Chapitre I :Guerres contemporaines

Paradoxes

Partir à la guerre

De la guerre

Pacifisme

Mourir pour la Patrie

Paradoxes

Qu’on le veuille ou non, sous une forme ou sous une autre, le monde vit dans un état de guerre quasi-permanent. Pour diverses raisons pas toujours bien définies, des hommes s’affrontent comme si la guerre était la normalité dans les rapports humains.

Je sais bien que les pacifistes ne croient pas en la fatalité de la guerre (« l’attachement au fatalisme est le vrai mal de ce monde » (1)). Mais, fatalisme ou pas, il existe bien une volonté continue de se battre au moindre prétexte. Après une guerre achevée ici, une autre débute là. Elles vont comme le feu bondissant d’un arbre à l’autre, souvent avec pour origine des passés lointains rancuniers, revanchards.

Un de nos historiens du Collège de France, ne disait-il pas ces jours derniers que des guerres des temps moyenâgeux étaient le « poison » de guerres actuelles ? En l’occurrence, n’était-ce pas le cas de récentes confrontations dans les Balkans ? Par exemple, Bernard Kouchner déclarait au sujet de la réconciliation précaire obtenue entre Serbes chrétiens orthodoxes d’un côté et Albanais musulmans de l’autre, qu’« on ne peut pas, en quelques semaines ou quelques mois, changer les mentalités et le cœur des gens après des siècles de difficultés, de combats ; de haine. Ce n’est pas possible » (2).

Alors ? La paix revenue, celle des esprits ne serait-elle pas gagnée ? Espérons-le malgré le vent de folie qui se fonde de nos jours sur des haines séculaires d’ordre religieux pour déstabiliser l’Occident judéo-chrétien. Peut-être s’agit-il, plus prosaïquement et de manière moins attentatoire, d’une remise en cause de l’ordre culturel et économique mondial ? L’économie ? Sans qu’on en dise le nom, ne sait-on pas que l’économie porte en elle-même le germe de la guerre ? même entre pays amis ? Paradoxe !

Nous le voyons bien, un processus politico-juridique est mis en place grâce à un consensus obtenu via l’Organisation des Nations Unies (ONU). S’il circonvient les confrontations en cours, il ne garantit en rien un avenir de paix. Pour cela, il doit être envisagé la présence sur du long terme « d’une force d’interposition » entre les parties adverses. Soit ! une « force de paix » ? Paradoxe !

Faute de solution définitive, ou au moins jugée comme telle par tous, doit-on en arriver à éliminer la guerre par la force (3) ? Question qui nous ramène à la notion de guerre juste et de guerre injuste, bien connue de l’argumentaire maoïste, activé lors de la guerre froide. Guerre contre la guerre ? Paradoxe !

D’agressions en agressions déstabilisatrices ou, de ci de là, de volontés à museler des peuples pour toutes sortes de raisons toujours inavouées, sauf à accepter que la face de notre monde change, ne serions-nous pas contraints de nous défendre par la force ? N’y a-t-il pas là prétexte à entrer en guerre, face à « l’autoritaire » contrairement aux anarchistes qui eux, « refusent les prétextes par lesquels on prétend faire accepter la guerre » (4) ? N’est-il pas question de préserver notre goût de la liberté, qui intègre justement celle de la libre pensée, chère aux anarcho-pacifistes. Paradoxe, disais-je !

Alors que l’hécatombe de 1914-1918 est toujours présente en nos esprits, voici qu’on nous parle du concept de guerre « zéro mort ». Ce concept est-il crédible si l’on pense aux populations civiles ? Ne déplace-t-on pas le problème de la mort au combat pour « gagner les esprits » (5) ? Veut-on rassurer tout simplement ses propres troupes, normalement destinées à mourir pour la patrie ? Autre paradoxe !

Quant à la France, avec la fin du service militaire anciennement dû à la nation, qui souhaite encore mourir pour la patrie ? Ce don sublime de soi est-il l’apanage des seuls militaires de métier, qualifiés d’« old-fashioned » ? (6). Or, qu’en est-il des morts, en missions extérieures ! Soldats de la paix, morts pour la patrie ? sinon pour quoi ? Ces questions, ne sont-elles pas paradoxales puisque, me dit-on la notion de patrie est devenue « désuète à l’heure de la construction européenne et de la mondialisation » ? (7). Alors, nos morts, pourquoi ?

Comprendre le phénomène guerre, duquel il ressort les paradoxes donnés en exemple ci-dessus, nous oblige à embrasser d’un regard à la fois le passé (nous, à partir de 1914) et le présent. Nous avons à intégrer dans l’analyse du phénomène l’évolution des connaissances scientifiques et technologiques ; des mentalités ; des rapports de force devant des enjeux principalement politiques et économiques.

Sachons voir aussi que l’actualité n’est figée ni dans une optique de paix, ni dans celle de guerre ; en conséquence notre vigilance se doit d’être en éveil. Ne nous fions pas aux apparences. Restons objectivement critiques. Incitons-nous à la réflexion, au raisonnement, à partir de l’étude du passé riche d’enseignement et de l’analyse prudente des situations présentes. Projetons-nous dans l’avenir avec bon sens et courage, nous ferons beaucoup pour la liberté (8). Il y va de l’avenir des jeunes générations.

S’agissant de guerres, nous voudrions bien leur dire pour l’avenir « plus jamais ça » ou, en plus réaliste, « non pas peut-être sans la guerre, mais du moins sans le consentement de l’esprit » (9) ; est-ce crédible devant tant de situations paradoxales qui ne rassurent en rien sur la faisabilité de la paix ? Nos esprits peuvent-ils rester détachés devant les secousses du monde aux frontières perméables ? La « non-guerre » certes, mais l’asservissement par l’endoctrinement via une idéologie d’où qu’elle vienne, ou d’une religion révélée ou non ? Disons : « jamais ! »

Partir à la Guerre

« Août 1914…un monde s’effondrait et de nouveaux temps commençaient » (10).

Départ

Il nous est « impossible de comprendre aujourd’hui ce que totalisa d’enthousiasme fou ce 1er août 1914 et les jours qui suivirent… Fleurs lancées, gerbes offertes… rares furent ceux qui pensaient que ces offrandes anonymes seraient pour beaucoup les dernières fleurs reçues de leur vivant » (11).

Le départ de nos jeunes à la guerre, est sans état d’âme, à quelques soucis près à cause des familles démunies : jeunes épouses, souvent déjà mères, esseulées ; parents désorientés sans leurs alertes soutiens. Même les « grands-pères », les territoriaux de 35 à 48 ans, quittent foyers et emplois. Ainsi se désorganisent la petite industrie locale, le commerce et l’administration. Tous comptent leurs absents, après ce départ brusqué de leurs forces vives.

Et la vendange qui approche ? On n’y assistera pas. Qui va mener la colla ? Les jeunes catalanes rieuses, dorées au soleil d’été du Roussillon n’y auront pas le même cœur à couper le raisin, en l’absence des aimés, des « futurs ».

Mais oublions les images nostalgiques et tristes, entrevues dans un moment fugitif de retour sur soi, vite réprimé. Les camarades du village sont là. Ils « tirent » les indécis : « A Berlin ! » (12).

Dans toute la France, le cœur y est (13). De partout affluent des hommes enrégimentés et parfaitement décidés, quelle que soit leur affectation souvent liée aux risques encourus.

Le Général Joffre, « notre Joffre », notre Catalan, considère son plan de mobilisation comme étant une parfaite réussite (14). Heureux généralissime en ce début de guerre, malgré les hésitations de son gouvernement à la déclarer. En effet, on aura attendu que la soldatesque teutonne soit en nos murs pour se dire prêts à l’affronter. N’était-il pas un petit peu trop tard pour la mettre hors de nos frontières ? Soit ! la guerre est déclarée ! je ne m’attarde pas à polémiquer : que l’histoire, s’en mêle !.

La guerre est déclarée le 3 août. Alors allons-y ! Que de moments extrêmement difficiles attendent « notre Joffre », lui, mais surtout « ses » hommes. Sous peu de temps ils auront à faire face à l’ennemi, qui va n’avoir de cesse que de nous (la France et ses Alliés) déborder sur toute la frontière nord, tentant par là, en passant chez notre voisine, la Belgique, de nous contourner, puis de nous envelopper. La Belgique envahie qu’il faudra préserver et qui succombera. Charleroi, 22 août 1914, funeste bataille, des milliers de morts. Une victoire allemande ! Ensuite, vient la retraite et le revirement inattendu. La Marne ! une victoire des Alliés ? de Joffre ? Est-ce bien admis ? Autre polémique !

« Je ne sais pas si c’est moi qui ai gagné la bataille de la Marne. Mais il y a quelque chose que je sais bien : si elle avait été perdue elle l’aurait été par moi » (Joffre) (15)

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L’histoire en ces jours de fin d’été 1914, avance à grand pas sur le champ de bataille jonché de corps sans vie. Des Morts ! Journées sanglantes où chacun s’entretue à outrance, jusqu’au jour où tout se fige en tranchées, au grand dam de la France.

« Comment combattre un ennemi qui se cache ? » disaient en substance nos éditorialistes locaux, eux restés loin du front.

Subjugués en début de guerre par les assauts, sabre au clair, de nos officiers, les éditorialistes finiront par demander aux dits officiers de réduire ce type d’ardeur, tant il en mourra sur le parapet des tranchées. En effet il fallait durer si l’on voulait bouter hors de France nos envahisseurs. Et il fallut batailler de longs mois pour les évincer.

Des batailles, encore des batailles ; des assauts et des coups de main ; je perds là, et je gagne là, non pas la guerre mais quelques mètres de terrain, des tranchées effondrées. Et valsent les gouvernants de tous ministères inquiets jusque dans les comités très secrets, où tout le monde disait son idée pour obtenir une victoire. Mais elle ne venait pas, quoiqu’on y dise. Et valsent des généraux, de la tête des armées au plus bas de ses subdivisions. Et enfin valses de morts pour la patrie au plus près du front, les capitaines et leurs hommes, ceux qui connaissent le mieux la guerre selon Jean Norton Cru ? (16)

Et la guerre durait depuis plus de quatre ans, lorsque l’armistice est signé. Enfin, victoire ! Victoire de Clemenceau, « le père », Foch, « le gagnant ». Victoire bien triste avec ses Morts alignés sur les champs d’honneur. Beaucoup, environ 1 400 000 pour la France. 11 novembre 1918, jour de joie bien éphémère pour celles et ceux qui attendront en vain le retour des leurs.

Hommages - Entre douleur et lyrisme.

Temps de l’appel aux sentiments exprimés en proportion du vide et de l’abandon supposés ressentis par les familles éprouvées. (L’État s’y est associé , nous l’avons vu).

Or, la douleur en soi, du corps comme celle de l’âme ne se mesure pas. Même si on tente de la « démontrer » aux autres, certes compatissants, ils sont incapables d’en connaître l’ampleur ou la nature. Alors, aux familles de concevoir l’acceptation de la mort d’un des leurs ; aux autres d’en exprimer regrets et reconnaissance pour le sacrifice suprême consenti, avec leurs pauvres mots, en révolte contre la guerre inepte, souvent avec maladresse dans le lyrisme.

Le lyrisme, du mesuré au dithyrambique et même de l’outrancier, exprime par le verbe, le degré de sensibilité face à l’événement douloureux auquel il se rapporte. Exactement comme l’artiste, montre sa sensibilité de peintre de manière figurative ou abstraite, par touches rageuses ou estompées, en usant de couleurs aux teintes de deuil ou aux vifs éclats quitte à heurter la vision du passant étonné.

Cette éloquence, que d’aucuns estiment outrancière, se veut exprimer au mieux, la tristesse infinie éprouvée devant des mères éperdues de douleur ; devant toutes les mères sans exception (17), mais ne s’agirait-il que d’une mère, n’était-ce pas assez de perdre un fils, pour nous inciter à compatir à sa douleur ? Je me demande, après une telle hécatombe, - depuis la première guerre mondiale, combien de Morts, militaires et victimes civiles, déplorons-nous au cours des guerres successives ? - faudrait-il s’abstenir d’user de « fantastiques exagérations » (18) pour rendre palpable l’immatérialité de nos sentiments, pour rendre visible l’insondable peine devant tant d’âmes perdues ? Et quoi d’autre alors, pour en dire ?

La victoire, oui, mais pas encore la paix. Toute une organisation se met en place pour en parler et si possible, la signer. Désarmer, dédommager, des maîtres mots, brûlots sur le sentier de la paix.

Lors de conférences sur le désarmement après guerre, à Genève, on désire : « limiter les effectifs des armées… simple dénombrement… [mais] la conférence n’est pas parvenue à se mettre d’accord sur la définition du soldat » (19). Évidemment, si on ne sait pas « qui est quoi », comment limiter l’inconnu ? Mécanisme des arguties bien compris Outre-Rhin, n’est-ce pas ?. Qu’on y réfléchisse : dès 1919, renaissent entre autres formations paramilitaires qui ne disent pas leur nom, celles « déguisées en société de chasse, de gymnastique, de scoutisme », pour en arriver à la fin des fins aux « milices politiques, aux sections d’assaut, les S.S. ». Tristesse !

« A Berlin » disions-nous ? Nous n’y sommes pas encore. Il faudra attendre la défaite allemande de 1945, seconde guerre mondiale, pour y être en vainqueurs, avec nos alliés, après avoir subi la nôtre en 1940 et résisté (seulement pour certains) afin que la France soit de la revanche.

L’histoire est allée à grands pas, sur des champs de morts ; morts nouvelles, découvertes dans l’atrocité des camps nazis immondes. Guerres encore en continu pour des revanchards ?

Au départ en guerre du mois d’août 1914, chez nous, en Roussillon, comme partout ailleurs, effectivement, je le redis : « rares furent ceux qui pensaient que ces offrandes [de fleurs] anonymes seraient pour beaucoup les dernières fleurs reçues de leur vivant ». (20)

Premier Mort pour la patrie (21)

Qui pouvait s’imaginer, dans ces derniers instants heureux ( ?), que notre premier tué au combat serait un lieutenant rivesaltais, compatriote de « notre Joffre », cousin germain par sa mère Marie, du maire de Rivesaltes, monsieur Salvet ? Une première mort pour la France, le 9 août 1914.

A Perpignan, la veille de cette mort réellement imprévue, le colonel Arbanère avec son régiment, le 53e Régiment d’Infanterie, des Catalans, s’apprêtent pour leur départ vers la frontière.

Une population dense et bigarrée, en liesse, assiste à la dernière prise d’armes. Le drapeau du régiment est présent. Le colonel s’adresse à ceux qui l’entoure, la foule indisciplinée, les soldats figés : « Nous partons pour une lutte sans merci. Nous lutterons jusqu’au dernier si c’est nécessaire » (22).

Et nos Catalans enrégimentés, de partir vers leur mort annoncée, sous l’air vengeur de « Sambre et Meuse », jusqu’en gare, accompagnés des acclamations de la foule pleine d’espoir en la victoire. Inconscience !

Inconscience ? Irresponsabilité d’une foule toute à sa joie de voir une telle mâle force déployée, si sûre d’elle, décidée ? Inconscience, car la vérité vient de lui être « claironnée » par le colonel du régiment lui-même. Puis-je interpréter sa pensée à cet instant mémorable ? :

La plupart de mes hommes vont mourir pour la patrie, avant le 31 décembre 1914, avec moi, colonel Arbanère, en tête, comme il se doit de nos jours, au bord d’une tranchée perdue dans les terres de Lorraine, sabre au clair, pour que vive la France éternelle.

Annonce prémonitoire ? En tout cas, presque tout le régiment mourra effectivement avant Noël. Encore une fois : y croit-on, ce 7 août 1914, à cette mort renouvelée ? La relève viendra, le régiment renaîtra de ses cendres (les cendres de ses Morts ?) pour un nouveau mourir pour la patrie, jusqu’à y perdre sa catalanité faute de Catalans mobilisables. (23)

Dès ce départ du 53e R.I., on inscrit un premier nom sur la liste de nos Morts, Catalans, d’origine ou d’adoption, tous unis dans la mort, sans savoir que la liste sera longue, très longue.

Ce 9 août 1914, c’est au tour du 24e Régiment d’Infanterie Coloniale de rejoindre la frontière, vers ces lieux lointains, où se donne la mort, pendant que sur le trajet inverse, venant de la gare, on ovationne « 200 ecclésiastiques rentrés (d’exil en Espagne ?), engagés volontaires, formés en colonne et chantant la Marseillaise ».

Cortège bien étrange, pour celui qui en est encore à l’anti-cléricalisme prôné au cours de la Troisième République, jusqu’à se séparer de l’Église (1905). Mais les « curés », sans rancune, veulent bien, eux aussi mourir pour la patrie, alors « Bravo les curés » s’écrie L’Indépendant (24), républicain.

