1 milliard d'aïeux chez Geneanet

Date de publication : Sep 04, 2012 4:34:46 PM

C'est un des plus grands cimetières virtuels de France. Aux allées bien ordonnées, aux arbres arrosés par plus d'un million de vivants qui le fréquentent assidûment... GeneaNet  

  Le Parisien titre le 01/09/2012 : "le principal site Internet de généalogie français franchira le cap de 1 milliard d'aïeux retrouvés ce week-end".

Le premier site Internet français de généalogie a battu un nouveau record hier. En trois clics, chacun peut désormais retrouver ses racines. Un loisir qui séduit les jeunes et resserre les liens familiaux.

GeneaNet, site Internet spécialisé dans la recherche des racines familiales, enregistre 200 000 nouveaux ancêtres ajoutés chaque jour. (LP/OLIVIER CORSAN.)

C'est un des plus grands cimetières virtuels de France. Aux allées bien ordonnées, aux arbres arrosés par plus d'un million de vivants qui le fréquentent assidûment... GeneaNet, le premier site Internet français de partage en ligne d'arbres généalogiques, a franchi hier un cap qui en dit long sur cette fièvre hexagonale : 1 milliard d'individus répertoriés. Des princes, des paysans ou des papys morts dans les tranchées. Charlemagne ou Maurice, qui cohabitent dans les branches de Français anonymes et passionnés. « C'est un chiffre symbolique » sourit Christophe Becker, 43 ans, le directeur du site où il est possible de publier gratuitement son arbre depuis une quinzaine d'années. « Au début des années 2000, on avait 120 000généalogistes inscrits. Aujourd'hui, on a 200 000 ancêtres ajoutés chaque jour, par plus de 1,2 million d'utilisateurs ! » Une success story partagée parles autres sites

 qui se répartissent le marché, comme Genealogie.com, France-GenWeb, Ancestry, MyHeritage... « Internet a été un accélérateur des recherches, analyse Christophe Becker. Cela a permis aux déjà-généalogistes de partager leurs travaux et auxjeunes de s'yintéresser, eux qui sont habitués à tout trouver sur Google et n'auraient jamais mis les pieds aux archives . »

Un Français sur six a son arbre

Plus d'un Français sur six a commencé son arbre et, si la généalogie est à la mode en ces temps de déstructuration familiale, l'Hexagone fait figure de pionnier. Car, contrairement aux Etats-Unis où toute recherche requiert de dégainer sa MasterCard, la France est l'un des seuls pays où l'essentiel des données est gratuit. Même les archives départementales, pour lesquelles la numérisation des registres a coûté cher, ont été poussées à tout mettre en ligne en libre accès. Aujourd'hui, 80 départements sur 96 offrent les actes d'état civil anciens sur Internet. Et ce n'est qu'un début. On attend, pour bientôt, les archives des notaires et les archives judiciaires. Des informations qui transformeront GeneaNet en Facebookdes ancêtres. 

Un forum de généalogie

Pour sa première édition, 4 000 personnes s'étaient déplacées en 2010 aux Archives nationales. Autant dire que la Fédération française de généalogie s'attend à faire au moins autant les 29 et 30 septembre pour son deuxième Forum national de généalogie. Gratuit, l'événement permettra de rencontrer près de 65 associations, représentant des régions de France, qui répondront aux questions des visiteurs. A l'hôtel Soubise, ils pourront consulter les archives militaires du Service historique de la défense et les Archives nationales organiseront des recherches familiales. Au programme également : une visite des grands dépôts où se trouvent le testament de Louis XIV mais aussi notre Constitution.

29 et 30 septembre Archives nationales, 60, rue des Francs-Bourgeois (Paris IIIe) Samedi : 10 heures -18 heures Dimanche : 10 heures - 17 h 30 

« Une façon de reconstituer la famille »

JEAN-LOUIS BEAUCARNOT généalogiste a contribué par ses livres et ses émissions de radio à démocratiser l'art de rechercher ses ancêtres. 

