Comment la Généalogie a pris un coup de jeune, un bel article du Parisien

Date de publication : Aug 13, 2019 11:59:0 AM

Réseaux sociaux, tests ADN ou archives en ligne facilitent la recherche de ses ancêtres. Désormais, toutes les générations s’y mettent.  

source:  leparisien.fr  &  leparisien.fr  Manon Boquen  09/08/2019   fb1      les 30 derniers messages 

"Bonjour, je voudrais bien connaître le prénom de tes grands-parents et arrière-grands-parents car je fais mon arbre généalogique." Ce message, Albane, une collégienne de 14 ans, l'envoie via Instagram à tous ceux qui portent son nom de famille. Elle vient tout juste de commencer ses investigations et espère un jour réunir tous ses parents. "J'aime l'idée de rencontrer de nouveaux cousins et de discuter pour découvrir nos racines", explique l'adolescente rouennaise, fière d'avoir déjà inscrit 70 noms sur son arbre généalogique. Le tout, simplement en utilisant son ordinateur et son téléphone portable. Ce passe-temps, d'ordinaire perçu comme l'apanage des retraités, revient en force. Une étude Opinionway "Les Français et la généalogie", faite en 2016 pour le site Filae, relève que 70 % des Français se disent intéressés par leurs origines . L'activité revient à la mode, estiment même 81 % d'entre eux.  

L'âge moyen des adeptes est passé de 70 ans à 48 ans

"On choisit les ancêtres que l'on étudie"

L'entraide, la solidarité sont au cœur de la pratique. Jacqueline, une retraitée de 66 ans, en a souvent bénéficié. Certains passionnés lui ont signalé des erreurs -"inévitables" selon elle- tandis que d'autres l'ont assistée pour déchiffrer des documents illisibles. "Maintenant que j'ai complété mon arbre, je cherche à comprendre comment vivaient mes ancêtres", confie cette Savoyarde. Les généalogistes amateurs font le tri parmi les aïeux, à la recherche des parcours les plus originaux. Aujourd'hui, les généalogistes en herbe ne recherchent plus l'exhaustivité. "On ne peut pas faire toute sa généalogie. Donc on choisit les ancêtres que l'on étudie", observe Patrice Marcilloux, du laboratoire Temps, Mondes, Sociétés (Temos), à l'université d'Angers (Maine-et-Loire). Soldats engagés dans l'armée napoléonienne, anciens bagnards, députés ayant participé à la Révolution… La recherche de parcours originaux constitue une pierre angulaire de la discipline.

Une façon d'éclairer sa propre existence

"La généalogie est aujourd'hui une pratique tournée vers soi, destinée à mieux se comprendre", constate Patrice Marcilloux. L'itinéraire de ses ancêtres explique-il son propre caractère ? A-t-on hérité des convictions de ses aïeux ? Traversé les mêmes expériences ? s'interrogent les généalogistes désireux d'éclairer leur propre existence. Cette quête de sens explique le regain d'intérêt pour ce passe-temps. Jean-Luc en est convaincu. Depuis trois ans, ce Lorrain d'origine, âgé de 62 ans, traque ses ancêtres, notamment ceux qui auraient pu appartenir à la noblesse. A force d'enquêter, il a découvert qu'un de ses ascendants avait construit un monument dans sa ville natale. "C'était un personnage important. Je suis fier de ce qu'il a réalisé", se réjouit ce professionnel de l'immobilier. Sa passion lui a donné un nouveau statut auprès de ses proches : "Je suis devenu le conteur familial, en quelque sorte." Certains se transforment même en "expert local", constate Sandra Fontanaud, docteure en sociologie, grâce à des connaissances souvent pointues mais rarement valorisées.

Une discipline enseignée à l'université

Les historiens de métier ont longtemps boudé ces généalogistes amateurs. Mais les choses changent. La discipline est désormais enseignée à l'université. Pascale, une policière à la retraite, a ainsi choisi de passer un diplôme en généalogie à l'université du Mans (Sarthe), l'une des rares, avec celles de Nîmes (Gard) et de Paris XIII, à proposer une formation dans le secteur. Celle qui apprécie le versant "enquête" de cette matière a suivi des cours d'histoire, de retranscription et de cartographi, avant de rédiger un mémoire de fin d'année sur son histoire familiale. Elle n'exclut pas désormais de se professionnaliser.

Le succès des tests ADN

La généalogie a été chamboulée par un autre phénomène : l'arrivée des tests ADN. Grâce au séquençage et à l'analyse de ce morceau d'information génétique, des laboratoires -notamment américains- déterminent les origines d'une personne en comparant son ADN à celui de populations de référence. Ces prélèvements salivaires, qui coûtent entre 80 et 100 euros, sont interdits en France. Les contrevenants risquent une amende de 3750 euros. Pourtant ces tests connaissent un grand succès, comme le souligne Christophe Becker, le directeur de Geneanet : "Nous avons fait une étude auprès de 20 000 membres de notre communauté. L'an dernier, moins de 5 % avaient fait un test ADN. Cette année, 24 % d'entre eux y ont eu recours. C'est énorme !"