Ce 9 août encore, notre journal L’Indépendant, annonce à grands titres l’entrée de nos troupes en Alsace. Ce que L’Indépendant ne peut pas dire, il ne le sait pas encore, c’est que dans ces actions de retrouvailles avec l’Alsace, nous avons à déplorer la mort de notre premier Catalan :

Mort pour la France du Lieutenant Lucien, Hyppolite, Jean Bedos, 37 ans, né à Rivesaltes le 8 janvier 1877, affecté au 149e R.I. stationné à Épinal, sorti du rang après être passé par l’école d’officiers des fantassins de Saint-Maixens.

Citation n°44 de la 10e Armée du 11 janvier 1915 : « A été tué le 9 août à Sainte – Marie aux Mines en entraînant sa section à l’assaut sous un feu des plus meurtriers ». Il repose à Wisenbach.

Au cours d’une prise d’armes en novembre 1916, le diplôme d’honneur des Morts pour la France est remis à sa famille.(25)

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De la guerre

« Il est plus vite fait de haïr la guerre que de savoir ce que c’est » (26).

Pensées

Devant la dépouille de notre premier mort, le lieutenant Lucien Bedos, sur laquelle je m’incline, je ne puis obtenir le silence intérieur, comme cela se produit très souvent en ces moments de recueillement, accompagnés de révolte contre une mort refusée, injuste :

« Mort pour la patrie ! Mort pour que vive la Liberté ! », dernières pensées de Lucien Bedos mêlées aux derniers adieux adressés à sa famille. Pensées que j’imagine en accord avec l’état d’esprit de nos soldats au départ en guerre, alors que d’autres encore refluent par vagues continuelles, lancinantes :

Pourquoi les guerres ne cessent-elles pas ? Quelle nature pousse des hommes à se battre depuis des millénaires de présence sur terre ? A quoi sert cette première mort héroïque à l’assaut, en tête d’une section de fantassins pas encore devenus des briscards ? Et les guerres continuent comme avant, sur d’autres fronts, sur d’autres continents, avec d’autres agressivités toujours aussi vindicatives.

Ne pouvons-nous pas nous aimer les uns et les autres comme le recommande le dieu du ciel, de l’eau et de la terre, reconnu en nos religions ou confusément pressenti ? Vaine morale ! Regardons ce qui est. Réfléchissons ! La réalité est dans l’actualité. Où est la recherche pacifique, véritable et sérieuse, de compromis pour atténuer (seulement atténuer) les différents déclarés ou larvés ? Quelles sont ces actions qui n’épargnent en rien les populations désarmées ? Les génocides barbares, « tournants », auto-déclenchés par flambées, d’un pays à l’autre, aux motivations nébuleuses pour le reste de l’humanité, disparaîtront-ils par enchantement ? (27)

Des conflits jamais réglés engendrent le fanatisme haineux qui à son tour produit un terrorisme pour nous submerger par sa vague de violence aveugle. L’obscurantisme, deviendrait-il la règle ?

Et que dire du désir d’hégémonie ? De la jalousie viscérale des hommes ? Peut-on espérer que chacun des pays se satisfasse de son or et de son argent trébuchant ou en sous sol (coffres et mines) ? de ses frontières sur terre, mer et air, toutes limites de liberté pour soi et pour son voisin ? de ses terres riches et fécondes, de ses verts pâturages nourrissants, de son blé doré et de ses rouges cerisiers ? en un mot de ses richesses naturelles et matérielles, qui lui sont consenties par les dieux ? Pour répondre à la contestation des moins dotés, accepterons-nous, un jour, de rééquilibrer les richesses du monde entre tous afin que chaque homme trouve goût à vivre en toute sérénité, en paix ?

En attendant, dois-je défendre ma terre de l’envahisseur ? Envers et contre tous ceux qui m’envient, ne faut-il pas protéger mon bien, ou ce que je crois être mien ? Puis-je accorder ma confiance à mon voisin ? Suis-je sûr de ses bonnes intentions ? Et ma famille ? dois-je l’abandonner à la vindicte de furieux exaltés ? Selon mes états d’âme vis à vis des autres amis ce jour certes, mais ennemis demain peut-être, ne vais-je pas me murer dans une « spirale agressive » ? Où me conduira ma paranoïa ? A terme, à la guerre ? Voilà, bien entendu, la fatalité de laquelle je dois me dégager coûte que coûte. Est-il toujours possible de répondre à la violence qui m’est faite par l’acceptation, sans user de ma force ?

Candeur et naïveté, méfiance et pessimisme, ruses et forces, telle est la nature des hommes dans le monde. Or, justement la réalité est là : « l’état du monde en cette fin 2003 est loin d’être radieux » (28).

Pays riches

Heureusement ( ?) nous avons appris depuis peu, que nous sommes dans l’ère guerrière du « zéro mort ». Je précise tout de suite, pour y revenir si besoin que la notion de « zéro mort », dans une guerre déclarée en bonne et due forme (donc hors celles qui ne disent pas leur nom), est une notion à l’usage des pays « riches ». Il suffit d'observer les lieux où se déroulent les combats actuels pour l’admettre.

Les pays riches, sont dans les étoiles. Ils visent actuellement Mars après avoir marché sur la Lune. Cela finira-t-il en guerre ? Pays riches qui préfèrent porter la guerre chez les autres, comme nous le constatons. Principe de base de hauts stratèges nourris selon ce que j’en sais, de philosophie guerrière grecque (« la guerre du Péloponnèse », n’est-ce pas), romaine (« la guerre des Gaules », peut-être) et autres agressivités antiques renommées.

Les pays riches ont les moyens suffisants pour écraser chez les autres, pour ne pas craindre de mourir pour la patrie chez eux, d’où un pacifisme « intérieur » de fait, puisqu’on ne risque rien. A voir ! En tout cas leurs populations rassurées, « anesthésiées » par tant de puissance déployées pour leur défense, en oublient les principes simples. En particulier celui-ci, bien connu du combattant de base : Il n’est point besoin de gros moyens pour ébranler les géants aux pieds d’argile, la sarbacane à la fléchette imprégnée de curare, y suffit. Mao Tsé-Toung ne parle-t-il pas de « tigres en papier » ?

« …Ils sont de vrais tigres et en même temps des tigres en papier » (29)

Papier ou pas papier, les pays « riches » ont les moyens de la guerre à grande échelle. Cela suffit à notre pensée au regard des dégâts qui seraient occasionnés, avec un peu de « folie » des hommes ou à la suite d’une « erreur » (une façon de dire de John Fitzgerald Kennedy.) (30). Je rappelle que nous possédons de quoi s’autodétruire : l’arme atomique, pour parler de la plus connue après son usage sur Hiroshima (6 août 1945) et Nagasaki (9 août 1945) (31).

Pour les « riches », hormis l’usage de la désintégration ravageuse, il est bien d’autres manières d’anéantir. L’armement se perfectionne jour après jour au point que l’on qualifie les guerres de « propres ». Vue de l’esprit à laquelle s’accole l’étonnante notion de « zéro mort ». Les populations civiles sous le feu en sont-elles rassurées, surtout si elles sont informées de ce que « la guerre de 1914-1918 fut la dernière des guerres courtoises, celle où l’on respecte en règle générale le non-combattant » (32) ?

Cependant, bien que passés de la guerre du feu à celle des étoiles, il est encore des méthodes de guerres tribales originelles qui survivent. Être suréquipés d'armements de haute technologie (« instruments au service de l’agressivité » (33)), s’adonner aux survols « furtifs » avec lâcher de bombes « intelligentes », est, nous le voyons chaque jour, contre-balancé, par la volonté de l’homme des rues, anonyme, chargé de quelques grammes d'explosif en vue de semer la terreur, tel le guerrier sur le sentier de la guerre avec sa sarbacane dont j’ai déjà évoqué la présence ci-dessus.

Aussi, n’est-il pas dit que l’homme dans son bunker bétonné pour une guerre "presse-bouton", sans risque pour lui, du moins le croit-il, soit réellement à l’abri de tout danger ; y suffira-t-il pour avoir gain de cause ? Un jour ou l’autre il sera bien dans l’obligation d’émerger de son puits bétonné, et là se trouvera l’homme brandissant son arme de défense rapprochée ou pourquoi pas un de ces lance-missiles d'un usage élémentaire ? Plus que les moyens de destruction, c'est l'homme qui est le maître des combats, car comme le dit Gaston Bouthoul, « c’est l’homme qui tue et non les armes » (34).

Démographie

Soyons clairs ! Il n’y a pas de guerres sans les hommes. Pour cette raison, un pays se doit d’avoir, en certains cas, une forte puissance démographique ; une nombreuse population au travail ou sur le champ de bataille. L’intérêt pour un ennemi est de réduire le potentiel humain de son adversaire, alors que lui-même doit le préserver. Il est obligé d’avoir des hommes en quantité (aussi en qualité) appréciable, supérieure à celle de l’adversaire, prêts à en mourir pour la patrie ! Cependant, hormis qu’il s’en tue au cours de la guerre, il doit en rester suffisamment pour réparer les dégâts, et repartir de plus belle à la guerre avec de nouveaux soldats, si besoin. Ceci est une loi fondamentale du cycle résultant de la guerre (Créer, tuer, réparer, recommencer…). Ce qui fait dire à Gaston Bouthoul que « la guerre est par quelque côté une sorte de rite de destruction de la population » (35).

Deux exemples :

Si l’armée de Louis XIV s’est illustrée sur divers champs de batailles aux frontières c’est dû en grande partie, à « ses effectifs et sa puissance, [qui] égala le plus souvent la somme des autres armées d’Europe […] effectifs [qui] ont été accrus, au moins quadruplés » (36), au préalable par de grands commis du Roi soleil.

Dans un moment de tension, où ressortait la possibilité d’employer des moyens de destructions massives (nucléaires ou autres), la Chine déclarait n’avoir aucune inquiétude à ce sujet. Elle estimait pouvoir « repeupler un monde exterminé » (37) vue l’immensité quantitative de sa population sur son sol. Il lui resterait toujours assez de survivants pour ce faire. Gaston Bouthoul situe cette prise de position paradoxale dans le cadre d’un rapport de force assimilé à une guerre dite « démographique » (38).

La perte d’un fils (ou d’une fille) pour une mère est un malheur irréparable. Or, la guerre se fait toujours, au détriment des mères de famille. Ce sont les hommes les plus jeunes qui sont emportés dans le choc guerrier. Seules les mères savent ce qu’il en coûte. Et pourtant, les mères continuent, quoi qu’il arrive, à jouer leur noble rôle assigné par la nature : enfanter.

Bien des nations s’en réjouissent alors qu’il serait préférable, dans certains cas, pour un juste équilibre des forces (voire l’agressivité du pays en question), de corriger une démographie galopante en réduisant le taux des naissances. Mais non ! Parfois le cycle des maternités s’emballe et chacun de renouveler son potentiel militaire-homme (femme) par le jeu perpétuel de la nature et de la guerre.

La démographie galopante prédispose les groupes à une agressivité collective exacerbée, qui en arrive à s’exprimer avec cruauté au moment où les conditions sont réunies pour la confrontation, autrement dit pour un quelconque prétexte (apparent) : religieux, économique, ethnique, etc. ; ce qui explique très certainement les guerres intestines sans fin, le génocide de peuplades, auxquels nous assistons. Gaston Bouthoul indique que ce sont « les structures démographiques : densité de la population, masse, composition par âge, sexe, taux d’accroissement, [qui] sont parmi les principaux paramètres qui conditionnent l’agressivité collective » (39). [Ce qui se vérifie en superposant pays à forte démographie et pays en conflit. Robert D. Kaplan cite les pays suivants : Indonésie, Haïti, Rwanda, bande de Gaza, Algérie, Éthiopie, Sierra Léone, Somalie, Cachemire, îles de Salomon, etc. (40)].

Dans ces pays à la démographie mal maîtrisée en état de conflit, pour circonvenir leurs différents locaux, des tiers sont mandatés sur place (tels ceux mis en place par l’ONU). Ils se positionnent entre les parties en désaccord. Parfois l’agressivité entre les parties est telle que prise dans une mouvance spiroïdale, rien ne l’arrête. La violence en arrive à ce que les mandatés se trouvent comme happés par ce mouvement crescendo, au point de devoir s’engager eux-mêmes contre l’une ou l’autre des parties, à leur corps défendant, jusqu’à y perdre leur vie (doit-on les déclarer morts pour leur patrie ?).

Enfin, si tôt ou tard les antagonistes déposent leurs armes sous la pression de la force coalisée à leur encontre, il n’est pas sûr que cela ne dégénère pas sous une autre forme d’agression : guérilla, harcèlement, terrorisme, etc. ? Et la guerre continuerait ? Voici donc un des exemple de la complexité d’une situation de guerre à gérer par des instances internationales.

Complexité

Gaston Bouthoul ne simplifie en rien ma tâche en déclarant que « la guerre froide n’est pas la guerre » (41). Ce n’était pas la guerre, soit ! mais cependant des heurts ont eu lieu ici ou là en son nom, avec des pertes humaines pour les pays, eux, engagés sur le terrain. Normalement ils auraient dû s’entendre par la voie de la négociation, mais n’a-t-on pas agi de sorte qu’elle n’aboutisse pas ? A vouloir expliquer ces situations anachroniques, où chacun prêche pour la paix dans le monde, on révèle encore une fois la complexité du phénomène, l’embrouillamini de situation. Cette situation s’est dénouée comme d’autres auparavant, mais à nouveau des agressions se multiplient en d’autres lieux.

Comment déterminer la nature des choses qui guide les hommes vers toujours plus de guerre, contrairement à nos souhaits ?

De nos jours par exemple, tout pays, toutes communautés sont susceptibles d’être l’objet d’agressions « multiformes » initiées par des groupes insaisissables, volatiles, virulents, fanatiques, déterminés au pire, assez riches pour satisfaire leur goût de la terreur. Les conditions de mener la guerre telles que nous les connaissions jusqu’à présent sont parfaitement impuissantes devant ce que nous appelons le terrorisme. Aucune discussion, aucun compromis, ne sont admis par cet ennemi caché. Quelle issue peut-on envisager à ces agressions ? Avec qui négocier une sortie du procès que l'on nous fait ? Nous sommes dans l’incompréhension totale du phénomène guerre. Où cela nous mène-t-il ? Le Dieu invoqué pour justifier la terreur, le sait-il lui-même ?

« Le terrorisme est la menace militaire du 3e millénaire » (42).

Cette formulation, donne l’ampleur du problème posé et nous sidère. Complexité extrême ! Comment accepter de mourir pour leurs idées qui nous paraissent bien étranges, en nos terres de liberté d'expression ?

Mais, revenons à la guerre froide.

« Tout commença, dès la fin de la conférence de Yalta, en février 1945. Grands vainqueurs de la seconde guerre mondiale, l’Union Soviétique et les États-Unis, s’accusèrent mutuellement de ne pas respecter les accords signés sur les bords de la mer Noire » (43). Il se déclencha alors, une « espèce d’épidémie, de psychose suicidaire, qui [s’est] emparée des peuples précisément les plus civilisés, les plus savants, et les plus riches de notre planète » (44).

Aujourd’hui nous dirions, que nous avons vécu un « thriller ». Chacun se barricada dans ses fiefs, peaufinant tout un processus machiavélique de déstabilisation de l’autre afin d’en prendre le dessus, avec des matériels de guerre, armements ou autres, au pouvoir de destruction incalculable si on ne songe qu’à la menace nucléaire. Heureusement pour notre planète personne ne souhaita en user, ce qui permit d’identifier le phénomène guerre, comme étant de la dissuasion contre les velléités affichées d’agressions latentes, dans un ou l’autre des blocs. [Pour ne pas être en reste, quelques autres pays « riches » se sont empressés de se doter de cette arme atomique, « miracle » de la dissuasion].

« La fracture idéologique – capitalisme / communisme - s’étendit très vite à la planète […] La scène mondiale s’en trouva bouleversée par tous types de conflits locaux (guerres civiles, luttes de décolonisation, combats anti-impérialistes, révoltes anti-soviétiques, etc.) » (45)

Après bien des péripéties, un des blocs est tombé, comme je le rappelle ci-après, montrant par là l’échec d’une doctrine que quelques nostalgiques continuent à la prôner.

