Chapitre II : Organiser la Guerre

« Votre livre est indispensable

à l’histoire de la guerre mondiale

car il expose les conditions dans lesquelles elle s’est déroulée »

Général Mangin (1).

Organiser la guerre

Alors que nous nous demandons si la paix sera essayée un jour, Éric Alary ne nous rassure pas en déclarant son pessimisme (2) :

« Force est de constater que les hommes sont majoritairement impuissants face à la guerre malgré les efforts (3) visibles ou plus discrets de ceux qui se battent pour la paix ».

Justement, parmi ceux qui se battent pour la paix, les pacifistes : tout va à l’encontre de leurs convictions quant à la fatalité de la guerre. Ne devraient-ils pas se demander si, à force de « nier la guerre », ou tout au moins d’en refuser une certaine réalité, ils ne nous conduiraient pas sur la voie de l’« esclavage » (4) ? Ne devraient-ils pas entendre l’incitation d’Ernst Jünger :

« La guerre n’est pas instituée par l’homme, pas plus que l’instinct sexuel ; elle est loi de nature, c’est pourquoi nous ne pourrons jamais nous soustraire à son empire. Nous ne saurions la nier, sous peine d’être engloutis par elle. » (5) ?

Ne pas nier la guerre afin de nous prémunir du pire, n’est-ce pas accepter d’en connaître son fondement, son organisation, son fonctionnement, ce, sans état d’âme ou a priori ?

Vouloir juger et évoquer la folie originelle des hommes, la guerre, et donc ne pas désirer répandre des inepties sur son contenu pour ne pas démobiliser les vigilances, exige une prise de conscience de l’ampleur du phénomène guerre – si cher au polémologiste Gaston Bouthoul (6)- tel que j’ai tenté de le montrer au précédent chapitre. Cela demande aussi d’en étudier de l’intérieur, les principes organisationnels utilisés pour conduire les combats. C’est-à-dire que nous allons entrer à présent dans le rationnel, antinomique au regard de la peine occasionnée aux familles à la suite de « morts données ».

Nous aurons à maîtriser nos émotions pour laisser place au froid pragmatisme, à la rigueur de la logique et de la raison, afin de ne pas brouiller par nos larmes le réel auquel se mesure le guerrier.

Le regard sur la guerre

« Chacun peut prendre sur la guerre la position qu’il voudra, personne ne peut la nier. Je m’efforce quant à moi, dans ce livre où je veux faire ma paix avec la guerre, de la considérer comme une chose qui a toujours existé, qui est en nous, de la peler de toute écorce de représentations pour dégager la chose en soi. Sur la guerre ainsi contemplée à partir de son centre, il n’y a qu’un point de vue possible, c’est le point de vue le plus viril » (Ernst Jünger op. cit. pp. 92-94)

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Penser la guerre

Aller à la guerre et la conduire implique de s’organiser pour obtenir de bonnes conditions de combat. C’est à dire les moins mauvaises.

Arriver à l’équilibre des forces destinées à la destruction de l’adversaire, passe par un long cheminement de l’esprit. Il s’agit d’intégrer dans la pensée une multitude de facteurs rationnels pour évaluer, activer l’emploi des moyens de guerre. Ces derniers se composent essentiellement d’hommes formés à la guerre et de matériels d’armement à la pointe de la technologie.

Mais il est d’autres facteurs qui relèvent de la subjectivité liée à l’appréciation humaine des événements, soit avant guerre dans sa phase de préparation, soit pendant sa progression, sous le feu.

Notons que la pensée prime sur l’activation des forces armées, cette étrange machine à « broyer les hommes » menée par l’Institution militaire. Par contre c’est sur le champ de bataille que la pensée prend corps, avec toutes ses conséquences heureuses et malheureuses. C’est là en effet que se joue le sort des armes prises en main par des hommes aussi fougueux et aussi braves que possible. C’est là que se situe le prix de la guerre à payer en vie d’hommes.

Cette dualité dans la guerre, la pensée et l’action, suggère que nous regardions le processus guerrier sous deux angles. Celui de l’organisation structurelle de l’Institution qui prépare et conduit la guerre, c’est l’objet du présent chapitre (Organiser la guerre). Au chapitre suivant, nous traiterons de l’aspect pratique, plus près des hommes au combat (Mourir à la guerre).

Le processus guerre, objet de multiples fantasmes, car méconnu du public, ignorance souvent entretenue par les gouvernants, doit être expliqué en termes compréhensibles des non-initiés. Il n’est point besoin d’être exhaustif pour simplement identifier la logique du système. Nous en resterons au niveau des principes, en évitant autant que possible l’orthodoxie du vocabulaire des spécialistes.

D’abord deux ou trois points clefs afin de situer le contexte général. Ensuite voyons le processus en lui-même, celui qui engage les soldats dans l’engrenage du « feu qui tue ». Puis finissons par l’analyse de phases caractéristiques particulières engendrées par le dit processus guerrier.

L’essentiel

Une constante

Si nous regardons de manière empirique mais pragmatique le fonctionnement hiérarchique militaire tant décrié par les anti-militaristes, nous verrons que les rôles et les responsabilités sont réparties de manière à ce que chacun joue son rôle dans la guerre une fois entamée. Ainsi, le tout des hommes réunis agissant, il marche vers un but déterminé par avance, dans la cohérence et la cohésion (7).

Ceci est la base de l’enseignement élémentaire dispensé à l’école du soldat.

La raison en est simple : au combat, l’expérience montre que l’action désordonnée d’un isolé n’est que danger pour l’ensemble engagé, sans compter son propre risque encouru à agir seul.

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En la matière, au combat, l’individualisme est mal accepté. Pourrait-on dire qu’un soldat « à part » est un soldat mort ? - L’homme est tenu de se fondre dans l’anonymat du groupe auquel il appartient et d’agir de concert avec lui. Dans le cas d’une osmose parfaite, l’ensemble donne de sa force optimum pour vaincre. Car, tel est le but constant de la guerre : le « vaincre ou mourir » de nos premiers temps républicains. « C’est de la lutte pour l’existence dans toute sa nudité. Dans cette lutte le plus faible va mordre la poussière tandis que le vainqueur, […] passe sur le corps qu’il vient d’abattre pour foncer plus avant dans la vie, plus avant dans la lutte. » (Ernst Jünger op. cit. p. 39)

Fondement

Qu’on le veuille ou non, même si on enrobe la logique et la raison de considérations humanitaires, sur le fond rien ne change pour la structure chargée de conduire la guerre. Une fois un certain nombre de décisions prises, l’Institution militaire dispose d’une « équation guerre » dans laquelle plusieurs paramètres vont intervenir. A partir de là, un processus irréversible s’engage pour résoudre l’équation posée. Cela se termine par une mise en place, pour l’essentiel dès le temps de paix, de matériels de guerre et surtout d’hommes formés et équipés pour la guerre (armement, équipements, vivres).

Ce processus fonctionne par paliers d’exécution successifs, en fonction de circuits fortement hiérarchisés, du niveau le plus haut jusqu’à celui au plus bas de l’échelle, c’est-à-dire au niveau du combattant face à « son » ennemi. Ainsi le veut la logique militaire.

Quel que soit le type de guerre, les mesures engendrées par le processus guerrier convergent toujours vers un seul but final : maîtriser la « puissance physique et la puissance morale » (8) de la partie adverse. On lui opposera de manière symétrique nos propres forces adaptées à la dimension du conflit.

La force armée

Donc le processus guerrier est actionné, sous l’égide de l’État, par un organisme spécifique chargé de conduire la guerre, c’est-à-dire le ministère de la Défense, soit l’Institution militaire.

Ce ministère se présente sous forme d’une structure complexe, dont le visage évolue au fil du temps. Tous ses organes rattachés s’adaptent et œuvrent en conséquence de guerres imaginées ou réelles, selon diverses hypothèses (durée, ampleur, moyens, budget etc.). D’où l’équation guerre visée ci-dessus.

La préparation de la guerre s’opère dès le temps de paix. La France agissant ainsi est dans la norme des pays occidentaux puisque : « la plupart des États doivent, même lorsqu’ils sont en paix, se préparer à un conflit armé » (9). Ainsi se crée, ou tout au moins s’entretient, une « force armée » (10).

Elle englobe une multitude d’unités de commandement, de combat et de services de soutien logistiques (la réparation, l’approvisionnement toutes catégories, le médical, les communications, etc.).

Elle dispose pour la formation des cadres et de la troupe de ses propres écoles, grandes et petites, des plus prestigieuses aux plus anonymes, qui œuvrent chacune selon leur spécificité.

Un peu à l’écart des circuits strictement militaires, se trouvent des entités technico-administratives, ou de fabrication et de gestion, relevant soit du secteur public, dont la défense nationale, soit du secteur privé (cf. par exemple la production d’avions).

La guerre déclarée.

La déclaration de guerre est du ressort des autorités de l’État.

L’Armée - pour être plus précis : les Armées (terre, mer, air), ou encore, pour le total : les forces armées - du moment que la guerre est déclarée, le principe veut que l’ Armée passe sous commandement d’un généralissime : Joffre (1914-1916) ; ou Gamelin (1939-1940). (Rappel : on adapte l’engagement des forces à la mesure du conflit en cours – mais le fondement du système activé est du même genre).

La cause est légalement entendue (guerre déclarée). Les états d’âmes sur la nécessité d’employer la force, ne sont plus de mise. L’action débute jusqu’à ce que mort s’en suive s’il le faut, suivant l’idée que « dans la conscience collective française, il était communément admis qu’aucun peuple ne pouvait égaler les Français dans leur volonté de se sacrifier pour la cause de la nation » (11).

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Par tous moyens de transports, les troupes « montent au front », ou sont positionnées au préalable sur une zone donnée en vue d’une intervention militaire prévisible (cas des opérations extérieures.)

Le front, est une notion virtuelle considérée dans l’espace de guerre. Sa représentation diffère selon le type de guerre engagée (cf. ici, § Combattant). Il désigne implicitement une ligne de séparation de la zone des combats entre les ennemis. Celui de la Grande Guerre, est un alignement de tranchées (de la mer du Nord, à la frontière Suisse) où les adversaires s’agglutinent et se cramponnent dans la boue et le froid, sous la pluie ou dans le brouillard, oppressés par les tirs incessants, pour ne point céder du terrain.

En résumé, d’une guerre à l’autre, la méthode et les moyens utilisés pour arriver à ses fins évoluent, mais le fondement de l’organisation guerrière reste identique, avec une constante : maîtriser l’adversaire. Le processus opère du haut vers le bas pour application d’indications issues d’une « tête pensante », placée au-dessus d’un « corps » (l’exécutant). Reste à savoir comment se forme la pensée à la « tête », celle qui décide des sacrifices humains (bien que ce ne soit pas sa finalité).

Penseurs de guerre (12)

Éthique

Il doit être entendu que l’armée au service de la nation doit être par principe apolitique.

Ce sont les politiques qui décident de prévoir l’état de guerre ; d’en tirer les conséquences pour ce faire. Ils ont la responsabilité de la déclarer, ou de la terminer, au moment opportun. Les militaires sont les exécutants de ces volontés.

La guerre selon Clausewitz étant la prolongation de la politique par d’autres moyens, et la politique ne prenant jamais le temps de s’arrêter, il faut que les fers soient au feu, que ces autres moyens soient disponibles, prêts à l’usage [encore doivent–ils être] concurrentiels, compétitifs » (13)

L’éthique pour les militaires est d’œuvrer selon la volonté des représentants légaux de la nation, sans aucun agissement contraire à la loi et sans état d’âme. Pour cette raison, les « penseurs de guerres » ne devraient se préoccuper que de la mission confiée par l’État.

Est-ce que pour autant il n’existe pas de dérives ? La tentation est grande pour des militaires « entreprenants », disposant de la force et connaissant les méandres de la politique, de s’accaparer des commandes centrales de la nation. L’expérience montre que depuis que notre République est « assise », malgré des mouvements de grogne, l’armée est restée légaliste. S’il y eut de sérieux avatars, c’est que se révélaient le déshonneur, la déliquescence, et l’ambiguïté dans la politique menée par le pays. Toutefois, ces avatars étaient plus affaires de généraux et de colonels que de capitaines (ces derniers toujours aussi près de la troupe qu’en 1914-1918). D’ailleurs en ces périodes troublées (guerres de décolonisation) notre population n’était-elle pas désorientée elle aussi, quant à ses choix d’avenir ? Pour être direct : voulait-elle d’une République populaire ? Pendant que, dans le même temps des militaires croyaient « défendre l’Occident à Hanoi, puis à Alger ! » (14).

« L’armée ne sert aucun clan, aucune faction, aucun intérêt. L’armée sert la France tout simplement » déclarait le général de Gaulle aux officiers en décembre 1960 (de La Gorce op. cit. p. 650).

Certes, d’un point de vue plus général ne serait-il pas utile de se dire : on peut accepter de mourir pour la patrie, encore faut-il que les conditions morales de recevoir cette mort soient acceptables, dans et pour l’honneur, à défaut d’une patrie reconnaissante ? Si des points de repères qui font la grandeur d’une nation s’estompent, et raison de plus s’ils disparaissent, la logique veut que le vide laisse place à l’aventure. N’est-ce pas l’explication de l’engagement parfois à contre sens de militaires rebelles ?

Par exemple, ne trouve-t-on pas un général de Gaulle qui aura raison de « désobéir » (cf. « l’Appel du 18 Juin 1940 »), pendant qu’un Pétain, politique plus que maréchal, négociait une fin des combats jugée déshonorante (l’armistice, guerre 1939-1940).

Plus tard, avril 1961, il y aura un général Challe, et à l’extrême un général Salan, qui auront tort de croire en une autre France, présente en Algérie, désavouée au plan mondial (un rêve : la France puissance pétrolière ?). Selon Jean Paul Angelli le plan de ces deux derniers généraux était « de remettre sur un plateau au général de Gaulle une Algérie pacifiée mais française et moderne. Ceci dans un délai de trois mois ».(15). L’impossible mission !

Pour l’honneur

Un « quarteron de généraux » tels que les a nommés le général de Gaulle, envers et contre tous voulait conserver l’Algérie à la France. Contre toute attente de la part de généraux, ils se lançaient, entre le 22 et 25 avril 1961, avec quelques autres officiers à la tête de régiments de choc, dans l’aberration, sous la forme d’un pseudo-coup d’Etat militaire dirigé d’Algérie même. Erreur fatale pour les putschistes.

La réalité de la situation était que des péripéties sanglantes de part et d’autre, était né l’inconciliable. Malgré bien des « engagements-promesses-espoirs » (Mai 1958), sans que nos armes aient failli, l’abandon de l’Algérie en feu depuis 1954, était devenu inéluctable. De plus, plus ou moins ouvertement, le monde contestait notre présence en ce pays que nous considérions comme un bout nostalgique de France depuis 130 ans.

