Modeste Toile de Lin

Bonjour Pierre,

Histoire d’une modeste toile de lin brodée devenue l’un des trésors du patrimoine de l’humanité : la Tapisserie de Bayeux.

Ci-dessous un article composé avec des extraits copiés/collés des textes du site officiel de la Tapisserie de Bayeux, pour commodité de lecture.

Que de beaux échanges tu as mis en place ! Bravo !!!!

Chaleureusement,

Valérie

LA TAPISSERIE DE BAYEUX

Broderie d’images et d’inscriptions, la Tapisserie de Bayeux après un séjour de sept siècles au sein du trésor de la cathédrale est dévoilée aux yeux de tous sous la Révolution.

Commence alors une longue série de voyages et d’études approfondies qui rendront mondialement connue cette modeste toile de lin.

Entrons dans la légende ! Et résolvons l’énigme de sa création et les secrets de sa composition ! Découvrons les nombreux périples qui ont rythmé son existence ! Enfin apprenons ensemble à prendre soin d’un si précieux trésor !

LES MYSTERES DE SES ORIGINES

La Tapisserie de Bayeux célèbre la victoire d’Hastings du 14 octobre 1066, remportée par Guillaume, duc de Normandie, sur les Anglais.

La Tapisserie, qui est indissolublement liée à la ville dont elle porte le nom, aurait été confectionnée dans le sud de l'Angleterre, vraisemblablement à Cantorbéry, vers 1070. Les mystères entourant sa création ont suscité, et suscitent toujours, de nombreux débats.

Une broderie du XIe siècle

En dépit de son nom, la Tapisserie longue d’environ 68,30 mètres et large de quelque 50 centimètres, est en réalité une broderie. Broderie d’images et d’inscriptions, elle est constituée de neufs panneaux en lin reliés les uns aux autres par de fines coutures.

Une tenture narrative

Les tentures narratives, qui comme la Tapisserie de Bayeux étaient occasionnellement visibles de tous les fidèles, n'étaient pas seulement destinées à décorer les églises.

Elles narraient une histoire aux nombreux analphabètes de l'époque. Récit narratif proche du vitrail, ce dernier porté par l'image est autant poème épique qu'oeuvre moralisatrice

La Tapisserie a elle aussi sa morale : l'homme qui trahit un serment sacré a commis un péché, et pour ce péché il n'est qu'une issue possible : la mort !

Qui l'a commandée ?

Contrairement à la croyance populaire, ce ne serait pas la reine Mathilde accompagnée de ses dames de compagnie qui la confectionna.

Pour une majorité d’historiens, Odon, évêque de Bayeux et demi-frère de Guillaume le Conquérant, a commandé cette broderie pour orner la nef de la nouvelle cathédrale Notre-Dame de Bayeux dédicacée le 14 juillet 1077.

Où a-t-elle été fabriquée ?

La plupart des chercheurs s’entendent sur l’origine anglaise; toutefois, leurs avis divergent sur le lieu de fabrication. Pour certains, la Tapisserie aurait été brodée à l’abbaye Saint-Augustin de Cantorbéry, pour d’autres à Winchester ou encore Wilton.

L'historien allemand Wolfgang Grape défend l’hypothèse normande. Selon lui, la Tapisserie a été confectionnée en Normandie et plus particulièrement à Bayeux.

Une hypothèse récente émane de l'historien américain George Beech. Selon lui, plusieurs indices permettraient de démontrer que la Tapisserie de Bayeux aurait été conçue à l'abbaye française de Saint-Florent de Saumur.

Une œuvre de propagande ?

La Tapisserie apparaît comme l’illustration de la version normande des événements et donc comme une œuvre de propagande pro normande ayant pour but la justification de la conquête de l’Angleterre en 1066. Toutefois, quelques rares chercheurs laissent entrevoir la possibilité que ce soit également une œuvre pro anglaise, subtilement déguisée.

LES SECRETS DE SA REALISATION

Broderie au point...