Reste à savoir ce que sont devenus les pays victimes (consentantes ou non) des guerres « exportées » par ces blocs antinomiques dans leur démarche doctrinaire ? Sont-ils plus heureux dans leur nouvel « état des lieux ». Ont-il su choisir entre ces fameuses économies : « de marché » ? ou « planifiée » ? sujet-dilemme ou sujet-bateau d’école. Quel prix, a-t-il fallu payer pour en connaître, quitte à abandonner la doctrine de base, en cours de route ? En est-il résulté un bonheur à la hauteur des sacrifices humains ? N’aurait-il pas été mieux pour tous, de négocier le passage de relais dans la direction de tel ou tel pays ? Ne serions-nous pas arrivés à un résultat égal, nos morts mutuels en moins ? Exemple :

Le Viêt-Nam

d’après un article de Jean-Michel Gaillard in « Marianne » n°296/297 23 décembre 2002 au 5 Janvier 2003, p. 97.

Le 6 mars 1946, « le gouvernement français reconnaît la République du Vietnam comme un État libre, faisant partie de l’Union française ». Partant de cette position officielle, le général Leclerc (*) rencontre Hô Chi Minh le 20 mars 1946. Ils cherchent un terrain d’entente pour que la guerre ne s’installe pas. Après une première confrontation au sud Viêt-Nam, de laquelle les Français sortent vainqueurs, mais non sans mal ; le général Leclerc relève l’ardeur au combat de ses adversaires sur le terrain et en tire la leçon qu’il faut trouver une entente par voie de la négociation en cours avec « l’Oncle Hô ». C’était sans compter sur un différent franco-français qui bloquera sa démarche.

Leclerc est sous la coupe d’un haut-commissaire, l’amiral D’Argenlieu. Le général De Gaulle, qui avait nommé le général Leclerc commandant supérieur en Indochine, quitte les « affaires ». Les Socialistes dans le gouvernement de la IVe République, convaincus par le projet de l’amiral D’Argenlieu, approuvent son concept plutôt belliqueux : « La victoire militaire d’abord, la négociation ensuite », ce qui est à l’opposé de l’esprit du général Leclerc.

Passons sur les péripéties qui conduisirent à la rupture et de savoir qui a eu raison ou qui a eu tort. La rupture est là ! elle est consommée en décembre 1946. L’affrontement sur le terrain s’en suit pour 8 ans de guerre (« période française »).

En décembre 2002, 56 ans après le départ du général Leclerc du Viêt-Nam, on redit encore : « Ah ! si on avait écouté Leclerc ! ». Nos morts au Viêt-Nam auraient été inutiles alors ? Peut-on dire, aujourd’hui, qu’ils sont morts pour seulement satisfaire une simple façon de voir les choses? Comme pour tout conflit il est bien difficile de recommencer l’histoire !

(*) Philippe de Hautecloque, dit Leclerc, (Maréchal à titre posthume - 1952), né en 1902 à Belloy-Saint-Léonard, est mort dans un accident d’avion, en service commandé, Colomb-Béchar, Sahara, le 28 novembre 1947.

Spirale

Pour clore ce sous-chapitre « De la Guerre », en guise de réflexion sur la nature des faits et des hommes, redéployons la « spirale de l’agressivité » que nous venons d’observer de la première guerre mondiale, en passant par la seconde guerre mondiale et la guerre froide pour arriver au « terrorisme du 3e millénaire ».

[Commençons par avoir une pensée pour les victimes du nazisme. Conservons en mémoire ce que fut la haine qui a ravagé des populations entières. N’oublions pas ces camps d’extermination nazis avant de porter notre attention sur l’instigateur de ce massacre.]

Entre la première et seconde guerre mondiale règne en Allemagne un certain esprit de revanche, né d’un sentiment de frustrations provoqué par le traité de paix, signé à Versailles. Celui-ci mettait fin à la première guerre mondiale le 28 juin 1919, mais l’Allemagne ne s’avouait pas vaincue. Même au moment de signer l’armistice du 11 novembre 1918, elle ne déclarait pas avoir perdu la guerre. Son territoire n’était pas envahi et son armée disposait toujours d’une capacité opérationnelle importante. Et ce ne sera pas la phase du soi-disant désarmement, qui atténuera son bellicisme, au contraire, les revanchards se disent prêts pour une nouvelle aventure.

Hitler, appuyé par d’autres opportunistes, profite de cet état d’esprit et d’une situation plus ou moins chaotique de son pays, pour s’asseoir à la tête de l’État. Cela ne se fait pas sans violence, avant goût de ce que sera sa dictature fasciste (voir aussi la situation en Espagne et en Italie).

Les nazis installés, colonne vertébrale du pouvoir en place, prennent les rênes de l’armée allemande reconstituée grâce à divers tours de passe-passe pour contourner les volontés de la conférence sur le désarmement de Genève.

Hitler s’engage dans une guerre « tous azimuts » en Europe et pire, s’attaque de manière perfide à l’URSS (22 juin 1941), après rupture d’un pacte mutuel de non-agression (1939) « peu honorable » dira-t-on pour l’URSS. Or, voici que le Japon s’en prend directement aux États-Unis à Pearl Harbor, qui est bombardé le 7 décembre 1941. Et voici le Japon qui, à son tour, engage un combat « tous azimuts » en Asie. Finalement tout cela se termine mal pour les deux pays et leurs alliés comme nous le savons. Ce qui nous amène à Yalta.

A Yalta, les vainqueurs refondent les cartes de certains pays. Ils partagent une partie du monde en zones d’influence à leur bénéfice plus que pour un maintien de la paix, comme l’expérience le montrera. Les cartes géographiques redessinées selon leur soif d’hégémonie, deux « blocs » antinomiques se constituent : d’un côté « les méchants Impérialistes », de l’autre les « Bons et Justes ».

La guerre froide peut s’en donner à cœur joie. Et flambent les guerres attisées par l’un ou l’autre des blocs (« toujours chez les autres bien entendu). Cela dure quelques décennies, chacun tentant par un moyen ou un autre d’ébranler l’autre (sans oublier la Chine qui ne manque pas de s’activer à son tour dans le même élan doctrinaire que celui de l’URSS).

A un moment, pourtant, « l’Ours » ébranlé dans ses convictions doctrinales, s’écroule à la suite de diverses péripéties socio-politico-économiques internes (sachant que la disparition du « Petit Père du peuple », Staline, a bien facilité les choses). La liberté d’expression admise, elle fera le reste. Les esprits se délient (et aussi les corps en pensant aux goulags) et vont à contre-courant de la « pensée unique » ou, si on veut de la vérité unique caractéristique de l’autoritarisme dictatorial.

« Le 26 décembre 1991 à minuit, s’est achevé l’un des chapitres d’histoire les plus mouvementés de ce siècle. L’URSS n’a pas éclaté, n’a pas été rayée de la carte sous les coups de forces venus de l’extérieur : elle a été détruite de l’intérieur par ses propres fils, et avec un zèle étonnant. Ses traditionnels adversaires [le « bloc Impérialiste » donc ?], devenus ses ‘amis’ sur la fin, qui avaient tant aspiré à la disparition de ‘l’empire du mal’, selon la fameuse expression du président Reagan, n’avaient rien d’autre à faire que de contempler placidement cette agonie incroyable et inouïe » (46).

L’Europe se retrouve enfin (réunie ou presque) dans un même camp, sans « mur de la honte » qui se dressait dans Berlin, sans « rideau de fer » qui isolait les Européens de l’Est, sans mots qui fâchent (« L’Impérialisme »).

La paix nous est-elle donnée ? Eh non ! Voici, que resurgit le mal de profondeurs historiques oubliées de nous au souvenir tenace chez d’autres : « Á peine la fin de la guerre froide éveille-t-elle les espérances démocratiques que dégèlent simultanément des passions homicides. On se plaisait à les imaginer d’un autre âge. » (47)

Et commencent des confrontations ethniques, des confrontations religieuses, sous des impulsions d’extrémistes. Par exemple, le Liban :

« Le 23 octobre 1983, deux camions piégés explosent à Beyrouth, l’un au QG des marines américains, l’autre au Drakkar, l’immeuble occupé par les parachutistes français. Bilan : près de 300 morts [soit 58 morts parmi nos soldats de la paix], dont les conducteurs des camions. Revendiqué par un groupe proche du Hezbollah – le Parti de Dieu pro-iranien –, ce double attentat suicide marquera l’essor d’une guerre non conventionnelle qui déstabilise le monde occidental » (48)

Et les Balkans à peine apaisés. Et la Palestine toujours en feu. Et l’Afghanistan. Et la Tchétchénie. Et l’Irak. Bien d’autres encore au Moyen-Orient, en Asie , où encore ? l’Afrique, l’Amérique du Sud…

« La folie des hommes, le fracas des armes » (49)

Ici ou là, la « graine » de l’agressivité engendre ou régénère d’autres anciens conflits revenus sous des formes inattendues tel un terrorisme aveugle et sanglant (des « fous de Dieu » ?). Et c’est l’horreur qui inaugure le troisième millénaire de l’humanité ! Comment oublier ce 11 septembre 2001, ce jour où pour la première fois de leur histoire les Etats-Unis étaient attaqués sur leur sol ? Comment ne pas entendre le cri de vengeance devant tant de douleur d’un peuple meurtri ? Comment éviter le piège tendu ?… Et s’élève la spirale !

De Sarajevo à la Palestine

De la violence à la terreur, la spirale.

Par son attentat à Sarajevo (28 juin 1914), un seul homme, convaincu de son bon droit par des « invisibles » manipulateurs, embrasa le monde. La déflagration aux conséquences macabres (guerre de 1914-1918), va se répercuter, vingt-cinq ans après, par de nouvelles et immenses pertes humaines (guerre 1939-1945 et les déportations), sans que s’apaise le désir de se combattre. De ce phénomène guerre, il reste des séquelles, des plaies encore vives qui empoisonnent les relations internationales. Au contraire de l’espoir exprimé en leur temps, les hécatombes ne raisonnent pas les hommes.

Au cours de ce siècle passé, à partir de la Grande Guerre, des empires et des royautés disparaissent dans le maëlstrom des confrontations. Des États sont redessinés souvent dans l’arbitraire. Depuis, ces « nouveaux » États contestés dans leurs frontières constituent des foyers de tension permanents. L’agitation aidant, à leur tour ces foyers génèrent d’autres « rapports de forces » de nature différentes, tel celui d’ordre religieux. Par un nouveau lien de cause à effet des pays, jusque-là restés neutres, viennent à la rescousse du pays « frère » estimé en danger. Ainsi s’engrène l’agressivité jusqu’à ce qu’interviennent des pays tiers, externes aux zones des combats, pour jouer les médiateurs. La problématique est là : comment ramener la paix des esprits alors que le cœur n’est pas au pardon après tant de morts données de part et d’autres ? sans compter les terres que chacun dit posséder chez l’autre qui ne veut point les céder.

On l’aura compris, il s’agit ici du conflit le plus significatif du moment. Il résulte des mauvaises relations entre Israël et le Monde arabo-palestinien. Situé en Palestine, ce foyer de guerre quasi permanent est la conséquence de la dislocation initiale de l’empire ottoman après 1918. De là est né le désir de reconstituer des états indépendants suivant le principe de « l’autodétermination à disposer d’eux-mêmes ». C’était sans compter sur de très vieilles revendications territoriales, et aussi quelques dures rancunes certainement, qui ressurgissent ou s’affermissent au fur et à mesure où les pays sous-tutelle (anglaise ou française) deviennent souverains.

Rappel : Israël devient indépendant le 14 mai 1948 et est reconnu dans ses frontières en 1949. Depuis, la discorde avec les Palestiniens évincés s’amplifie et ne cesse pas. La colonisation des terres par Israël qui boute hors les Palestiniens par la force, détermine des Palestiniens, hommes ou femmes, chargés d’explosifs à semer la terreur chez leurs ennemis israéliens, et vice versa. Dans un tel cycle de violence la réconciliation est-elle possible ? En 2003, comme on le voit, rien n’est résolu, d’autant que se greffe sur ces rapports déjà bien difficiles et complexes la question religieuse.

Juger

Arrivé à ce point d’explication du processus guerrier, duquel il faudrait retenir une certaine mise en garde quant à l’avenir de nos démocraties, riches certes, mais fragiles [d’ailleurs, je me demande : est-ce la richesse qui permet la démocratie ou la raison seule qui y conduit ? (50)] quel jugement porter sur la guerre après tant de sacrifices consentis, pour nous à partir de notre premier mort, le lieutenant Lucien Bedos et de ceux qui ont suivi en longue liste jusque dans notre temps le plus récent ? Les décideurs du passé, savaient pourtant que «c’est un principe premier qu’à la guerre on tue des hommes » (51).

Malheureusement, force est de constater avec Hubert Reeves, même si l’on en refuse l’aspect fataliste, que notre « histoire humaine est une séquence monotone de guerres et de massacres et de carnages […] » (52). En un regard vers la nuit des temps, elle offre une large ouverture pour l’interprétation du phénomène guerre, duquel relèvent aussi nos guerres contemporaines.

Quel jugement porter devant tant de diversités, de variétés de situations liées à l’art de tuer les autres (« l’art de tuer est un champ d’intérêt privilégié de l’intelligence humaine » (53)) ?

Le phénomène guerre excite l’imaginaire et touche les tréfonds des sentiments. Chacun en déduit des finalités ou en refuse les causes, extrapole et en corrige l’historique, philosophe sur les raisons qui conduisent les hommes, cherche le pour, le contre, critique, réclame la gloire pour les combattants, crie son horreur de l’hécatombe et, péremptoire, juge ! Le jugement, le plus souvent modulé selon ses désirs ou ses convictions, s’échappe des réalités du moment vécu par les hommes appelés à se déchirer.

Si l’on admet la spirale montante de l’agressivité qui conduit les peuples vers les guerres, heureusement, il est des pays qui ont la bonne idée de la maîtriser. Ils ont oublié leurs intérêts particuliers et ont mis leur tout dans un « pot commun » en espérant conduire leurs peuples unis vers un monde meilleur. Les pays d’Europe sont sur cette voie, bien qu’il reste de la route à parcourir. Nous y trouvons les ennemis d’hier devenus des amis aujourd’hui.

La France et l’Allemagne se sont réconciliées et vont la main dans la main. Une histoire commence, alors que s’estompent les années noires des confrontations. Qui pouvait croire qu’un jour ces deux nations oublieraient leur rancœur pour construire un avenir commun ? Cette situation n’appelle-t-elle pas nos regrets de ne pas avoir su nous ménager dans le passé. Ne regrettons-nous pas tous ces morts ? Oserions-nous dire comme l’éditorialiste : « ce qui fait le plus enrager, c’est que cette guerre horrible [1914-1918] aurait pu être évitée sans trop de peine » (54) ?

Comment expliquer aujourd’hui ces guerres qui nous séparaient ? Comment comprendre les tueries provoquées ? Cela aurait pu être évité, nous dit-on ? Qui aurait fauté ? Du gâchis ? Quelle est cette amertume qui nous renvoie à l’absurdité des guerres !

Tout de même, ceci étant, devons-nous ignorer le sacrifice de nos morts ? Dans un moment de reconnaissance ne devons-nous pas, au contraire, les glorifier pour nous avoir préservé la liberté ? « D’abord hommage aux héros […] Paix sur les morts. Pardon aux cruels, estime aux braves car ce sont les mêmes » suggère Alain, en s’adressant « au peuple allemand au nom du peuple français » (55).

Peut-être, disant cela, sommes-nous dans la nostalgie d’un passé révolu ? Passé chevaleresque où les hommes allaient en rang face à la mitraille y perdre leur vie au nom d’une patrie devenue « désuète ».

Comment juger et prendre position dans l’ambivalence innée de nos sentiments ? Car, je le dis en conscience avec l’humaniste (56) : « Quiconque ne maudit point la guerre soit maudit !… Amen ! » ; pourtant je reste persuadé que la force peut m’être nécessaire pour me préserver de l’esclavage et de la domination d’un pouvoir liberticide, d’où qu’il se manifeste, quelle que soit la doctrine prônée.

Nostalgie ?

« Plus tard on se retrouve à raconter ses campagnes :

‘Mon vieux, ça c’était quelque chose ! Ça au moins c’était la guerre, la vraie ! A les étendre l’un sur l’autre, comme une rafale de glaviots !’.

Rien qu’à voir leurs yeux briller à l’évocation des ces spectres sanglants, on le sent bien : c’est la guerre, la guerre’ toute nue […]. C’est le sang et rien d’autre, réclamant sa fête et sa joie ; son culte et sa solennité. » Ernst Jünger.(57)

-o-o-o-o-

« Cette idée que la guerre n’est plus ce qu’elle était […] Ce bon temps de la ‘vraie guerre’ auquel la modernité aurait mis fin […] Deux façons de l’entendre. Deux ‘lamentos’ distinct :

Le lamento esthétisant. Et donc, celui de la complaisance. Il était une fois des guerres d’hommes. Des écoles de courage et de vertu virile. Il était une fois des vraies bonnes guerres héroïques, basées sur le contact physique, dont la technique a sonné le glas, et c’est tellement dommage […] (58)

Et puis il y a l’autre façon. […]. Il y a le souvenir de ce temps où les guerres, si hideuses, haïssables, meurtrières fussent-elles, avaient, tout de même, des enjeux.