La France pouvait-elle mener une guerre jusqu’au-boutiste, éternelle, alors que dans ce temps « l’opinion française, dans sa grande majorité, [était] lassée [certains diront trahie de l’intérieur] par la longueur du conflit […]. Sur place, le contingent reflétait la Nation » (J.P. Angelli, déjà cité) ?. Non ! Le « coup des généraux » ne pouvait être qu’un baroud d’honneur, éphémère, voué à l’échec. ! Il semblait bien naïf de croire que la France aurait toléré la désobéissance au pouvoir politique (alors que ce même pouvoir donnait, aux soldats du contingent, leur oreille collée à leur radio, le fameux « transistor », « interdiction d’obéir aux insurgés »).

Et l’histoire s’accéléra. Le politique passa outre la frustration des militaires, particulièrement celle « du fer de lance de l’Armée d’Algérie : commandos, parachutistes, Légion étrangère ». L’armée ne bascula pas dans la rébellion. Elle resta légaliste malgré ses déceptions. Le 19 mars 1962, presque un an après le « putsch » , les accords d’Evian, baignés de « désespoirs, de chagrin et d’amertume », accordaient de fait l’Indépendance à l’Algérie.

L’Indépendance, même justifiée par le mouvement de l’histoire, tournera au déshonneur de la France : un abandon du pays dans la précipitation, nos armes en possession de leur force, provoquait l’exode massif et incompréhensible de nos compatriotes Pieds Noirs. Ils quittaient « leur » pays la rage et la tristesse au cœur. Et leur cœur saigne toujours. Et les Pieds Noirs pleurent encore leur pays perdu.

Mais la lie sera bue avec la trahison à l’égard de nos harkis, ceux qui, jusqu’au bout, ont cru en la France d’Algérie. Certains arriveront jusqu’à nous, en France, dans l’indifférence devant leur dénuement, sinon dans la méfiance qui frisera la haine. Certains arriveront dans notre triste camp de Rivesaltes aux installations précaires, mais saufs. D’autres, restés là-bas, abandonnés à leur sort, vont subir une « loi du perdant » atroce, innommable, intolérable, une révolte pour qui aime ses hommes qu’il a conduit dans la fraternité des combats. Les mots manquent pour évoquer cette cruauté barbare dont ils ont été les victimes.

« Allah Akbar ! » psalmodient les Musulmans. J’espère que dans sa grandeur, ce Dieu, commun aux croyants, aura su accueillir l’âme de nos harkis. Que paix leur soit donnée, une paix des braves, à défaut d’une « belle mort » reconnue (16).

Penseurs

« L’École de Guerre, a été depuis sa fondation une grande remueuse d’idées. […] C’est à ce puissant foyer de la pensée militaire française qu’il faut faire remonter le mérite d’avoir indiqué la voie à suivre dans le domaine de l’agencement de nos forces en vue de la bataille, et de la meilleure utilisation des divers éléments de ces forces en cours de combat. » (Col. Pellegrin – 1921 op. cit. p.33)

En respectant le principe fondamental d’organisation hiérarchique, cette pensée est l’apanage de groupes d’officiers placés en haut de chacune des subdivisions des unités des armées, rassemblés dans une entité nommée « état-major ».

Au niveau le plus haut, sera le GQG, le grand quartier général, là où se trouve le généralissime : « le cerveau » . Au niveau suivant, nous trouvons « l’état-major […] le système nerveux de ce grand corps [une armée]. C’est lui qui transmet au cerveau - le Commandement – toutes les impressions extérieures, et c’est lui qui actionne les membres. Il détermine la volonté et lui permet de se réaliser ; c’est le lien essentiel entre l’intelligence et la force musculaire » (17), « force musculaire » vouée dans une certaine mesure et en dernier ressort à donner ou à recevoir la mort.

Il est toujours quelques historiens pour condamner (18) ces hommes à qui l’on demande de penser la guerre, donc d’amener d’autres hommes sur les chemins périlleux des combats. Mais n’est-ce pas leur raison d’être puisque décision légale est prise de conduire la guerre ? Sinon, comment satisfaire l’obligation de s’organiser pour y aller au mieux.

Peut-être veut-on parler de dysfonctionnements ? Comment, en présence d’hommes à la nature imparfaite, ne pas s’attendre à des bévues ? Où se trouve la certitude, le parfait ? Comme déjà dit, est-on certain de sa propre raison, de sa vérité ? Ne peut-on admettre l’inachevé de l’homme dans ses décisions ? Ne peut-on admettre un droit à l’erreur, y compris pour soi-même, d’ailleurs ?

Voici un exemple de fragilité de jugements de chercheurs, contredits par leurs confrères :

Défaite

La guerre de 1939-1940, la « drôle de guerre », nous a conduits à l’« incompréhensible défaite », et chacun de se demander : à qui la faute ?. L’un des premiers accusés fût le général Gamelin, le généralissime, le tout premier en charge de « penser la guerre ». Les analystes pendant cinq décennies, ne cessèrent de l’agonir.

Mais un jour des historiens étrangers, étudient l’« étrange défaite » et décident de « lui [donner] une nouvelle actualité » (19). Mieux éclairés, plus impartiaux peut-être, ces historiens entrevoient « la cohérence logique de la politique de défense, particulièrement de la grande stratégie élaborée par le général Gamelin ». En 1990, comme dans une sorte d’aveu, ils déclarent que « les trente années de chasse à Gamelin sont maintenant terminées, que la stratégie du général français était tout à fait raisonnable » (20). Qui l’eut cru !

Après ceci nous apprenons (21), si nous ne le savons pas déjà, que « dès la fin de la Grande Guerre, les dirigeants civils et militaires avaient bien perçu ce qui ferait la spécificité de la guerre moderne future – puissance de feu, mobilité, importance de la technique, de la logistique de la puissance industrielle de la nation – [etc.]. » malheureusement pour le général Gamelin, son « concept de ‘bataille préparée’ se révéla impossible à mettre en œuvre ».

Quelles en furent les causes ? Au plus simple on dira qu’au plan structurel l’armée française n’était pas tout à fait au point, mais aussi que « l’adversaire allemand de 1940 ne se comporta pas comme prévu ». Dans ces conditions les plans issus de la pensée de guerre devenaient caducs.

Ce n’est pas dans notre sujet de traiter des causes de l’imprévision ou de l’impréparation des guerres, par contre il est de notre devoir (22) de rappeler la vaillance de nos soldats de 1940. Malgré tout, dans cette « guerre éclair » (Blitzkrieg), nos soldats se sont battus, toutes proportions gardées, avec la même vaillance que « ceux de 14 » contrairement à ce qu’il est prétendu. Il faudra attendre une cinquantaine d’années pour qu’on puisse le dire sereinement

Certes, « des centaines de soldats français n’atteignirent jamais les zones du front ou n’aperçurent jamais le moindre combattant ennemi » (23).

Sans que ce soit l’hécatombe de 1914-1918, en 45 jours de campagne sur l’Aisne et sur la Somme, nous aurons à déplorer la mort sur les champs de bataille de 120 000 soldats, dont 13 généraux, auxquels s’ajoutent 200 000 blessés. [Pour cette même période en France, les Allemands compterons 40 000 morts] - « De telles pertes ne sont pas le fait d’une armée qui ne cesse de fuir, mais d’une armée qui s’est constamment battue […]. Qui a parlé de promenade militaire ? » (24)- « on retrouve des taux de pertes comparables aux pires moments de 1914-1918 » (25).

Jugements

Nous accepterons l’erreur d’appréciation d’historiens à l’étude des guerres passées, comme celle des penseurs de guerre qui peut s’avérer tout aussi décalée par rapport aux réalités à venir. Un jugement erroné, à ce niveau d’état-major bien entendu, peut provoquer lors des engagements, des situations rocambolesques, sinon assassines, pour le combattant sur le terrain. En voici deux exemples :

Indochine : Témoignage d’un officier supérieur reçu par un de ses chefs avant son départ pour le Viêt-nam. : « ‘Vous allez partir en Indochine, c’est bien ! […] retenez bien ce que je vais vous dire […] vous n’avez plus rien à apprendre là-bas. Rien à apprendre sur le plan stratégique […]. Rien à apprendre sur le plan de la tactique […]’. Or nous sommes un certain nombre qui sommes revenus de cette aventure et qui, nous penchant sur un passé encore récent, disons qu’aucune période de notre carrière militaire n’a été aussi formatrice, parce qu’aucune d’elles ne nous a amenés à ce point à repenser les problèmes, à faire une croix sur les formules qu’on nous avait données, à découvrir parfois des idées, et des solutions nouvelles » (26).

Grande Guerre : Au cours des manœuvres de 1877 et puis de celles de 1913, on observe « une armée qui, à quarante ans de distance, se bat toujours en rase campagne, donne l’assaut en galopant sur les collines, baïonnette au canon, sous les exhortations de leurs officiers à cheval. Mais deux ans plus tard tout a changé […] quelques hommes boueux et casqués, perdus dans un dédale de tranchées, dans un univers de sacs de terre, de boyaux obscurs, de ravins écroulés […]. Ces contrastes marquent l’abîme qui séparait les conceptions militaires du temps de paix et de la réalité de la guerre imposée, par quelques mois, ou même quelques semaines de combats. En deux mois, l’État-major français dut réviser sa doctrine »(27).

Victoire

Mais il n’est pas que des échecs de la pensée de guerre, puisque voici un exemple (a contrario) où les états-majors de Grande Guerre furent « hautement » remerciés. La victoire aidant, le message entendu passe mieux. Pourtant la polémique est présente : « Malgré le pourcentage stupéfiant des pertes, les généraux n’admettaient pas la régularité de leurs échecs » écrit Jean Bernier ; il poursuit : « fait plus grave, en protégeant leurs officiers d’état-major, ils ne comprenaient pas que l’on ne pût plus […] que courir sans être tué sur des mitrailleuses en action » (28).

Or il est admis que cette guerre « bouteille à encre », « réservait des surprises » et présentait de nombreux « imprévus » (29).Ceci dépassait-il la puissance de pensée de nos généraux, alors qu’on leur demandait invention et intuition avant que de se soucier de logique et de rationnel ? « Non ! je ne connaissais pas la guerre » avouait le Général Maud’huy à la fin de 1914 (30).

Ceci est rappelé pour notre réflexion, je laisse de côté la polémique qui continue de nos jours. Pour moi, ce n’est ni le lieu ni mon sujet d’en traiter. J’observe toutefois l’incontestable victoire obtenue malgré tant d’erreurs ( ?) relevées. Qu’aurait-on dit si ces généraux avaient perdu la guerre ?

Quoi qu’il en soit, le maréchal Joffre, lors de son discours de réception à l’Académie Française, n’y tient pas : il encense ses penseurs de guerre, tout comme d’ailleurs le Président de la République dans son message au peuple français, adressé en premier lieu aux « Chefs illustres » (sic) (31) :

« L’armée, qui est la Nation levée pour sa défense, a trouvé pour la garder, les Chefs illustres formés par la République dans cette École de Guerre dont l’histoire dira qu’elle fut la maîtresse de la victoire… » (Raymond Poincaré).

« Laissez-moi vous dire à qui doit aller notre reconnaissance […]. A notre Corps d’État-major, qui fut notre force au début de la guerre, et qui l’est demeuré malgré les pertes cruelles qui ont éclairci ses rangs. Je tiens ici, à rendre un hommage solennel à ses mérites, à sa probité, à sa conscience, à son savoir.

Au cours des premières semaines de guerre, jamais nous n’aurions pu faire ce que nous avons faits si les grands États-majors d’Armée n’étaient demeurés comme des rocs dans la tempête, répandant autour d’eux la clarté et le sang-froid. Ils entouraient leurs chefs, sur qui pesaient les responsabilités les plus lourdes, d’une atmosphère de confiance saine et jeune qui les soutenait et les aidait. Ils gardaient dans le labeur le plus épuisant, au cours d’une épreuve morale terrible une lucidité de jugement, une facilité d’adaptation , une habilité d’exécution d’où devait sortir la Victoire. ».(Maréchal Joffre).

Comprendre

Donc, nous étions le 19 décembre 1918, quand le maréchal Joffre exprima sa reconnaissance aux penseurs de guerre, dans son discours de réception à l’Académie française.

Nous dénombrions nos morts (32). L’ampleur de l’hécatombe devenait publique. Une vague d’horreur envahissait la nation. Et débutait le cycle de reconnaissances et d’hommages aux héros mêlés des pleurs des familles en deuil en attente du « corps rendu » de leur soldat.

Les murmures des pacifistes émis en cours de guerre, s’enflaient jusqu’au cri de haine contre la guerre : « Non ! plus jamais ça ! ». Mais la guerre revint avec sa logique de mort, comme pour justifier l’indécence de Mussolini : « La guerre, est à l’humanité ce que la maternité est à la femme » (33). Hélas !

Justement, qu’en est-il de cette logique ? De quel anachronisme devons-nous traiter dans ce cheminement qui conduit, par nos volontés ou non, à la « mort donnée » ? Ne dois-je pas dire (à la Clemenceau) : « la guerre existe ! donc je l’explique ! ». En parler, comprendre, n’est-ce pas une manière de juger en connaissance de cause, combattre dans le bon sens, hors des clichés qui arrangent ?

Je reviens à mon leitmotiv. Je le dis sans ambages, autant de fois que nécessaire, la guerre se décide par qui de droit. Les décideurs ont-ils conscience lorsqu’ils s’engagent sur la voie de la guerre, qu’ils hypothèquent, hormis la vie d’hommes, l’économie du pays sur du long terme ? Je l’espère.

Le calcul économique dans le domaine militaire, comme dans toute entreprise, relève du rationnel, de la logique mathématique. Or, nous le savons, le phénomène guerre n’est que complexité. Complexité dans l’aberration de sa raison d’être. Complexité dans la pensée et les ardeurs qui l’accompagnent pour sa mise en œuvre. Complexité dans les mécanismes internes qui l’animent. Complexités qui nous amènent à raisonner pour comprendre la « science de la guerre », car il est bien un processus « à engrenages » qui ressort de l’art de faire la guerre. C’est un fait.

Ce processus de guerre est construit par l’esprit et appliqué dans la matérialité. Il effraye avec ses mécaniques à explosifs à hacher les hommes. Il subjugue par le sublime de la mort donnée et reçue. Il est mystère dans ses rites obscurs pour les non initiés aux combats. Rites immémoriaux dans l’esprit, mais invention et nouveauté dans l’art et la manière (la technicité) de donner la mort. Quoi qu’il en soit, en toutes guerres, en dernier lieu, toujours des hommes face à face s’opposent et se tuent (leitmotiv).

