6 - La Poste (P.T.T.)

               Les Archives Départementales  possèdent peu de documents relatant l'histoire de la Poste au Bleymard . Ce que je livre est donc assez succinct et incomplet

        

           Chef lieu de canton Le Bleymard, bien avant la guerre de 14, était doté d'un bureau des P. T. T.  ( Poste – Télégraphe et Téléphone  ) de plein exercice ( on disait , alors , " recette simple ")  et d'un service de distribution desservant Le Bleymard , et ses nombreux et lointains "écarts "  Cubières et ses "écarts " et ..Belvezet , Chasseradès et St Frezal d'Albruges  .( Le plan figure dans  l'annexe § b )

            A l'heure où, lorsqu'un facteur est absent, la distribution est le plus souvent suspendue  et où notre Maire se bat bec et ongles pour que les ouvertures du bureau, déjà fort étriquées,  ne soient pas , encore réduites, il est difficile d'imaginer la Poste avant la guerre :

                        - bureau ouvert 9 heures par jour l'hiver , 10 heures l'été ;

                        - facteurs parcourant , tous les jours , à pied , 30 à 38 Kms ;

                        - deux distributions quotidiennes pour le village ;

                        - départ du courrier à 19heures 30 ..

            C'est ce dont témoignent les documents résumés ci-dessous et joints dans le site Annexe        

                          Ils sont classés , faute de mieux , dans l'ordre chronologique .

           

                                    a – 1895  -" l'affaire Boyer "  

 

 Le facteur Boyer  parcourait entre 32 et 42 Kms par jour et surtout traversait le Goulet  , pour desservir Belvezet , Chasseradès et St Frezal d'Albruges  .

              Lorsque l' hiver était trop rude, certains soirs de tourmente, il devait coucher dans une auberge ( de Chasseradès probablement ) pour terminer sa tournée le lendemain matin .Parfois aussi les aubergistes lui donnaient asile pour reprendre des forces et lui prêtaient des vêtements secs afin qu'il puisse terminer sa tournée le soir même .

            A l'issue de l'hiver de 1895, il demande un défraiement de 50f. pour ces hébergements ,mais il présente une quittance de seulement 35f, car les petits services ( abri , vêtements ..) ne sont évidemment pas facturés .

            Qu'advient – il ? ..  Ce facteur que je n'hésite pas à qualifier d'héroïque est- il décoré de la légion d'honneur  ?  ou à défaut  invente t-on pour lui l'Ordre National du Mérite  ?  …NON :

              Le Sous Secrétaire d'État  aux P.T.T., fait demander au sous-agent, ses explications sur P.V. 532, ce qui à l'époque, et même plus tard, était ressenti comme suprême honte .  

A l'issue de l'enquête, de ses longues explications appuyées par celles de sa Receveuse il semble avoir, fort heureusement,  été absous . L'histoire ne dit pas le montant du défraiement accordé par le Sous.Secrétaire.d'Etat aux P.T.T. 

 

                                   b – 1897 – Desserte de Chasseradès ..etc ..

 

L'affaire Boyer a t-elle ouvert les yeux des organisateurs sur l'hérésie que constituait la desserte des villages situés de l'autre coté de la montagne du Goulet  (1400m ) ou ont-ils cédé à la pression des habitants de ces écarts,toujours est-il qu'en 1897  leur desserte est transférée, fort logiquement, au bureau de LA BASTIDE 

 

                                  c – 1902 – 1903  :  Création d'une 2ème distribution 

             Mettant à profit la mise en exploitation de la ligne ferroviaire MENDE-LA BASTIDE ,une 2 ème distribution est créée au bénéfice des habitants du village  

 

                                 d – 1908  : Les facteurs demandent la révision de leurs tournées .

 

Les facteurs et sous-facteurs du BLEYMARD demandent la révision de leurs tournées qui deviennent de plus en plus difficiles :

       - parcours ,à pied  , entre 32 et 38 Kms

       - altitude comprise entre 1060 et 1460 m.

       - neige et tourmente durant les très longs hivers du pays 

     Tout ceci écrivent nos facteurs  " étant au dessus des forces humaines , les soussignés demandent ,respectueusement , à Monsieur le Directeur , de tacher d'améliorer leur situation , dans la mesure du possible  "  ( mots soulignés par moi )  

                          

  

                                                          e – 1909 – le meunier Vidal offre l'abri aux facteurs .