C’est le : ‘il était une fois la guerre révolutionnaire, avec son cortège de héros, de martyrs’ ; ou le : ‘il était une fois les guerres politiques, simplement politiques […] ; ou encore : ‘il était les justes guerres antifascistes ; il était une fois les guerres de résistance qui, par la guerre, résistaient au pire-que-la –guerre’.

Il y a toute cette autre pensée de la guerre, non pas virile, exaltante, source de grandeur ou d’accomplissement de soi, mais tout simplement nécessaire car l’alternative à cette guerre ce ne serait pas la paix mais l’enfer.

Qu’il y ait, dans cette seconde pensée de la guerre d’autres distinguos à opérer, que ce ne soit pas la même chose de prôner la guerre contre le nazisme et la guerre contre l’impérialisme, qu’il faille tenir en haute suspicion un concept – ‘guerre politique’ - qui contraindrait à penser ensemble, dans la même catégorie, le geste du démocrate n’aspirant qu’à vaincre un totalitarisme (nazi, stalinien, islamiste - fondamentaliste…) et celui du nihilisme vouant la terre sèche de la vieille Europe à l’incendie purificateur de la guerre révolutionnaire (le jeune Aragon, tous les gauchismes…), j’en suis le premier convaincu. » Bernard Henri Lévy (59)

Pacifisme

« Combien je trouve admirable cette foi en des idées élevées qui portent à ces sacrifices [mourir pour la patrie] ceux mêmes qui sont les plus ardents défenseurs de la paix ! Que leur opposeront ces militaires qui prônaient la guerre à l’égard d’une vertu ? » (60)

Le mouvement pacifiste

Le pacifisme, est l’une des composantes incontournables de l’histoire des guerres contemporaines. Ce mouvement a toujours accompagné en contre-point, de manière sous-jacente, les engagements et les non-engagements (tel, celui pour la seconde guerre en Irak) de la France, dans un quelconque des conflits nés depuis la guerre de 1914-1918.

Nature du mouvement - Idée de base

Bien que n’ayant jamais atteint pleinement ses objectifs, que d’aucuns qualifient d’utopistes, le mouvement pacifiste est considéré apte (au plan philosophique, pour le moins) à tempérer le bellicisme des États, au besoin à sauvegarder les droits de l’homme. Peut-être d’un certain point de vue, contestera-t-on ses méthodes employées sur le « terrain » pour aboutir dans ses revendications.

A la limite nous pourrions demander aux pacifistes : est-ce que tout est matière à révolution ? tant de fois ils ont manifesté leur agressivité. N’est-ce pas un signe d’impuissance ? N’agissent-ils pas à contrario de leur raison d’être ? la Paix et l’Harmonie pour tous.

Vue la dispersion des idées au sein du mouvement, comment savoir s’il existe un cap commun ? Qui est le directeur de conscience ?.

L’ évolution, liée à l’état de guerre.

Le pacifisme « engagé » prolifère de manière significative à partir de l’hécatombe de la Grande Guerre. Il est « encouragé » politiquement par l’aboutissement de la révolution Russe et la chute du tsar (1917), puis de la signature de la paix de Brest-Litovsk (1918).

Notons un temps fort, en France, lors des mutineries de 1917 (61) résorbées par Pétain grâce à des mesures fermes des plus difficiles (condamnations à mort) aux plus apaisantes pour les Poilus (permissions, relèves des premières lignes du front plus fréquentes pour éviter l’épuisement des effectifs des régiments engagés au combat ).

L’entre-deux-guerres renforce le mouvement (années 1930) avec des interventions appuyées par les politiques, les intellectuels, les syndicats, et même, de plus en plus, les anciens combattants (n’était-ce pas la meilleure solution, face aux dictatures naissantes en Europe ?)

On fait toujours référence aux accords de Munich pour vilipender le mouvement pacifiste. En effet, « Chamberlain savait que son peuple voulait la paix ; qu’il souhaitait que son argent fût dépensé non pas dans l’armement, mais pour améliorer sa vie quotidienne » (62). En France, la situation était similaire avec ses pacifistes de base qui ne cessaient de dire: « si pas d’armée, pas besoin d’armement ; si pas d’armement, pas besoin d’armée, et donc au total, pas de guerre ». C’est sûrement ce type de raisonnement primaire qui enlevait toute crédibilité au mouvement. Encore aujourd’hui « le mot même de pacifisme, au lieu de qualifier positivement, disqualifie » (63)

Après la seconde guerre mondiale, le pacifisme change de visage, en fonction du partage du monde et de la guerre froide qui s’ensuit entre les blocs antinomiques en présence. D’où des guerres « justes » et des guerres « injustes » qui donnent du champ aux pacifistes de tous bords, guerres provoquées chez les autres, bien entendu. Les guerres chez soi, elles, cessent dès après la seconde guerre mondiale.

Il est admis, à présent, que le pacifisme « révolutionnaire » a fait son lit des multiples mouvements dits « de paix » qui avaient surtout pour objectif de déstabiliser l’Occident au profit de l’URSS, sinon de la Chine, pays « supports » du communisme international. Ne soyons pas naïfs, à l’inverse l’opposition, les « Impérialistes » (selon la terminologie encore en usage chez certains pacifistes, surtout pour désigner les Américains du Nord), n’est pas restée passive. Bien des actions ont contrecarré, pas toujours avec succès, l’ambition des mouvements de paix. Tout ceci, si j’ose dire, était de bonne ( ?) guerre avec, pour résultat, la mort de bon nombre de soldats et de civils ; sans parler de multiples séquelles morales et physiques laissées pour solde de tout compte, dans les pays théâtres des violences initiées au nom de la paix. Incroyable, lorsque nous y regardons de près.

Pour ce qui est de la France retenons les guerres de décolonisation, à cause desquelles nous comptons de nombreuses victimes. Malgré le temps passé, les rancœurs, les frustrations, restent vivaces, et certains, peu enclins au pardon, s’emploient à raviver les blessures. Ressasser ou revenir sur des événements pas forcément glorieux pour la France (nous en convenons, mais notre présence en ces pays était-elle absolument négative ?) ; est-ce une manière de vouloir la paix, finalité du pacifisme ?

Que dira l’Histoire en conclusion de ce passé une fois oubliées les idéologies ? Pouvait-on croire le 11 novembre 1918, en la construction d’une Europe réconciliée, comme le pressentait Eugène-Emmanuel Lemercier (64) (mort pour la France le 6 avril 1915, aux Éparges) : « Ces événements préparent l’éclosion d’une vie nouvelle ! celle des États Unis d’Europe […]. Eh bien ! les horreurs de la guerre de 1914 conduisent à l’unité européenne […] ? J’en arrive à me demander, peut-être en rejoignant un certain esprit pacifiste, pourquoi tant de morts dans toutes ces guerres depuis 1870 ? Alors, en arrivera-t-on à la paix des esprits à présent que d’autres menaces nous concernent tous, auxquelles nous devrons faire face certainement en usant de la force à notre tour ?

Changement d’orientation et de contenu.

Après la chute du mur de Berlin, du « rideau de fer », de la conversion de l’URSS en Russie, de la Chine qui rejoint à petits pas le camp du capitalisme « bien compris », le pacifisme « combattant » prend une autre orientation. Il se préoccupe au premier chef du Tiers-monde, au titre de l’humanitaire ou de l’économie face aux grands pays « prédateurs » ; d’où encore des violences. L’écologie n’est pas le moindre de ses soucis surtout s’agissant du nucléaire et bien d’autres sujets de discordes, par exemple l’emploi face à la mondialisation, etc. D’ailleurs sait-on s’il s’agit réellement de pacifisme ou de confrontation politique par des extrêmes ? L’impression est qu’agissant dans une pensée « dispersée », il est bien difficile de décrypter le contenu du

concept pacifiste. Essayons !

Une croisade pacifiste

Bernard Henri Lévy (B.H.L.) « philosophe et écrivain » aussi « reporter » (65), nous brosse quelques tableaux assez tristes et émouvants de guerres contemporaines récentes qu’il a bien connues à l’occasion de ses voyages « engagés ». Après en avoir décortiqué une demi douzaine, façon reporter-philosophe, il en arrive à se demander comme le plus commun des pacifistes comment : « En finir avec la guerre » (66).

Son « optimisme » n’étant pas « mort », redevenu « militant », il est prêt « à partir en croisade contre les compagnies pétrolières, coupables de tous les maux du Soudan ». Fichtre !

Au Soudan se déroule une de ces guerres exportées chez les autres. Elle perdure depuis le temps de la guerre froide. J’en rappelle le mécanisme. La guerre est déclenchée au nom de l’« anti-impérialisme » pour la « libération » des peuples dits « opprimés » : la guerre pour la paix. C’est l’un des paradoxes de Mao Tsé-Toung : combattre la « guerre injuste » par une « guerre juste » de manière à entrer dans une « ère de la paix perpétuelle pour l’humanité » (67).

[S’agit-il, pour Mao Tsé-Toung d’une vue mythique du monde au travers d’une pseudo-religion temporelle ?D’une philosophie chinoise, basée sur la lenteur du temps qui permet de déplacer les montagnes ? Ou d’une corruption de l’esprit pratique : bâtir des sociétés parfaites en tous lieux y compris ceux à décoloniser (quitte à imposer un nouveau joug tout aussi « régulateur » que le précédent) ? Société à l’économie planifiée en tout et pour tout, contrôlée à l’extrême. État policier, omniprésent, pointilleux, réglementant tout, jusqu’au choix des sexes des enfants à naître (que des garçons ! pas de filles !). Société ubuesque dont je ne veux point, sauf à souhaiter la peste et le choléra à mes concitoyens, à moins que, plus humainement, Mao se soit trompé sur la nature des hommes ?]

Si je comprends bien la thèse de B.H.L. : au Soudan la paix ne revient pas. La guerre s’installe au point qu’on ne sait plus pourquoi on s’y bat. Si on le sait on se garde bien de le dire aux autochtones. D’où une guerre « astuce » ou « ruse », ce qui meurtrit B. H. L. Il lui semble que si on perpétue au Soudan une guerre sans nom, c’est pour disposer des ressources pétrolières du pays. Ce qui n’est pas évident tant les rouages apparents de la guerre sont rendus artificiellement complexes. Impossible de déchiffrer l’enjeu véritable : le pétrole.

Ceux venus de l’extérieur pour mettre bon ordre, se gardent bien de départager les protagonistes du moment que leurs intérêts nationaux sont sauvegardés. Au résultat, les Soudanais jouets, fétus de paille, sont broyés par la « grande économie » après être passés par la moulinette « de la grande doctrine ». Pour finir, le philosophe, l’homme empreint de compassion pour la population soudanaise, envisage de partir « en croisade contre les compagnies pétrolières ».

Or, les bonnes intentions ne sont, pour le cas, qu’une « croisade de l’esprit ». Avouons-le, le bon vouloir est impuissant à remettre en cause l’ordre économique mondial, surtout celui des pays bien assis dans leur fauteuil. Le moteur énergétique de cette économie, pour le principal, c’est le pétrole [ce, jusqu’à preuve du contraire, en attendant les nouvelles énergies à découvrir] ? Ne sait-on pas que parler d’« or noir », enfièvre les esprits ? Si le pétrole venait à manquer, quid de notre confort ? y pensez-vous ?

Non ! vraiment, un homme de bonne volonté, seul, ne peut y suffire. Avant même de s’exécuter, Bernard Henri Lévy prend un temps de réflexion et finit par se raviser :

« Ma croisade » déclare-t-il, « pour quoi, au juste ? Pour l’éradication de la guerre ? Pour convaincre mes contemporains, pétroliers ou non, qu’il serait si facile d’être bon, de renoncer à tuer, etc. ? Je ne crois pas à cela. Je crois, au fond de moi, que la guerre est, comme le sexe, et la mort, une donnée de la condition des hommes. Je crois que l’homme, de même qu’il est le seul animal à pouvoir aimer pour aimer, par plaisir pur, sans procréer, est le seul aussi à tuer pour tuer, sans nécessité, par plaisir encore ». Et puis encore, pour nous persuader de la nullité de la confiance que nous pourrions accorder aux hommes : « La guerre, que nous le voulions ou pas, prospère, frappe à nos portes et même, désormais, au cœur des capitales de l’Occident […] ».

« En finir avec la guerre – vœux pieux ! absurdité ! » (68). Si je comprends bien le philosophe : restons au niveau des idées et du verbe. Équilibrons nos esprits hors les passions toujours déçues. Soyons satisfaits de soi, en bonne conscience, puisons ? Soit ! en résumé, contrairement à ce que nous pouvions attendre d’une croisade pacifiste, admettons son impuissance à sauver l’humanité souffrante ; prônons la fatalité de la guerre, puisque fatalité il y a, ce, en total désaccord avec le fondement du pacifismes.

Impressions

Le pacifiste Christophe Barbey pense « que les êtres humains ont besoin d’harmonie, voire de paix, et qu’ils ne peuvent en aucun cas, de façon générale, s’en passer » (69) Bien ! malheureusement, des tensions existent, le monde est bien loin de l’harmonie souhaitée. Et chacun y va de son idée pour rechercher l’équilibre, d’où «l’ extrême hétérogénéité de ce courant » (70) de pensée ce qui engage Jean-Philippe Lecomte à déclarer que « le pacifisme se laisse difficilement définir » (71).

Effectivement, vu de l’extérieur, nous apercevons un éventail d’idées et d’actions du mouvement largement ouvert. Cela va du plus utopique des concepts au plus pragmatique, en passant d’une attitude « bon enfant » à celle des plus agressives, sinon violentes ; de la représentation folklorique au sein d’une société en marge, à celle d’un groupement structuré, partisan, parfois engagé au sein d’un parti politique, en général marqué à gauche, sinon à l’extrême gauche, telle que nous la définissons de nos jours. Ceci n’exclut pas l’existence d’un pacifisme modéré et conciliant dans sa revendication. Tout ceci donne une image bien brouillée du pacifisme. En définitive, c’est à se demander, si le pacifisme n’est pas plutôt une question de sensibilité personnelle, dont le résultat est le morcellement de la pensée fondamentale pacifiste ? Peut-être est-ce ainsi que le message au public est brouillé ; que la force de persuasion se perd au bénéfice, à l’inverse, des groupuscules les plus agissants, parfois violents, qui finissent par décourager les mieux disposés à l’égard du pacifisme ?

Aux multiples visages s’ajoute le foisonnement d’idées qui donne une impression de divagations intellectuelles, qui oblitèrent les bonnes intentions du pacifiste « honnête homme ». Peut-être pourrions-nous qualifier ce mouvement en deux mots : « individualiste » quant à ses buts, et « indéfini » dans sa démarche pour les atteindre.

Composantes

Pour contre-balancer mes impressions toutes personnelles sur le mouvement pacifiste, ce que l’on peut contester bien évidemment, je pense utile de clarifier la situation de ce mouvement en indiquant ci-après les composantes proposées par ailleurs (72) ; j’en ai relevées cinq dont une en cours de formation :

les deux premières concernent « l’histoire du mouvement ouvrier ».

la troisième s’adresse à l’ère « post-moderne » (après 1945 – voir Allemagne et Japon).

la quatrième est liée « au mouvement écologiste et à la nouvelle rationalité alternative »

« La première composante est le pacifisme anti-autoritaire, anarcho-syndicaliste de la fraternisation de l’armée avec les rebelles ou les grévistes sur lesquels elle est censée tirer. C’est la tradition du 17e régiment sous la Commune de Paris (sic). C’est aussi la tradition de la désertion, du sabotage durant la première guerre mondiale, du blocage au port des navires chargés de troupes coloniales. La tradition socialiste avant la guerre de 1914 s’y est rattachée. Celle du communisme utopique également. On la retrouve dans ce couplet de l’Internationale « les rois nous soûlaient de fumée/ morts aux tyrans, paix aux armées/ S’ils s’obstinent ces cannibales à faire de nous des héros/ ils verront bientôt que nos balles/ sont pour nos propres généraux ! »

[Jean Muller constate que « la collectivité nationale, au nom de l’idéologie dominante, [jette] l’anathème sur les pacifistes en les accusant d’être des traîtres et parjures » (73), cette composante, n’en est-elle pas la raison ? N’avons-nous pas eu à subir des trahisons, à présent absoutes au nom de la réconciliation nationale, origine de bien d’amertume dans le cœur de ceux qui ont accompli leur devoir commandé par la nation ? Et nos morts, ont-ils droits aux honneurs, au moins ?]