« … Derrière tout cela il y a l’homme. Lui seul peut orienter les machines, leur donner un sens. C’est lui qui crache par leurs bouches projectiles, explosifs et poisons. Lui qui s’élève en elles comme un oiseau de proie au-dessus de l’adversaire. Lui qui se tapit dans leur ventre lorsqu’elles arpentent le champ de bataille, lourdes bêtes crachant le feu. C’est lui le plus dangereux, le plus assoiffé de sang, le plus conscient de ses buts que la Terre s’assujettisse à porter. » (34).

Certes, nous le savons, l’homme est au centre de l’organisation de la guerre ; l’arme, son outil de guerre, de fait, passe au second plan dans l’explication de la mise en œuvre de la machinerie qui nous occupe ici. L’art et la manière de s’entre-tuer dépendent, au moins dans un premier temps, de l’efficacité de cette organisation face aux réalités des combats, plus que de la technologie appliquée et aussi de la bravoure des combattants.

Il s’agit pour moi, comme j’ai commencé à l’expliquer, d’extraire de la complexité « guerre » la rigueur logique qui la conduit, du moment de la prise de décision politique (engagement sur la voie de la guerre), jusqu’à ce que soit donné l’ordre d’assaut sur les lieux des combats. Je le redis, c’est un long cheminement de l’esprit d’abord, puis de la mise en puissance de la « force musculaire » des hommes. Je n’en donnerai que les grandes phases, simplement pour cadrer mes textes et commentaires qui précèdent ou qui suivent, par rapport au déroulement de cette procédure dite rationnelle.

Phase Prévisionnelle

Politique

Une guerre se prépare ou elle se déclare, aux dernières extrémités, sur décision de l’autorité politique d’une nation. Sa volonté est de parer à une menace plus ou moins avérée, à moins, au contraire, qu’elle veuille initier une agression contre un ennemi.

Objectifs

Le politique fixe alors les buts réels de guerre (pas toujours rendus publics). Il en est déduit des objectifs politico-économiques, géostratégiques, notifiés à l’Institution militaire.

Hypothèses

L’Institution militaire traduit ces objectifs en termes militaires de stratégie et de tactiques opérationnelles, constructions de l’esprit qui reposent sur toute une série d’hypothèses quant au conflit envisagé.

Les besoins

Un processus d’engagement hypothétique des troupes est étudié. A partir de là, un plan « calcul » qui intègre tous les paramètres relatifs aux cas de figure présumés, est activé. Il en ressort une évaluation des besoins à mettre en place (hommes et matériels), dès le temps de « paix » pour constitution de réserves de « guerre ».

Planification

Le plan prévisionnel de financement des besoins découle du plan « calcul » des besoins, suivant la relation de cause à effet processus, moyens, finances ; relation réversible après affectation du budget.

La masse financière en jeu est telle qu’on adopte un plan de financement rythmé par les budgets annuels successifs, ce qui échelonne dans le temps la mise en place des moyens, temps qui prend alors toute son importance dans la préparation de la guerre.

Processus

Prévisionnels et ajustements

Moyens

En quantité et qualité à mettre en place

Finances – Budget

Court, moyen et long termes

I Engagements prévisionnels

Stratégies – Tactiques – Opérations

II Lois – Règlements

Créations – Modifications.

III Procédures fonctionnelles

Organisation logistique dont transports.

Hébergement – Tous approvisionnements.

Le médical – Achats / Gestion des stocks

I Hommes

Appel par classe – Affectations

Formation – Les Réserves

II Animaux

Acquisitions et Réquisitions

III Matériels – Équipements

Achats et fabrication tous matériels. Distributions et stockages (Arm. Mu. Vivres)

I Plan financier

Charges pour les personnels.

Matériels – de fonctionnement.

II Vote des budgets

III Ajustements des besoins

IV Affectation budget aux organismes chargés d’appliquer.

Phase d’exécution (temps de paix)

Réalisation moyens

La méthode pour évaluer les besoins aura mis en exergue quatre variables interdépendantes qui, une fois optimisées et en équilibre, donneront, lors de l’application, un résultat à comparer à celui espéré en amont pour en déduire le degré de satisfaction. Bien qu’il s’agisse d’évaluations théoriques, au regard au moins des besoins en hommes et matériels pour atteindre les objectifs précédemment définis. Il faudra bien en arriver à leur satisfaction effective, planifiée certes, mais en correspondance en quantité et qualité suffisantes, dans des délais conformes aux engagements guerriers envisagés, tout en respectant l’enveloppe financière accordée ; sans quoi il sera préférable de tempérer ses ardeurs guerrières.

Mise en place

En tenant compte des dotations réalisées pour la force armée déjà sur pied et de la nécessité de préparer la guerre envisagée en tant qu’hypothèse, les moyens complémentaires sont mis en place. Cette phase de mise à hauteur et de modernisation des dotations initiales doit se conformer aux prévisions « pratiques » résultant des choix et attributions budgétaires.

En définitive, quoi qu’il en soit de l’avancement des réalisations effectives (hommes et matériels) les troupes (l’active) doivent se tenir prêtes à toutes interventions dans leurs casernements ou autres lieux d’hébergement.

Aléas-Imprévisions

Comme on s’en doute, un certain nombre d’aléas et de cas de force majeure vont survenir de manière impromptue et non maîtrisable. Il est aussi des erreurs d’appréciations humaines qui risquent d’être catastrophiques pour la bonne conduite de la guerre. Aléas et imprévisions font partie du facteur risque par nature incalculable.

On peut toujours espérer pouvoir redresser les manquements au fur et à mesure qu’ils se présentent. Ce qui s’est vu pendant la Grande Guerre, par exemple, avec les fusils 1886-1893, dont les stocks se sont épuisés après seulement deux mois de guerre :

Fin 1914, après la Marne, « on avait perdu un nombre considérable de fusils, de mitrailleuses […]. Les approvisionnements de la réserve de guerre avaient été rapidement réduits avec l’envoi des renforts […]. On avait estimé qu’une campagne de courte durée consommerait relativement peu de fusils […]. On n’avait prévu en cours de guerre que la réparation des armes détériorées […]. Les manufactures nationales […] avaient cessé la fabrication des fusils 1886 depuis 1893 […] » (35).

Ce ne sera qu’en avril 1915, que les premières mesures (réparation et production des fusils) donneront leurs premiers effets. En attendant on « racla les fonds de tiroirs » (36).

Phase d’engagement (temps de guerre )

Mobilisation

Simultanément à la déclaration de guerre, ordre est donné de mobiliser toutes les forces de la nation. A moins qu’il s’agisse de répondre à des agressions ponctuelles du type « harcèlements », qui ne demandent qu’un engagement de moyens partiel, très progressif, en fonction de la menace ressentie. Cet ordre entraîne l’application d’un plan de mobilisation préparé bien à l’avance. Il a pour but de mettre sur pied les unités nécessaires et de les amener sur le site des combats.

Ces unités militaires sont chargées de la sauvegarde des intérêts du pays – que le champ de bataille se trouve sur le sol national ou non.

A l’issue de la mobilisation, l’armée se trouve (ou devrait se trouver) en état de faire la guerre. Le principe est le suivant :

On suppose, si l’on ne veut pas courir à la catastrophe, qu’on aura au moins réalisé le plan « paix ». C’est-à-dire que, tous les hommes d’active et du contingent (service obligatoire en vigueur à cette époque) sous les drapeaux sont déjà formés et équipés. Tous les moyens initiaux du temps de paix sont en place. Au moment de la mobilisation les dotations initiales « paix » sont mises à hauteur des dotations « guerre » préalablement calculées.

Selon le besoin nouveau exprimé, toujours pour assurer les volontés tactiques du commandement, les troupes de complément puisées dans les effectifs en réserve, sont appelées et aussi amenées à pied d’œuvre, armées et équipées, tout comme les troupes d’active déjà engagées. Les renforts en effectif et le soutien logistique sont assurés pendant la durée des hostilités.

La formation des hommes de réserve est assurée lors de périodes dues par les réservistes pendant le temps de paix. Elle est complétée au besoin lors du rappel sous les drapeaux au moment de la guerre.

Combats

L’engagement au combat se détermine suivant une articulation binaire à tout niveau des armées, ce que je distingue ainsi :

Celle principalement constituée d’organes de commandement (les états-majors par exemple) qui agissent en tant que structure hiérarchique. Elle émet des ordres d’exécution vers la structure fonctionnelle.

Celle des troupes sur le terrain en charge d’appliquer concrètement la pensée (les ordres) de la hiérarchie. C’est la structure fonctionnelle, où s’insèrent les unités, grandes et petites (Corps d’armée ou compagnies d’un bataillon par exemple), troupes de combat et unités de soutien logistique ou médical.

Dans une même unité constituée se trouve la ligne de partage entre la structure hiérarchique et la structure fonctionnelle. Une entité assure la fonction de commandement (hiérarchie) pendant qu’une autre exécute les missions ordonnées (fonctionnel).

Les ordres sont donnés dans le respect de règles prédéfinies (le règlement, dirons-nous pour simplifier) et exécutés dans le même cadre réglementaire. Ainsi est assuré le respect de l’esprit de la manœuvre ordonnée. Ici, il est fait appel à la cohérence et la cohésion de la troupe au combat.

Il est une part d’initiative laissée au commandement local, comme aux combattants, en cas d’imprévus auxquels il faut parer. Ceux-ci sont dus, en particulier, aux réactions contraires de l’adversaire. Dans ce cas, il importe que la chaîne hiérarchique soit informée de la situation observée et de la solution adoptée en conséquence. Ainsi de proche en proche, suivant des urgences admises, toute la voie hiérarchique est informée des événements. Chacun des niveaux prendra en compte la nouvelle situation pour ajuster sa propre manœuvre et redonner de nouvelles directives.

Voici un exemple de répartition des rôles pour chacune des structures :

Structure Hiérarchique- Ordres

Échelonnement des forces en profondeur et largeur selon la zone des combats envisagée.

Par rapport aux actions ordonnées préparation du terrain des combats (bombardements par exemple)

Par niveaux hiérarchiques impliqués, transmission des ordres d’engagement effectif des troupes.

Surveillance du champ de bataille.

Ordres manœuvres complémentaires

Ordres de renforts et d’appuis

Ajustements des actions en fonction des résultats obtenus sur le terrain

Nouvelles manœuvres – Diversions

Structure Fonctionnelle - Exécution

Mise sur pied des forces prévues à l’intervention – Mise en place sur site et organisation du terrain.

Dispositions opérationnelles

Préparations d’artillerie – aviation Engagements des forces au combat.

Appui opérationnel des troupes sur le terrain, en cours d’engagement.

Interventions artillerie et aviation

Support technique et flux d’approvisionnements destinés aux éléments engagés

Évacuations sur les arrières des zones de combats. Gestion des réserves et renforts – Médical

Fin de Guerre

Bien entendu à un moment donné la guerre s’arrête (sur décision politique). L’un des adversaires, anéanti, est contraint à l’abandon du combat (cf. ci- après, la Pologne de 1939), ou à demander l’armistice (cf. la France de 1940). On peut espérer obtenir une paix mais laquelle s’il subsiste des frustrations justifiées ou non (cf. l’Allemagne de 1918) ?

Applications des principes

Un exemple, 1939 - Réunion du 23 mai 1939 Hitler et ses généraux (37).

Politique : « J’ai voulu m’entendre avec la Pologne il ne faut plus y compter » - « Je doute que la Pologne représente un barrage efficace contre le bolchevisme (38). J’ai renoncé à considérer la Pologne comme un bastion contre l’Asie. C’est pourquoi je n’ai plus aucune raison de la ménager. »

Buts de guerre : « Si nous faisons la guerre, ce ne sera pas pour le couloir de Dantzig, mais pour étendre notre espace vital à l’Est et pour assurer la subsistance de nos générations futures. »

Stratégie et tactique : « … si le destin nous accule à un conflit avec l’Occident, mieux vaut disposer à l’avance d’un plus grand espace à l’Est. Il ne s’agit pas de droit ou d’absence de droit : il s’agit de l’existence de 80 millions d’Allemands. » - « Cette fois on en viendra aux mains. Mais il importe d’éviter à tout prix qu’une guerre avec la Pologne entraîne un conflit simultané avec la France et l’Angleterre. Il faut donc l’isoler » -« Ma tâche consiste à isoler la Pologne pour empêcher les puissances occidentales de venir à son secours » - Le secret : « Notre objectif doit être ignoré de tous, même de l’Italie et du Japon… » (ce que j’appelle l’environnement de la guerre – voir ci-après).

Objectifs : « Votre tâche consiste à préparer les opérations de telle sorte que nous puissions porter à l’adversaire, dès le début de la campagne un coup, ou pour mieux dire LE coup qui l’anéantira ».

Exécution : « Ce but ne peut être atteint que par une politique habile. C’est pourquoi je me réserve de fixer moi-même le moment où il conviendra de donner l’ordre d’attaque » - Ainsi dit, ainsi fait. La Pologne envahie en septembre 1939 subit la première la tactique d’Hitler : le « Blitzkrieg » (la guerre éclair) et succombera en quelques jours (Là commence une autre histoire terrible et sanglante)

Autre exemple, 2003 - Les enjeux stratégiques et opérationnels (Gal d'armée Bernard Thorette - extraits) (39).

« Les enjeux stratégiques et opérationnels, sont étroitement liés aux risques potentiels de conflits dont la physionomie et les caractéristiques ont singulièrement évolué ces dernières années. Il est aujourd’hui communément admis de décliner leur typologie sur un mode maintenant connu :

tout d’abord les conflits symétriques qui, au moment où s’engage l’épreuve de force. Voient s’affronter deux opposants dont les enjeux, les moyens (forces armées) et les manière d’agir sont équivalents.

les conflits dissymétriques, en second lieu, qui traduisent un déséquilibre marqué entre deux protagonistes portant sur le niveau des enjeux et/ou sur la performance des moyens (exemple de la guerre du golfe de 1991)

enfin plus récemment se sont ajoutés les conflits dits « asymétriques », ceux qui traduisent une disparité très prononcée voire totale, des buts de guerre, de la nature des moyens et des modes d’actions des parties en présence.

Les enjeux stratégiques et opérationnels doivent donc être considérés dans le cadre de cet environnement d’une extrême complexité qui se caractérise :

par l’apparition de nouvelles menaces dont l’identification est de plus en plus aléatoire, impliquant de nouveaux besoins en organisation et en matériels pour y faire face ;

par la prégnance du progrès scientifique et technique, s’appliquant à des champs d’application de plus en plus vastes et entraînant des coûts souvent exponentiels ;

par des contraintes économiques très fortes liées au contexte international, aux critères de stabilité de l’Union Européenne, aux exigences proprement nationales, etc.

