée : 1er (Troyes), 3ème et 10ème (Langres et St Dié), 17ème et 20ème (Brienne et Baccarat), 21ème et 31ème (Langres)

Au total, ces 19 Bataillons de chasseurs produiront leur unité de réserve et incorporeront pour les mêmes raisons que nous avons vu plus haut, des citoyens de toute la France. 12 autres bataillons, la plupart à spécialité alpine seront les unités de nombreux cerdans. La longue liste des « Diables Bleus » Morts pour la France dans les Pyrénées-Orientales témoigne de leur engagement suprême.

A partir d’avril 1915, et dans le but de créer de nouvelles divisions, dix-huit régiments d’infanterie de marche verront le jour. Ils seront numérotés de 401 à 418. Le 416ème régiment d’infanterie se rassemble le 1er avril à Montpellier. Les compagnies sont formées par les régiments d’infanterie du 16ème Corps. La 7ème compagnie est composée de soldats catalans venant du 53ème de Perpignan.

Après avoir passé quelques mois dans la Somme et participé à de nombreux combats à Frise, le régiment se déplace en Champagne où il monte à l’assaut des tranchées adverses lors de l’offensive du 25 septembre. Plus de mille hommes sont tués ou blessés. En 1916, il séjourne plusieurs fois sur le front de Verdun et se comporte héroïquement.

En 1918, sur le secteur de Champagne, il est de tous les combats importants.

Il convient également de citer le 176ème RI. Ce régiment, héritier des demi-brigades des armées de la Révolution, est recréé en mars 1915 pour participer au débarquement des armées françaises dans les Dardanelles. Des hommes de toutes les unités et des volontaires formeront cette nouvelle unité qui se couvrira de gloire dans la presqu’île de Gallipoli et en Serbie. En raison de l’extrême violence des combats, ce régiment perdra la quasi-totalité de ses hommes, et parmi eux de nombreux catalans.

Cet exposé serait incomplet si l’on ne parlait pas d’une unité en garnison dans les Pyrénées-Orientales mais qui n’a pas fait beaucoup parlé d’elle.

Le 3ème régiment d’artillerie coloniale est en garnison à Toulon, mais quelques batteries sont disséminées tout au long de la Méditerranée. La 13ème se trouve à Port-Vendres. Elle est composée d’habitants des Pyrénées-Orientales pour sa grande majorité.

Le régiment suit la progression du Corps d’Armée Colonial et de ce fait participe à toutes les batailles du 24ème RIC de Perpignan : la Belgique et la retraite puis enfin la victoire de la Marne et la poursuite. Toute l’année 1915 se passe en Champagne, en février pour les combats du fortin de Beauséjour et plus tard, le 25 septembre, pour la grande offensive. En 1916, le 3ème RAC aide de ses feux l’armée française pendant la bataille de la Somme.

Le 16 avril 1917, les combats du Chemin des Dames commencent. Dans des circonstances difficiles, les « 75 » et les « 155 » crachent leur fer sur les positions ennemies. En mars 1918, lors de l’offensive allemande, le régiment se porte au-devant des adversaires et les contient. Il fera de même dans l’Aisne en mai. La poursuite se fera à partir de juillet pour se terminer par la victoire finale.

En consultant les archives militaires, on est attiré par le grand nombre de tués de ce régiment. En effet, les chiffres de la guerre sont les suivants : l’infanterie a perdu 1.158.000 tués alors que l’artillerie en a compté 21.400. En règle générale, un régiment d’artillerie a perdu environ 400 hommes pendant le conflit. Mais le 3ème RAC a eu 1250 tués, dont 74 officiers. Parmi eux, les noms de plusieurs Catalans sont inscrits en lettre de sang sur l’historique.

Renaud Martinez

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