La deuxième composante très active dans l’histoire du pacifisme politique, mais à éclipses, est le pacifisme tactique de la Troisième internationale, du Lénine de l’Appel de Zimmervald ou de la paix immédiate en 1917 (74). Un pacifisme de l’accord germano-soviétique. Il est plein d’arrière-pensées. Loin de s’interdire la guerre comme horizon stratégique, il fait du pacifisme la meilleure arme pour attendre des circonstances meilleures. (75)

La troisième composante du pacifisme est également un pacifisme tactique, mais au lieu d’être une tactique révolutionnaire, il naît dans les États post-modernes

[1945 - Allemagne fédérale et Japon s’interdisent d’avoir recours à la guerre afin de rassurer l’URSS et la population, et obtenir ainsi leur adhésion à ce que les deux États en question, recouvrent leur autonomie (donc fin de l’occupation) – ce pacifisme a toujours cours, à présent dans l’Allemagne réunifiée (Cf. application lors de la guerre en Irak)].

La quatrième composante du pacifisme renoue avec un pacifisme stratégique. »

[De droit international, seul l’ONU peut décider d’engager des « guerres de ripostes à une agression » – 1ère guerre Irak – Les États s’interdisent de se déclarer la guerre – d’où la (nouvelle) notion de « guerre juste ». Il s’ajoute le rejet de l’emploi des armes « Nucléaires – Chimiques - Biologiques », « N.B.C. »].

Une cinquième composante, se serait révélée lors de la seconde guerre en Irak. On nous prédit qu’elle « réapparaîtra lors de tout nouveau conflit ». Nous serions en présence alors, d’un « nouveau pacifisme » résultat d’une « superposition et entremêlement des quatre [précédentes] composantes dont aucune n’a complètement disparu ».

Quant à l’avenir, l’auteur pense que « la fécondité politique du nouveau mouvement pacifiste dépendra largement du poids respectif que parviendront à acquérir chacune des composantes. [En particulier], plus la quatrième composante sera organisée et puissante, plus elle fera sa jonction avec la première, plus les risques de manipulation du désir de paix des multitudes comme levier de la création d’une hyper - puissance européenne seront faibles. » (76)

Non-violence (77)

Des pacifistes plutôt sympathiques, s'ils sont de bonne foi, échappent me semble-t-il au classement donné ci-dessus. Ils se rangent sous la bannière de Gandhi. Sous couvert du "droit à la désobéissance civile" préconisé par le maître, comme lui, ces pacifistes se rangent parmi les "non-violents". Certains, en application de ce principe refusent de porter l'uniforme militaire et se déclarent "objecteurs de conscience", ce qui est, à présent, légalement admis.

L'idée de base étant de discuter des lois et du pouvoir si on ne les juge pas acceptables, il reste à savoir sur quels critères se base le dit jugement pour appliquer le principe, jusqu'à y compris la désobéissance ou la non-coopération.

On parle "de rompre sa collaboration tacite avec l'injustice légalisée, lorsque celle-ci lui apparaît manifeste". Si cela est laissé à l'appréciation du pacifiste, il ne sera pas hasardeux que l'épreuve de force se produise avec le pouvoir en place. En définitive, les choses ont toutes chances de s'envenimer d'un côté comme de l'autre. On peut en arriver à la violence, contrairement à ce qui était souhaité ; et obtenir une situation bloquée, avec mise à l'écart du pacifiste.

L'éthique de la non-violence, rejoint l'éthique des droits de l'homme puisque "la proclamation des droits de l'homme comme l'action non-violente, dénonce les formes de violence que tout homme peut toujours être tenté d'infliger à son semblable".

Le pacifisme des femmes

Voici un bref exposé sur la femme dans le mouvement pacifiste, d’après des extraits de « Les femmes et leur histoire » de Geneviève Fraisse (78) :

Les femmes s’impliquent assez tôt dans la voie du pacifisme. Elles vont accompagner le pacifisme des hommes depuis 1867 (fondation de la Ligue internationale de la paix, par Frédéric Passy) jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Geneviève Fraisse détermine quatre caractéristiques de démarches de la femme pacifiste :

1 La femme auxiliaire, qui se fie à « sa nature pacifique et pacificatrice », en tant que compagne de l’homme.

2 La future citoyenne qui se dit concernée par le problème politique de la guerre, qui en dehors de sa « nature pacificatrice », en appelle à sa « nature maternelle » , ce sont les suffragettes féministes.

[En 1914, le mouvement des suffragettes, représente 12 000 adhérentes. Il est soutenu par le Parti socialiste ; 300 députés s'y sont ralliés].

3 La militante féministe et socialiste, se révèle au moment de la guerre de 1914 qui « la met en demeure d’agir en responsable politique » C’est Hélène Brion qui déclarera devant le Conseil de guerre en 1917 que « toute guerre, même civile et révolutionnaire est injuste ».

4 La femme des partis de gauche : « Entre les deux guerres, le parti communiste, le parti socialiste pensent ‘politiser’ les femmes en leur parlant pacifisme […] pédagogie primaire » - Ici, il est fait appel à sa « nature paix ».

Geneviève Fraisse, nous propose Madeleine Vernet (1879-1949) comme représentative de ces caractéristiques dont voici un de ses textes, révélateur d’une certaine impuissance devant la décision d’entrer en guerre (1914), où « seuls les hommes sont partie prenante » :

« Puisque les hommes s’en allaient ; puisque fous et inconscients, lâches ou héroïques, dominés par les évènements ou incapables de leur résister, ils s’en allaient vers le gouffre et vers la mort, une tâche nous restait encore, tâche sacrée et imprescriptible : sauver les enfants du désastre ». [« Il ne s’agit pas faire œuvre de charité en recueillant des enfants abandonnés pendant la guerre mais plutôt de préserver l’avenir en faisant leur éducation ; c’est donc un acte politique », écrit Geneviève Fraisse.]

Et pour conclure trois déclarations (79), entre bien d’autres, de Madeleine Vernet adressées aux femmes : « La guerre ! Quelle insulte à la maternité ! » ; puis, « La maternité n’est pas la patrie » ; et enfin, « Soyons logiques : ne haïssons pas seulement la guerre, haïssons le militarisme ». [Cela n’empêchera pas les femmes de participer à l’Union sacrée, et, pour la plupart, de mettre de côté leurs revendications pour reconnaître les droits des femmes].

Antimilitarisme

Parlant de pacifisme, je ne peux ignorer un des aspects particuliers qui en découle en toute logique, je nomme : l'antimilitarisme. Du point de vue (primaire ?) du pacifiste, l'antimilitariste est celui qui s'oppose à tout système institutionnel qui va dans le sens de la guerre.

L'antimilitarisme ne date pas d'aujourd'hui. Depuis le temps de nos grands-pères un esprit antimilitariste persistant se manifestait hors les critiques sévères du système en soi et de l'encadrement militaire, souvent par une opposition au service militaire ("devoir sacré" pour les patriotes d'antan).

Voici un exemple, dont les termes resteront longtemps d'actualité. Vers la fin de XIXe et début XXe siècle, l'antimilitarisme fait son chemin (parallèlement à l'anticléricalisme) pendant que d'un autre côté un patriotisme revanchard s'agite. Francis Jourdain, né aux environs de 1876, explique ici son antimilitarisme, sans d'ailleurs se référer à une quelconque doctrine pacifiste (80):

"Au temps de mon adolescence, on était volontiers antimilitariste [Selon Francis Jourdain, son 'On' représente 'à peu près tous des jeunes français', ce qui reste à démontrer].

La génération à laquelle j'ai la chance d'appartenir, fut privilégiée : le poison de la guerre [en l'occurrence celle de 1870] fut épargné à notre jeunesse […]. Jeunes bourgeois, nous nous sentions autorisés à l'insouciance et en droit de nous laisser séduire par des perspectives autres que celles de la ligne bleue des Vosges […]. La guerre, nous ne songions même pas à la maudire. Dès nos jeunes années, nous sûmes que l'aventure était ailleurs et aussi le devoir. Le service militaire n'était à nos yeux que le vestige de vieux errements périmés, une corvée à laquelle aucun scrupule ne nous empêchait de nous dérober […]. Pratiquement réduite à dix mois, cette année de 'bagne', n'en était pas moins considérée comme une calamité. J'avais envisagé de m'estropier, préférant la claudication à une saison en enfer ne fût-elle que de dix mois. […]. Fallait-il que l'antimilitarisme ait pris de curieuses proportions, pour que le seul fait de coiffer le képi apparaisse comme un supplice […]".

Puis, l'auteur ajoute : "l'antimilitarisme, sous la forme où nous le pratiquions, prît bientôt les caractères du préjugé". Il était bon de le reconnaître, car il en sera ainsi très longtemps. Cela n'empêchera pas Francis Jourdain (1903) "d'engager les travailleurs lyonnais à rallier l'A.I.A., c'est-à-dire l'Association Internationale Antimilitariste".

Mais le drame survient. L'auteur passe alors d'un antimilitarisme somme toute conventionnel, d'avant guerre 1914-1918, à une position conforme à la doctrine pacifiste :

"La déclaration de guerre m'avait stupéfait et stupéfié. Pas au point que je ne sois exaspéré. J'aurais été effondré si je n'avais été aussi furieux, si je m'étais résigné à la bêtise de la guerre, à sa cruauté, à la bêtise de sa cruauté, à la cruauté de sa bêtise. Les Camelots du Roy chantaient : 'demain sur nos tombeaux, les blés seront plus beaux’. Mensonge. Bêtise et cruauté. Le sang coulait, et l'ineptie. Cruauté et bêtise […]. Malheureux, je ne voulais pas être consolé. Épouvanté, je ne voulais pas être rassuré. Et furieux, je ne voulais pas être guéri de ma fureur".

Heureusement, nous n'en sommes plus à l'"affaire Dreyfus"; l'armée du "Biribi" de Darien 81est un mauvais souvenir. Les "Sous-Offs" (82)de Lucien Descaves sont hors du temps. Non ! L'institution militaire n'a plus rien de commun avec celle des XIXe et XXe siècles.

Sans se référer aux autres évolutions de l'armée, la suspension de la conscription et la venue des jeunes femmes dans ses rangs, sa professionnalisation, ont changé la donne et donc les réactions des Français à son égard. D'ailleurs bien avant cela des conscrits pacifistes, des antimilitaristes, pouvaient opter pour le statut d'"objecteur de conscience" ce qui leur permettait, en s'évitant d'accomplir le service national militaire, d'aller au bout de leurs convictions en toute légalité. C'est ainsi d'ailleurs que le général Bachelet relève que "[…] l'antimilitarisme du siècle passé fait aujourd'hui figure de curiosité historique" (83) .

Sauf les pacifistes qui continuent d'en user dans un but stratégique au bénéfice de leur doctrine, l'antimilitarisme aujourd'hui relève de l'irrationnel ou de l'incompétence à juger la chose. Bien que les guerres et leurs opposants pacifistes restent d'actualité, notre pays s'en tient pour l'instant aux "aux soldats de la paix" , bien différents du "Badamu" de Céline.

Le doute

Jean-Marie Muller, nous donne sa profession de foi : « La vérité de l’intuition pacifiste est de proclamer l’inhumanité de la guerre et de récuser tous les idéologues qui justifient, honorent et sacralisent la guerre […] La guerre est une méthode d’action et sa finalité est juste lorsqu’elle vise effectivement à défendre ou à rétablir les droits de l’homme » (84).

Les termes sont sans ambiguïté par rapport à tout ce qui vient d’être dit sur la complexité de l’idéologie pacifiste. Cependant il y a lieu d’émettre encore et toujours des réserves :

D’abord, je me demande qui, après tant de morts au cours des guerres, pourrait avoir l’audace de « justifier, honorer et sacraliser la guerre » ? à part quelques extrémistes minoritaires. Non ! la guerre n’est pas une fin en soi. D’ailleurs ce serait un crime de laisser croire que la guerre est facilement supportable. Ce serait une trahison envers ceux [les pacifistes, donc] qui la supportent parce qu’ils ont pour unique but d’en éviter le retour et d’en préserver leurs enfants » (85). Malheureusement, les intentions sont une chose, la réalité en est une autre. La guerre est toujours là !

Ensuite, je trouve dans ces « propos » un air de déjà vu, telle la formulation maoïste : « La guerre, nous ne la voulons pas » sauf à aller à l’encontre de guerres « injustes », ce qui est justice (86). Est-ce qu’on ne revient pas à des errements aberrants comme au temps des guerres « chaudes » développées au sein de la guerre « froide » ? Ne mettrions-nous pas, à nouveau, un doigt dans un engrenage mortel (s’il n’y est déjà ?).

En définitive, qui serait en position forte, de faire régner l’ordre ? Quelle instance serait en droit de décréter (pour tous ?) l’état de guerre ? Les raisons de l’engagement seraient-elles bien définies ? En saurait-on les conséquences au préalable ? Des droits de l’homme bafoués, certes ? Où commencent-ils ? Où s’arrêtent-ils ? Sont-ils appréciés uniformément en tous pays, hors les grands principes admis ? Qui peut certifier que ces droits seront restitués après un renversement de régime, suite à une guerre déclarée au nom de ces droits ? Les exemples vécus, ne vont pas dans le sens du Bien, même si l’O.N.U. se targue de vouloir équilibrer le Monde. (87)

Perspectives

J’ai ouï dire que des États, selon des circonstances qui les concernent en propre, ont un droit légal de guerre, un droit d’exercer des violences légales ? (88) Se défendre ou agresser dans un devoir de guerre ! Dans ce cas, loin d’un consensus mondial, nous nous retrouverions dans une situation classique d’état de guerre comme nous les avons connues par le passé. Là, il n’était pas loisible aux hommes d’échapper à leur devoir citoyen. Au premier appel il n’était pas question de tergiverser mais bien d’obtempérer à l’ordre de mobilisation (89), sans délai si l’on ne voulait pas être considéré insoumis ou, à la limite extrême, déserteur. Parfois, dans son subconscient, partait-on sans esprit de retour, mourir pour sa patrie.

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Malgré ce droit de guerre reconnu, je me demande, en tant que « citoyen européen », si nous accepterions aussi facilement de donner notre vie dans un conflit décidé par un gouvernant « lointain ». Ne serait-ce qu’au niveau national, le service militaire disparu, est-il possible de mobiliser les esprits comme auparavant ? Je pense en tout cas que la question ne se pose plus en ces termes du passé.

Il nous faut « refondre » notre état d’esprit au même titre que le suggère un mouvement pacifiste : « A l’heure de la globalisation, les logiques de guerre et les logiques de paix se sont profondément transformées. Les guerres « sans nom » (conflits latents, guerres civiles honteuses, terrorisme…), l’évolution du rôle des institutions internationales (mondiales ou régionales), transformation des formes et des fonctions des armées (mission de police, missions humanitaires…), tout comme l’évolution des sources réglementaires (droit international…), et bien sûr, la mutation technologique des actes de guerre, obligent à réexaminer les fondements du pacifisme… » (90).

Ce changement de dimension et de contenu de l’état de guerre, nous oblige à une écoute plus attentive du mouvement pacifiste. Dans les circonstances complexes actuelles, dont celles crées par le terrorisme, n’est-il pas utile qu’un tel courant de pensée (espérons-le plus homogène et plus réaliste) s’exprime avec plus de force, en toute légalité ? Pourquoi nous priverions-nous d’une contre-information au regard d’un Pouvoir qui, dans un avenir plus ou moins proche, coiffera nos nations européennes ? Comme tout Pouvoir, tout légal qu’il soit, ne sera-t-il pas tenté de cacher quelques vérités pas bonnes à dire lors de son engagement guerrier ? L'actualité, ne nous incite-t-elle pas à la vigilance ?

Le temps où Alain écrivait que le pouvoir cherchait à « prendre notre esprit », et à nous inculquer, dès le jeune âge, ce fameux devoir de mourir pour la patrie, que nous allons évoquer, est bien loin.

Nous sommes à un tournant où toutes nos idées reçues sur le pacifisme s’estompent car « la négation du principe même de la guerre s’efface au profit d’une vision de l’action non-violente active » et que « le rôle de la force militaire se trouve investie de nouvelles missions qui transforment le statut de l’action militaire » ( J. Ph. Lecomte) (91).

La belle mort

« L’accent est mis sur la leçon de dévouement, de courage, qu’ont donnée les combattants ; il convient d’être digne de ceux qui sont morts au champ d’honneur » (92)

Éléments de réflexion

Depuis la guerre de 1870 jusqu'à nos jours, l'interprétation du mourir pour la patrie sur le champ de bataille - "la belle mort" - a varié d'une guerre à l'autre, jusqu'à se demander si cela a encore un sens.