 

            Les documents joints illustrent un aspect assez cocasse du déroulement de la distribution au Bleymard .

            M. Vidal , meunier à Cubierettes reçoit , tous les jours, à son domicile le facteur du Bleymard et un sous – facteur relais afin qu'ils échangent leur courrier à l'abri . Il présente une requête au Directeur en vue d'obtenir une indemnité pour le dédommager de ce dérangement  ( et peut être du coup de rouge qu'il offrait aux facteurs à cette occasion ) 

            Il termine sa missive par cette formule que je trouve délicieuse :

" ……de Monsieur le Directeur ,

              " Il se dit de lui

                avec respect

      le très humble et dévoué serviteur "

 

            le Directeur transmet cette demande au Directeur Général , avec avis favorable , pour une indemnité de 20 f . ( !) ," car la mairie de Cubiérettes, qui sert d'école, ne peut pas servir d'abri et qu'il n'est pas possible d'échanger le courrier en plein air "   ( Voir ANNEXE : Page 2/3 , § 3 e )

Remarque :

La Poste ne fut pas la seule institution à se voir refuser l'accès de la Mairie de Cubiérettes occupée par l'école.

  J'apprends ce jour ( 21 mai 2016), par l'ancien percepteur du Bleymard ( Gérard Bayeux, gendre de nos amis Pierre et Blanchette ), que quelques 70 ans après il avait vécu de semblables péripéties.

A une époque, hélas bien révolue, où la proximité avec les usagers était un des impératifs du service public, le percepteur se rendait dans les villages pour " quérir" l' impôt. Ses tournées l'amenaient de Chasseradès à Bagnols, de Belvezet à Allenc ..etc .. ainsi qu'à Cubierettes.

Logé à la même enseigne que le facteur d'antan,notre percepteur ne pouvait accéder à la Mairie, mais, certainement pour des raisons de discrétion, il ne pouvait s'établir chez l'habitant .

Le seul local jugé à la fois disponible et digne (o combien ! ) de la fonction futla sacristie.

Le jour où sa tournée l'amenait au village, notre percepteur muni de la clé de l'églis, rangeait, si nécessaire, aubes, surplis et autres burettes et s'installait pour recevoir les contribuables et leur obole.

Parallèlement, le maire M.Vidal ( vraisemblablement descendant du meunier de 1909 ) , " s'accoussait "(1) vers l'église pour aviser la population " mi chiaou anna sounna la campanno qué lou tallaïré es arribat "(2)

C'est donc au son de la cloche, qui, hormis les enterrements, ne sonnait guère qu'à cette occasion, que les habitants de Cubiérettes , le plus souvent des femmes serrant leur porte monnaie sur le "dabantaou"(3), prenaient le chemin de la sacristie pour un sacrifice qui, pour être païen et malgré la bienveillance de l'officiant, n'en était pas moins jugé comme une douloureuse offrande.

(1) du verbe francisé  s'accoussa : se précipiter

(2 " il faut que j'aille sonner la cloche, le percepteur est arrivé "

(3) tablier noué dans le dos et protégeant tout le "devant " ( lou dabon)

                                                                          

  f – 1913 – dédoublement de la tournée 2     

            Les demandes de révision de 1908 sont prises en considération . Le rapport et les plans du brigadier- facteur ainsi que la décision du Directeur en témoignent . 

            Une tournée auxiliaire sera créée pour desservir Le village du Bleymard, celui de St Jean et quelques écarts . La création de cette tournée ,de 11Kms , réduira la charge de l'épouvantable tournée n° 2  ( 37, 8 Kms ) devenue d'autant plus pénible que " l'instituteur de Serviès  ( l'école de Serviès était encore ouverte bien après 1945 ) s'est abonné à un journal quotidien 

           

                                                                  g – 1918 – La receveuse demande une augmentation de  "l'aide " 

            La receveuse demande une augmentation de  " l'aide " * qui lui est octroyée en raison de la pénibilité de sa tâche : 

-          ouverture du bureau  9 heures l'hiver , 10 heures l'été et service téléphonique et télégraphique ininterrompu .

