Des fleurs, une lettre sur une tombe, et le secret de famille se dévoile

Une lettre a été déposée par une inconnue sur la tombe de la mère de Philippe. Cette missive mystérieuse a conduit à la découverte de toute l’histoire de sa mère avant son adoption.

Des fleurs et une lettre. Un jour d’automne 2018, elles ont été découvertes sur la tombe de la mère de Philippe, dans le grand cimetière rennais où elle repose depuis 1997. Qui les a déposées ? Mystère. « C’est ma marraine, qui était la meilleure amie de maman, qui les a trouvées », raconte Philippe, 43 ans. « Dans le courrier, quelqu’un racontait que ça faisait des années qu’ils la recherchaient, qu’ils étaient contents d’avoir retrouvé sa trace. »

« On savait que maman avait été adoptée »

L’anonyme qui a écrit ne donne aucun détail sur le lien qui l’unissait à Maryvonne. Mais il a laissé son numéro de téléphone.

Comme une main tendue à Philippe et à ses proches s’ils désirent en savoir plus. « Mon père était sceptique », se souvient Philippe.

L’histoire personnelle de cette mère, morte à 48 ans, les pousse à prendre contact. « On savait que maman avait été adoptée. Je l’avais découvert à 10 ans en surprenant une discussion dans la cuisine entre ma mère, sa mère – ma grandmère – et mon père. »

À l’époque, Philippe l’avait questionnée. « Elle m’avait confirmé l’adoption mais je n’avais pas eu plus détails. » Lui s’en tient là, mais sa soeur, de trois ans sa cadette, lui fera ensuite régulièrement part d’un sentiment : elle disait « toujours avoir l’impression qu’il y avait quelqu’un d’autre ».

La première approche vers l’auteur de la lettre est réservée : un texto est envoyé au numéro trouvé dans le courrier. Après un échange par écrit, un rendez-vous téléphonique est pris. Soudainement, Philippe et sa famille découvrent toute l’histoire de sa mère et de sa famille, avant son adoption.

« On apprend alors que maman n’avait pas un frère, pas deux frères, mais huit frères… Presque tous nés de pères différents. » C’est la fille de l’un des frères qui a écrit le courrier déposé sur la pierre tombale. Un seul est encore en vie.

« Bonne dans les fermes en Bretagne »

« La mère biologique de maman était bonne dans les fermes en Bretagne. À l’époque, au milieu du XX siècle, il n’était pas rare que des hommes abusent de la bonne. Elle a sans doute été violée. » Une hypothèse troublante et déstabilisante, même si elle est invérifiable.

Parmi les éléments certains, Philippe sait désormais que toute la fratrie de sa mère avait été placée dans la même famille nourricière, à la campagne, près de Rennes. Sa mère, à la naissance, ne s’appelait pas Maryvonne, mais Marie-France.

Et elle a beaucoup manqué à ses frères aînés. « Un jour, quelqu’un est venu chercher les deux plus jeunes enfants de la fratrie. Ma mère, qui avait 5 ans, a été emmenée pour être adoptée. Elle était la seule fille. Certains de ses frères sont apparemment devenus fous de ne pas savoir ce qu’elle était devenue. Ils l’ont cru disparue. »

Finalement, les deux familles, dont le dernier frère encore vivant, se rencontrent. Philippe et son père viennent avec des photos de Maryvonne. Autour d’un café, ils leur racontent sa vie d’après l’adoption, une vie plutôt bourgeoise en comparaison à celles de ses frères. Eux décrivent leur jeunesse à l’assistance publique.

« Ça m’a obnubilé pendant trois ou quatre mois. C’est forcément déstabilisant. Eux, ça leur a apporté des réponses. Ils étaient heureux de voir qu’elle avait eu une vie… Moi, j’aurais pu m’en passer. Voir revenir maman, comme ça, au centre de nos vies… », glisse Philippe. Il en sait désormais plus que sa mère sur sa propre famille à elle. « Est-ce que maman aurait fait les démarches pour savoir ? », se demande-t-il.

Acte d’adoption, décision de justice, lettres, lui a désormais toutes les copies des documents du dossier d’adoption. « Parmi ses ascendants, il n’y a que de l’assistance publique… La grand-mère biologique était, elle-même, née d’une relation illégitime. »

« Je revois les photos de ma mère différemment »

La mère adoptive de Maryvonne est morte un an avant sa fille. Elle ne lui avait pas raconté grand-chose. Maryvonne a découvert qu’elle avait été adoptée quand elle avait 18 ou 19 ans, en allant à l’état civil. Tout son entourage était pourtant déjà au courant.

« J’ai parlé de tout ça à mes enfants », poursuit Philippe. « Je revois les photos de ma mère quand elle avait 5 ou 6 ans différemment. Elle venait juste d’être adoptée. Elle a eu de la chance. Ça donne le vertige de penser aux nombres de hasards qui font que j’existe. »

Marie Toumit

Ouest-France, éd St-Nazaire 01/05/2020