Le Langage des Arbres

LE LANGAGE DES ARBRES

ou

L'ECRITURE SACREE DES SAGES DU NORD

Pour les Celtes qui occupaient des terres couvertes de forêts, l'arbre - véritable pont entre le ciel et la terre - symbolisait la Science Sacrée. Dans le dialecte gallois le mot "gwydd" signifie à la fois "arbre" et "lettre" ou Science Divine, et "gwyddon" signifie sage, philosophe. Dans le dialecte irlandais "geadha" présente également ce double sens. Le plus ancien alphabet irlandais : le Beth-Luis-Nion ("Bouleau-Sorbier-Frêne"), tire son nom des trois premiers arbres d'une série dont les initiales forment la suite de ses lettres. La connaissance des nombres, des lettres, des sons et des formes est le fondement de la Sapience inspirée des voyants celtes.

Les collèges des druides étaient établis dans des bois ou des bosquets et une grande part des mystères druidiques utilisaient de petites branches de différentes sortes d'arbres.

Les oiseaux, expressions vivantes des arbres, les initiaient par leurs chants mélodieux au langage secret de la Nature. Ces chants leur disaient :

«L'Harmonie est la loi de la Vie,

la Musique est un Verbe accessible et secret,

la gamme est un frisson de l'énigme géante.

Une corde au repos est un Nombre muet,

une corde qui vibre est un Nombre qui chante

le Nombre est la Loi de l'Univers…»

Le Verbe est souffle vibrant, son rythmé, chant harmonieux, poésie inspirée. Les Nombres, les Sons, les Lettres de l'alphabet, les Mots, les Notes de la gamme, les Couleurs, racontent la création du Monde. Ces signes symboliques expriment la fréquence de vibration, le rythme d'émission, l'intensité du Souffle créateur…

« Le Rythme Universel est le lien de continuité qui relie tout l'existant. Connaître Sa Loi et s'y soumettre c'est atteindre l'Illumination, l'Arbre de Vie et sa Lumière ; c'est déboucher sur une vision globale de l'interaction rythmique des énergies s'exerçant dans le monde, une perception de l'Harmonie qui reflète l'Intelligence Suprême et préside au déroulement du Verbe. »

La Science du Rythme est la clef des Arts Sacrés : la musique, la poésie, le chant, la peinture, la danse, la géométrie, l'architecture, l'astrologie et les sciences divinatoires, la médecine qui est l'art de rétablir l'harmonie perdue, cause de toute souffrance…

D'après la Grande Tradition, l'archange Raphaël, régent de la planète Mercure, préside à tout ce qui est initiation aux véritables doctrines secrètes, à la Science véritable. Il s'est exprimé en Egypte par Thot-Hermès, père du Tarot, clef d'un savoir incommensurable. Plus tard Moïse donnera l'Arche d'alliance, le Chandelier à sept branches et l'Arbre séphirotique. En Grèce Pythagore enseignera la Géométrie Sacrée et la Science des Nombres.

Plus au nord Freegh-Odin fut le civilisateur des peuples scandinaves et germaniques. La Mythologie scandinave nous raconte comment Odin, blessé à un épieu, se pendit neuf nuits symboliques à l'arbre battu des vents, le Grand Frêne cosmique Ygdrasil, symbole de l'Arbre de la Connaissance, Axe du monde, autre image de l'arbre du jardin d'Eden et de l'Arbre de Vie.

«Et donné à Odin, moi-même à moi-même donné.

A cet arbre dont nul ne sait d'où proviennent les racines.

Point de pain ne me remirent, ni de coupes.

Je scrutai en dessous, hurlant les ramassai.

J'épiai au-dessous de moi, je fis monter les Runes,

je les fis en les appelant et alors je tombai de l'arbre.

La Parole me menait, d'acte en acte, l'Acte me menait.»

A l'issue de la neuvième nuit, Odin récolta les fruits de son attente, c'est-à-dire les tablettes sacrées de la Science : les "Runes". Le terme "rune" signifie mystère, secret, décision réfléchie, consultation, mener à bien une conversation mystérieuse. En arabe le mot "runa" signifie "Magie". Chaque rune gouverne une force créatrice de l'univers, et chaque signe est un élément du langage employé par les dieux pour maintenir l'Univers en harmonie. Les runes gravées sur des tablettes de hêtre dispensent d'énormes pouvoirs à ceux qui en sont familiers.