Il est clair que face à cette réalité, aucun pays hormis les États-Unis n’a les moyens de disposer seul de la totalité des capacités qui sont nécessaires pour répondre aux besoins de sécurité actuels.

Nous nous trouvons donc dans une situation qui conduit naturellement à l’ambition sécuritaire, politique, technologique, en même temps que nous nous trouvons (et cela a été démontré) dans un volume de ressources contraint ».

[Bien entendu « face à cette situation la France a logiquement réagi ». Il me semble comprendre, en résumé (ou par goût de la simplification peut-être réducteur), qu’il s’agit dévaluer ses propres capacités opérationnelles, de voir celles de ses alliés (cadre « européen ou transatlantique »), pour en déduire des besoins à satisfaire afin de parer, en harmonie, ensemble, à touts types de menace tels que définis ci-dessus]. Voici, en complément à la pensée quelques autres extraits explicatifs de l’intervention :

« Une approche capacitaire… fondée sur l’étude analytique des menaces – est le point de départ pour satisfaire aux besoins - et aux choix – nationaux à coûts réduits, sans négliger l’interopérabilité » [On retrouve le processus consacré].

Interopérabilité : « c’est à la fois la capacité [en relation avec ses alliés je suppose] à combattre ensemble, la capacité à commander et à être commandé, ainsi que la capacité à informer et à être informé »).

L’harmonisation : « Cette harmonisation par les capacités est la question clé de l’intégration de l’industrie de défense européenne et de l’acquisition d’équipements, si possible communs, ou tout du moins compatibles et interopérables.

N’oublions pas qu’in fine, nos hommes sont engagés ensemble sur le terrain, dans des conditions difficiles, au sein d’états-majors et de détachements multinationaux. L’harmonisation est donc bien plus qu’une absolue nécessité, elle doit être une ardente conviction. ».

« Les technologies des armements modernes posent une problématique en terme de coûts. La recherche et le développement des applications technologiques sont devenus trop chers pour que nous puissions intégrer en permanence leurs évolutions dans les équipements militaires. Les considérations budgétaires les plus élémentaires imposent aujourd’hui une évidence : les investissements de la défense … en armement de haute technologie doivent se concentrer sur les technologies servant directement les facteurs d’efficacité opérationnelle dont la combinaison est la plus susceptible de procurer la supériorité opérationnelle. C’est le concept de « progrès technologique différencié » adopté par l’armée de Terre qui privilégie les capacités à forte valeur ajoutée […].

Il ne s’agit plus pour l’armée de Terre (…) de s’entêter dans une logique de surenchère de course aux armements, qui prévalait à l’époque de la guerre froide, ceci d’autant plus que le coût de possession d’un armement risque - un jour- d’obérer la capacité d’acquisition, réduisant à néant l’intérêt de la recherche ».

[Malgré le décalage de génération entre « penseurs de guerre », ces deux exemples recouvrent une certaine forme de pensée constante. On y trouve clairement cités tous les termes consacrés par « l’économie de guerre » : besoins, coûts, contraintes, moyens, technologie etc. Quant à la typologie des conflits, dans mon raisonnement (voir ci-après « Types de Guerre ») je considère que la « symétrie » et la « dissymétrie » se classent parmi les conflits classiques. Quant à l’ « asymétrie », je la classerais dans ce que je nomme les conflits de harcèlement.]

Environnement de la guerre (temps de paix et temps de guerre)

La démarche « vers la guerre » conduit malgré tout à connaître des situations parfois teintées d’irrationnel, qui faussent l’idée que l’on se fait de la guerre au moment de sa préparation ou de son déroulement. Soit il s’agit de prises de positions externes, exprimées par des adversaires, soit internes, initiées par ses compatriotes parfois manipulés par les adversaires.

Cet environnement se manifeste dès avant l’état de guerre reconnu et s’exacerbe en cours de guerre. Peut-on dire qu’il cesse ensuite ? Je pense qu’il s’estompe, sans disparaître totalement.

Sous le vocable « Environnement de la guerre », j’introduis toutes actions à multiples facettes qui cherchent à déstructurer les projets (de guerre ou non) des gouvernants et, à l’inverse, celles de ces derniers pour neutraliser les effets pervers des actions précédentes. L’un des outils les plus utilisés dans ces opérations déstabilisatrices, le plus en vue du public, est sans doute celui de l’information. Deux types d’actions sont concernés par ce système :

- Celui, souterrain, qui relève des services de renseignements dont le but est de connaître les intentions et les moyens activés par son adversaire pour le contrecarrer dans ses projets. Les méthodes de ces services sont largement connues au moins dans leurs principes : espionnage, contre-espionnage, manipulations en tous genres, situations assez machiavéliques.

- Celui, orienté vers les combattants engagés dans la guerre, ou qui vise les populations de « l’arrière ». Le gouvernement tend à maintenir haut la combativité de ses soldats et, dans le même temps, à s’assurer du soutien de sa population dans son action guerrière. En toute logique, les mouvements d’opposition (internes ou externes au pays) vont agir à l’inverse.

Le but des uns comme des autres est de mettre les individus sous influence afin qu’ils acceptent comme argent comptant des raisonnements plus ou moins falsifiés, invérifiables, pour en obtenir l’adhésion ou le refus du concept guerre proposé (cf. par exemple les guerres des communiqués). En fait, il s’agit du maillon faible du processus guerrier qui, à la limite extrême, peut tourner à la guerre psychologique (cf. nos guerres de décolonisation) beaucoup moins maîtrisable qu’une forme de guerre classique plus située dans le rationnel.

La méthode adoptée par les parties en présence se fonde, pour propager ou contrôler l’information, sur un système à présent classique : la propagande et son complément la censure.

A son début, le système utilise au mieux l’écrit pour se diffuser et quelque peu la parole en réunion. Mais le jour est venu où des moyens nouveaux d’informations bouleversent l’ordre établi, avec pour le plus révolutionnaire le système Internet : une information instantanée multimédia chez soi en provenance du monde entier ! Il y a bien là matière à juger la guerre, dans l’innovation.

Dans la pratique, au cours des guerres du passé, la pensée de guerre objective, logique et rationnelle, intègre progressivement (en stratégie et tactique) une dose de plus en plus importante de subjectivité, par voie d’informations choisies pour la bonne cause. C’est la mise en route du système de propagande (information – désinformation). A l’inverse l’« équation guerre » devra tenir compte des contre informations ou de la contrevérité susceptibles d’être subtilement diffusées par les parties adverses (internes et externes).

Peut-être, est-ce dans ces actions contraires que s’alimente le phénomène : insoumission, désertion, refus d’obéissance, rébellion, mutilation volontaire, trahison, sabotages etc. - Toutes infractions sévèrement réprimandées, jusqu’à la condamnation à mort. D’où, peut-être ce type de censure ? « Interdire les écrits et les paroles antipatriotiques d’instituteurs pacifistes, à l’instar des Mayoux en 1916-1917, procède d’une politique d’encadrement de l’opinion publique dans une guerre longue où celle-ci participe de la victoire […] » (40).

Censure…

« Le rôle de la censure a été considérable. Non seulement pendant toutes les années de guerre elle a bâillonné et paralysé la presse, mais son intervention, soupçonnée alors qu’elle ne se produisait point, n’a cessé de rendre incroyables aux yeux du public jusqu’aux renseignements véridiques qu’elle laissait filtrer […]. L’opinion prévalait aux tranchées que tout pouvait être vrai à l’exception de ce qu’on laissait imprimer.’ D’où – en cette carence des journaux, à quoi s’ajoutait sur la ligne de feu l’incertitude des relations postales, médiocrement régulières et qui passaient pour surveillées – un renouveau prodigieux de la tradition orale, mère antique des légendes et des mythes. »

…et fausses nouvelles.

« La fausse nouvelle est le miroir où la ‘conscience collective’ contemple ses propres traits »

« Le plus souvent la fausse nouvelle de presse est simplement un objet fabriqué : elle est forgée de main d’ouvrier dans un dessein déterminé – pour agir sur l’opinion, pour obéir à un mot d’ordre – ou simplement pour orner la narration […].

[…] les fausses nouvelles ne naissent que là où des hommes, venant de groupes différents, peuvent se rencontrer. On ne saurait imaginer d’existence plus isolée que celle du soldat aux avant-postes, au moins pendant la guerre de position. Les individus, il est vrai ne vivaient point seuls ; mais ils étaient répartis par petites fractions fort séparées les unes des autres. Se déplacer c’était d’ordinaire risquer la mort ; d’ailleurs le soldat n’avait point le droit de bouger sans ordre.

Le rôle de colporteurs […] était joué au front par les agents de liaison, les téléphonistes réparant leurs lignes, les observateurs d’artillerie, tous gens d’importance, que les gradés interrogeaient avidement, mais qui frayaient peu avec les troupiers. Les communications périodiques, beaucoup plus importantes, étaient rendues nécessaires par le souci de la nourriture. L’ ‘agora’ de ce petit monde des tranchées, ce furent les cuisines. Là, une ou deux fois par jour, les ravitailleurs venus de différents points de l’avant se retrouvaient et bavardaient entre eux, ou avec les cuisiniers ; ceux-ci savaient d’ordinaire beaucoup, car ils avaient le rare privilège de pouvoir quotidiennement échanger quelques mots avec les conducteurs de trains régimentaires (41), hommes heureux qui cantonnaient parfois à proximité des civils. Ainsi, pour un instant autour des feux en plein vent ou des foyers des ‘roulantes’, se nouaient entre des milieux singulièrement dissemblables, des liens précaires. Puis les corvées s’ébranlaient par les pistes ou les boyaux et rapportaient, vers les lignes, avec leurs marmites, les faux renseignements tout prêts pour une nouvelle élaboration. Sur une carte du front, un peu en arrière des traits entrelacés qui dessinent dans leurs détours infinis les premières positions, on pourrait ombrer de hachures une zone continue : ce serait la zone de formation de légendes. »

Les fausses nouvelles sont transmises « vers l’intérieur du pays : d’abord de première main par les lettres des combattants et par les rapports des blessés ; qui, en ces premiers jours de guerre, eût osé contredire un soldat frappé sur le champ de bataille ? puis de seconde main, par des journalistes et des infirmières. Bien entendu en passant des uns aux autres elles ne manquaient point de s’amplifier et de s’embellir ; surtout les milieux de l’arrière, plus réfléchis, souvent plus instruits, les élaborèrent de façon à mieux les coordonner entre elles et à leur donner un caractère rationnel. »

Extraits de « Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre – Revue de synthèse historique 1921 » - Marc Bloch – « Écrits de guerre 1914-1918 » – Armand Colin pp. 169 à 184

Guerres

Il est bien des aspects de la guerre que je n’ai pas abordé. Faut-il encore se demander comme dirait le maréchal Foch : la guerre ? « De quoi s’agit-il ? ». En effet, tout n’est pas dit, car :

« Il n’est pas de définition claire de la guerre malgré les approches fort stimulantes de Clausewitz, de Gaston Bouthoul, de Raymond Aron et de Jean-Baptiste Duroselle. La terminologie pose problème et il est difficile de répondre rapidement à la question : qu’est-ce que la guerre » (42).

Bien que « ce constat simple et sans appel » d’Eric Alary (ibid.) donne à penser que nous ne devrions pas arriver à nos fins, sans rechercher l’exhaustivité impossible ici, je voudrais tenter d’éclairer quelques zones non étudiées auparavant, ou éventuellement compléter celles déjà observées, afin de parfaire la lisibilité de la logique du système guerre.

Types de guerres

La multiplicité des genres de guerres menées n’interfère en rien dans la logique du processus tel que je viens de l’indiquer. Exemple : Ce n’est pas parce que le front des combats n’est pas aussi bien défini (combat urbain, par exemple) que celui de la Grande Guerre, qu’il ne faudra pas à un moment donné assurer l’approvisionnement en munitions des troupes sur le site des affrontements. Pour cela, la chaîne logistique doit fonctionner d’un bout à l’autre comme je viens de l’expliquer, en termes de hiérarchie et de fonctionnel.

La solution est de conserver suffisamment de souplesse dans l’organisation pour s’adapter aux circonstances sans oblitérer la logique du système général en place. Quels sont les cas de figure (les types de guerres) auxquels la force armée doit faire face :

Je propose de les classer en deux types (en exceptant les interventions d’interpositions - missions d’opérations extérieures, les « OPEX » - dont la finalité n’est pas de mener la guerre, même si nos soldats y perdent leur vie).

Premier type, les guerres classiques telles par exemple : La guerre 1870-1871 ; la guerre de 1914-1918 ; la seconde guerre mondiale 1939–1945 ; auxquelles je rattache la guerre de Corée 1950-1953 (un bataillon de l’ONU français. Il rejoindra le Viêt-nam à la signature de l’armistice de Panmunjom en 1953). En guerre classique on usera de moyens lourds et en nombre sur un territoire localisé, mais évoluant avec le sort de la guerre. L’hécatombe de 1914-1918, laisse des traces durables dans les mémoires.

Second type, toutes les autres guerres basées sur le principe du harcèlement sous toutes ses formes (43). Ce sont des actions entreprises en tous lieux favorables ; ils vont de la guérilla menée par des groupuscules légers et mobiles, aux attentats provoqués par des isolés bardés d’explosifs, fanatisés.

« Les guérillas sont particulièrement vivaces comme forme de résistance à l’agression ou à l’occupation étrangère durant l’expansion des grands empires […]. Maîtresses de l’Europe, les armées napoléoniennes se virent harcelées par les guérilleros espagnols entre 1808 et 1814 » (44) - comme on le voit le harcèlement, ce n’est pas nouveau.

On ira des embuscades sur tous terrains, ou des attaques de postes de défense statiques, aux arraisonnements de bateaux en mer, en passant par la neutralisation d’avions dans les airs, jusqu’à les faire exploser. Au total ce type d’action est moins meurtrier en nombre que celui de guerres classiques, mais il est bien plus choquant et déstabilisant pour l’opinion publique. C’est dans ce cas que l’environnement subjectif aura le plus d’impact sur la population.

Nous classerons dans cette forme de guerre, celles de la décolonisation : Indochine (ou Viêt-nam (45)) 1946-1954 ; Algérie 1956-1962 ; et aussi de diverses autres campagnes « de police, de maintien d’ordre, de répression », de moindre durée et de moindre ampleur (Maroc, Tunisie, Tchad etc.).

Dans la guerre classique, on cherche à réduire le nombre de combattants de l’adversaire afin de le submerger et l’obliger à lâcher prise. Dans le deuxième cas, par la voie du harcèlement, on espère neutraliser son adversaire en misant sur la pression exercée sur les opinions publiques plus que sur les opérations militaires proprement dites sur le terrain.

