1 - La politique, les élections

  1-1  :  La loi de 1905

            Comme dans la plupart des villages de Lozère, la vie  au Bleymard est dominée par la foi et une pratique catholique pure et dure  .

( processions multiples , confrérie des pénitents blancs , prêtres réfractaires sous la révolution ...) .  C'est dire si les lois de 1905 et surtout les inventaires des biens de l' église suscitent l'émoi et la plus extrême opposition .

            C'est ainsi,  que le jour de l'inventaire,selon mes parents qui l'ont vécu, les quelques 90% de la population du bord clérical, s'enferment dans l'église avec leur prêtre et que les forces de l'ordre sont contraintes d'en enfoncer la porte à l'aide, dit on  ( même source ), d'une hache prêtée par un  "traitre " ( ou un légaliste , selon les "bords" )

              

             

                       Quoiqu'il en soit les inventaires finissent par être dressés )mais des difficultés ne manquent pas d'apparaître pour appliquer le nouveau statut des anciens biens du culte :

                            Location des presbytères : 

            Le 19 mai 1907 , le conseil municipal ( Maire M° Ferrand ) à la suite de diverses injonctions du préfet,  décide d'autoriser le Maire à passer un bail avec le nouveau curé doyen, M. Crozard, pour la location du presbytère qui "..quoique édifié sur les fonds propres et personnels de MM . les curés serait considéré comme propriété communale .." Le loyer sera fixé à 25 francs annuels pour 18 ans ( voir Annexe)                                                    

            Le bail est signé conformément à ces conditions le 5 juin 1907 

           Le 19 juin le préfet écrit au Maire pour lui annoncer l'annulation de la délibération du 19 mai, le loyer étant insuffisant, et le met en demeure d'inviter le curé à quitter le presbytère en ayant recours à la voie judiciaire pour le faire expulser si son invitation est sans résultat

            Il semble qu'il y ait eu ensuite des négociations, mais le 19 octobre  1907 le Préfet prend un arrêté lequel ,  " en application de la loi du 9 décembre 1905 " , et considérant que l'insuffisance du loyer  "..implique une subvention indirecte au culte , interdite par l'art. 2 de la loi de 1905 .., annule la délibération du 19 mai . 

            La lettre transmissive de l'arrêté reprend, presque mot pour mot les termes de celle du 19 juin  

            Le 19 octobre 1907, le Conseil Municipal ( M° Ferrand, maire , MM. Albouy , Balez , Buisson , Lahondès , Robert et Sicard ) , prend acte de l'arrêté et après avoir souligné  ".. l'état de vétusté complète du local .." , décide néanmoins d'augmenter le loyer  " sans que celui-ci dépasse cinquante francs par an  "

            Le préfet a certainement accepté le nouveau loyer car le dossier ne contient pas d'autres pièces .   

             Les copies des documents relatifs aux inventaires figurent dans le site annexe    pour y accéder       CLIC ICI

Pour accéder aux copies des documents relatifs aux presbytères     CLIC ICI  

             

                                                                 1-2  : les élections

            Ces événements laissent des traces et, bien que la grande majorité des Bleymardois continuent la pratique du culte, deux "bords " politiques se sont formés , même s'ils ne s'affrontent guère qu'au moment des élections :

                        - le "parti"  que l'on peut appeler clérical mené par M° FERRAND , notaire ,

                        - le " parti " anticlérical " conduit par l'autre notaire M° ROUVIERE  .

            Notons que, les militants du parti "anticlérical" qui ne vont pas à la messe et, surtout , qui ne " font " pas leurs Pâques " peuvent se compter sur les doigts de la main .  Toujours est-il qu'au moment des élections, ceux qui sont les meilleurs amis du monde, s'affrontent durement et vertement .

            En témoigne cette chanson , composée par un inconnu dont on ignore le "bord ", qui illustre le niveau du débat et le sérieux avec lequel les protagonistes feignaient de s'opposer !  Ma mère et mes tantes échangeaient de fenêtre à fenêtre, les deux versions de la chanson avec leurs voisines, amies et néanmoins, de l'autre bord ( La Macelle ,la Léontine .etc.. )

                                            Les partisans de Rouvière chantent, sur l'air de " La Carmagnole " ces inoubliables paroles :

                                                                      " Lous Ferrandousés sount malaous (bis )

                                                                            "lous ménarént à l'hespitaou (bis )                 

                                                                                    dé qué lus dounarén ?