Sous la Troisième République, en 1914, débute l'ère des guerres "industrielles" qui verra, après les hécatombes des deux guerres mondiales, le déclin du don ultime de soi pour la patrie.

La patrie (93), elle même, perd de son sens restrictif pour donner place à celui plus large de nation. Une "nation-creuset" où se fondent diverses cultures venues de l'extérieur pour lui donner un visage tout autre que celui de la patrie originelle, trop nostalgique (94) pour certains.

Ce n'est pas tout. La nation, à son tour, commence une lente mutation pour se positionner dans un État élargi - en l'occurrence l'Europe - lui-même situé dans un monde où des frontières "se superposent et portent la marque de tous les héritages, de toutes les époques de l'histoire" (95). Ainsi, les civilisations se mêlent pendant que s'effacent, ou tout au moins s'oblitèrent les fâcheries d'hier, tout en laissant apparaître de nouveaux conflits de natures et de genres différents (96).

A force de mutations et de superpositions nous arrêterons-nous au "seuil qui sépare les civilisations en plein essor où se substitue alors une frontière militaire qui se veut infranchissable" ? ou bien devons-nous adhérer à l'idée que "la seule protection véritable, c'est l'ouverture au monde" ? (97).

Dans ces conditions, que devient ce mourir pour la patrie ? De quelle patrie s'agit-il ? Elle n'est plus. La patrie de nos Poilus, pour laquelle 10 000 environ de nos Catalans ont donné leur vie, a rejoint le passé oublié. Reste notre devoir de mémoire, une « mémoire douloureuse » (98), qui se dilue dans les valeurs rapportées au contexte mondial actuel.

L'armée aujourd’hui, n'est plus en présence des guerres « nostalgiques », où les fantassins de la « reine des batailles » (l’infanterie), supportaient tout le poids des combats au corps à corps. « Ce bon temps de la vraie guerre […] la modernité [y a] mis fin » (99). L’armée présente un nouveau visage dans ses équipements et ses matériels "technologiques". La suspension du système de conscription (100) a radicalement vidé son contenu "patriotique" , puisque ses missions, orientées vers "l'intervention armée à l'extérieur" plutôt que la guerre au nom de la patrie, ont modifié sa raison d'être. La patrie est-elle encore d'actualité ? Trouverions-nous des soldats décidés à mourir pour elle ?

Quant à l'avenir : ce jour la Chine, un géant, "lance" un homme dans l’espace (101). Un pas de plus vers la science fiction qui change, une fois encore, les rapports de forces entre grands de la planète terre. Va-t-on recommencer une guerre des étoiles ? Qui veut être le maître du ciel ?

Qui voudrait, après les guerres « chez les autres », d’une guerre « ailleurs » ? Tout semble possible en toute chose, tant est rapide l'évolution technologique et puissante l'invention, l'ingéniosité des hommes, pour le Bien comme pour le Mal. Quand on pense que certains cherchent à modifier "l'humanité de l'humain" (102), dans sa nature originelle, par exemple en le "clonant". Pourquoi ? Pour l'envoyer à la conquête de l'univers sidéral mesuré en temps infini ? Allons-nous étendre notre folie, jusqu’aux astres scintillants, mystères de notre enfance, alors que nous ne sommes toujours pas en vu de la « terre de paix » ?

Le présent, lui, est déjà dans le futur. La fiction devient réalité, en particulier dans la biotechnologie. De quoi doit-on s'inquiéter puisque, nous dit-on, « pour l’humanité de l’homme, le risque n’est plus d’être fracassée par de belliqueuses violences » (103). De quel nouveau risque nous parle-t-on ?

"Mais le philosophe ne pouvait pas prévoir que l'être humain créerait un jour l'intelligence artificielle, les robots, les prothèses, les transplantations d'organes, les manipulations génétiques et pourrait aller jusqu'à créer de nouvelles espèces. Si nous tournons nos regards vers les siècles à venir, vers le prochain millénaire, nous savons avec certitude que les êtres humains seront amenés à faire des choix concernant leur espèce, l'espèce humaine, et leur nature, la nature humaine". Francesco Alberoni, Salvatore Veca, "L'Altruisme et la morale" traduit de l'italien, Ramsay Parie 1990 - Édition originale, Garzanti, Milan 1988, p.140 -

Puisque des civilisations sont appelées à se refondre dans des États aux frontières élargies, et ainsi écrire une autre histoire humaine ; puisque l'homme, en tant que tel, pourrait échapper à notre réel et se projeter dans un univers angoissant pour nous, le souci majeur n'est-il pas de cerner ce que sera ce monde "explosé". Actuellement, au bord du gouffre de l'inconnu, il est déjà dans la quatrième dimension, l'espace. Quelle sera la conception de ce monde nouveau, où l'information synonyme de puissance, sera dans les mains de quelques riches puissances (Cf. concept "space dominance" (104)) et que l'homme aura lui-même, peut-être, changé de nature ? Devra-t-on, à un moment donné, sacrifier notre vie, dans quel but ? Qui peut savoir ? Qu'il me semble loin ce temps où la patrie enflammait l'ardeur guerrière de nos jeunes Poilus !

De la philosophie

Remarque

En introduction de sa communication sur le thème mourir pour la patrie, qui intéresse « à la fois les historiens et les philosophes », le philosophe Ernst H. Kantorowicz, un des maîtres à penser en la matière, estime ne pas pouvoir « donner [en quelques pages] une étude exhaustive d’un problème aussi complexe » (105). Alors, ne soyons pas plus royaliste que le roi; restons dans les limites du nécessaire simplement pour éclairer notre devoir de mémoire. [Pour ce qui me concerne, en aurais-je eu la capacité, il n'était pas dans mon intention d'entrer dans la complexité du débat d'érudits.]

Patrie et héros

Comme déjà dit, la notion de patrie se dissout au fur et à mesure qu'évoluent les frontières, et que les civilisations se fondent. Notre patrie, terre des pères, mère de tous les citoyens, laisse place à une entité encore à parfaire : l'Europe. Plus qu'une implication dans des guerres lointaines, chez les autres, à ce jour, le plus important pour une nation est sa crédibilité au plan économique dans le monde. Le but de l'économie dans une nation est de satisfaire les besoins de ses membres. Bien maîtrisée, l’économie est source d’équilibre financier et politique. On peut considérer les choses ainsi, en attendant de voir le destin de l’humanité avec des hommes « rebâtis ». [Dans un avenir plus ou moins proche, ne s’agit-il pas d’intervenir sur la nature de l’homme en lui-même ?].

Flux financiers et flux migratoires à maîtriser, transferts de richesses techniques à provoquer, fuites de cerveaux à préserver, destructions d'emplois et pertes de parts de marché etc., tous ces paramètres entrent dans une logique de guerre économique, qui, si elle ne dit pas son nom, est bien là, souterraine ou pas.

Bien entendu, la guerre économique, n'intègre pas le sentiment de patrie à défendre mais celui d’une sorte d’esprit de corps de l'entreprise aux prises avec "l'affrontement pêle-mêle d'intérêts privés et raison d'État, lobbies industriels et ONG" (106).

Dans ce type de confrontation, c'est bien l'entreprise qui est sur le terrain du combat ; d'où la suggestion d'Eric Desmons (107) : "C'est désormais à l'entreprise de fournir les vrais héros - ceux qui se distinguent dans les guerres économiques - et, par une curieuse association de mots, même les entreprises sont devenues citoyennes". Patrie et héros militaires sont passés au deuxième rang des préoccupations des concitoyens. Ces derniers, s'ils ne les ignorent pas purement et simplement, en acceptent tout de même l’existence. (On ne sait jamais ce qu’il peut advenir, n’est-ce pas ?).

Mourir pour la patrie ?

Le désir de mourir pour la patrie, ne résulte pas d'une volonté innée. Le citoyen doit d'abord être convaincu par divers artifices de devoir, dans un premier temps, partir en guerre et ensuite de combattre jusqu'à la mort si nécessaire.

Tout cela repose sur une motivation changeante dans le temps, finement observée et explicitée par des historiens et des philosophes. Eric Desmons, professeur à l’Université de Paris XIII, est l'un d'eux. Je me réfère à son ouvrage intitulé : « Mourir pour la patrie ? ». Période après période, il expose l’évolution de la pensée en la matière dont voici quelques points clefs :

A l'initial, cela commence par la période antique, les Grecs, puis les Romains. On suit Saint-Augustin dans ses théories. Vient la période médiévale. Les philosophes se succèdent dont, dans le désordre : Machiavel, Hobbes, Rousseau, Hegel, Kant, Nietzsche, Clausewitz, voire les Encyclopédistes et bien d'autres encore ; plus des spécialistes tels Freud, Bergson etc. Nous sautons leurs diverses propositions, le civisme, le patriotisme, le refus de la mort, le beau, le Bien, le Mal, pour en arriver à la Troisième République, après un passage obligé par la Révolution Française, si attachée à sa notion de patrie (108). Enfin, nous rejoignons Badamu (109) et son syndrome. Ce personnage célinien, est un engagé, combattant de la guerre de 1914-1918, qui deviendra, en fin de compte, « viscéralement rétif au discours du pro patria mori » (110).

Après ce survol, un peu caricatural, j'espère qu'on comprendra que si autant de philosophes, sur une aussi longue période, se sont préoccupés du mourir pour la patrie, c'est qu'il existe une énigme difficile à décrypter : comment s'expliquer qu'un homme accepte de mourir pour sa patrie, entité de plus en plus virtuelle et évolutive dans sa définition, alors que la vie lui tend les bras ? Aujourd'hui, cela se complique puisque "la modernité nous invite […] de choisir de ne pas mourir" (111).

En fait, l'essentiel est de retenir que « la belle mort » est reçue au combat en toutes époques par des combattants plus ou moins volontaires, engagés ou appelés par voie de conscription (l’« impôt du sang », sous la Révolution). « La belle mort » acceptée avec un patriotisme évolutif dans le temps certes, mais toujours présent, sinon, y aurait-il eu des guerres ? (Vaine question des pacifistes (112)).

"La belle mort"

Cette expression, "la belle mort" (soit le mourir pour la patrie) consacrée depuis l'antiquité, utilisée par les Spartiates, reçoit plusieurs interprétations plus ou moins métaphysiques, philosophiques, esthétiques, etc. (113). Or, pour finir, Eric Desmons, nous explique que la guerre de 1914-1918 "avec sa logique de l'anéantissement, a rendu absurde toute considération sur la gloire et improbable tout éloge prétendu de la belle mort […]" (114)

Je ne vais pas discuter sur le fond de cette prise de position, justifiée, en réaction à la malheureuse hécatombe vécue. J'aimerais cependant que la mort de nos combattants "modernes" soit encore considérée comme une "belle mort", en lui donnant le sens en usage au XVIIIe siècle, celui de la "bonne mort" (115). C'est-à-dire l'idéal de tout homme de bien (de "bonne vie" disait-on). Loin de la métaphysique ou de l'esthétisme, je parle de ce qui est la liberté de l'homme de choisir (116) sa morale de vie, celle basée sur l'altruisme, associée à un élan de solidarité dirigé vers ses concitoyens, quitte à leur offrir sa vie si cela devenait nécessaire, ultime abnégation du soldat. Principe qui s'appliquera aux siens proches, à sa nation, et pourquoi pas à l'humain dans une optique mondiale, comme la tendance actuelle nous pousse à le concevoir ? Humain ou humanité qui intègre le respect des droits de l'homme, puisqu'à présent "c'est de cela que nous parlons sans relâche : des droits de l'homme d'une part, [et du] crime contre l'humanité d'autre part […]" (117). A ce sujet, chacun garde en mémoire les camps d'extermination nazis. On y a détruit, non pas que la vie, mais aussi "l'humanité de l'humain".

"Le premier grand défi concerne les frontières de notre monde. Les valeurs morales que nous entretenons et que nous devons entretenir ont été engendrées par la tradition européenne. Notre morale rationnelle est le fruit de la simplification et de l'articulation d'un projet altruiste, mais les frontières du monde du XXe siècle ne sont plus celles du passé. […]. Nous ne nous référons plus seulement au destin des pays occidentaux les plus avancés mais à celui de tous les êtres humains." -Francesco Alberoni, Salvatore Veca, op. cit. p. 138

S'agit-il toujours de patriotisme ou du "principe d'humanité" ? "Les cercles des intellectuels et des juristes en débattent" (118).

Accepter de mourir pour la patrie

Un autre aspect polarise la pensée des philosophes. Comment accepter de mourir pour la patrie, d'aller vers la belle mort sans état d’âme apparent ? Autre question : de quel droit dispose-t-on de vies comme bon semble aux dirigeants d'un pays ? Éternelles questions, au sujet desquelles les philosophes usent leur pensée depuis l'antiquité. Et oui, ce n'est pas simple (cf. supra, la complexité déjà signalée).

Selon Kantorowicz (119), les politiques engagent les guerres en raison d'un « droit divin »; en conséquence ils « accaparent l'esprit » des futurs soldats (cf. Alain, déjà cité), pour les amener à l’acceptation du sacrifice suprême. Quoi qu'il en soit, toujours selon Kantorowicz : "Seule la Loi peut tenir une discours légitime sur la mort et le sacrifice". Quant à l'emprise sur les esprits, le "fondement moral de l'obligation militaire qui rend possible le sacrifice individuel […] c'est toujours la même liturgie officielle : celle de la glorification du héros tombé au champ d'honneur […]" (120), d'où "l'immortalité" promise, concrétisée par la présence de maints monuments commémoratifs, dressés aux noms des héros morts pour la patrie; d'où le droit à la "reconnaissance" perpétuelle aux héros. S’agissant de la Grande Guerre, René Rémond déclare : « Il ne faut pas se le cacher, ni même en avoir honte, ma génération a grandi dans une admiration partagée d’un certain héroïsme » (121)

Aujourd'hui, existe-t-il des futurs héros à partir en guerre ? Croit-on encore, à ces valeurs "démodées" : immortalité, gloire, honneurs, etc. que sais-je encore ? Qui sont les héros dans notre monde bouleversé dans ses valeurs morales, y compris religieuses, où le fanatisme prend le dessus. Tout est contesté. L'essentiel, semble-t-il, est de s'en tenir à la conscience de l'homme : il fait ce qu'il croit et ce qu'il doit.

S'engager et mourir ? pour quoi ? pour qui ? (Choix de textes)

"C'est que le questionnement est toujours identique, comment rendre désirable aux individus leur propre mort pour la sauvegarde de la communauté politique ? Comment leur faire accepter le sacrifice de leur vie dans l'intérêt de l'État ? La réponse est également invariable : en présentant toujours et encore la mort au combat comme un acte héroïque, comme un triomphe sur la mort elle-même, c'est-à-dire comme une quote-part d'immortalité gagnée par la victime de la guerre dans le souvenir des vivants , par les grâces de la gloire impérissable. Vu du côté du pouvoir, il s'agit de sublimer la mort au combat" - Eric Desmons op. cit. p.9

"La froide efficacité pendant et après la seconde guerre mondiale, ajoutée à la peur de l'individu d'être pris au piège de soi-disant 'illusions' plutôt que d'adhérer à 'des vues réalistes', a éliminé les 'superstructures' traditionnelles, religieuses ou idéologiques, à telle enseigne que les vies humaines ne sont plus sacrifiées mais 'liquidées'. Nous sommes sur le point de demander au soldat de mourir sans proposer un quelconque équivalent émotionnel réconciliateur en échange de cette vie perdue. Si la mort du soldat au combat - pour ne pas mentionner celle du civil dans les villes bombardées - est dépouillée de toute idée embrassant toute l'humanitas, fût-elle Dieu, roi, ou patria, elle sera aussi dépourvue de toute idée anoblissante du sacrifice de soi. Elle devient un meurtre de sang froid, ou, ce qui est pire, prend la valeur et la signification d'un accident de la circulation politique un jour de fête légale". E. Kanrorowicz -op. cit. p. 141

« [Les guerres] exigent des individus le don suprême et le plus extraordinaire est qu’ils y consentent. Certains diront que c’est par stupidité, passivité, ou instinct grégaire, et que les individus se laissent conduire à l’abattoir comme du bétail : à mon avis, ils ont tort. Si les hommes n’étaient que des animaux, exclusivement déterminés par leurs intérêts immédiats, ils ne participeraient pas à des actions collectives au service d’une cause réputée supérieure… Certes l’éducation, en instaurant un surmoi, contribue à favoriser des comportements de ce type. Mais l’histoire n’est pas seulement la résultante de rapports de force : les hommes sont capables de risquer leur existence, leur bien le plus précieux, pour des objectifs désintéressés… » - René Rémond op. cit. p. 17

"On peut s'en étonner, certains le déplorerons, mais c'est un fait d'expérience : pourquoi meurt-on si nécessaire, lorsque l'on est soldat ? Encore et toujours pour sa patrie, et, s'agissant de soldat français pour la France […].C'est aujourd'hui comme hier, le service de la France qui donne sens et légitimité à notre action. Mais cette référence à la France serait vaine si elle était purement mythique et si l'armée se concevait comme une citadelle refuge des valeurs d'antan, en rupture avec la société environnante. En effet l'armée n'est jamais que la délégataire de la nation, elle y puise ses ressources humaines et financières, elle y recueille sa légitimité". - 1er juillet 2002, Communication à l'Académie des sciences politiques, par le Général de Corps d'Armée Jean-René BACHELET -Inspecteur Général des Armées - Terre."Saint-Cyr à l'épreuve des ruptures", in Revue de la FNAM, op. cit. p. 10.

