Composition de l'Armée Française

Composition, organisation et ordre de bataille de l’Armée française

lors de la mobilisation d’août 1914

Renaud MARTINEZ

Depuis 1905, l’Armée française, dans sa politique de défense contre l’empire allemand, et dans le secret espoir de récupérer l’Alsace et la Moselle, a organisé la couverture de son territoire autour de la « reine des batailles » : l’infanterie. Celle-ci est disséminée dans les cinq Armées qui composent l’institution, elles-mêmes divisées en Corps d’Armée, au nombre de vingt et un.

Cette infanterie constitue l’essentiel des unités, soit 173 régiments à trois bataillons. A ceux-ci s’ajoutent 31 bataillons de chasseurs dont certains à spécialité alpine. Quatre régiments de zouaves, neuf de tirailleurs nord-africains, cinq bataillons d’infanterie légère d’Afrique et deux régiments de légion étrangère viennent parachever le compte.

Après son service militaire, le citoyen sert onze ans dans la réserve. Le 1er jour de la mobilisation, les régiments d’infanterie lèvent leur unité de réserve à deux bataillons et qui prend le numéro du régiment auquel on rajoute 200 (ex : le régiment de réserve du 53ème de Perpignan devient le 253ème). Il est formé en majorité de soldats réservistes et de cadres de réserve formés depuis plusieurs années auxquels vont se rajouter quelques officiers et sous-officiers du corps d’active. Pour les bataillons de chasseurs, l’unité rajoute le chiffre de 40 (ex : le 6ème bataillon de chasseurs a comme unité de réserve le 46ème).

Concernant les zouaves et les tirailleurs, le commandement va créer par amalgame quatre régiments supplémentaires. Il s’agit des 1er, 2ème, 3ème et 4ème régiments mixtes de zouaves et tirailleurs. La légion quand à elle, va augmenter ses effectifs à l’aide de quatre régiments de marche qui en raison des pertes effroyables seront regroupés au printemps 1915 au sein du Régiment de Marche de la Légion Etrangère.

Bien que l’infanterie soit le pivot du système militaire, elle n’a pas le monopole du combat à pied. En effet, depuis 1900, héritière des troupes de la Marine, l’Infanterie Coloniale a su gagner sa place dans l’arène du combat. En métropole, l’entité principale est le C.A.C. (Corps d’Armée Colonial). Il est composé de deux divisions à quatre régiments chacune et d’une brigade à deux régiments. Une autre brigade à deux régiments entre dans l’ordre de bataille du 14ème Corps d’Armée ; au total donc douze régiments coloniaux sont sur le pied de guerre. A ceux-ci s’ajoutent leurs douze unités de réserve (le numéro du régiment rajouté de vingt (Ex : le régiment de réserve du 24ème de Perpignan est le 44ème).

En Algérie, au Maroc, en Chine et dans les colonies, on compte vingt-quatre autres régiments mixtes, en partie Européens et pour le reste Sénégalais, Malgaches, Tonkinois et Annamites. Ces unités, auxquelles vont se rajouter divers bataillons, vont monter sur le front français au cours de la guerre. L’un d’eux, composé de bataillons venant du Maroc, va former le célèbre R.I.C.M. (Régiment d’Infanterie Coloniale du Maroc), qui sera avec le R.M.L.E. (Régiment de Marche de la Légion Etrangère) le régiment le plus décoré de France.

Après onze ans de réserve, le soldat est affecté pour une période de sept ans dans la territoriale. Environ cent cinquante régiments composés d’hommes de plus de trente cinq ans vont intégrer ses unités, les RIT (régiment d’infanterie territoriale) dont la tâche principale n’est pas de combattre mais de surveiller les points stratégiques et d’effectuer des travaux et des opérations de transport au profit des troupes combattantes. Il s’avèrera très vite que leur mission est indispensable et nombre d’entre eux devront combattre en raison des circonstances du front.

Pour éclairer l’Armée, pour effectuer des missions rapides et meurtrières en territoire ennemi, pour protéger les flancs des Corps d’Armée dans leur offensive, on voit apparaître la cavalerie. Celle-ci est encore très nombreuse en ce début du siècle. Qu’on en juge. Chaque division d’infanterie, possède son régiment de cavalerie qui lui sert d’éclaireur et d’appui. Les autres unités sont regroupées au sein des Corps de Cavalerie. La cavalerie légère se compose de vingt et un régiments de chasseurs et quatorze de hussards. Les trente deux régiments de dragons forment la cavalerie de ligne alors que la « lourde » dispose de douze régiments de cuirassiers. Il faut rajouter à cela six régiments de chasseurs d’Afrique et quatre de spahis.

Pour appuyer de leurs feux la progression de l’infanterie, les « 75 » de l’artillerie suivent de près les soldats. Chaque division intègre un régiment d’artillerie de campagne avec ses célèbres canons de calibre 75. Peu d’unités ont encore des « 155 » à longue portée et l’artillerie de tranchée (mortiers, crapouillot, fusées…) et l’artillerie spéciale (chars de combat) n’existent pas encore. On compte néanmoins onze régiments à pied, soixante deux régiments de campagne et deux de montagne. A ces chiffres, il faut rajouter les dépôts et surtout les trois régiments d’artillerie coloniale stationnés en métropole (il en existe huit autres dans les colonies et en Afrique du Nord) et les quatre groupes d’artillerie de campagne d’Afrique.

Aucune des armes citées précédemment ne peut se passer du génie. Celui-ci dispose de plusieurs dizaines de compagnies à la disposition des Corps d’Armée et regroupées de manière administrative au sein de onze régiments.

Enfin, pour aider au bon fonctionnement de cette énorme machine, il existe toute une série de petites unités qui, bien que peu connues, n’en sont pas moins indispensables. Il s’agit des escadrons du train des équipages militaires, au nombre de vingt, qui s’occupent de tout ce qui est transport de troupes et de matériel par voie routière. Les conducteurs d’état-major en font également partie. Pour seconder les officiers supérieurs, les sections de secrétaires d’état-major (vingt et une) fournissent tout le personnel administratif. Les boulangers, cuisiniers, maréchaux-ferrants et autres artisans sont regroupés au sein des vingt-cinq sections de commis et ouvriers militaires et d’administration.

Les sections d’infirmiers militaires, au nombre de vingt-cinq, suivent les Corps d’Armée de près et organisent les postes de secours, les ambulances et plus loin du front, les hôpitaux auxiliaires et complémentaires. Pour terminer, vingt-trois légions de gendarmerie sont chargées de la surveillance des voies de communication proche du front. Les gendarmes fournissent également les prévôts, dont la mission de maintien de l’ordre au plus près de la 1ère ligne, rendra de grands services et évitera les débordements toujours latents chez ces soldats venant de plusieurs jours de combat et qui veulent pouvoir jouir de l’instant présent sans se préoccuper du lendemain.

Renaud Martinez