Exemple de harcèlement : le terrorisme.

« Le Manuel de droit des conflits armés le définit comme ‘l’emploi illégal ou la menace d’emploi illégal de la force ou de la violence contre les personnes et des biens, afin de contraindre ou d’intimider les gouvernements ou les sociétés dans le but d’atteindre des objectifs politiques religieux ou idéologiques’ - Substitut de la guérilla classique ou vaine tentative pour déstabiliser l’État ou pour sensibiliser l’opinion à une oppression, réelle ou supposée, selon les pays auxquels on se réfère, ce moyen de lutte a évolué au fil des ans jusqu’à devenir aujourd’hui omniprésent. La nature changeante du phénomène conduit les armées à un effort d’adaptation pour le comprendre et l’amoindrir ».

« Instrument qui se veut efficace et peu onéreux, exploitant au maximum les données médiatiques et leur impact sur l’opinion publique, le terrorisme place le militaire en situation difficile. On le sait depuis le milieu des années cinquante […]

Matérialisant en Algérie l’affrontement entre Européens et Musulmans et entre membres d’une même communauté, le terrorisme est combattu par les forces armées. Depuis la guerre d’Indochine l’armée de terre avait dû se familiariser avec des moyens de luttes non-conventionnels. Nombreux sont les cadres qui avaient fait l’apprentissage des principes de la guerre révolutionnaire. Un constat s’imposait : les terroristes se veulent des combattants d’une forme de guerre, mais des combattants d’une essence particulière qui s’attaquent à des populations sans défense et non à d’autres combattants capables de riposter. Leur action violente appelle à une riposte militaire, qui doit rester limitée en ne visant que les terroristes en évitant le plus possible de s’en prendre aux populations qui sont plus ou moins spontanément solidaires, pour ne pas mériter le même nom ».Cdt Alain Petitjean SHAT - Extraits - « L’emploi illégal de la violence » in « Armées d’Aujourd’hui » n°281 Juin 2003 pp. 42-43.

Combativité (46)

Déstabilisation

Le terrorisme joue sur les extrêmes. Ses actions militaires peu ou prou conventionnelles, tel le harcèlement, cherchent par leur violence appliquée particulièrement en zone urbaine, à frapper durement l’adversaire dans sa chair pour ébranler sa combativité. Par cette voie, sa volonté est de déstabiliser l’adversaire sur tous les plans.

Que nous l’acceptions ou pas, ces actions non classiques (47) dénotent d’un « état de guerre ». A ce titre les auteurs de ces actions vont opérer dans un environnement tel que je l’ai défini plus haut. Il leur appartiendra de créer une situation la plus favorable possible afin de se trouver en position du « poisson dans l’eau », recommandée par Mao Tsé-Toung (op. cit.). Soit, ils agiront à partir de leurs bases à l’extérieur du pays « champ de bataille » ; soit, ils useront de complicités de l’intérieur, dont celles des autochtones convertis à leur cause. Ceci n’empêche pas d’autres actions plus ou moins souterraines. Tel, par exemple, « le noyautage » de la société sous couvert d’activité étudiante, sociale, commerciale ou même religieuse.

Le but de ces actions, à la fois force de violence et en même temps force de conviction, est de miner le moral d’une nation. A plus ou moins long terme, la déstabilisation s’opère après avoir mené des campagnes de désinformation en règle, ou de sur-informations via les médias. Ainsi, la nation fragilisée dans ses convictions, excédée par les combats ou attentats, se met en état de « refus de guerre ». C’est certainement le but des attentats provoqués en ce moment en Irak.

Seconde guerre d’Irak.

En Irak, chaque jour les médias comptabilisent depuis le début de la seconde guerre les militaires américains tués par attentats. Cette comptabilité macabre, qui était censuré auparavant, est naturellement rendue publique. On annonçait 212 morts américains au 29 décembre 2003. Plus que le nombre, ce qui importe à ceux à l’« affût comptable », c’est de savoir quand ce nombre de morts sera suffisamment grand pour toucher le cœur de la population américaine afin qu’elle exige de ses gouvernants le retour des boys.

Dans ce type de pression sur le moral d’une nation, chaque vie perdue reçoit un poids relatif. A un moment donné, une dernière mort annoncée, ressentie toujours plus pesante que la précédente, deviendra d’un poids insupportable au peuple concerné. Il exigera la fin des combats pour une « mort en trop » ; une mort « coût marginal» de la guerre compté en vie d’homme ?.

Le moral

Les actions « au moral », ne visent pas que l’opinion publique d’un pays. Atteindre le moral de la troupe adverse est un objectif d’importance pour l’ennemi. Dans un guerre conventionnelle, comme celle de 1914-1918, on a bien relevé que le moral participait pour une large part au maintien de l’entrain des troupes au combat, ou, à l’inverse en cas de sa baisse, à la disparition du tonus.

Ce que confirme la relation « moral égale combativité » de Philippe Masson qui précise (48) par ailleurs que le moral est « difficilement quantifiable. Il est soumis, en effet, à des variations considérables. Il peut valoriser, dynamiser, ou bien réduire les ‘forces absolues’, c’est à dire les effectifs ou les matériels, dont la quantité peut-être appréciée avec rigueur […]

Le moral se manifeste sous deux aspects. Il concerne le combat lui-même. Il faut amener les hommes à dominer leur angoisse, leur peur, à avoir le réflexe d’utiliser leurs armes, à résister à la pression de l’ennemi ou à monter à l’assaut. Il faut éviter les ‘désertions temporaires’ […] comme les paniques, dont une des plus célèbres reste la débandade des troupes de Napoléon à Waterloo […].

Le moral se manifeste également à l’arrière, au cours de ces longues périodes de pause qui caractérisent tous les types de conflits ».

Pour atteindre au moral aussi bien la nation que son armée, la tactique est simple. Comme déjà dit, il suffit de « submerger » le monde d’informations incontrôlables par la population, ajoutées à quelques actions d’éclats pour augmenter le sentiment d’insécurité. Une certaine prise de conscience publique modifie très rapidement en profondeur le sens du conflit en cours. Le conflit prend une tournure qui échappe à la logique de guerre de la force armée en prise avec l’ennemi sur le terrain.

Nous sommes loin du processus utilisé en 1914-1918, ce que les Poilus appelaient le « bourrage de crâne » renforcé par une censure pointilleuse, aggravé par l’afflux de fausses nouvelles venues dont on ne savait d’où (« de source incontrôlée » dit-on). Manipulation de l’opinion d’autant plus vive que la propagande de l’ennemi était plus agressive. Bien entendu l’opinion publique ne pouvait qu’être crédule faute de moyens d’investigation à sa disposition, ou respectueuse de ce que lui rapportaient les combattants, parfois enclins à se donner le beau rôle (« le permissionnaire, lien vivant entre l’âme légendaire du front et celle de l’arrière ») (49).

Organisation de guerre

Je reviens sur la base structurelle du processus de guerre, pour apporter quelques commentaires complémentaires :

Plan de guerre

Dans la pratique, la mise en place de la force armée, d’abord en temps de paix, puis en temps de guerre, n’est pas aussi simple que le voudraient ceux en charge de la guerre, ni pour les politiques décideurs, ni pour les militaires exécuteurs de leurs décisions.

Je rappelle si besoin est que la guerre se traduit en terme de dépenses pour l’État, desquelles dépend la mise en place des moyens de guerre. Ce qui conduit à la planification de l’engagement de ces dépenses et donc de la mise à disposition échelonnée des moyens (hommes et matériels).Une nation ne peut donner plus qu’elle ne peut, sauf à se lancer dans des emprunts inconsidérés qui risquent de mettre à mal l’économie du pays.

Une fois passé le point critique de l’entrée en guerre, (après une éventuelle mobilisation générale, selon un plan préétabli, comme lors des deux guerres mondiales), la machine se met en route et va tenter de « broyer » l’adversaire, sans plus attendre, dans toute sa force armée.

Est-ce si aisé que cela ? Rien n’est sûr ! surtout si la préparation de la guerre (en temps de paix, donc) qui prend toute sa mesure par application de directives des états-majors, laisse apparaître quelques failles.

Quoi qu’il en soit, la guerre étant là, il n’est plus temps de tergiverser. C’est une fois terminés les combats, que se jugera la valeur de la préparation. Là, comme ailleurs, seul le résultat prime sur tous autres sentiments puisque, dit-on, les vainqueurs ont toujours raison.

Gestion du plan de guerre

Dans tous les cas de figures, l’organisation structurelle en place, l’Institution militaire du plus haut niveau du commandement jusqu’au plus bas, se doit d’amener les troupes à pied d’œuvre, au plus près des lieux de combats (par mer, terre et air, et même parachutées) : troupes armées et équipées, instruites pour répondre aux besoins de guerre. Ce qui revient à dire qu’« il faut amener les hommes à se battre avec le maximum d’efficacité et dans les moins mauvaises conditions possibles » (50).

Une fois les combats engagés, l’organisation se charge du ravitaillement des troupes en opération, soit en vivres et munitions, en matériels de guerres rendus indisponibles ou perdus. Elle renforce en hommes les points de combats « dégarnis » selon l’évolution des engagements. Pour le plus triste, l’organisation complète les pertes humaines (blessés et tués). L’organisation doit être en mesure de fonctionner sans rupture de stocks pendant la durée des combats. Autrement dit, outre les réserves d’armées et les possibilités techniques de production et de réparation qui sont propres à la Défense Nationale, l’industrie nationale privée pourra être sollicitée pour réapprovisionner les stocks de guerre.

Quant aux hommes disparus ou tués, prisonniers, gravement blessés il s’agit aussi de les remplacer - les blessés légers, soignés dans les hôpitaux sont remis à disposition de leurs unités. L’armée fera appel à la nation en puisant dans les réserves d’hommes encore disponibles sous les drapeaux, et en appelant des nouvelles classes en âge de se rendre au service militaire (les tranches d’âges allaient de 18 à 46 ans, pendant la guerre de 1914-1918 – le service actif ayant une durée de 3 ans).

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Structures guerrières

En restant au niveau général des principes, deux structures principales d’organisation vont intervenir dans la gestion d’une guerre d’ampleur importante et classique, ou pour moins, par exemple dans une simple intervention de police ponctuelle, ce sont :

La structure hiérarchique. Celle-ci, après avoir déterminé une stratégie plus ou moins globale pour la guerre envisagée, diffuse sa pensée de la guerre en termes de tactiques, c’est à dire d’engagement de troupes et de matériels, sur une période et un lieu donnés, à tel ou tel niveau des armées, ce qui induit l’expression d’un besoin de mise en place en homme et matériels, dès la mobilisation décrétée. Usuellement, on parle de voie hiérarchique, celle du commandement.

La structure fonctionnelle. Elle doit être vue comme une chaîne logistique classique d’approvisionnements de toutes natures et de toutes consistances. Elle va fonctionner pendant la durée des combats. Il s’agit de « projeter » dans un temps voulu, au plus loin que nécessaire, selon le besoin en quantité et qualité exprimé par la structure hiérarchique qui en a déterminé l’usage, en terme de moyens (hommes, matériels, parfois animaux). Ici, se dessine l’organisation en charge de services à rendre par rapport aux moyens en place : on gère, nourrit, répare, remplace, transporte, soigne, évacue, construit, détruit au besoin etc.

Ce cadre d’organisation s’applique à tout cas de figure, y compris dans les missions extérieures (« OPEX »), « forces projetées » qui demande, par excellence, une très bonne organisation des transports, et une adaptation rapide des troupes sur le terrain de l’adversaire.

En raison de la continuité des nécessités dans un état de guerre, il est intéressant de retenir les conclusions du colonel Pellegrin, toujours d’actualité, semble-t-il, malgré les révolutions des esprits et des techniques intervenues depuis 1921. Bien entendu il ne s’agit que de principes de base. Ils demandent à être interprétés pour répondre à nos pratiques :

« La conduite de la guerre est l’art de faire concourir en vue d’un but déterminé - la Victoire – les énergies morales et physiques d’une masse d’individus.

Sans le groupement des individus en unités coordonnées, sans l’Organisation, les efforts de chacun pour vaincre, seraient-ils surhumains, resteraient stériles et voués à l’insuccès.

L’organisation seule permet l’exercice du commandement. Elle donne au chef investi de la charge redoutable de conduire des opérations de guerre, la possibilité d’établir des combinaisons tant en vue de la bataille qu’au cours du combat ; elle assure le rendement maximum des groupements qui ont été constitués[…].

Le problème de l’organisation militaire est devenu de plus en plus complexe dans les armées modernes. Non seulement les effectifs à mettre en œuvre se sont accrus dans des proportions considérables du fait de l’application intégrale de la Nation armée, mais les moyens matériels ont pris une importance que nul n’aurait osé prévoir » (51).

Si cette tirade, émise en 1921 par le colonel Pellegrin, insiste sur la nécessité d’organisation, peut-être est-ce que l’auteur se souvenait que la préparation de la guerre, préparation pensée par Joffre encore général et ses états-majors, s’est avérée très insuffisante par rapport à la tournure prise par la guerre dès les premières semaines.

Les généraux semblaient y perdre leur bon sens en découvrant une guerre inconnue jusqu’alors. Ceci aggravé par l’épuisement rapide des stocks de matériels d’armement et des munitions, auquel il faut ajouter l’inadaptation de l’artillerie de gros calibre, sinon son inexistence. Nos attaques et contre-attaques ne pouvaient être à la hauteur des agressions subies par nos armées. Nos tacticiens ont eu bien du mal pour, à la fin des fins, neutraliser l’ennemi (Bataille de la Marne) qui, une fois chez nous, s’est installé dans les tranchées, à notre grande surprise et désarroi. Il a bien fallu trouver des parades en parallèle des nouveautés issues de l’imagination fertile de notre adversaire. Un jour l’équilibre s’établit dans la créativité combattante, sans que cela permette la fin de la guerre, du moins dans l’immédiat.

Au niveau du commandement, les états-majors qui « centralisaient et coordonnaient l’organisation [étaient] en perpétuel remaniement au cours de la campagne en vue de s’adapter constamment aux circonstances » (52).

Quant au soldat, parti se battre armé de son seul fusil à baïonnette (celle-ci inutile, selon Jean Norton Cru), ou à la rigueur de sa mitrailleuse dans une section spécialisée, il sera obligé, à son tour, de s’adapter aux méthodes nouvelles de combat ; aussi aux nouvelles armes mises à sa disposition soit « neuf genres d’armes : fusil, mousqueton, fusil-mitrailleur, mitrailleuse, canon de 37 mm, mortier Sokes, canon Viven-Bessières, pistolet, grenades » (53).