Déceptions

Après 1918, les vents contraires vont remettre en cause le pro patria mori de nos grands-pères. La vie reprend le dessus, mais pas forcément dans ce qu'en attendaient nos héros. Petit à petit, ils constituent une caste à part, incomprise de la population qui n'a qu'un souhait oublier ses malheurs. Ainsi les combattants s'isolent dans leurs organisations associatives, créées pour le rappel du souvenir certes, mais surtout pour faire valoir leurs droits et ceux des familles endeuillées, jusqu'au moment où il vont s'estimer bafoués. Influencés par la controverse sur le bien fondé des guerres, les combattants eux-mêmes se mettent à douter, et semblent au diapason d'un certain pacifisme.

Le point culminant est atteint vers 1930 lorsque, au yeux des combattants, commence l’oubli de leurs sacrifices. Les commémorations, les discours stéréotypés, récités devant les monuments aux morts dressés partout en France, n'empêchent pas leur amertume qui ne fait que renforcer la déception d'avoir pensé que leur guerre serait la dernière ! Alors l’angoisse d'avoir à repartir en guerre les étreint.

La seconde guerre est en marche, les anciens combattants l'abordent plutôt désabusés, sinon hostiles; le mourir pour la patrie de jadis se dissout dans le refus de la guerre. Tel l'exemple de Céline, qui tout en conservant l’«illusion de la gloire, du panache, de l’épopée» ressasse sa « désillusion » à la suite de sa "découverte de la sottise humaine, des mensonges patriotiques, de la misère sans nom, de la mort ». Ce désenchantement qui conduit au pacifisme plus ou moins militant, n'est-il pas le lot de tous les Poilus, dans l'entre deux guerres mondiales, au point d'en refuser de mourir pour la patrie ? (122).

Les enfants et l'école

Jadis

La Troisième République est la digne héritière, après quelques rebonds de l’histoire (via des rois et des empereurs), de la Révolution Française. Sa volonté est de « choyer » ses citoyens. Elle les place au centre de ses préoccupations. En retour, ceux-ci, lui doivent obéissance, déférence, et surtout reconnaissance. La reconnaissance se traduit, à l’extrême, par le sacrifice de la vie du citoyen, au cas où la patrie serait en danger.

« La patrie en danger », est un des thèmes favoris depuis la Révolution Française, alors qu'elle se trouvait aux prises avec des nations étrangères, liguées contre elle pour la ramener à de meilleurs sentiments vis à vis de la royauté. A cette occasion, est levée une armée populaire assez hétéroclite. Bien commandée par des généraux improvisés, parfois à l’ego pointilleux, mais dévoués et pugnaces, cette armée de Sans-culottes va repousser l’ennemi royaliste venu de l’étranger. Particulièrement chez nous, en Catalogne, contre les Espagnols. (Cf.. "L'enfant, le héros oublié", colonel André Benabib).

Après maintes péripéties militaires, après Napoléon III, la France subit la défaite de 1871 et redevient républicaine. La Troisième République en appelle aux vertus civiques de la Révolution avec toujours pour devise : « Liberté, Égalité, Fraternité ». Elle va exacerber l'esprit de revanche contre l'Allemagne, avec le leitmotiv mobilisateur des citoyens : le retour de l'Alsace et la Lorraine au sein de la "mère patrie". Cet objectif "patriotique", se transforme en programme que l’école laïque (123) va mettre en œuvre, et l'inculquer aux enfants ; ceci d'autant plus facilement que l'école est gratuite et obligatoire.

Donc, la justification de cette mobilisation des esprits repose sur le principe simple qu'en retour des bienfaits prodigués par la République; par la patrie en fait, tout citoyen a le devoir sacré de mourir pour elle. Les enfants savent très bien que, tôt ou tard, leur tour viendra d'aller au combat pour redonner son intégrité territoriale à la France et sa dignité nationale. De cela personne ne s’en offusquait bien au contraire.

Un ouvrage de 1888, dont je donne un extrait certainement rabâché sans cesse, ne laisse aucun doute sur les intentions de l’époque : « Depuis cette guerre funeste [1870-1871] l’Alsace et la Lorraine sont toujours allemandes. Votre devoir, mes enfants, est de vous préparer par le travail à devenir de bons citoyens et de vaillants soldats […]. Pour devenir de bons soldats, il faut aimer votre patrie ; un patriote s’acquitte avec plaisir de tous ses devoirs envers son pays, il lui est dévoué corps et âme. Quels beaux sentiments inspire l’amour de la patrie ! » (124). Après cette entrée en matière explicite, vient le moment d'inciter l'enfant au sacrifice suprême sous couvert du père de famille consentant :

Tu seras Soldat (125)

(V. De Laprade)

Toi qui de si leste façon

Mets ton fusil de bois en joue,

Un jour tu feras tout de bon

Ce dur métier que l’enfant joue.

Il faudra courir sac au dos,

Porter plus lourd que ces gros livres,

Faire étape avec des fardeaux,

Cent cartouches, trois jours de vivres.

Soleils d’été, brises d’hiver

Mordront sur cette peau vermeille ;

Les balles de plomb et de fer

Te siffleront à chaque oreille.

Tu seras soldat, cher petit,

Tu sais, mon enfant, si je t’aime !

Mais ton père t’en avertit,

C’est lui qui t’armera lui-même !

Quand le tambour battra demain,

Que ton âme soit aguerrie ;

Car j’irai t’offrir, de ma main,

A notre mère Patrie

Tu vis dans toutes les douceurs,

Tu connais les amours sincères,

Tu chéris tendrement tes sœurs

Ton père, ta mère et tes frères,

Sois fils et frère jusqu’au bout ;

Sois ma joie et mon espérance ;

Mais souviens-toi bien qu’avant tout,

Mon fils, il faut aimer la France.

Hier

Jusqu'à la fin de la guerre de 1914-1918, on maintiendra cet état d'esprit revanchard auprès des enfants, en adaptant le discours selon l'évolution de la situation. Ils seront sollicités d'une manière ou d'une autre tout le long de leur scolarité, jusqu'au moment où, jeunes gens, il leur faudra partir en guerre, la "fleur au fusil", en 1914, le cœur haut, dans l'Union sacrée.

Pendant la Grande Guerre la pression morale sur les enfants sera maintenue dans les écoles, surtout en leur demandant de conserver présent le souvenir de leur père "parti au front", et même de les encourager dans leur combat contre l'ennemi abhorré.

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En fin de guerre, l'ambiance scolaire belliqueuse ne sera plus de mise. On ne veut plus de guerre. Toutefois, les enfants des écoles maintes et maintes fois sollicités, vont en cortèges rendre hommage aux Morts pour la France, face aux monuments aux morts dressés dans les communes. Ces cérémonies, tant bien que mal, continuent d’avoir lieu encore de nos jours, pendant que le rappel au devoir de mémoire ne cesse de se faire entendre.

Au cours de la seconde guerre mondiale, dans la France occupée par les Allemands, on se tournera à nouveau vers les enfants, pour en appeler à leur civisme, soit à l'école, soit au cours de diverses manifestations patriotiques parfaitement orchestrées. Mais là le but est tout autre. Il s'agit d'apporter un soutien moral au maréchal Pétain, Chef de l'État Français, dont la devise, Travail, Famille, Patrie, supplante celle de la République, Liberté, Égalité, Fraternité.

Tous les enfants en âge scolaire à l'époque (1939-1945) se devaient d'apprendre par cœur le fameux chant "Maréchal, nous voilà !…" [création André Dassary; paroles A. Montogard, musique C. Courtoux et A. Montogard - 1941]

(Refrain)

Maréchal, nous voilà !

Devant toi, le sauveur de la France

Nous jurons, nous, tes gars

De servir et de suivre tes pas

Maréchal, nous voilà !

Tu nous as redonné l'espérance

La Patrie renaîtra !

Maréchal, Maréchal, nous voilà !

(Dernier Couplet)

La guerre est inhumaine

Quel triste épouvantail !

N'écoutons plus la haine

Exaltons le travail

Et gardons confiance

Dans un nouveau destin

La France, c’est Pétain ! ! !

Peut-être espérait-on que la chanson (une "scie") répercutée par les enfants, inciterait leurs parents à soutenir le maréchal ? Parents qui - bien que se souvenant du maréchal vainqueur de la bataille de Verdun, ou de celui de la reprise en main en 1917 d'une partie de l'armée en rébellion - ne devaient pas être tous convaincus par son action, surtout après son serrement de mains avec Hitler à Montoire. Trahison ? Sénilité ? ou désir de sauver ce qui pouvait l'être, quitte à se commettre avec l'ennemi, au détriment de la dignité nationale ? (Pétain sera condamné à mort, puis sa peine sera commuée en prison à vie (126)).

Aujourd'hui

Nous somme dans un autre monde. Dans un ouvrage qui se veut didactique, "Pourquoi la guerre ?", destiné à la jeunesse (9 à 13 ans) j'extrais deux situations, données dans une histoire imaginée par Patrice Favaro, où il est question de la guerre en Irak. Il s'agit d’un professeur de français qui va rejoindre son établissement scolaire et de la conversation entre les élèves de sa classe, qui attendent le dit professeur :

Le professeur

"Depuis deux semaines, les raids se succèdent sur Saddamabad. J'ai fait circuler une pétition dans les classes un 'Appel à la paix' que j'ai trouvé sur Internet […] nous en sommes à 200 signatures.

Comme tous les matins je regarde les actus [actualités] en vitesse avant d'aller au bahut. Un flash spécial attire mon attention […] Un avion a été abattu par un missile […] Je jette soudain un coup d'œil à ma montre : je suis en retard, terriblement en retard !".

Les élèves :

"Il y a toute la bande : William, Ben, Koffi… et Laurissa.

Quentin commente les images du JT [journal télévisé] de 20heures : photos aériennes, bâtiments, hangars, un cadre en pointillés qui s'incruste dessus , suivi à chaque fois d'un éclair blanc.

- Pas plus de 2 mètres ! C'est la marge d’erreur maxi pour une visée laser.

- Frappe chirurgicale, approuve William.

- Avec des satellites espions, on voit tout de suite les dégâts causés à l'ennemi [etc.]"

Ce qui frappe plus que l'histoire en elle-même c'est la différence de ton et de langage utilisés par les personnages par rapport à l'exposé et à la récitation présentée précédemment (« Tu sera Soldat »).

Qui, en 1888, aurait imaginé une telle évolution dans les intentions et dans la façon (supposée ici) d'agir des enseignants ? Et ces élèves? ne sont-ils pas dans le domaine de la science fiction ? Satellites, télévision, laser, Internet, missile… de quoi parle-t-on ? Non ! professeurs et élèves sont bien dans la réalité des choses vues. C'est vrai ! cela vient encore d'être dit, en un siècle, notre monde a changé de dimension et de cadre de vie. Tout se passe au niveau de la planète au-delà de son pays, tant sont si proches les frontières à proximité, d'un coup d'aile d'avion ; tant il est facile de communiquer au lointain. Mais est-ce un destin de paix que cachent ces mots étranges, ces matériels hors du commun ? Non ! Bien au contraire, c'est la guerre qui est toujours là.

Nous ne mourrons plus pour la patrie, ou nous ne voulons plus mourir pour une entité aux contours indéfinis, c'est vrai ! Mais pendant que les professeurs pétitionnent pour la paix, et qu'à l'inverse des enfants imaginent la guerre comme un jeu électronique, il est, cette fois, des enfants qui meurent de la guerre et même qui la font… Nos Poilus auraient-ils imaginé un tel triste et réel renversement de valeurs ? De quelles valeurs parlons-nous ?

"Ce sont seulement les adultes qui meurent ?

Entre 1990 et 2000, plus de 2 millions d'enfants sont morts au cours des guerres civiles et plus de 6 millions ont été mutilés.

Parfois, les enfants sont aussi impliqués dans les batailles, soit recrutés de force comme soldats, soit servant de boucliers humains sur des objectifs militaires"; parfois on en fait des "esclaves"

"En 1999 on dénombra 200 000 soldats âgés de moins de quinze ans".

Textes (extraits) de Philippe Andrieu (selon source ONU et Amnisty International), "Pourquoi la guerre ?" op. cit. p. 26

In memoriam

Le mourir pour la patrie, expression désuète et poussiéreuse, ressort de l’ombre de temps à autres grâce à l’intérêt que lui portent quelques historiens et philosophes. Je me plais à penser, que dans leur curiosité de chercheurs ou de penseurs, malgré la froideur des mots qui évoquent les sacrifices humains consentis au pays, ils éprouvent à leur endroit quelques bons sentiments, à défaut de reconnaissance ; le temps du mourir pour la patrie est tellement éloigné dans nos pays !

Le public comprend-t-il encore la signification de cette expression empreinte de douleur quand on pense aux millions de morts des guerres ? La patrie ! cela a-t-il un sens ? Si oui, pourquoi devrait-on mourir pour elle ? Ces questions, sont-elles compréhensibles par nos contemporains ? Autre question : connaît-on le nom de ceux, morts pour la patrie. Pour les citoyens unis dans une même fraternité, pour une vie de liberté, dans le respect des droits égaux pour tous ? Qui se souvient de ceux dont les noms figurent au fronton de nos monuments communaux ? Qui honore les morts pour la défense d’une « certaine idée de la France », comme la ressentait le général De Gaulle ?

Pendant que tout se bouleverse dans la communication des hommes et des femmes, que tout s'ouvre grâce à la « parole- instantanée » offerte par dessus les océans et les montagnes et les frontières, que la pensée se disperse et se cherche de nouvelles voies pour construire un nouveau monde, je me demande s’il est bien venu de revenir en nos lieux, raviver la douleur des mots : mourir pour la patrie ?

"Oui !, au moins pour un devoir de mémoire" (127), me dit-on, même pour une « mémoire douloureuse ». L'exemple de l’épopée et des sacrifices qui ont permis la création puis la préservation de notre patrie, se doit de nourrir l’esprit des nouvelles générations. La liberté qui leur est acquise a un prix. Un prix qu'une jeunesse du passé a payé du don de sa vie. Notre patrie est de par la volonté et du combat (à mort, parfois) des ancêtres de nos lignées, dont nous sommes les héritiers. Qui sait si un jour il ne faudra pas se battre à nouveau pour l'amour de notre patrie ? [J’ai conscience d’user de mots d’un passé oublié, comment dit-on aujourd’hui ? « Ringards ! »]

Nous, anciens combattants, nous savons ce qu'il est du don de soi et nous reconnaissons la valeur du sacrifice de nos camarades morts au combat. C'est justement à nous de "parler des morts" pour la France, comme le recommande Roland Dorgelès (128). L'absurdité de la guerre ne leur appartient pas. Je le redis, point n'est besoin d'esthétiser la mort des héros ? Point de gloire ni d'honneur demandés. Pourquoi ces hochets ? Seule compte, au moment extrême, la sérénité du devoir accompli en conscience tournée vers le Bien (129). Mes Braves reposez en paix, vous avez droit à « la belle mort ».

« Ordre est donné de se souvenir.

Mais c’est à moi de me souvenir et c’est moi qui me souviens » (130)

Notes :

1) Alain, op. cit. p. 243.

2) Cité par Robert D. Kaplan in « La stratégie du guerrier » - Bayard – Paris 2003 p. 22.

3) Par exemple voir la situation faite à l’Irak en 2003, sur intervention menée par les États-Unis et leurs alliés.

4) M. Laisant, « Les Anarchistes et la guerre de 1914-1918 » - Le monde Libertaire, Internet 2003, http:// increvablesanarchistes.org/articles/1914.

5) Alain : « Ceux qui préparent la guerre le savent bien, c’est votre esprit qu’ils veulent », op. cit. p. 243.

6) Éric Desmons : « L’armée […] apparaît comme un triste département de la fonction publique peuplé de fonctionnaires résolument old-fashioned, situé aux antipodes du far-west de la nouvelle économie » in « Mourir pour la Patrie ? », PUF, Paris 2001. p. 3.