-          courrier à recevoir et à expédier  : le matin :  à 3heures 30 et 5 heures 

                                                       le soir    :  à 7heures 50 et 19 heures 30 

( le règlement intérieur du bureau figure dans les annexes )  

Cette demande est rejetée

* pour les initiés : "l'aide " correspondait à ce qu'on appela plus tard " les frais de régie "


         

Les P.T.T. ( puis La Poste ) évolueront lentement vers une amélioration du sort de ses employés après la mise en service de la ligne ferroviaire MENDE- LA BASTIDE  et surtout après le remplacement de la malle – poste  par la ligne d'autobus MENDE – VILLEFORT . 

                        Mais, jusqu'à la motorisation de la distribution rurale, dans les années 60 , le service à pied ou, partiellement , à bicyclette , dans un pays au relief et au climat aussi rudes , restera très pénible . 

            Personnellement je me souviens des facteurs :

-         SAVAJOLS François , dit " le François " , ancien combattant, clairon  , qui nous donnait le frisson et , parfois quelques larmes en faisant éclater  "la sonnerie aux morts " lors des cérémonies du 1 novembre  ;

-                     -  M. POUDEVIGNE , qui, lui aussi , parcourait en moyenne 25 Kms par jour , à pied, toujours de bonne humeur . Il ne connaissait pas les boite à lettres, il entrait dans les cuisines et posait le courrier sur la table avec un immuable " voilà l'affaire "   

-     Puis il y eut le sympathique, magnifique et galéjeur,  MAURICE PONS, toujours prêt à rendre service à ses clients et qui dut , à plus de 40 ans, obtenir le permis de conduire, pour passer de la bicyclette à la 2 C.V.  

                   - Son frère RENÉ , facteur à pied , qui, chaque année prenait 2 ou 3 jours, sur ses congés , pour aller couper le genêts et se refaire ainsi le passage dans les raccourcis vers le Felgeas , le Masas et autres " métropoles "   

                  

        Bien antérieurement, en 1878, le journal de la poste signale l'acte de dévouement du facteur ROBERT du Bleymard

 

        " Le sieur Robert, facteur rural n°1 à Blaymard  (Lozère), s'est signalé par un acte de dévouement et d'humanité : il a, en cours de distribution, trouvé, assis sur le bord du chemin, un jeune homme exténué de fatigue et transi de froid, pouvant à peine se mouvoir et, après l'avoir pris sur ses épaules, il l'a transporté, à une distance d'un kilomètre,dans une maison où, avant son départ, il a fait donner à ce malheureux tous les soins que comportait son état "

C'est ainsi que , pour l'instant ,se termine une évocation ,peut être un peu trop nostalgique de ce qu'était La Poste , ma deuxième famille .

 

                                                                               Télégraphe , Téléphone :

            Les archives départementales ne sont pas riches en documents sur cette partie du service des P.T.T.

   Selon les recoupements que j'ai pu faire  , Le Bleymard a été raccordé à la ligne télégraphique  MENDE – VILLEFORT  entre les années 1870 -1880; Ce service était à la charge des communes ce qui ne manquait pas de générer des réticences . C'est ainsi que le bureau télégraphique de Bagnols à été fermé puis remis en service  au cours de la même année ( 1880 ) .

    Le village a été raccordé au téléphone , après paiement des "avances " , le 1 janvier 1912  . La liste des abonnés conservée aux archives fait apparaître, qu'en 1935 , il y avait , en tout et pour tout , 5 abonnés au  BLEYMARD  :

 N° 1   -    MENETEAU                          Directeur des mines                01 mars 1912  

 N° 2       Marius TEISSIER                  Hôtel de la Remise                   14 août 1932

 N° 3       Albert   REBOUL                   Bois , charbons ..                      10 décembre 1932  (cf photo en annexe)

 N° 4        Chalet du Mt Lozère                                                                  6 janvier 1935

 N° 5        Vve  Augustine FARGES    Hôtel Farges                               1 février  1935

            A noter que la commune de Cubières  n'a été raccordée qu'en Août 1925 ( 13 ans après ) . Ce délai nous montre le fossé existant entre le cheminement des choses dans les années 30 et la vie trépidante actuelle où, si l'on veut être dans le vent, il convient de changer tous les ans des mobiles , Ipod et autres smartphones qui ont pris la place de nos vénérables combinés en bakélite .


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