[Je n’insiste pas sur ce qui peut-être était vu comme une question mineure en début de guerre, celle de l’aberrante tenue au pantalon garance, point de mire facile des tireurs allemands. C’est en cours de guerre même qu’elle sera envoyée au rebut. Après de multiples études et tâtonnements, on arrivera à fournir une tenue « bleu horizon » accompagnée du fameux casque Adrian, protecteur du crâne de nos soldats, auparavant coiffés d’un képi en tissu.]

Hommes et matériels

De l’organisation, comme nous le relevons dans la précédente formulation du colonel Pellegrin, il ressort deux paramètres fondamentaux de « l’équation guerre » : les Hommes (les effectifs) - les Matériels (ceux du combattant en particulier) - Le cœur des guerres toutes confondues, se trouve là. Sachant, je le répète, que 1914-1918, en est la clef. Tous les raisonnements à la suite de cette période charnière, vont dépendre de ce vécu tragique et révélateur de la hargne des hommes à se battre (est-elle celle des poilus dans les tranchées ? cela reste à prouver, si l’on ne tient pas compte des légendes et des mythes (54).). Donc, exemple oblige. Le modèle indique la limite d’emploi d’hommes et de matériels mis en ligne de front, comme jamais cela n’avait eu lieu auparavant, sur une aussi grande durée. Il donne à penser les mesures qu’il a fallu envisager pour tenir le front aussi longtemps malgré les pertes énormes. Voici quelques aspects de la situation ainsi créée, à titre d’exemple :

De l’emploi des hommes (1914-1918)

Au fur et à mesure que dure le conflit, les règles d’affrontements deviennent obsolètes. Il faut y remédier en inventant d’autres méthodes de guerre.

Il s’agit principalement de former les cadres de la troupe dans les dépôts de l’arrière. Une fois l’instruction terminée, ils doivent pouvoir « se conduire et se battre comme leurs camarades du front ». Au titre du renfort auquel ils vont se joindre, ils doivent arriver « en ligne en pleine valeur » (55). Nous mesurerons, par là, le degré de remise en question de la formation des hommes.

De l’emploi du matériel (1914-1918)

Pour les matériels d’armement proprement dits, une révolution technologique est en marche au cours de cette guerre. Par exemple, les grenades. En début de guerre elles ont plutôt valeur de pétards, qui font plus de bruit que de mal. Il faudra attendre 1915, pour disposer de grenades défensives ou offensives, bien plus meurtrières dans l’assaut ou dans le harcèlement d’une tranchée (56).

[N’est-il pas surprenant que la mise en pratique de la grenade, arme de défense rapprochée du Poilu, soit pensée en cours de guerre même ? N’est-il pas suggéré par là que généraux comme soldats ont eu à « inventer » leur guerre alors qu’elle se déroulait sous leurs yeux ?]

Évolution des techniques de guerre.

« La guerre a apporté des modifications et des innovations telles, que les textes réglementaires ne peuvent plus être lus qu’avec précautions. Il est utile de procéder à une mise au point provisoire » (57).

Cette « prescription » date de 1917. Après à peine deux ans d’engagement, le constat est là : des manuels d’instruction sont caducs. Il est nécessaire de les refondre. On conserve quelques passages encore utilisables, mais on y insère toutes les nouveautés résultant de l’expérience menée en vraie grandeur sur le champ de bataille.

Cette évolution annonce des mécanismes à venir plus complexes pour une guerre encore plus « efficace ». A commencer, à terre, par l’emploi de chars de combat ; dans les airs, de l’aviation de bombardement (58) ; en mer, de sous-marins véritables loups des mers.

En réalité, l’un entraînant l’autre, nous assistons à une mutation dans l’art de conduire la guerre. Naissance d’autres « concepts guerre » (cf. Chap. I). Toutefois, les tacticiens, qui ont assisté à maints massacres en tranchées, échafaudent de nouvelles normes de combat. Ils écrivent, en janvier 1917, qu’à la suite de leurs expériences au cours de combat avec l’Infanterie (« la reine des batailles )» :

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« On ne lutte pas avec des hommes contre du matériel… » (59).

Champ de bataille

Préoccupés des conditions de combats qui ont amené nos soldats à la mort sur un champ de bataille, il est important de savoir en apprécier la juste mesure et de le situer dans une réalité des zones réelles des dits combats, d’en déduire son degré de dangerosité aux conséquences fâcheuses.

Nous nous imaginons tous que la guerre se déroule en un lieu, un terrain de combat, parfaitement délimité et situé géographiquement. Nous y voyons d’un côté les amis, de l’autre les ennemis. On s’assaille à qui mieux mieux, et rapidement on désigne un vainqueur, quitte à y revenir quelques mois après. Tous nous pensons aux guerres de Louis XIV ou à celles de Napoléon 1er. Cette vison orthodoxe n’est pas celle que nous devons avoir de la guerre de 1914-1918, où les pays d’Europe, le Monde, flambaient. La Grande Guerre (appelée ainsi jusqu’à ce qu’intervienne une autre guerre, mondiale elle aussi, pour donner en toute logique les nouvelles appellations de « première » et « seconde » guerres mondiales), bouleverse toutes les idées reçues, là comme ailleurs.

« Au début, d’août à novembre 1914, on crut que la guerre se ferait selon des règles habituelles : comme tant d’autres campagnes au cours du XIXe siècle, elle devait être mobile et courte » (60)… ce qui ne fut pas le cas comme nous savons. Mais le temps et les techniques évoluant, les guerres, de l’une à l’autre, ne se ressembleront pas, le classicisme disparaîtra, même notre notion « moyenâgeuse » du champ de bataille ne devrait plus avoir cours.

« La guerre ne peut plus être pensée en terme d’affrontement sur les champs de bataille mais dans un cadre global où le vainqueur est celui qui parvient à dicter sa loi à l’ensemble de la société ennemie » écrit Patrick Falcon, Directeur de recherches au service historique de l’armée de l’air (61).

Guerre de harcèlement

Sans trop s’étendre sur le sujet dans ce premier cas, s’agissant de guerre de harcèlement, faite de guérillas, d’embuscades et d’attentats, on comprendra aisément que le terrain de combat va être extrêmement diffus, puisque la base de l’action d’un des deux opposants est d’agir dans la surprise, à l’endroit et au moment où cela lui convient le mieux, avec des moyens adaptés à une action rapide et courte. Dans le camps adverse, par contre, il faudra se parer de tous côtés, à tous les instants, en quelque lieu que ce soit. Les attaques, plus ou moins fréquentes et mortelles, n’atteindront jamais l’ampleur des deux guerres mondiales, mais le traumatisme existe comme expliqué ci-dessus. La parade la plus efficace appliquée face à l’ennemi « incolore » est d’utiliser ses mêmes méthodes de fluidité dans la nature, ce qui n’est pas évident quand on n’est pas soi-même autochtone du pays où se déroule l’action.

Guerre « globale »

Le concept de guerre « globale » prédominait lors de la seconde guerre mondiale. Ce concept s’est fondé sur l’usage de matériels innovants par leur progression technologique terrifiante et destructive, intervenue depuis leur emploi initié lors de la première guerre mondiale. Ces matériels, ce sont ceux qui vont modifier profondément la stratégie et la tactique des armées en présence : les chars de combat, et surtout les avions . Des stratèges après 1918, basent « leurs théories sur ce fait essentiel : la puissance aérienne est capable de briser à elle seule les fondations d’une société, voire d’une civilisation » (62), en conséquence de quoi, on va prôner l’emploi intensif, sans états d’âme, de l’aviation contre les populations civiles, au cours de cette seconde guerre mondiale. Le but est d’anéantir leur moral (cf. ci-dessus) (63). Or, contre toute attente (64), l’effondrement ne se produira pas ainsi.

Dans le même ordre d’idée, dans de nouvelles phases de guerres, les Américains renouvellent l’expérience au Viêt-nam. Ce ne fût pas le succès espéré ; au contraire l’opinion américaine se rebelle contre les agressions aériennes commanditées par leur gouvernement.

En d’autres circonstances, avec d’autres innovations (exemple, les bombes à guidage laser), en 2003 des responsables américains continuent de préconiser ces opérations qualifiées à présent de chirurgicales. Cette stratégie aérienne, hormis semer la terreur parmi les populations, au plan pratique, supplée à l’absence de champ de bataille (tel que nous l’imaginons habituellement). C’est le cas de la seconde guerre mondiale à l’Ouest, avant le débarquement du 6 juin 1944, où là, la guerre reprendra une physionomie des plus classiques, y compris d’ailleurs sur les autres fronts : Russie, Italie, France du sud etc. Ce vaste champ de bataille, comparé à celui de 1914-1918, formera un front « roulant ». Les forces vives après avoir pénétré en Allemagne en larges vagues, convergeront sur un point de ralliement : la capitale Berlin, exsangue, entièrement dévastée. Cela ira avec plus ou moins de célérité selon les abandons successifs de terrain par les troupes allemandes.

Guerre de tranchées (à l’Ouest).

Donc, lors de la Grande Guerre, après les premiers combats, le champ de bataille prit une allure jamais connue jusqu’alors. Les adversaires après s’être enterrés dans des tranchées, à quelques exceptions près, le front se figea en une zone extrême de face à face avec la mort.

Bouger ? c’est se dresser sur le parapet de la tranchée et partir courageusement à l’assaut « sous le feu » disait-on, et souvent y périr. Le mieux croit-on, pour tenter mutuellement de se déloger des lieux, c’est d’user du duel d’artillerie de tous calibres. Parfois apparaissent des « poussées de fièvre » sous forme de batailles massacres. Le tout est un désastre pour les hommes, et une transfiguration de la nature. Un paysage de lune s’installe : sols retournés dressés d’arbres squelettes, cratères tombeaux, villages en pans de murs. Soit ! Un anéantissement, autant que nous puissions en juger à la vue des tristes cartes postales et photographies de l’époque, sans âme pour qui ne sait voir la mort cachée sous les amas de décombres et de boue.

Voici les tranchées de la Grande Guerre, telles que les voit George L. Mosse :

« A la mi-novembre [1914] les armées se trouvèrent bloquées, leur avancée se mesurant non en kilomètres mais en mètres, tandis que chaque camp creusait pour tenir ses positions. Bientôt un réseau de tranchées fut créé, long de 760 kilomètres qui depuis la mer du Nord traversait la Belgique, la Flandre et la France jusqu’à la Suisse. C’était un système en profondeur : plusieurs tranchées, les unes après les autres servaient à l’attaque, à la défense, à l’approvisionnement ; d’autres appelées ‘boyaux’, les reliaient entre elles , le tout formant un réseau complexe qui sillonnait le paysage. La distance entre des tranchées ennemies, séparées par des no man’s land, variait de 92 à 365 m, mais parfois elles n’atteignaient pas 5 m ou encore couvrait jusqu’à 1 km […]. Les soldats vivaient dans des abris souterrains […]. L’ensemble dessinait un paysage plus lunaire que terrestre, car les incessants bombardements détruisirent autant les hommes que la nature – un paysage dévasté qui hanterait l’imagination de ceux qui avaient dû y vivre. » (65).

Articulation de la zone des armées.

A partir du front, organisé sur ce réseau de tranchées, sur toute sa longueur, et en profondeur en allant vers l’intérieur de notre pays (dite zone de l’intérieur), s’étendait une large bande de terrain, appelée zone des armées. Celle-ci, se répartissait en secteurs réservés au stationnement de chacune des armées en lice, côte à côte, où elles élaboraient les tactiques – partielles - de combats, en fonction des directives du GQG (Grand Quartier Général). Ce dernier étant chargé de diriger et coordonner l’ensemble du front - longueur et en profondeur- de l’avant à l’arrière.

Chaque secteur d’armée, calqué suivant le même principe, comportait trois zones échelonnées du front vers l’intérieur, qui au total englobaient tous les organismes hiérarchiques et fonctionnels (cf. définitions données supra) nécessaires à la vie d’une armée. : états-majors de tous niveaux et moyens en hommes, animaux et matériels de toutes sortes, de toutes spécialisations :

la zone de l’avant se situait, en dehors des unités participant au combat ou en attente, au repos, les premiers postes de secours et de ravitaillement, la limite extrême face à l’adversaire étant la ligne de front proprement dite.

La zone des étapes, nœud essentiel de communications, on y regroupait et orientait les forces, tout en assurant leur ravitaillement toutes catégories confondues, leur remise à hauteur d’effectif, toutes troupes à diriger ou au contraire à évacuer du front [sorte de base de transit telle, en Indochine, celle de Saigon, « la BMS », avec son célèbre camp de passage « Pétrusky »]. On y trouvait avec des moyens plus étoffés, mieux installés, divers organes de commandement, d’états-majors et de services, dont les médicaux, hôpitaux auxiliaires de campagnes.

La zone arrière de l’armée, en limite donc de la zone de l’intérieur, disposait de moyens lourds complémentaires au fonctionnement du front, à l’écart des « bruits » des combats que ne souhaitait pas entendre « Notre Joffre » afin de mieux « penser la guerre », disait-il. C’est justement en ses parages limites que se trouvait le Grand Quartier Général (GQG).

Je rappelle que les troupes pour manœuvrer - faire la guerre pour être plus direct -, agissent sur les terrains de combat suivant un échelonnement d’ordre hiérarchique. Chaque échelon a sa mission, qui une fois exécutée et réussie, concours à réaliser la combinaison imaginée au départ de l’opération par la plus haute autorité chargée de la manœuvre.

L’échelonnement de principe (ou l’articulation hiérarchisée des troupes) est le suivant : Armées, Corps d’Armée, Divisions, Brigades, Régiments, Bataillons, Compagnies, Sections, Escouades (donc, par grades, du général jusqu’au modeste caporal, homme clef des modestes besognes à risque) (66).

Face au front (manœuvrer – offensive- défensive)

[Je ne parle que du front de 1914-1918 le seul qui se soit quasi-stabilisé pendant plusieurs années. Toutefois, on observera que dans les autres conflits, sauf les attaques de type harcèlement, la tactique sur le fond reste la même : contournement de l’ennemi pour l’encercler, le neutraliser et l’anéantir s’il résiste. A moins qu’il ne se dérobe pour justement éviter l’encerclement : alors s’engage une poursuite effrénée, « à mort ».