Voici un extrait du chant VI de la Saga Hawamal, suivi d'une inscription runique trouvée en Suède :

«Tu découvriras les Runes et les tables interprétées ; très importantes tables, très puissantes tables,

que colora le Sage suprême et que firent les Puissances, et que grava le Crieur des dieux.

Car Wotan les grava parmi les Ases, pour les Elfes ce fut Daïnn,

Dvalinn pour les nains, Asvir pour les géants…»

«Là tu trouveras des Runes, des Barres pleines de sens,

et très fières et pleines de force, peintes en rouge par le Maître des mots.

Les Puissances Directrices les ont tracées, le Prince des Conseils les a gravées.

Alors tu verras, si tu interroges les Runes sorties du Conseil de ceux qui savent,

qu'elles touchent les Puissances Directrices, qu'elles ont été tracées par le Maître des Sortilèges :

Celui qui a de l'esprit, ici se tait.»

Les compagnons ont conservé l'alphabet runique et l'utilisent pour repérer les positions des différentes pièces dans l'assemblage des bois de charpente. La croix cerclée des constructeurs celtiques, signature collective de l'ordre du Chêne Celte, qui porte le nom de "Pendule à Salomon" ou de "Chemin de Compostelle" contient les trente-deux lettres qui forment l'alphabet sacré du Compagnonnage. Il suffit d'examiner ces lettres pour constater que toutes sont des runes ou des composés de deux runes.

Le mot anglais "book" vient d'un mot gothique signifiant "lettres", de même l'allemand "buchstaben" (lettre, caractère) se rattache étymologiquement au mot "beech" (hêtre).

Le nom même que les lettres portent encore dans la langue allemande semble prouver que les Germains écrivaient comme les Scandinaves sur des baguettes; ce nom est Buchstaben; il est composé de Buche, hêtre, et de Stab, bâton. Du premier de ces mots on a tiré celui de Bok Buch qui signifie un livre dans la langue mœso-gothique, comme dans l'islandais, l'anglo-saxon, l'allemand, le flamand. Quelle autre écriture que les runes pourrait être désignée par des mots qui remontent au temps où les Germains, encore au delà du Rhin, n'avaient aucune connaissance de l'écriture latine ?

Cf. Full text of "Mélanges d'histoire littéraire" - us-archives.org

Quand le culte du dieu scandinave Odin eut été introduit en Irlande, on l'identifia à son homologue Gwyddon qui, au IVème siècle av. J. -C. avait importé un nouveau système de lettres en Bretagne. (Les trois premiers maîtres de musique et d'inspiration du bardisme sont : Gwyddon qui le premier au monde composa un chant. Hu Gadarn qui le premier donna au chant le privilège de garder la tradition et l'histoire, et Tydain père de l'Awen qui le premier fit du chant un art et régla l'inspiration).

Plusieurs siècles avant l'introduction de l'ABC latin on utilisa en Irlande et en Bretagne insulaire un alphabet goïdélique nommé vulgairement ogham. Le "Livre de Balymote", ouvrage médiéval irlandais, attribue son invention à "Ogma-Visage de Soleil, fils de Breas". Ogma (Ogme, Ogmios) dieu du Verbe et de l'éloquence était représenté sous les traits d'un vieillard à la peau parcheminée, au devant de la tête chauve, et aux cheveux restant complètement blancs. (Ogmios portait la tonsure druidique telle qu'elle a été conservée par les moines celtes jusqu'au IVè siècle, à la grande fureur des autorités ecclésiastiques et romaines). Il était revêtu d'une peau de lion, tenait dans sa main droite une massue, dans la gauche un arc, et portait à l'épaule un carquois. Il conduisait un grand nombre d'hommes à l'aide de chaînettes d'or attachées à leurs oreilles et partant de sa langue. Loin de lui résister ces hommes enchaînés le suivaient avec bonne humeur et même enthousiasme. Il était le "dieu lieur", le dieu de la connaissance et de la magie.

Son alphabet consiste en vingt lettres : quinze consonnes et cinq voyelles. Tant que le Druidisme se maintint sans décliner, les caractères oghamiques furent gardés secrets. Seuls les druides avaient le droit d'en faire usage. Ils étaient réservés à l'usage religieux, à la magie et à la divination. Les oghams consistaient en des séries de traits gravés de part et d'autre de l'arête d'un morceau de bois ou d'une stèle de pierre. Une lettre est représentée par un groupe de un à cinq traits, à droite, à gauche ou des deux côtés de l'arête, perpendiculairement ou en oblique. Ce qui permet de former vingt lettres. Les noms des différentes lettres étaient tous des noms d'arbres.

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Per Al Leal

Bibliographie :