De la laine au point de Bayeux en passant par le lin et les pigments naturels, découvrez les différentes étapes de fabrication de la Tapisserie.

Des matériaux naturels

Une toile de lin

Les scènes de la Tapisserie de Bayeux sont brodées sur une toile de lin. Celle-ci est tissée à partir des fibres textiles présentes dans les tiges de la plante.

La teinte naturellement grise de la toile vire à l’écru, puis au blanc cassé lorsqu’elle est blanchie, c'est-à-dire exposée un certain temps à la lumière du jour. C’est le cas de la Tapisserie. Ainsi, ce fond de toile laissé entièrement nu accentue l’originalité des teintes des fils de laine qui la compose.

Des fils de laine

Au XIe siècle, la laine de broderie est teinte à la toison puis filée à la main. Les fils sont de grosseur variable selon qu’ils serviront pour le point de tige ou le point lancé.

Trois colorants végétaux pour dix couleurs

Les plantes utilisées pour teindre la laine de la Tapisserie sont le pastel, la garance et la gaude.

Le pastel des teinturiers est une plante de la famille des brassicacées employée autrefois pour la production d’une teinture bleue. La culture de cette plante en Europe a décliné avec l’arrivée au XVIIe siècle de l’indigo originaire des Indes.

La garance ou garance des teinturiers, originaire d’Asie occidentale et centrale, appartient à la famille des rubiacées. Un pigment rouge est extrait de ses racines.

La gaude ou réséda des teinturiers fait partie de la famille des résédacées. Présente dans le bassin méditerranéen et en Asie occidentale, elle était autrefois cultivée en Europe pour le colorant jaune qu’elle contient.

Le procédé de teinture adopté est la fermentation. Cette technique utilise la décomposition des végétaux porteurs de colorants actifs.

Les trempages successifs de la laine, entrecoupés de séchages à l’air, vont permettre d’obtenir la densité de teinte souhaitée. La Tapisserie compte ainsi dix couleurs, obtenues à partir de ces trois plantes :

    • rouge rosé ou orangé (garance)
    • rouge brun violacé (garance)
    • jaune moutarde (gaude)
    • beige (gaude et pastel)
    • bleu noir (pastel)
    • bleu foncé (pastel)
    • bleu moyen (pastel)
    • vert foncé (gaude et pastel)
    • vert moyen (pastel)
    • vert pâle (pastel)

Des couleurs plus ou moins stables

Les teintes peuvent varier en fonction des différents bains de coloration.

Les couleurs d’origine de la Tapisserie ont peu varié avec le temps, contrairement à celles des restaurations effectuées il y a quelques siècles. Celles-ci ne se sont pas conservées, elles sont éteintes (observez les barrettes ou les zones de broderie devenues écrues car elles se sont décolorées). En revanche, celles exécutées au XIXe siècle sont criardes, notamment sur la dernière scène.

Les points de broderie

Ces différents coloris employés soulignent tout au long de l’œuvre l’étonnant relief obtenu par l’utilisation de quatre points de broderie : le point de tige, le point de chaînette, le point fendu réalisé à deux fils et le point de couchage dit « point de Bayeux ». Ce dernier est employé pour le remplissage des plages colorées. Il est cerné d’un point de tige et s’effectue en trois étapes.

Les points lancés

Ces points de couchage remplissent les surfaces. Les grands points lancés n’apparaissent pas sur le revers du tissu.

Les barrettes

Elles maintiennent les points lancés. L’espace entre deux barrettes est de 3 à 4 mm environ.

Une barrette se positionne à l’intersection de deux zones de points lancés.

Les picots

Ces petits points fixent les barrettes. Décalés d’une ligne sur l’autre, ils sont répétés tous les 3 à 5 mm.

Au XIe siècle, la laine de broderie est teinte à la toison puis filée à la main. Les fils sont de grosseur variable selon qu’ils serviront pour le point de tige ou le point lancé.