Des origines inattendues

Ces tests attirent un nouveau public, souvent très jeune, vers une généalogie qui ne se veut plus historique, mais biologique. Etudiante de 20 ans à Paris, Ruby-Pearl a commandé son kit de prélèvement pour 50 euros "en promo", après avoir vu plusieurs vidéos à ce sujet sur YouTube. Ses résultats l'ont quelque peu surprise : "J'ai appris que j'avais un gros pourcentage d'origine italienne. Ça a étonné toute la famille." Ses données, conservées par MyheritageDNA, l'entreprise qui lui a vendu le test, ont aussi été confrontées à celles des autres clients, dans le but d'identifier de potentiels cousins partageant une portion d'ADN. Sandra Fontanaud, la docteure en sociologie, avertit toutefois que cette pratique peut réserver de mauvaises surprises. Apprendre que votre voisin est aussi votre demi-frère a toutes les chances de donner une autre saveur aux dîners de familles.

De nombreux outils à portée de clics

Un regain d'intérêt dopé par les nouvelles technologies. On dénombre plus de 120 groupes relatifs à cette discipline sur Facebook, une très grosse communauté Twitter et de multiples blogs… Le site spécialisé Geneanet, poids lourd du secteur, comptabilise 2 millions de visiteurs par mois. "Internet a fait évoluer le public", assure Pierre-Valéry Archassal, généalogiste professionnel qui suit les effets des innovations numériques sur la pratique. Les adeptes de la recherche d'ancêtres affichent de nouveaux profils.  Plus variés. Plus jeunes. La moyenne d'âge des pratiquants atteint 48 ans, selon le sondage d'Opinionway. "Il y a vingt ans, cela tournait plutôt autour de 70 ans", relève Emmanuel Condamine, le directeur de Filae. Autre signe de ce changement : la nomination à la tête de la Fédération française de généalogie -qui représente 150 associations- de Valérie Arnold-Gautier, 53 ans, première femme et plus jeune présidente de l'histoire de l'organisation.

De nouvelles façons d'enquêter, sans se déplacer

Victor fait partie de cette nouvelle génération d'accros à la généalogie. Développeur informatique de 29 ans, il est "tombé dedans" en trouvant les cartes postales que s'échangeaient ses arrière-grands-parents paternels. "Grâce à mes recherches sur Internet, j'ai découvert que mon grand-père et mon arrière-grand-père étaient nés de père inconnu". Ce dernier avait donc reconnu mon grand-père alors qu'il n'était pas son fils, s'étonne le jeune homme. La numérisation des archives publiques, consultables gratuitement, et le développement de sites de partage d'arbres et de documents comme Geneanet ou Filae ont bouleversé les façons d'enquêter. "On peut accéder en un clic à des tonnes d'éléments alors qu'avant les déplacements étaient obligatoires", se réjouit Victor. En facilitant les recherches et la prise de contact, toutes ces innovations constituent une nouvelle porte d'entrée dans la discipline. Marine, 31 ans, mordue de généalogie depuis ses 15 ans, a ainsi eu le plaisir de recevoir un message d'une cousine éloignée sur son blog Dans les branches. "Elle a été très émue de voir que je parlais de son arrière-grand-père et d'apprendre des choses sur lui", se réjouit cette ingénieure qui consacre une à deux heures tous les soirs à la généalogie.

"La petite histoire dans la grande histoire"

Les enquêtes sur Internet aboutissent aussi à de poignantes rencontres, comme en témoigne Frédéric, 38 ans. De son grand-père, ce salarié de l'agroalimentaire savait peu de choses. Seulement qu'il avait été prisonnier dans une famille allemande pendant la Seconde Guerre mondiale. A la naissance de sa première fille, Frédéric se lance sur les traces de son aïeul. "J'ai mis douze ans à retrouver la famille en Allemagne", explique-t-il. Douze longues années de recherches pour identifier la petite fille de l'homme qui avait traité son grand-père avec humanité outre-Rhin. "Quand je l'ai appelée, elle était en pleurs. Je me suis rendu surplace et elle m'a donné la poignée de la porte de l'écurie où mon grand-père travaillait, en guise de souvenir", relate Frédéric. Cette "petite histoire dans la grande histoire" l'a décidé à créer un groupe Facebook sur les stalags -ces camps de prisonniers de guerre créés par les Allemands- pour donner un coup de pouce aux généalogistes à la recherche d'aïeux détenus pendant la guerre.

source:  leparisien.fr  &  leparisien.fr  Manon Boquen  09/08/2019