Je n’envisage pas dans ce mémorial, de traiter de « l’esprit de la manœuvre » de nos généraux. Celui-ci est l’objet de diverses thèses auxquelles on voudra bien se reporter. Je rappelle simplement que ce sujet n’est point épuisé. On parle encore et toujours (67), par exemple : de l’esprit du «grignotage » d’un Joffre – ennemi ou non, tout y passe ? ; de la « roublardise » d’un Gallieni resté en ses murs parisiens : « aurait-il gagné la bataille de la Marne ? uniquement avec des taxis ? » Folklore ! ; de « la timidité » d’un Pétain, toujours ( ?) sur la défensive, mais organisée (la « Voie sacrée »), un économe de la vie de ses hommes car « le feu tue » disait-il (à la réflexion, est-ce cet esprit qui l’envahit en 1940, pour le convaincre d’abandonner le combat ?) ; de l’offensive à outrance d’un Mangin, qui passe et casse : prix de victoires « à l’arraché mortel » de troupes d’outre-mer ; de l’offensive « pétard mouillé » d’un Nivelle qui va têtu au massacre et offre ainsi une occasion de rébellion à qui la cherche depuis un moment (68) ; de l’offensive intelligente, une fois admis son commandement unique (avant cela on l’aura limogé un temps, « va comprendre ! » (69)) d’un Foch : une « victoire finale inachevée » (« Ah ! la Rhénanie ! ») ; et de bien autres généraux d’autres conflits, objets de traditionnelles légendes plus ou moins bienveillantes. Je retiens que les guerres se font avec des généraux - tout à la fois encensés ou vilipendés une fois la paix revenue - mais aussi quelles ne se font point sans soldats. Ce qui explique les divergences de points de vue quant à la conduite de la guerre et les polémiques qui s’en suivent puisque les généraux ont en charge la vie des leurs et donc ont à en rendre compte.]

La défense du front, (1914-1918) bien que statique, figé dans ses tranchées, n’empêchait pas nos généraux de vouloir manœuvrer en divers points du front, ce qui nous a mis en mémoire nombre de noms de batailles, conduites dans des batailles d’ensemble, elles-mêmes situées dans de vaste zones opérationnelles (70) ; souvenirs de malheurs plus que de victoires.

On n’espérait plus l’effondrement général du front, comme le pensaient les deux adversaires en leur début, après une bataille des frontières, ou course à la mer. Vaines tentatives de débordement de part et d’autre dans de durs combats. Personne ne voyait le mur s’abattre. Chacun tentait d’obtenir des redditions partielles dans telle ou telle zone du front. La finalité inexorable, du moins le souhaitait-on, étant de proche en proche, d’obtenir l’écroulement du front bien difficile à emporter sur sa longueur.

Cette tactique de l’attaque « coup de bélier » suppose en premier lieu un regroupement de forces en un point, avec tout son attirail de combat et ses approvisionnements en munitions et vivres. Ce dans le secret le plus absolu, alors que l’artillerie fait son œuvre de destruction chez l’ennemi (71). Ensuite vient l’intelligence et la compréhension de la manœuvre commandée afin de transmettre des directives cohérentes au niveau d’exécution le plus bas. Là, on demande discipline et obéissance aux ordres donnés, cohérence d’action et vaillance face au danger ; parfois de l’héroïsme malgré la peur qui étreint au moment de sortir la tête de la tranchée. « Celui qui déclare ne pas avoir eu peur est un jean-foutre » aurait dit le général Ney à Waterloo. Ceci nous amène tout naturellement à considérer le combattant dans la guerre.

1940, prisonniers ! (« La vérité sur les combattants » par Jean Labusquière).

« Les armées modernes sont constituées de deux parties différentes : la masse blindée, et la masse humaine. Quand la masse blindée ou motorisée l’emporte, la masse humaine est condamnée à l’encerclement[…]. L’ennemi, lorsqu’il a le dessus, cesse le feu […] et se contente d’enfermer cette foule de combattants vaincus dans un réseau infranchissable. Ainsi s’expliquent les cohortes de prisonniers, qui la plupart du temps, n’ont été captifs que parce qu’ils n’ont pas voulu déserter leur poste. Accrochés au sol […] ils ont vu se former l’encerclement que leurs faibles moyens ne permettait pas de briser. » (72)

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Le combattant ès qualité.

[Je parle ici du combattant en terme de risque encouru. La vie quotidienne du soldat aux armées loin de sa famille inquiète, l’inventaire de son équipement militaire porté à dos, le descriptif détaillé de « ses » batailles etc., font l’objet de nombreux ouvrages et revues spécialisés (73)suffisamment explicites sans que nous ayons besoin d’y revenir. On y ajoutera toute la littérature de guerre pléthorique, du récit réaliste au romanesque, en passant par le carnet de route.]

Qui a gagné la Guerre ?

Chanson de C. Pothier et C.Borel-Clerc

C’est le Poilu, le soldat de France

Qui sans peur marchait au combat

Bravant la lutte et la souffrance

Le Poilu est toujours là !

Sac au dos, couvert de terre

Oui c’est lui qui a fait notre succès

C’est lui qui l’a gagné, la guerre

Le Poilu, le soldat Français

Par la fantaisie du chansonnier (1919), nous abordons un sujet grave, de fond, objet de maintes discussions à chaque fin de guerre. La véritable question n’est pas de savoir « qui a gagné la guerre » si cela s’avère exact, mais bien de savoir qui l’a faite « avec ses tripes » sur le terrain, guerre gagnée ou guerre perdue, de manière à éliminer du discours vantards et profiteurs de guerre, ou couards et embusqués restés au chaud en leur lieu. Nous avons à être précis dans notre définition du combattant.

Peut se prévaloir d’être un combattant en période de guerre (ou ancien combattant, une fois celle-ci terminée) celui qui combat au contact de l’adversaire (ou qui a combattu).

Cette formulation n’a rien d’ironique. Elle pourrait prêter à sourire si l’on ne parlait pas de danger de mort, pour celui qui combat.

Peut-être devrais-je dire : le combattant est celui qui offre réellement sa vie à la patrie dans un endroit diffus qu’on appelle le front, alors que d’autres militaires (ceux du commandement et de la chaîne logistique) sont positionnés hors atteinte des coups de l’ennemi (ce qui ne se vérifie pas toujours. Il est des cas où ces derniers organismes peuvent subir l’épreuve du feu, mais simplifions).

Reconnaître le vrai combattant parmi la masse des militaires engagés dans la guerre (donc sans les fameux embusqués de la Grande Guerre) n’est pas aisé. La difficulté provient du flou qui règne dans la définition du front en lui-même, définition évolutive dans le temps et les types de guerres, ce que nous avons déjà dit. Alors, encore une fois que peut-on dire du front ? Revenons sur cette définition :

Le front ? une zone ? une ville ? un chemin ? une piste en forêt vierge ? une rizière ? un poste perdu dans des montagnes, chargé de surveiller des lointains ? Le front ? des combats : d’homme à homme ; par artilleries interposées ou mitraillages mortels ; combats de chars, d’avions ou sur mer ; par bombes lancées ou mines enfouies ; par mortiers à tir courbe et autres crapouillots écraseurs des tranchées ; et autres moyens de mort : grenades fragmentées, lance-flammes de l’horreur, gaz toxiques de l’angoisse, toutes armes diaboliques dues à l’invention machiavélique des hommes destinées à leur fin sur terre ?

En résumé, le front ? un lieu où se manifeste l’agressivité d’un adversaire prêt à vous ôter la vie de militaire, donc celle du combattant, ici présent justement pour entraver l’action mortelle du dit ennemi. Ennemi jamais vu et caché ; ennemi de face et ennemi de partout ; ennemi ectoplasme venu d’un ailleurs inconnu pour imposer sa loi d’aliénation mentale [dont je ne veux point, comme je l’ai déjà dit, pour ma liberté d’être selon mon propre choix et non celui dicté par un de ces doctrinaires partisans.]

Sans insister sur sa justification, faute d’avoir un front bien délimité et identifié, faisons un simple distinguo entre les combattants en guerre classique et ceux qui œuvrent en état de guerre sans nom, le « harcèlement ». En simplifiant, disons que le premier est en présence d’un front rectiligne au long duquel court le risque permanent de mort ; alors que le second, en guise de front, considère une zone « militarisée » dite d’insécurité (concerne militaires et civils) où la mort est donnée au hasard, à un instant et un lieu précis, dans des conditions qui ne se renouvellent pas forcément, au moins à l’identique.

En conclusion, le combat du Poilu de 1914-1918 dans sa tranchée, n’a rien de comparable avec celui du soldat envasé dans la rizière au Viêt-nam ; sachant que ces deux premiers, n’ont rien à voir avec le soldat en surveillance dans sa garnison, cible facile de terroristes. Seul point commun : au bout du chemin au pire, se trouve la mort.

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Pour le combattant, le risque encouru et certainement la gloire prodiguée, sont souvent liés à ce qu’on appelle l’arme d’appartenance- par exemple l’infanterie, la cavalerie, l’artillerie, le génie etc. – puisque de ceci dépend l’ordre d’entrée physique dans le combat. On parlera, par exemple, de « l’infanterie reine des batailles » avant la Grande Guerre (74). En effet la logique, veut que le combattant d’infanterie soit des premiers, sinon le premier, en prise avec l’ennemi sur un front « classique », comme sur un pseudo-front « sous harcèlement ». D’où l’auréole de nos légionnaires et plus récemment de nos parachutistes, souvent à la pointe des combats. Leur auréole éclipse celle des autres combattants, mais ceci dit, cela n’enlève rien à ces derniers. Nous le savons par définition : la réussite des combats résulte d’actions communes concertées, menées de manière cohérente, dans la cohésion de toutes les forces engagées, de l’avant à l’arrière, toutes en convergence vers un seul but : vaincre, et en vérité, mourir le moins possible.

A chaque conflit correspond un type de combattant, puisque les moyens employés pour combattre diffèrent. Les buts de guerres ne sont pas identiques. Les lieux de combats changent de physionomie. Alors, il n’est pas étonnant que l’image du combattant évolue en fonction des caractéristiques des guerres vécues. D’où la difficulté à donner un profil passe-partout du militaire en guerre, tant dans sa représentation physique que dans son mental.

[Exemple : par expérience je ne confond pas les chefs militaires du temps de paix avec ceux du temps de guerre. Les premiers ont le souci du travail bien fait mais sont tenus à respecter la logique du processus réglementaire comme il est de règle dans tout métier. Ceci implique des attitudes de raideurs vis à vis des hommes sous leurs ordres. Les seconds, atténuent leur raideur et même la remplacent par le sens de l’humain, inexistant ou à peine, en temps de paix. Le sens de l’humain, ne prend forme qu’au contact des hommes face au risque encouru ensemble, avec la haute responsabilité de devoir préserver leur vie. Le combat a besoin de fraternité et de solidarité, ce qui n’est pas toujours compris par ceux qui n’ont jamais participé à une guerre. Il est donc vrai, comme l’écrit le Saint-Cyrien, le capitaine Rimbault que : « pour connaître la guerre, il faut l’avoir vécue comme commandant de compagnie au maximum » et savoir que « les camarades ce sont ceux qui vont du commandant de compagnie au poilu inclusivement. Les autres sont les chefs » (75).]

En tous cas le législateur, ne s’y trompe pas lorsqu’il s’agit d’attribuer la carte du combattant, à laquelle est rattachée la notion de reconnaissance de la nation. A la clef est donnée une petite allocation financière qui n’a jamais enrichi le combattant, mais à laquelle il tient avec fierté, puisque de facto il lui est reconnu son ès qualité.

Le Combattant de 1914-1918 (76)

Selon Jean Norton Cru

« … tout homme qui fait partie des troupes combattantes ou qui vit avec elles sous le feu, aux tranchées et au cantonnement, à l’ambulance du front, aux petits états-majors : l’aumônier, le médecin, le conducteur d’auto sanitaire sont des combattants ; le soldat prisonnier n’est pas un combattant, le général comandant le corps d’armée non plus, ni tout le personnel du G.Q.G . La guerre elle-même a imposé cette définition fondée sur l’exposition au danger et non plus sur le port d’armes, qui ne signifie plus rien. Les médecins des bataillons n’avaient pas d’armes , les officiers de troupe n’étaient souvent armés que d’une canne ; vivant au feu ils étaient combattants, tandis que les officiers de la 83e division territoriale (maintenue à Paris pendant toute la guerre) n’étaient pas combattants en dépit de leur sabre et de leur revolver. » (op. cit. p.10 , 5e alinéa)

Selon Jean-Baptiste Duroselle

« Les combattants qui jouissent du plus grand confort sont les aviateurs […] Les soldats du train des équipages passent une partie seulement de leur temps dans les zones dangereuses. Les artilleurs courent de grands dangers quand leur positions sont démasquées. Le génie passe une grande partie de son temps à travailler dans les tranchées… Reste que les fantassins sont ceux qui, à côté du péril constant, subissent les plus graves épreuves : la boue, les rats, les poux, la pestilence des cadavres proches et inaccessibles, l’impossibilité de se laver, en hiver le froid (terrible en 1917, 1918),etc. […] Ils ne protestent pas ; il savent que tout est misère dans ce monde de misère. » (« La grande Guerre des Français », Perrin Paris,1994 p. 425)

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Décorations

On assistera, à bien des discussions de « popote », une fois la guerre terminée, pour juger de la gloire à attribuer à chacun, gloire liée à une interprétation souvent subjective des événements vécus dans telle ou telle zone de combats, de telle ou telle guerre. D’où peut-être ce goût de certains anciens combattants de raconter leurs campagnes. [Par expérience : je constate que les grands combattants s’honorent en ne disant rien de leur héroïsme, ni de leur courage, ni non plus de leur peur, la peur que tout le monde éprouve en présence de la mort. A quoi bon les verbiages !]

En conséquence, savoir situer « son » combattant dans l’espace des combats est très important lorsqu’il s’agit de lui accorder quelques titres de récompense - telles les décorations ou distinctions attribuées pour faits de guerre - avec à la rigueur, la volonté de le glorifier.

[J’en rappelle les principales, dans l’ordre : Légion d’Honneur, Croix de la libération, Médaille Militaire, Mérite National, Croix de Guerre ; le reste relève du commémoratif ou de l’honorifique, auquel le combattant reste attaché car signifiant de ses campagnes hors le territoire national. L’une des plus connues est la médaille coloniale avec agrafe (par exemple « Extrême-Orient » ou « Tunisie » et autres)].

N’est-ce pas l’astuce pour en arriver à créer ce qu’on appelle dans l’armée « une guerre des boutons » (77) qui participe à la création de l’esprit de corps, élément de constitution du moral de la troupe, ce souci permanent du commandement quant à son maintien au plus haut niveau ?

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Sanctions

Pour maintenir l’esprit de corps, on peut jouer des uniformes, des ordres du jour, des citations, des décorations… mais le commandement a bien d’autres moyens ou d’autres règles pour amener les troupes à donner le meilleur d’elles-mêmes.

Tout en maintenant le sens de l’humain, ce que j’espère, le commandement n’hésitera pas au besoin de prôner tout d’abord la discipline. Les hommes doivent le savoir.