LES MALHEURS DE LA TAPISSERIE

Une histoire mouvementée

La vie de la Tapisserie est ponctuée d’anecdotes concernant des épisodes mouvementés qui la mirent en péril ou la dégradèrent. Sa bonne étoile lui a toutefois permis d’arriver jusqu’à nous.

Au Moyen Âge

La cathédrale Notre-Dame de Bayeux a brûlé deux fois sans que la Tapisserie, qui y était conservée, ne soit touchée.

Pendant la Révolution française

En 1792, la Tapisserie est utilisée comme bâche pour recouvrir un chariot chargé d’armes quittant Bayeux pour Paris. Lambert-Léonard Le Forestier, capitaine de la garde nationale et membre important de l’administration du district, la sauve et la met en sécurité dans son bureau.

Le 23 février 1794, les membres de la commission des Arts du district la protègent. La Tapisserie allait être découpée et ses morceaux utilisés comme décoration pour orner un char de la fête de la Raison.

Au XIXe siècle

Au cours du XIXe siècle, plusieurs morceaux et fils de la Tapisserie disparurent. Un fragment est entré en possession du dessinateur anglais Charles Stothard d’une façon indéterminée (don, vol ?) avant d’être restitué à la ville de Bayeux par le musée de Kensington en 1871.

Au XIXe siècle, la Tapisserie était enroulée autour d’un cylindre. Il fallait la dérouler autour d’un second cylindre pour la montrer. Ce moyen de conservation peu adapté a endommagé l’objet par les frottements répétés, notamment aux extrémités.

LE RECIT

L'Histoire…

La question de la succession au trône d'Angleterre va se poser en 1064. Le roi Edouard le Confesseur vieillissant s’inquiète de se savoir sans enfant. Comme prétendant au trône le choix se porte alors sur trois personnages : Harold Godwinson, frère d'Edith, l'épouse du roi Edouard, le jeune Edgar Atheling, petit neveu d'Edouard (élevé en Hongrie) et le duc Guillaume de Normandie, petit cousin de ce même roi.

Après un long exil en Normandie, ayant rapporté à la cour d’Angleterre la langue et des habitudes normandes ainsi qu’un entourage normand, le roi Edouard choisit logiquement Guillaume, duc de Normandie, pour lui succéder. Il désigne Harold Godwinson pour aller en avertir ce dernier. Harold trouve sans doute politiquement plus judicieux d'accepter et s'embarque pour la Normandie. Tel est le point de départ de la Tapisserie de Bayeux.

Par la suite, Harold se fera couronner roi d'Angleterre et bafouera le serment fait au très chrétien Guillaume en la cathédrale de Bayeux. Guillaume devra alors prendre les armes, car il n'y a qu'un châtiment pour un félon : la mort!

La lecture de cette vision des faits nous est facilitée par les textes d’historiographes. Nous sont parvenus principalement les commentaires suivant :

Deux textes mineurs

    • le récit versifié de l'abbé Baudry de Bourgueil rédigé sans doute entre 1085 et 1102. Ce dernier fut par la suite évêque de Dol-de-Bretagne en 1107.
    • le récit en prose Historia Novorum écrit avant 1107 par le moine Eadmer de l'abbaye de Canterbury.

Des grands textes historiques normands

    • les Gesta Normannorum ducum, du moine Guillaume de l'abbaye de Jumièges écrites vers 1070,
    • les Gesta Willelmi, de Guillaume de Poitiers, aumônier du duc Guillaume et archidiacre de Lisieux rédigées entre 1073 et 1077,
    • l’Historia ecclesiastica, d'Orderic Vital, moine de l'abbaye de Saint-Evroult, datant de 1140.

Enfin sont à prendre en compte diverses narrations anglo-normandes du XIIe siècle :

    • les Gesta regum Anglorum du moine Guillaume de l'abbaye de Malmesbury datant de 1125,
    • l'Historia Anglorum de l'archidiacre Henri de Huntingdon rédigée vers 1130,
    • le Roman de Rou, poème en français écrit vers 1170 par Wace, chanoine de la cathédrale de Bayeux, à la demande du roi Henri II Plantagenêt.