                                                                                   dé merdo én dé brén ! "

                                               A quoi ,les partisans de Ferrand rétorquent sur le même air en remplaçant simplement lous Férrandousés par , évidemment ,  lous Roubiérousés .

            Inutile de traduire, à part ,  peut être , le mot " brén" qui désigne le son , la partie du blé moulu que l'on donne aux cochons . Inutile, également , de dire que ces disputes ne durent pas et que les amicales conversations de porte à porte ou de fenêtre à fenêtre reprennent  de plus belle après ces divertissants intermèdes .

                                                                                                             ADDENDA 

                      On peut consulter, aux archives départementales , un dossier contenant des documents officiels sur les élections de 1833 ,11834, 1858 , 1900 , 1908 et 1912 (archives départementales : cote M 12899 ) .j'ai retenu :        

                                                                                                  1 -  1831 : la  liste des conseillers municipaux  récemment élus  avec notamment la fortune de chacun

                                                    Liste,CI-DESSOUS, des Conseillers Municipaux  LE BLEYMARD  16 septembre 1831          

                                                                 (*) " cet homme a sur sa tête l'imposition des biens de sa femme " 

                                                                                                                               2 -   1834 : le document similaire

                                          Liste ,CI-DESSOUS des Conseillers Municipaux    Le BLEYMARD  le 31 octobre 1834 

                                                                        (*) la fortune de cette maison appartient à la femme



                                                                                                   3 - 1858- l'arrêté portant nomination du maire , Jules Rouvière , par l'Empereur le 23 août 1858

                                                                                                         4-  1900- - la liste des conseillers municipaux indiquant que  la liste Rouvière  a remporté les élections en 1900 avec en marge , au crayon ,et c'est assez cocasse  , l'appréciation portée sur chacun : réactionnaire , républicain , très douteux (?)

                   

                                                                          -TABLEAU CI-DESSOUS DES CONSEILLERS MUNICIPAUX     6 mai 1900

 

 

 

                     (1) la partie observation est servie au crayon , certainement par un "républicain" si on en juge par l'appréciation concernant M. Veyrunes Pierre

           

                                                                                                                                  5 - - 9 mai 1900 :   LA PRESTATION DE SERMENT DES CONSEILLERS

    Ensuite nous les avons invités à prêter le serment prescrit par la loi du 30 août 1830, ce que chacun de ces Messieurs a fait en ces termes  , je jure fidélité au roi des français , l'obéissance à la Charte Constitutionnelle et aux lois du royaume  

                                                          6  - 1908 -la liste des conseillers faisant apparaitre la victoire des "Ferrandousés " ( l'alternance ) avec les mêmes appréciations , cette fois rédigées à l'encre par le rédacteur de ce document officiel .

                                                                           TABLEAU ,Ci-DESSOUS DES CONSEILLERS MUNICIPAUX   11 juillet 1908 (3 )

 

(1) L'alternance est là , les qualificatifs  sont servis à l'encre , en même temps que le tableau , donc par un "réactionnaire " qui n'hésite donc pas à se qualifier comme tel

(2) l'appréciation de " douteux" portée par un républicain ,en 1900 , au sujet de Veyrunes est confirmée  : le voici dans le camp des réactionnaires

(3)Le tableau n'est fourni qu'en juillet ,car les élections de mai ont fait l'objet d'un règlement  judiciaire (voir plus loin )


 7  - les affiches où sur l'une d'entre elles  , M° Ferrand revendique , en même temps s'être longtemps opposé à la construction de l'hôpital et.. avoir voté les crédits pour cette réalisation  ( L'hôpital dont il s'agit , géré par le Dr Masseguin , devint assez rapidement le siège du cours complémentaire " à la cime du Bleymard " ) (cf ANNEXE)

                                                                                          8- les recours de MM Rouvière et Randon sur la régularité du scrutin de 1908 :    Ces recours étaient  motivés notamment par le soupçon de  "marquage " de deux bulletins  