Toute défaillance et à fortiori toutes tentatives d’insubordinations quelle que soit leur forme sont impitoyablement réprimées et pourront conduire à la cour martiale, voire au peloton d’exécution.

Comme le souhaite un défenseur d’âme fautive : « On contemplera … cette âme malheureuse et coupable… avant que de la maudire songeons qu’elle mérite moins de réprobation que de pitié » (78).

Ainsi va-t-on au combat, armé, bardé (et décoré ? à moins que…)

Ainsi vont les guerres !

Notes :

1) Général Mangin, « Préface - 8 avril 1921 » in « La vie d’une armée pendant la Grande Guerre », colonel F.L.L. Pellegrin - Flammarion, Paris 1921, p.6.

2) Eric Alary agrégé d’histoire et docteur ès Lettres de l’IEP de Paris, commente « La guerre au XXe siècle » ouvrage de Jean-Louis Dufour et Maurice Vaïsse - Hachette 2003 - Site Internet, Parutions.com, 2003.

3) Ce, depuis les conférences de la Haye de 1899, précise Eric Alary – ibid.

4) J’en rappelle un « fâcheux » précédent. Alors que « le torchon brûlait » entre l’Allemagne nazie et la France, en automne 1939, des « pacifistes intégraux disciples d’Alain [déclaraient] plutôt la servitude que la guerre » (J. P. Azema – F. Bedarida, op. cit. p.159). Après ce que nous savons aujourd’hui des massacres survenus lors de la seconde guerre mondiale, ne sommes-nous pas en droit de nous demander si la « servitude » prônée par ces pacifistes radicaux ne laissait pas le champ libre au génocide débuté bien avant 1939 ? N’aurait-il pas été plus réaliste de « se battre pour ne pas avoir à subir » ?

5) Ernst Jünger op. cit. p. 75

6) Claude Michel Cluny : « La polémologie, étymologiquement : discours sur la guerre, donc science » in « Le magazine littéraire » Mars 1972 p.28

7) Il est bon de garder en mémoire les termes mentionnées en gras. Ils reviennent souvent dans le langage des militaires.

8) « La guerre moderne met en œuvre tous les moyens moraux et physiques de la nation, elle est devenue intégrale », colonel F.L.L. Pellegrin, « La vie d’une armée pendant la Grande Guerre », Flammarion, Paris 1921, p.328

9)Jean Pierre Azema - François Bedarida, op. cit. p.177.

10) Ne pas confondre, L’Armée (ou les Armées) entité qui englobe les trois Armées (Terre, Mer, Air) (l’Aviation à partir de 1928) et l’Armée vue comme grande unité (G.U.), une des subdivision de l’Armée de Terre. En 1914, Joffre en avait cinq sous son commandement (Marine étant à part).

11) Richard Challener, « The French Theory of the Nation in Armes. 1866-1939» N.Y. 1965, cité par Dennis E. Showalter in « Mai – Juin 1940 » Autrement, Paris 2000 p. 34

12) Termes utilisés par Eric Alary, in Parutions.com op. cit.

13) Claude Michel Cluny « Le langage militaire » op. cit. p. 28

14) Paul-Marie de La Gorce « La république et son armée », Fayard Paris 1963 p. 672, où il est dit que des militaires pensaient que « leur départ [de ces territoires] préluderait à la fin d’une civilisation dont ils se croient les héros ». Voir aussi, ici, chap. I, « Guerre froide» - Je note de C.M. Cluny (op. cit. p.30) que « l’analyse d’une même donnée selon qu’on la pratique au plan théorique, ou à celui de l’idéologie, nécessite, ce qui est logique, l’emploi de deux langages différents. Le niveau supérieur qui est celui des appareils de décision (états-majors et gouvernements) ; le niveau tout naturellement inférieur, celui dont le langage est réservé au peuple ». Est-ce de cela que nous (armée du peuple), aurions eu à souffrir en des temps incertains ?.

15) Article de Jean Angelli, « Il y a quarante ans la révolte des généraux » in « La Voix de l’UNC », Avril 2001 p. 29.

16) Mieux vaut tard que jamais : « le décret du 31 mars 2003 institue (art. 1) une ‘journée nationale d’hommage aux harkis et autres membres supplétifs en reconnaissance des sacrifices qu’ils ont consentis du fait de leur engagement au service la France lors de la guerre d’Algérie’. Celle-ci est fixée au 25 septembre » cité in La Charte 2003.

17) Général Mangin op. cit., p. 5. ; et Capitaine Rimbault « Le cerveau de nos chefs et les jambes de nos hommes », « Journal de campagne d’un officier de ligne » Berget-Levrault – Paris 1916 – cité par J.N Cru op. cit. p. 463

18) Claude Michel Cluny « l’historien en juge [de la guerre] confortablement et les prophètes ont beau rôle qu’après le baissé de rideau. Mais de quoi jugent les historiens ? Et à partir de quoi ? », op. cit. p. 28

19) Maurice Vaïsse « Éditorial : de l’étrange défaite à l’étrange victoire » in « Mai – Juin 1940 » Éditions Autrement, Paris 2000 p. 9

20) Klaus-Jürgen Müller, « La nouvelle historiographie de la campagne de 1940 » in ibid. p. 25.

21) Introduction au texte de Dennis E. Showalter, « Ce que l’armée française avait compris de la guerre moderne » in « Mai – Juin 1940 » op. cit. p. 29

22) En mémoire au moins de mon frère brancardier au 9e Zouave, musicien, prisonnier en 1940. Au retour, il ne jouera plus de son violoncelle.

23) Dennis E. Showalter, op. cit. p. 30.

24) D’après Jean Lopez « 39-40 campagne de France », Éditions LeSir – Montpellier 2001

25) Philippe Masson, « Le seconde guerre mondiale », Tallandier 2003, p.403 – « Le chiffre des pertes de mai-juin 1940 est équivalent à celui des périodes les plus meurtrières de la Grande Guerre (août-septembre 1914) » Eric Labaye –Historien - 2004

26) Paul-Marie de La Gorce op. cit. p.491

27) Ibid. pp.139. -140

28) « La percée » Albin Michel Paris 1920 p. 46 cité par Jean Norton Cru op. cit. p.574

29) Ibid. p. 139

30) Cité par Jean Norton Cru op. cit. p.574, qui reprend les termes du capitaine Rimbaut (cf. ici, §« Combattants »)

31) Colonel Pellegrin op. cit. pp. 34 et 36

32) A la mémoire des brevetés d’état-major : 2357 d’entre eux meurent pour la France entre 1914 et 1918 - Colonel Pellegrin, op. cit., note 2 p. 36

33) Claude Michel Cluny « Le langage militaire » op. cit. p. 28

34) Ernst Jünger op. cit. p. 162.

35) Colonel Pelegrin op. cit. p. 22

36) C’est ainsi que nos Catalans territoriaux du 126e RIT en Tunisie (1914-1919), rendirent leurs fusils 1886-93 pour recevoir à leur place des fusils 1874, moins performants Cf. Campagne tunisienne rapportée dans « Jean, Territorial, 126è RIT »- 3 tomes, Henri Frigoul, Édition des Écrivains Paris 1998-2002

37) D’après un article d’André Brissaud – Extraits de son « Mussoloni » Ed. Perrin 1983 in « La Voix de l’UNC » – mai 1998 p. 32.

38) Bien qu’anti-bolchevique Hitler signe (« dans le sang ») le pacte germano-soviétique (d’août/septembre 1939 au 22 Juin 1941, date du début de l’opération « Barbarossa »). En septembre 1939, la Pologne envahie, voit son armée cernée à la suite d’une action combinée des armées allemandes et soviétiques, contrainte de déposer les armes, après une « Guerre éclair rapide et violente », selon Brissaud in « La Voix UNC » 1999.

39) Intervention du Bernard Thorette « Xèmes Journées parlementaires - Paix et Défense » 20 janvier 2003.

40) Olivier Forcade, commentaires au sujet de « La Censure militaire et policière » M. Rafsfus, Le Cherche Midi 1999 – Parutions 2001 déjà cité

41) Un régiment étaient dotés de trains régimentaires ou de trains de combat (T.R. ou T.C), constitués d’un certain nombre de voitures attelées de un à quatre chevaux – « Aide-Mémoire de l’Officier d’état-major en campagne » – Librairie Chapelot Nancy 1913.

42) Eric Alary, in Parutions.com op. cit.

43) Au terme de « harcèlement » je donne un sens général pour désigner tout conflit qui ne répond pas au type de « guerre classique », tel que défini au chapitre I. Ma classification se rapporte plus à la manière dont sont conduites les opérations de guerre, plutôt qu’au critère de « conflictualité », critère adopté par J-L Dufour et M. Vaïsse, ce qui donne la classification en guerres « mondiales, de libération, conventionnelles, de faible intensité », (cf. commentaires d’Eric Alary – Parutions.com - déjà cité.)

44) Cf. « Dossier Repères – La guérilla forme de résistance » in Revue Armées d’Aujourd’hui n°281 Juin 2003 p. 43

45) Lors de la guerre du Viet-nam, notre armée devra s’adapter à une forme de guerre inhabituelle pour elle : « la guérilla » associée aux « harcèlements » de nos postes de défenses fixes. Pourtant cette guerre s’achèvera (1954) par une bataille de type classique, celle du camp retranché de Dien Bien Phu.

46) « L’énorme problème de la combativité c’est à dire le moral » - Philippe Masson, « La Seconde guerre mondiale », Taillandier Paris 2003 p. 401.

47) En Algérie, encore département français, notre armée avait une mission de « maintien de l’ordre ». La « valeur militaire » était attribuée en lieu et place de la « croix de guerre » lors d’actions d’éclat reconnues à ses militaires. « L’état de guerre » ne sera reconnu qu’en 1999 (loi 99-882 du 18/10/1999)

48) Philippe Masson op. cit. pp. 401-402

49) Marc Bloch, « Écrits de guerre 1914-1918 » – Armand Colin p.175

50) Commandant Alain Petitjean – SHAT, op. cit. p. 43.

51) Pellegrin op. cit.. pp.9 et 39.

52) Ibid. note bas de p. 42

53) Ibid p. 40

54) Philippe Masson indique qu’au lendemain de la capitulation allemande (1945), une enquête effectuée dans les unités sous les ordres de Patonn révéla que « 10% des hommes s’étaient battus en toutes circonstances, 20% épisodiquement et que 70% n’avaient pas tiré un seul coup de fusil » - op. cit. p. 402

55) bid.

56) Voir la « Notice succincte sur les divers modèles de grenades actuellement en service » – Approuvé le 2 avril 1916 Imprimerie Nationale, pour le ministère la guerre – Paris , 1916 -

57) « Manuel de chef de section d’infanterie ». Édition de Janvier 1917 – Imprimerie Nationale, pour le ministère la guerre – Paris , 1917, p.5 - Préambule

58) Le manuel indiqué ci-dessus, traite du Canon de 37 millimètres à tir rapide, modèle 1916, mais aussi, ce qui est une réelle nouveauté du combat du fantassin avec l’appui de l’« Aéronautique », qui n’est pas encore l’ aviation autonome, l’armée de l’Air, que nous connaissons.

59) op. cit., « Chapitre III, Propriétés tactiques de l’infanterie ». p. 216

60) George L. Mosse « De la Grande Guerre au totalitarisme », Hachette 1999 p. 8

61) Patrick Falcon , « Miner le moral de l’adversaire » in Revue Armées d’Aujourd’hui, op. cit. p.48

62) Ibid. théorie développée, entre autre, par Douhet (Italien) en 1920, précise P. Falcon.

63) Ainsi que « de casser le potentiel économique de l’adversaire » précise Éric Labayle

64) Au cours de la seconde guerre mondiale, « les 350 000 à 500 000 tués et 700 000 blessés, la population [allemande] ne plie pas » - ibid. p.49.

65) George L. Mosse op. cit. p. 8

66) Avec une pensée pour mon père Jean Frigoul, caporal, affecté à la 16e Section d’infirmier (Août 1914- décembre 1918).

67) Voici un des derniers ouvrages en date, sans que son objectivité soit attestée : « Le gâchis des généraux » de Pierre Miquel – Plon Paris 2001.

68) Général Weygand : « Dès le début de 1917, les services de renseignement avaient signalé la propagande anti-nationale, l’envoi de tracts sur le front, la présence de permissionnaires à des réunion pacifistes, dans lesquelles étaient exploitées les pertes et la durée de la guerre » in « Mémoires, idéal vécu » Flammarion, Paris 1953, tome I, p. 412.

69) Télégramme du 15 décembre 1916 – 23h : « Le général Foch est remis à la disposition du Ministre. » . Le général Weygand commente : « Ainsi en pleine guerre, la bêtise, l’ignorance, l’envie […] venaient de faire leurs preuve ».Ibid p 361.

70) D’après la classification retenue par le SHAT : « Inventaire sommaire des archives de la guerre 1914-1918 » par Jean Nicot 1969, Annexe p. 627. Je comptabilise sur le front français, environ 14 grandes opérations, au cours desquelles se déroulent une vingtaine de grandes batailles qui englobent localement une cinquantaine de batailles de secteur. Durées : de un jour à plusieurs mois, dont 10 mois pour la grande bataille de Verdun.

71) Situation antinomique car, comment ne pas penser, avec un peu d’expérience des combats, que le pilonnage de l’artillerie adverse annonçait l’imminence de son attaque, alors que ce dernier souhaité la tenir secrète ? On sait aussi que plus on déplace de matériels et plus on fait de bruit.

72) Extraits de « Vérité sur les combattants [de 1940] » par Jean Labusquière – Document de propagande sans date (présumée Mai 1941) édité au profit de l’œuvre « La famille du prisonnier de guerre », par le secrétariat d’État à Vichy. (Collection Henri Frigoul)

73) Dont, l’une des dernières : « 14-18 – le magazine de la Grande Guerre », 48/50 bld Sénard 92210 Saint-Cloud

74) Par contre, en 1914-1918, « l’artillerie conquiert, l’infanterie occupe » indique Eric Labayle, d’où la prééminence de l’artilleur sur le fantassin ?

75) Cité par Jean Norton Cru op. cit. p. 465.

76) Je suggère de se reporter pour plus de précisions sur le combattant de la Grande Guerre, à l’ouvrage « Vie et Mort des Français – 1914-1918 » par André Ducasse, Jacques Meyer, Gabriel Perreux, Hachette 1959 – et « La vie quotidienne des Soldats pendant la Grande Guerre », J. Meyer Hachette 1966.

77) Sachant que sur les boutons des tenues figurent les insignes symboliques de l’arme à laquelle appartient celui qui porte la dite tenue.

78) De Planthol, défenseur de conseil de guerre, « La justice aux armées » Attinger – Paris 1917 cité par Jean Norton Cru op. cit. p.458