7) Ibid. p. 3

8) Alain : « Si j’arrivais à relever le bon sens et à lui donner du courage j’aurais fait beaucoup pour la liberté », in « Souvenirs de guerre » Flammarion, Paris 1952, p. 105.

9) Éric Desmons, op. cit. p. 254.

10) Pierre Dumas, « De la paix à la guerre, des hommes nouveaux »,, « Témoignages » in « Almanach du Combattant » Paris1965, p. 42.

11) Ibid. pp. 40-41. Sans contredire la déclaration de l’auteur de cette citation, il peut être admis que cet enthousiasme n’était pas partagé par tous.

12) Des expressions en italique non référencées, sont extraites de « L’Indépendant des Pyrénées-Orientales » édité en cours de guerre 1914-1918.

13) Du moins c’est ce que laisse entendre la voie officielle. Cf. réserve en note 11 ci-dessus

14) « Mobilisation et concentration se déroulent superbement », Jean-Baptiste Duroselle « La Grande Guerre des Français. 1914-1918 », Perrin 1994 – Cependant, Maurice Vaïsse in « Mai – Juin 1940 » Éditions Autrement, Paris 2000 p. 189, note que le « tristement célèbre Plan XVII de 1914 était presque aussi désastreux que le plan D en 1940 ».

15) Cité par Stéphane Audouin Rouzeau « Introduction » in « Ecrits de guerre 1914-1918 » de Marc Bloch, Ed. Armand Colin - Paris 1997 p.29.

16) Jean Norton Cru, « Si quelqu’un connaît la guerre, c’est le poilu, du soldat au capitaine », op. cit. p. 14.

17) 1914 Maria Verone, Pdte Ligue française pour le droits des femmes : « toutes les femmes versent des larmes semblables quand leurs petits meurent à la guerre »

18) Jean Norton Cru, « De quelques idées fausses sur la guerre », alinéa 4, « Les monceaux de morts », op. cit. p 30.

19) Gaston Bouthoul , « Essai de polémologie. Guerre ou Paix », Ed. Denoël, Paris, 1976, p. 28

20) Pierre Dumas, op. cit. pp. 40-41.

21) « L’Indépendant des P.O. », n° 216 du 8 août 1914, n° 217 du 9, n° 219 du 11, n° 222 du 14.

22) Ibid n° 216 du 8 août 1914.

23) Cf. Historiques des régiments présentés par Renaud Martinez.

24)« L’Indépendant des Pyrénées-Orientales » n° 217 du 9 août 1914

25) « L’Indépendant des Pyrénées-Orientales » n°217, 222 de 1914 et n°308 de 1916, ainsi que les ADPO, série 1R, dossier 434, folio 639.

26) Alain op. cit. p.114

27)Hugues Dalleau Éditorial : « les populations des États du continent africain connaissent encore et toujours des massacres inter-ethniques, religieux et révolutionnaire […] et les humains d’ajouter les meurtres voire les génocides aux innombrables victimes du Sida, de la tuberculose et autres pandémies, comme la peste en Algérie » Éditorial in « La Voix du Combattant » Mensuel U.N.C. Paris, n° 1687, août-septembre 2003 p. 3,

28) Ibid. Hugues Dalleau p. 3

29) « Citations du président Mao Tse-Toung » (plus connu sous le nom du « Le petit livre rouge »), Édition en langue étrangère, Pékin 1967, p. 83.

30) Ingnacio Ramonet, « La guerre des mondes - La guerre froide », Revue Manière de voir 70, Le Monde diplomatique août-septembre 2003, p.7.

31)A la suite de quoi, le Japon accepte sa reddition. (dans le cadre de la seconde guerre mondiale).

32) Gaston Bouthoul, op. cit. p.38.

33) Ibid. p.39.

34) Ibid. p.38

35) Gaston Bouthoul, op. cit.

36) Pierre Goubert, « Louis XIV et Vingt millions de français » Ed. Fayard, Coll. Pluriel, Paris 1966, p.347

37)Gaston Bouthoul, op. cit. p.38

38) Ibid. – Dans ce sens, depuis 1976, la tension entre nations à forte démographie s’est réduite, soit ! mais le danger potentiel reste vivace en 2003.

39)Ibid. p.19

40) Robert D. Kaplan : « beaucoup de théâtres de conflits dans les récentes décennies…affichaient des taux de croissance de population anormalement élevés, particulièrement dans les tranches d’âges jeunes, et une pénuries de ressources avant l’explosion des violences » in op. cit. p. 120.

41) Gaston Bouthoul op. cit. p.8

42) C.R. Mary-Ange Niederl-Brissaud, conférence - débat avec le juge Bruguière, 17 juin 2003 in « Voix du Combattant », op. cit. p. 6.

43) Ingnacio Ramonet, « La guerre des mondes », op. cit. p. 6

44) Gaston Bouthoul, op. cit., p. 7

45)Ingnacio Ramonet, op. cit. p.6

46)Amnon Kapeliouk, « Pourquoi l’Union soviétique a sombré », Revue Manière de voir 70 op. cit. p. 89

47) André Glucksmann – Préface in « LA Guerre comme expérience intérieure », Ernst Jünger – Christian Bourgois Editeur Paris 1997 p. 7

48) Michel de Pracontal, « Le Nouvel Observateur » n° 2006, du 17 avril 2003

49) Jean-Michel Gaillard op. cit. p. 56.

50) Alain « que peut la raison quand la nature a faim et soif […] ? », op. cit. p. 49

51) Alain, op. cit. p. 118.

52) Hubert Revees « L’heure de s’enivrer, L’univers a-t-il un sens ? » Seuil, Paris 1986, p. 193

53) Ibid. p. 193

54) Jean Lopez -« Edito », Revue Science et Vie Junior n°54 Hors-Série Octobre 2003, p. 3.

55) Alain op. cit. p.239.

56) Paul Cazin « L’humaniste à la guerre », Plon, 1920 p. 117.

57) Ernst Jünger « La guerre comme expérience intérieure », Christian Bourgois Editeur, p. 86

58) Ce type de nostalgie est apparu dès la fin de la guerre de 1914-1918, guerre considérée comme « hypertechnicisée »

59) Bernard-Henri Lévy « Réflexions sur la guerre, le Mal, et la fin de l’histoire », Grasset Paris 2001 pp. 155 à 162

60) Jules-Emile Henches in « Témoins », op. cit. p. 523

61) Ne pas confondre les mutins et les fusillés, « on fusille dès 1914 et plus même en 1914 qu’en 1917 ». Nicolas Offenstadt, « Les Fusillés de la Grande Guerre, à la mémoire collective (1914-1999) », Odile Jacob (poche) Paris 1999 p.15.

62) Robert D. Kaplan op. cit. p.34 – Chamberlain, pour l’Angleterre, et Daladier pour la France, en 1938 signaient l’accord de Munich, avec l’Allemagne.

63) Bernard Ravenel, note l’ « amalgame » dont est victime le pacifisme au sujet de Munich, « Pour un pacifisme politique et juridique »,, http://ecorev.org, 17 août 2003.

64) « Lettres d’un soldat » - Chapelot, 1916 p. 50-51et Berger-Levrault, 1924 p.57-58, cité par Jean Norton Cru in « Témoins » op. cit. p. 533

65) Bernard Henry Lévy, op. cit. 4e de couverture et p.145

66) Ibid. p.353

67) Le petit livre rouge » op. cit. pp.73-74.

68) Bernard Henry Lévy op. cit. pp. 353 à 358

69) Christophe Barbey, qui se demande « si le pacifisme n’aurait de sens que par opposition au bellicisme », « Élaborer des stratégies alternative » in « Faire la paix ? http://ecorev.org, 17 août 2003.

70) Extrait de l’article de la rédaction de l’ « Edito » - http://ecorev.org.17 août 2003.

71) Jean-Philippe Lecomte, « Heur et malheur du pacifisme occidental » - http://ecorev.org , 17 août 2003

72) Yann Moulier Boutang, « Les quatre formes du pacifisme dans le mouvement anti-guerre actuel », http://multitudes.samizdar.net, 17 août 2003.

73) Jean-Marie Muller, « A propos du pacifisme » , http:\\ecorev.org, 17 août 2003.

74) Mao Tsé-Toung : « La première guerre mondiale est un exemple de guerre injuste. Les deux parties y combattaient pour des intérêts impérialistes, c’est pourquoi les communistes du monde entier s’y sont opposés », op. cit. p. 68.

75) Cette tactique à donné naissance à l’hégémonie Soviétique qui fit 62 millions de morts parmi les civils ; on en compte 35 millions dans la Chine de Mao. Par comparaison, dans l’horreur, les nazis en ont tué 21 millions - Selon les statistiques de Robert D. Kaplan in op. cit. p. 17.

76) Yann Moulier Boutang, déjà cité.

77) D'après François Vaillant, "La non-violence", Les Éditions du Cerf Paris 1990, pp. 206-207.

78) Geneviève Fraisse, « Les femmes et leur histoire », Gallimard Paris 1998 pp.484-486.

79) Extraits de « La mère éducatrice », numéros des années 1920 - revue mensuelle fondée par Madeleine Vernet en 1917.

80) Francis Jourdain, "Sous l'habit militaire", in Revue mensuelle "Europe" (fondée par un groupe d'écrivain en 1923), n° d' octobre 1956 p. 56.

81) Georges Darien « Biribi », Jérôme Martineau, Editeur, - Paris 1966.

82) Lucien Descaves « Les Sous-Offs »,Tresse et Stock, Paris 1890.

83) Génaral J-R Bachelet (Ancien enfant de troupe, école d’Autûn – 1954-1962) : "Le Soldat dans le nouveau monde" in "Infos Extérieures" n° 32, revue du militaire en mission de la FNAME (déjà citée), Lyon 2003.

84) Jean-Marie Muller, déjà cité.

85) Jules-Emile Henches in « Témoins », op. cit. p. 522.

86) Mao : « Nous communistes, non seulement nous ne luttons pas contre les guerres justes, mais encore nous y prenons part activement ». op. cit. p. 77

87) Robert D. Kaplan : « Parce que les droits de l’homme font incontestablement partie de ce que nous nommons le ‘bien’, nous nous croyons vertueux en les promouvant. Or, vertueux, nos devrions parfois nous garder de l’être », op. cit. p. 86.

88) Le président François Mitterrand, à la suite de l’attentat de Beyrouth du 23 octobre 1983 contre des soldats français, déclarait le 11 novembre 1983 que : «Tout ce qui touche à la légitime défense représente un droit de l'homme fondamental» - Cité par « Le Télégramme » -http://www.bretagne-online.tm.fr

Par ailleurs le général Bachelet constatait qu’"on a redécouvert cette étrangeté tragique de la condition humaine qu'est la violence […] On a redécouvert du même coup qu'il est des seuils à partir desquels, face à cette violence […] seule la force est appropriée, une force nécessaire et légitime", op. cit. p. 10.

89)« Au 3 août 1914 il y a 882 000 hommes sous les drapeaux. La mobilisation consiste à transformer en soldats 2 200 00 homes de la ‘réserve’(classes 1900 à 1910) et 1 540 000 de la ‘territoriale’ (classes 1886 à 1899) ». Jean-Baptiste Duroselle op. cit. p74.

90) Extrait article de la rédaction : l’ « Edito » http://ecorev.org - 17août 2003

91) Ibid. « Edito ».

92) René Rémond, op. cit. pp. 59-60

93) Selon Philippe Contamine, l'emploi du mot patrie dans la langue française remonte au XVIe - "Les lieux de mémoire - La nation" Gallimard. Paris 1992 p.26

94) D’après Philippe Contamine, Jaurès déclare en 1898: "pour les socialistes la patrie n'est pas un absolu en soi", op. cit. p. 40

Rappel : Jaurès, pacifiste convaincu, « le défenseur de la paix », est assassiné le 31 juillet 1914, par Raoul Villain. Toute la gauche, y compris la CGT (qu’on estime anarchisante plus que socialiste) enterre Jean Jaurès et se rallie autour du gouvernement (Union sacrée) aussitôt la déclaration de guerre (3 août) - Maurice Agulhon et André Nouschi, « La France de 1914 à 1940 », Fernand Nathan, Paris1971, p. 7

95) Dominique de Villepin , "Le nouvel esprit de la frontière", in "Diplomatie Magazine" n° 5 septembre-octobre 2003, p.13.

96) Joseph Henrotin : Les "guerres de 4e génération, centrées sur des conflits ethniques, de basse intensité ou de menace terroristes" font leur apparition, "This Could another be another Vietnam" in , "Diplomatie Magazine" op. cit. p.39.

97) Dominique de Villepin op. cit. p.13.

98) René Rémond, Introduction de Marc Leboucher, op. cit. p. 13.

99) Ibid. p. 155.

100)E. Desmons : "la loi du 28 octobre 1997 a suspendu la conscription des jeunes Français nés après le 31 décembre 1978, au profit du volontariat", op. cit. p. 1

101)Lancement dans la nuit du 14 au 15 octobre 2003.

102) J-C Guillebaud cite I. Marin, "La dignité humaine, un consensus ? "(Esprit, 1991) in « Le principe d’humanité » Seuil Paris 2001 p. 52.

103) Ibid. p.40

104) Général Daniel Gavoty : "Il s'agit de contrôler l'accès et l'utilisation de l'espace ; si besoin est, de l'interdire, au sens militaire du terme" - "Vers un espace militaire européen" in "Diplomatie Magazine", op. cit. p. 67

105) E. Kantorowicz, « Mourir pour la patrie », PUF, Paris 1984 p. 105 [Un exposé tout de même de 37 pages dans cet ouvrage].

106) Alexis Bautzmann - Éditorial, in "Diplomatie Magazine" op. cit. p. 3.

107) Eric Desmons op. cit. p. 3.

108) Ph. Contamine : l'histoire du sentiment de patrie commence en France bien avant la Révolution, moment de son apogéen, op. cit. p. 40

109)Badamu, personnage central du « Voyage au bout de la nuit », de Céline – Gallimard Paris 1952, ou Denoël – Paris 1932.

110) Eric Desmons, op. cit. p. 97.

111) Ibid p. 110

112) Alain : « Vous demandez comment les choses iraient ? je n’en sais rien. On n’a pas essayé la paix », op. cit. p. 118.

113) Eric Desmons, op. cit.p. 17 et suivantes

114) Ibid. p. 98

115) Michel Vovelle : L'idéal, "bonne mort, aboutissement d'une bonne vie"in "L'heure du grand passage -Chronique de la mort", Gallimard, Paris 1993, p. 66.

116) Francesco Alberoni, Salvatore Veca, selon l'idéologie marxiste, "les individus vivent dans l'illusion de choisir". Qui choisit pour eux, alors, "le parti" ?, "L'Altruisme et la morale" traduit de l'italien, Ramsay Parie 1990 - Édition originale, Garzanti, Milan 1988, p.89.

117) Jean Claude Guillebaud op. cit. p. 15.

118) Robert D. Kaplan : "Les discussions sur une guerre juste ou injuste ont peu de sens au-delà des cercles des intellectuels et des juristes…"op. cit. p. 169.

119) E. Kantorowicz, op. cit. p. 105

120) Eric Desmons, op. cit. p.8.

121) René Rémond, op. cit. p. 59

122) Frédéric Vitoux , « Céline », Ed. Pierre Belfond, Paris 1987, p. 58.

123) Ainsi d'ailleurs que le service militaire, lui aussi obligatoire.

124)« Tu seras soldat » - Emile Lavisse (ancien du 8e Bataillon de Chasseurs à Pied) Armand Colin & Cie – Paris 1888.p. 32.

125)En 1882 création des bataillons scolaires de Paul Bert.

126) En septembre 1944, 58% des Français sont pour l'acquittement de Pétain. Après la découverte des camps nazis ils ne sont plus que 17%. Entre 1970 et 1980 le pourcentage revient à 30%, Pétain ne se confond toujours pas avec un Vichy en bloc, selon « Les chemins de la mémoire » op. cit.

127) Samuel Tomei : "La pratique du devoir de mémoire est indispensable au maintien de l'unité du groupe, elle lui donne une cohérence, des valeurs, des normes communes. Son invocation se fonde sur la morale ; la mémoire commune est notre code"- "Le Monde diplomatique" - Novembre 2001 p. 28

128) Cf. "La dernière relève" texte de Roland Dorgelès, inclus dans notre ouvrage.

129) E. Kantorowicz cite Henri de Gand "qui met en garde contre une fausse mort 'pro républica [...], si un homme choisit de mourir au combat, non pour sa patrie, mais pour satisfaire sa propre témérité […]", après avoir précisé d'ailleurs "que l'homme n'a pas à sacrifier le salut de son âme pour l'État temporel". op. cit. p. 137.

130) Pierre Nora, "Les lieux de mémoire- La république" Gallimard Paris 1992, p. XXIX

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