8 - "Le train de vie"

Les développements qui précédent  ne doivent pas faire oublier combien la vie était rude pendant cette période.

Les habitants du Bleymard vivaient de peu. Les plus aisés, ou plus exactement les moins pauvres, possédaient quelques arpents de terre  qui leur permettaient d'élever 3 ou a vaches, quelques brebis et un cochon '2 propriétaires avaient le privilège de posséder une paire de bœufs. Pour compléter les maigres revenus de l'agriculture les uns tenaient un petit commerce (épicerie, cafés , marchand de vin ..), d'autres étaient artisans(maréchal- ferrant, sabotier, menuisiers, cordonnier,modiste..) Avec l'ouverture des mines de plomb au Mazel beaucoup trouvèrent un complément de revenus, au prix de doubles journées (8 heures dans les galeries de la mine, autant dans les champs), à l'exemple de mon grand père le Camille Buisson.

On travaillait du Lundi au Samedi, et on ignorait les vacances mème après 1936 ( exception faite des fonctionnaires (instituteurs, percepteur..) et à partir de 1936 des mineurs.

Au printemps nombre de jeunes se regroupaient pour "descendre" dans le Midi pour la cueillette des fraises ou des cerises, l'automne arrivé c'était le même déplacement pour les vendanges.

La plupart des familles comptaient de nombreux enfants qu'il fallait élever sans allocations d'aucune sorte et sans sécurité sociale.


La guerre de 1914/1918,  outre l'horreur et la souffrance des soldats (voir ci-après :    " Les guerres du 20ème siècle" ) eut pour conséquence d'accroître encore la rigueur de la vie. L'absence de tous les hommes dans la force de l'âge contraignit les femmes  à assurer, tant bien que mal, les travaux agricoles. Le manque de bras accrut donc le quasi misère des habitants du Bleymard comme celle des autres villages. Le "pouvoir d'achat" de l'actuel "seuil de pauvreté " aurait fait figure de richesse à cette époque.

 Quelques exemples :

-        le plus souvent le pain était acheté à crédit en attendant quelque rentrée d'argent. L'usage  des deux bâtonnets -  un pour le boulanger, l'autre pour la cliente -  sur lesquels la boulangère pratiquait une encoche à chaque achat était très répandu.

-        Le règlement du tonneau de vin, pour l'année, était différé jusqu'à la vente du premier veau, parfois du second …etc. …si une dépense plus urgente intervenait entre temps.

-        Les vêtements passaient d'un frère ou d'une sœur à un ou une plus jeune jusqu'à totale usure.

-        Les enfants fabriquaient eux-mêmes leurs jouets (lance-pierre, tanque-plume, sarbacane ou flûte de sureau , sifflet de frêne, "ménou" (traîneaux  etc.

-        Les excès de viande rouge n'étaient, alors, pas à craindre…

 

 


Certaines congrégations religieuses parcouraient les villages, en "jardinière", pour y recruter de futures religieuses dont elles assuraient la formation et surtout le vivre et le couvert des impétrantes. Deux de mes tantes " bénéficièrent" de cette aide (sans pour autant rester dans les ordres à leur majorité). Les autres enfants des familles pauvres étaient "loués " comme vachers ou vachères, puis valets de ferme. 

Ce fut le cas de ma mère qui à 15 ans se trouva engagée comme servante de ferme à Barjac, village du bout du monde pour l'époque (1916) La carte ci-dessous qu'elle adressa à ses parents pour Noël 1916 témoigne à la fois de le détresse d'un enfant, de sa préoccupation des autres (la guerre), de son respect et de son amour filial et également de sa maturité quand elle veut s'assurer que ses parents ont bien touché ses gages. Les maladresses  et les fautes d'orthographe sont la conséquence du fait que depuis pas mal d'années elle passait moins de temps à l'école qu'à garder les 3 vaches de son père. Elles rendent ce document encore plus émouvant.(Je ne puis relire cette carte sans éprouver une indicible émotion )

Ce total dévouement aux autres se perpétuera jusqu'à sa mort (en mars 1976 à l'âge de 75 ans )


                          Barjac le 19 Décembre 1916,

 

                   Bien cher papa bien chère maman

 

Voici la nouvelle année qui commence dont je ne suis pas auprès de vous

Embrasser et vous dire de vive voix bonne et heureuse. Mais malgré la distance qui nous sépare je viens en quatre mots de carte, vous dire bonne et heureuse année. Je prie le saint enfant Jésus de la crèche de vous conserver longtemps auprès de nous et que l'année qui va commencer soit meilleure que l'année qui va finir et que cette horrible guerre finisse.

Chers parents je suis tout à fait habituée Les premiers jours je languissais quelque peu, mais je ne pleurais pas dans ma malle mais dans mon lit quand j'allais me coucher ou quand je me levais, ou alors au moulin. Quand vous m'écrirez vous me direz si le Talagran d'Orcières vous a donné mon gage et mes étrennes. S'il ne l'a pas fait  quand il vous le donnera, vous lui demanderez mes étrennes.

Alors chers parents, en vous embrassant de tout mon cœur, je répète, bonne et heureuse année de votre enfant pour la vie ;

  Camilla Buisson



                    Ce qui demeurait et qui constituait une immense richesse se trouvait dans l'amitié, la solidarité de l'ensemble la population dont tous les membres étaient "logés à la même enseigne "

                 Nous, les enfants, nés après la guerre de 14, n'avions nulle conscience de cette pauvreté. Je dois avouer que nous étions parfaitement heureux, inconscients, peut être, des soucis des adultes.

      

                   A l'issue de la guerre de 39/1945, la situation connut une réelle amélioration grâce notamment au début de l'industrialisation et surtout à l'apparition des premières lois sociales. Mais on était quand même à des années lumière de l'abondance actuelle