Un milliard d'individus sur le premier site fiançais d'arbres généalogiques, ça vous fait quoi ? 

JLB: C'est le succès de la généalogie et surtout de la généalogie partagée grâce à Internet. Quand j'ai commencé mes émissions, il y a trente ans, c'était la préhistoire. Si un auditeur me demandait d'où venait son nom, il m'arrivait de passer trois heures la nuit à la poste du Louvre pour éplucher les annuaires dans l'espoir de trouver l'origine du patronyme. Aujourd'hui, en trois clics, je sais de quelle région vient le nom et où était le berceau de la famille sous Louis XIV. En 1980, il m'aurait fallu trois ans pour trouver les origines de François Hollande. Cela m'a pris moins de trois jours grâce aux données en ligne...

De quand date le virage ? 

Au milieu des années 2000, quand GeneaNet est devenu cette mégacentrale gratuite, sans équivalent. Et puis, la mise en ligne des registres par les départements a achevé de démocratiser les recherches. Selon qu'on descend d'un enfant trouvé, d'un aïeul polonais ou d'une famille dans la Creuse, c'est plus ou moins facile de remonter le temps. Mais il y a eu longtemps une autre inégalité : tant que seules les associations dépouillaient les actes, il y a eu des départements très dynamiques et d'autres pas. Aujourd'hui, on a autant de chance de retrouver ses ancêtres dans la Somme ou en Saône-et-Loire. La France est le seul pays à permettre ça 

Cela a rajeuni l'univers de la généalogie ? 

Il y a de plus en plus de trentenaires sur GeneaNet. La généalogie s'inscrit dans le phénomène des réseaux sociaux. Les jeunes y créent des liens avec les morts mais aussi avec les vivants : cousins, homonymes, branches perdues de vue . Ils ont repris le dossier d'un grand-père, l'ont informatisé et se sont piqués au jeu, ravis de compléter le travail de l'aïeul. 

Comment expliquez-vous cela ?   

Il y a la satisfaction -ou l'espoir- de s'affirmer comme historien de la mémoire familiale. A notre époque où la famille est éclatée, recomposée, il s'agit de reconstituer son clan, de savoir d'où l'on vient. Et puis, les jeunes généalogistes sont heureux de retrouver leurs ancêtres mais aussi de les partager, les inscrire dans le marbre. Comme sur Facebook, on publie les statuts des morts, on poste des photos d'eux. 

Et demain? Je crois que la généalogie aura des finalités qu'on n'imagine pas. On va vers une pluralité des sources, de façons de reconstituer la famille. La solidarité familiale, qui a disparu quand le monde rural s'est dispersé, reviendra par ce biais. Demain, on trouvera un stage chez un cousin à la mode de Bretagne retrouvé sur Internet, là où avant on le rencontrait à un mariage. 

«Vous intéressez-vous à la généalogie ? »

Julien Servotte 24 ans cuisinier Charleville (08)   « Oui, mon frère a entamé des rechercheset j'ai découvert récemment que j'avais des origines siciliennes. Une partie de mes ancêtres est passée par la Belgique et est arrivée en France au milieu du XIXe, et l'autre partie a fini à New York pour grossir les rangs de la mafia de Little Italy. Même si je trouve ça passionnant, tout ça reste quand même bien loin de moi. »

Cécile Zanetti 21 ans étudiante Mulhouse (68)   « Oui, c'est quelque chose qui me tient à coeur. Ma mère a fait des recherches, et je pense un jour les continuer si j'ai le temps. On sait que toute la famille de son côté est originaire de Bar-le-Régulier, en Bourgogne. Mes grands-parents ont une maison familiale où on passe nos vacances. Du côté de mon père, on a retrouvé des traces de ses ancêtres à Vérone, en Italie. »

Sandro Lopes 21 ans étudiant Poissy (78)   « Oui, mes racines me passionnent vraiment. Je viens de Guinée-Bissau, je suis arrivé en France lorsque j'avais 9 ans. Mes parents me parlent souvent de mon pays d'origine, et notamment du village dans lequel mes grands-parents habitaient, Pradis. C'est important de savoir d'où on vient, il faut être curieux. Je transmettrai ça à mes enfants. »    

Stéphanie Morville 30 ans militaire Toulon (83)   « Non, ça ne m'intéresse absolument pas.