                                                                                                     AM (?) du Bleymard

                                                Rapport,

 

" Par inscription au procès verbal des opérations électorales du 3 mai 1908 pour la commune du Bleymard, messieurs Rouvière et Randon ,protestent contre le résultats proclamés

            M. Rouvière demande l'annulation de deux bulletins portant, le 1er de la liste Ferrand sur lequel sont rayés Buisson et Robert, pour la raison que dans la partie inférieure, il est marqué de deux taches d'encre ne traversant pas à l'extérieu , le 2ème de la liste Ferrand sur lequel il se trouve rayé le nom de Flamme et ajouté le nom de Devéze Cyprien, pour la raison qu'il est marqué intérieurement de deux traits d'encre ayant la forme d'un A

            Il demande l'annulation d'un bulletin de la liste Rouvière qui serait marqué par la rature de tous les noms de cette liste et par la disposition des noms des candidats de la liste Ferrand

            M. Randon demande l'annulation d'un bulletin de la liste Rouvière pour le motif qu'en tête du bulletin se trouvent les noms de Ferrand,  Buisson,  rayés "

    Ces recours sont considérés comme recevables par le Conseil de préfecture qui annule donc les élections par arrêté du 21 juin 1908

             L'affaire est portée devant le Conseil d'Etat (1)  lequel , le 18 juillet 1909  , annule l'arrêté préfectoral :

                                AUX MOTIFS SUIVANTS :

    Sur la forme

" ...considérant que le Conseil de Préfecture ..qui n'a rendu aucun arrêt avant dire droit ......, n'a statué que par arrêté  que le 16 juillet 1908 que , par suite, il y a lieu d'annuler cet arrêté comme ayant été prononcé après l'expiration des délais impartis ...

     Au fond

Considérant qu'il résulte de l'examen des bulletins  annexés, que ces bulletins ne contiennent aucun signe de reconnaissance, que c'est avec raison, qu'ils ont été considérés comme valables par le bureau électoral, que, dans ces conditions il y a lieu de rejeter les protestations des sieurs Rouvière et Randon contre les opérations électorales qui ont eu lieule3 mai 1908 dans la commune du Bleymard 

                                          DECIDE

                                          Article Premier

            L'arrêté du Conseil de Préfecture de la Lozère , en date du 16 juillet 1908 est an

                                        Article 2

            Les protestations des sieurs Rouvière et Randon sont rejetées

                                             Article 3

            Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre de l' Intérieur

                                                               

                                                                  Pour en finir une anecdote :

    Vivent au Bleymard deux vieux garçons, assez bohèmes, du parti de Ferrand, surnommés respectivement " La Piaule " et " Le Jésus " .

     Lors d'une précédente élection,  remportée par M° Ferrand ,ils s'étaient répandus dans le village, fortement avinés et avaient fait grand tapage toute la nuit . La veille des élections suivantes, le curé les convoque et leur tient , a peu prés ce langage :  " Si le parti de Dieu triomphe à nouveau , je ne veux absolument pas vous entendre, pas un mot  pas un geste inconvenant qui pourrait nuire à notre sainte cause ! "

      La liste Ferrand est élue et l'on voit.... nos deux lascars, bras dessus , bras dessous , protégés par un vaste parapluie de berger prolongé, à l'extrémité de chaque baleine, par une lanterne vénitienne, arpenter les rues du village sans prononcer le moindre mot, même pour répondre aux salutations des curieux  .

       Après deux ou trois tours de "  ville " ils parviennent devant le presbytère, heurtent la porte jusqu'à réveiller le curé qui, médusé  , apparait, en bonnet de nuit à sa fenêtre pour s'entendre interpeler  " Bonne nuit M. le curé et vive le bon Dieu , Nom de Dieu !! " ( A cette époque un " Nom de Dieu "  était un péché très grave sanctionné par les flammes de l'enfer )

    Sur " Le Jésus " vous trouverez dans la page  "répapiades ", d'autres anecdotes dont une qui vient de m'être rapportée par mon ami  Henri , "Le Ricou , fils du " chasseur de serpents " évoqué dans ces mêmes  "répapiades "


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