Comment une même scène est filmée à 34 ans d'écart selon le public que l'on veut toucher ?
C'est la comparaison des deux choix artistiques qui est parlante.
Date : 1962 Réalisateur : Darryl F Zanuck et autres
Nationalité : Etats Unis
Sorti dans les salles en 1962, le film retrace chronologiquement les événements du Débarquement en Normandie, le 6 juin 1944, ainsi que ses derniers préparatifs, la veille au soir. Il présente les différents théâtres d’opérations, du côté des Alliés comme du côté
des Allemands, des centres de commandements jusqu’aux simples soldats, en
passant par les officiers et les résistants.
On voit toute la journée depuis l’aube, quand les bateaux approchent, sur tous les lieux avec des détails sur les plages, les horaires, des participants, les bateaux, les uniformes etc.
Des scènes sont régulièrement burlesques comme par exemple lorsque la ferme explose, le soldat allemand qui livre le lait, mais aussi l’aviateur et son rire etc…
Très peu sauf deux scènes, comme celle du sergent qui passe pour endormi alors qu’il est mort…
On voit leurs réactions et leurs décisions qui sont expliquées
On voit toutes leurs réactions et toutes leurs décisions
Un choix artistique du noir et blanc et en plus qui permet de mélanger parfois à des images d’archives
Un réalisme sauf au début du débarquement avec l’utilisation des 4 premières notes de la Ve symphonie de Beethoven jouées au tambour et qui ajoutent un effet dramatique. Il fait référence à l’indicatif des émissions de la Résistances de la BBC qui font référence au code en morse de la lettre V (trois court, un long)
Le point de vue développé est omniscient, car le film a pour but de montrer absolument tous les aspects de ce moment-là.
17 ans après le débarquement, tous les spectateurs (et certains acteurs même) ont vécu le débarquement ou des combats de la Seconde Guerre mondiale. Il est donc inutile de leur rappeler la violence des combats, encore dans les mémoires. Le burlesque sert à dédramatiser ce moment encore frais dans les mémoires.
Ce film joue sur des explications et non pas sur l’émotion pour ne pas faire revivre les traumatismes. La mort est laissée au loin.
C’est un film avec toutes les stars de l’époque pour faire de ce moment un moment épique et mythique de la Seconde Guerre mondiale, pour célébrer la mémoire d’un évènement et de l’Alliance de la France et des Etats Unis, entre-autre.
Le film est un succès énorme en France qui redécouvre son histoire avec De Gaulle au pouvoir.
Date : 1998 Réalisateur : Steven Speilberg
Nationalité : Etats Unis
Alors que les forces alliées débarquent à Omaha Beach, Miller doit conduire son escouade derrière les lignes ennemies pour une mission particulièrement dangereuse : trouver et ramener sain et sauf le simple soldat James Ryan, dont les trois frères sont morts au combat en l'espace de trois jours.
Depuis l’intérieur des barges du débarquement, la caméra suit chaque personne dans l’approche du haut des plages pour y déloger les soldats allemands.
Aucun
Tout, un moment de grande tension et d’angoisse avant de basculer vers l’horreur et la sidération
On ne les voit pas, de dos. Ils n’ont pas de visage
Ils sont partout.
La qualité des images est très particulière, à la limite du Noir et Blanc, pour simuler le matin au petit jour et Spielberg a eu un soin particulier pour faire référence aux images du journaliste Robert Capa, prises le Jour J, au milieu des soldats.
Un travail hyperréaliste qui se manifeste par des alternances entre les moments sous l’eau avec bruitage réels, les moments hors de l’eau et pour atténuer le côté assourdissant, le moment de sidération du héros dure afin de faire sortir le spectateur du vacarme.
Un point de vue INTERNE marqué par le gros plan sur les yeux de l’ancien combattant. La caméra est comme un soldat, parmi eux afin de montrer l’effet psychologique de ce moment terrible et que le spectateur puisse s’identifier.
Spielberg en 1998 veut, 54 ans après le débarquement produire un témoignage sur ce moment. Il ose le point de vue interne car le cinéma est beaucoup plus réaliste et violent que 36 ans avant. De plus, le public touché, les jeunes nés dans les années 1970-1980 n’a jamais connu de guerres.
Le point de vue interne sert donc à rendre l’impact psychologique, quitte à choquer, afin sensibiliser ce public sur les horreurs de la guerre.
C’est donc un témoignage pour les derniers anciens combattants, mais aussi un avertissement sur les désastres de la guerre pour les jeunes générations.
Photographies de Robert Capa prises le 06 juin 1944