Tout ce que je sais, c'est que je n'ai pas de lien avec Joey Starr (NDLR : Didier Morville) ! A l'école élémentaire, j'avais dû faire un arbre généalogique, mais j'avais trafiqué quelques branches car même mes parents étaient incapables de se souvenir des noms de leurs ancêtres. Je préfère me tourner vers l'avenir. »

Jean-Michel Losa 62 ans architecte Strasbourg (67)   « Oui, à tel point que j'ai même commencé à faire des recherches du côté de Florence, car la famille de mon père est originaire de cette région en Italie. Mais c'est extrêment difficile quand on ne parle pas la même langue ! Je pense continuer mes recherches et je ferai sans doute appel à une société spécialisée, car c'est un travail fastidieux. » 

A savoir avant de se lancer

Qui sont mes ancêtres ? Que faisaient-ils ? Ces questions taraudent de nombreux Français, de plus en plus jeunes, qui veulent vivre heureux au pied de leur arbre généalogique. Faire sa généalogie peut d'ailleurs devenir une aventure trépidante comme une enquête policière.

Quel fil tirer en premier ?

Pour commencer, on fait simple ! On enquête d'abord auprès de sa famille, comme le suggère Jean-Louis Beaucarnot, généalogiste, journaliste et écrivain, qui a enregistré des conseils pour les débutants sur le site de GeneaNet. Chaque membre de la famille peut apporter sa pierre à l'édifice en partageant des papiers, des faire-part, des photos ou encore des actes de mariage. Ensuite, pensez à rencontrer les doyens de la famille pour qu'ils ne partent pas en emportantleurs secrets. Une visite au cimetière peutaussi vous être utile pour trouver des dates (ou années) de naissance et de décès. Les grands-parents ou arrière-grands-parents nés trop récemment ne sont pas trouvables dans les archives qui préservent l'identité des contemporains : il faut souvent écrire aux services d'état civil pour remonter à leurs propres parents qui, eux, sont assez vieux pour figurer dans les tables décennales de naissances de leur ville ou village. Après, les archives — presque toutes sont en ligne — deviendront vos meilleures amies. Les livres vous sont ouverts, il faut les éplucher ! Plus on réussit à fouiller loin dans les générations, plus les difficultés risquent de survenir, les écritures d'être indéchiffrables et les surprises de taille (enfant né de père inconnu...). Il est normal que des blocages ralentissent les recherches, rare qu'ils les interrompent.

Les Européens tous descendants de Charlemagne ?

Le sang de Charlemagne coulerait dans les veines de 9 Européens sur 10. « Depuis au moins 5 générations, tout Français [.] descend de l'empereur à la barbe fleurie », estimait en 1986 la revue « Nos ancêtres et nous ». Il n'est donc pas exceptionnel de trouver Charlemagne et son épouse Hildegarde dans son arbre généalogique si on arrive à remonter jusqu'à la 40e génération. Par quel miracle ? Un peu de mathématiques et d'histoire s'imposent. Le calcul des probabilités mène à une quasi-certitude : des historiens estiment à environ 8 millions de personnes la population de l'an 800. Partant du principe que tout le monde a 2 parents, 4 grands-parents, 8 arrière-grands-parents, etc. et qu'on estime à 40 le nombre de générations nous séparant de Charlemagne (747-814), on a donc chacun 35 000 milliards d'ancêtres contemporains de l'empereur ! Bien plus que la population de toute la Terre. Il serait donc vraiment surprenant que Charlemagne n'y figure pas au moins une seule fois, même indirectement ! Alors, peut-on descendre de Charlemagne ? Oui, mais encore faut-il des preuves

Quel intérêt à rechercher ses racines ?

