PIE

Ts'io ou Hi-Ts'io

La pie est essentiellement l'oiseau de la joie, d'où son nom double de « Pie de la joie ». Elle est donc antithétique du corbeau, oiseau de malheur.

La pie est tin animal du Yang, le principe mâle.

C'est surtout son cri qui était porteur de présages favorables. Que quelqu'un, plongé dans des difficultés préoccupantes, l'entende brusquement, surtout si cc cri était joyeux, c'était la réussite assurée. Une pie nichée dans une maison attirail la joie alentour. Son caquetage annonçait d'heureuses visites.

Mais ces bonnes nouvelles s'appliquent tout particulièrement au bonheur conjugal. Faudrait-il voir là la conséquence de la légende du « Bouvier et de la fileuse » (étoiles et constellations) ou l'inverse ? Personne ne s'est aventuré jusqu'à donner une réponse. Rappelons que les époux-amants, séparés tout au long de l'année par la Voie Lactée, ont droit de se réunir une fois l'an. Ce jour-là (le septième Jour de la septième Lune) toutes les pies du monde volaient au ciel et, aile contre aile, formaient un pont sur le Fleuve Argent. Encore fallait-il qu'il n'y ait pas de nuages. Cette fête était celle des jeunes filles à marier. Mais la pie peut aussi se charger d'autres messages : selon une tradition ancienne des époux séparés pour longtemps se partageaient un miroir de métal brisé. Si l'un des époux (mais dans le cas de la Chine, entendez plutôt la femme) était infidèle, son morceau de miroir se transformait en pie et volait prévenir l'autre. Cc serait la raison de la représentation de pies au dos des miroirs.

Comme la pie niche sur le sol, si on brûlait son nid le cinquième Jour de la cinquième Lune, les œufs avaient des vertus médicales.

Cette liaison de la pie et du mariage était ancienne. Le Petit Calendrier des Hia se contente de dire qu'à la 10° Lune « Les corneilles se baignent » sans autre explication. Le Yue ling est plus explicite : A la troisième lune de l'hiver, « la pie fait son nid, le faisan crie, la poule couve ». L'allusion est donc déjà plus claire.

Le Livre des Odes accentue fortement la symbolique maritale: « Les cailles et les pies vont deux à deux… et sont fidèles l'une à l'autre » et dans un autre chant : « La pie a fait son nid, la tourterelle l'occupe; cette jeune fille va célébrer ses noces ». Le Li Ki reprendra cette symbolique, ce qui semble indiquer qu'elle était parfaitement établie.

On remarquera que tout cela est bien peu pour un oiseau dont la symbolique est aussi généralement admise.

Une autre raison de la bonne réputation de la pie était son rôle en tant qu'animal héraldique (ou totémique?) des mandchous. L'empire Mandchou naquit, disaient les textes chinois, auprès de la Montagne Blanche, dans le Nord de la Corée. Il y régnait un climat doux mais jamais de grands esprits n'y étaient nés. En ce temps-là y vivaient, près du lac Balkhori, trois sœurs, jeunes filles célestes. Un jour qu'elles se baignaient dans le lac, une pie céleste laissa tomber sur la robe de l'une un fruit rouge (ou un œuf). La jeune fille le mangea, devint enceinte et eut un fils qui parla dès le jour de sa naissance. Il semblait doté de pouvoirs merveilleux et les sœurs de l'accouchée lui prédirent que son fils restaurerait la paix parmi les royaumes. Elle-même se retira dans la Caverne de Glace et y mourut. L'enfant monta sur une barque et descendit la rivière. L'époque était troublée par des guerres fratricides et trois tribus s'entretuaient joyeusement. Trois chefs aperçurent un jour l'enfant et lui trouvèrent un aspect étrange. L'enfant leur dit qu'il était né pour établir la paix. « Cet enfant est certainement un envoyé du ciel » se dirent-ils. Puis ils le cooptèrent comme prince et c'est lui qui aurait choisi le nom de Mandchou (lié à celui de la divinité bouddhique Manjuçri). La paix régna pendant plusieurs générations. Mais tout a une fin. Ses sujets se révoltèrent contre sa lignée et l'exterminèrent. Seul un enfant réussit à échapper au carnage et s'enfuit à cheval dans la steppe. Serré de près par les révoltés, près d'être rattrapé, il se jeta à terre et se donna l'aspect d'un vieil arbre.

Une pie vint s'y percher. Passant non loin de là et voyant la pie, les poursuivants continuèrent, croyant vraiment que c'était un arbre. Il put mettre à profit cette méprise pour rassembler des partisans et reprendre le pouvoir. Ses descendants devinrent les empereurs de Chine.

La pie est un motif fréquemment utilisé sur les images formant vœu. Elle y est en général comme représentant la « joie » ; mais le caractère joie est celui qui, redoublé, symbolise la joie ou le bonheur dans le mariage: deux pies peuvent donc être un vœu de bonheur partagé du couple (exemple donné par M. Eberhardt ; deux pies, un bambou et un prunus se lisent bambou et prunus, l'homme et la femme ; les deux pies trouvent leur joie ensemble).

La pie figure également sur les images de gardiens des portes parmi d'autres attributs (coupe, cerf, chauve-souris, etc.).

L'imaginaire et la symbolique dans la Chine ancienne

Par Maurice Louis