Pour redorer leur généalogie, de nombreuses personnes sont à la recherche effrénée du « sang bleu », celui ou celle qui a glorifié le nom de la famille et qui a obtenu honneurs et récompenses. Et là, la gifle arrive. Vous trouvez un ancêtre qui a plus le profil de Jacquouille la Fripouille que celui de Godefroy de Montmirail. Pas de panique ! Il semblerait que nous ayons tous, parmi nos aïeux, un ancêtre pirate, un guillotiné, un noble, un voleur de grand chemin, un curé ou un général de Napoléon. Là encore, c'est une vérité statistique ! Lorsqu'on fouille un peu les archives familiales et qu'on dépoussière l'arbre généalogique de la famille, on découvre souvent, au détour d'une branche cousine, un aïeul ou une grand-mère dont l'histoire mérite d'être racontée. Plus qu'un hobby, la généalogie permet de laisser une trace à sa postérité. 

J'ai retrouvé 1162 aïeuls en trois mois » AURÉLIE, 28 ANS passionnée de généalogie

ANNEMASSE (HAUTE-SAVOIE), HIER. Mordue de généalogie, Aurélie peut y consacrer jusqu'à cinq heures par jour. (LP/NICOLAS FORAY.)

Quand ça la prend, elle se sert un Coca, met un album de Madonna ou d'Orelsan et sait qu'elle en a « pour un moment » devant son écran. Quatre ou cinq heures, parfois jusque tard dans la nuit, à feuilleter virtuellement. les registres paroissiaux du canton d'Ambérieu-en-Bugey, dans l'Ain. Ou à se promener dans le Bas-Rhin, au fil des pattes de mouche d'un curé qui baptisait ses ouailles en 1780. A l'heure ou d'autres veillent devant des séries américaines, Aurélie assume. « Je ne lâche pas avant d'avoir ajouté un nom au puzzle. » A 28 ans, cette vendeuse dans un magasin de déco à Annemasse, en Haute-Savoie, n'a pas grand-chose à voir avec une préretraitée qui tisse sa généalogie comme une tapisserie en écumant clubs, salons et associations. Elle n'avait jamais regardé un arbre généalogique avant de commencer le sien, au printemps, à cause d'une période de chômage inopiné. « J'étais sur Internet, j'ai eu envie de fouiller. » Elle n'a pas d'explication toute faite à cette passion. Parce qu'elle est fille unique ? Parce que ses grands-parents sont morts avant sa naissance ? Peut-être. " J'ai toujours aimé l'histoire. Je voulais être archéologue quand j'étais gamine"

De la famille jusqu'en 1550

Depuis, elle se connecte sur GeneaNet avec autant de ferveur que sur Facebook. Elle utilise Google, son scanner, son smartphone, glane, épluche, frappe aux portes virtuelles des autres généalogistes. Elle exulte : 1 162 ancêtres directs retrouvés en trois mois. « Je suis remontée jusqu'en 1550 », insiste-telle. Sa mère, ses tantes, quelques cousins perdus de vie se sont « abonnés » à ses recherches. « Si je ne les informe pas de chaque trouvaille, ils me relancent. » Parfois, c'est émouvant. Des enfants morts en bas âge, les uns après les autres, laissant son arrière-grand-mère seule survivante d'une fratrie décimée. Parfois, c'est glorieux. Le fils d'un propriétaire alsacien qui devient garde impérial de Napoléon III. Parfois encore, c'est le secret de famille difficile à prouver. « Un aïeul qui aurait fait de la prison pour meurtre pendant la Première Guerre mondiale. Je cherche et je finirai bien par trouver. » En attendant, Aurélie s'est découvert une parfaite homonyme, à Marseille, devenue une copine sur Facebook. « On essaie de voir si on a un lien de parenté, ce serait marrant. » Elle se dit incapable de s'arrêter. « Ça n'a rien d'un truc de vieux. Au début, c'était une démarche égoïste pour savoir d'où je viens, conclut-elle. Maintenant, j'ai envie de reconstituer des vies et de tisser des liens. »

source le Parisien 01/09/2012