LE BLEYMARD -                                                  4 -  " RÉPAPIADES"

                                                                    QUELQUES  ANECDOTES       

         Des anecdotes très anciennes et des histoires qui ont émaillé notre jeunesse et qui,en l'absence de télé et même de radio, faisaient ,des années durant, l'objet des conversations de bistrot, de veillées ou de toutes occasions . Durant ces années d'" avant guerre "  et même quelque années "après guerre " les Bleymardois ne pouvaient compter que sur eux pour se distraire, s'amuser et se raconter  d'où la multitude d'histoires transmises de générations en générations qui amusaient jeunes et vieux et qui paraitront , maintenant bien banales. J'en livre quelques unes même si elles ne font guère plus rire que moi .

                    Sommaire:

        00 - Quelques personnages                  

            1-  le blues du Couderc

          2-  les sucres

          3 - le fakir du 15 août

          4-  sœur Virginie et l'Albert

          5- le chasseur de serpents

             6 -  " on va faire le lait "

          7 - l' "affaire " de l'orme de St Jean

          8 - la soupe des mariés

          9 - Les exploits de " Jésus " , " La Grève " et "La Piaule "

        10 - la maison BALEZ

   Voir en annexe les documents concernant ce chapitre  

           11- Les  divertissements


                               - 00 - Quelques personnages

         En préambule aux quelques anecdotes relatées dans cette page, il me parait intéressant d'évoquer certains personnages  quelques personnages qui ont ont,  marqué notre enfance. Partant du récit de Georgette Combes (épouse Balmelle ) auquel j'ai ajouté mes propres souvenirs, on trouvera ci-après les portraits de quelques uns de ces personnages. (entre guillemets et en italiques le texte de Georgette)

                           Lou Milou

            "L'échoppe du" Milou" (Emile Combes), s'ouvrait largement sur la rue par une porte vitrée à deux battants dont celui de droite restait toujours ouvert à la belle saison.

J'allais souvent le voir…

            Ah!l'odeur du cuir, de la poix,des clous…mais aussi des choux et des pommes de terre dans l'arrière boutique…et même du vin qui suintait du robinet. ! " (qu'est ce qu'il fallait "jiargousser" pour installer le tonneau de 110 litres ! )

            Le béret en pointe sur les yeux, un mouchoir à carreaux autour du cou et le tablier bleu, le recouvrant de haut en bas ("dabantaou" ) telle était la tenue de travail du cordonnier.

Je me souviens de son regard malicieux se glissant par-dessous l'aile du béret .Il me racontait des histoires tout en reniflant de temps en temps une pincée de tabac à priser "…qu'il partageait parfois avec la Camilesse , laquelle ne venait jamais blaguer avec son ami sans son inséparable tabatière.

            Il fallait observer le jeu de ses mains.

            Il ressemelait les chaussures  mais l'essentiel de son art  résidait dans la  confection de souliers neufs,  sur mesure.

Quel régal de le voir découper les semelles, dans de larges pièces de cuir, avec son tranchet finement aiguisé, battre ces découpes pour affermir (ou assouplir ?)  le cuir et puis, ajuster, réajuster  l'empeigne, percer des trous avec l'alène et passer des points de part et d'autre, dans les deux sens avec un long fil de chanvre, soigneusement enduit de poix. Ce fil portait, à son extrémité, un cuir raide qui, comme une aiguille, passait facilement dans les trous

La chaussure prenait forme, le talon était posé puis clouté. Le cordonnier composait toujours le même dessin : 2 rangs de clous à tête ronde sur  le pourtour, 3 rangs pour le talon et, au milieu de la semelle un magnifique losange…quel chef d'œuvre!

J'aimais cet artisan, j'admirais son talent, sa bonhomie."

 

A la fête du 15 août, le Milou abandonnait son atelier à ses fils (Maurice, Félix …) qui avec les copains de leur âge, "tenant" la fête,  installaient , sur l'établi, le tourne disque qui diffusait des flots de musique sur le quartier par l'intermédiaire des hauts –parleurs installés sur la façade du Félix Peytavin et de la Marcelle.

 

                                                                                 

                                                 Le Maginot

 

"Augustin Reboul, dit " Le Maginot" exerçait, concurremment avec le père Buisson aïeul de Gérard André, le métier de sabotier, car nous tous portions les sabots, ferrés ou non, avec ou sans garniture, vernis ou bruts.

"        Son atelier toujours ouvert se trouvait au couderc.

Le bois utilisé était le bouleau. Avec une hache bien particulière, le sabotier taillait grossièrement le billot qu'il travaillait alors au "paradou" pour lui donner la forme convenable. Enserrée dans un étau de bois cette ébauche était creusée, lissée, fignolée puis mise à sécher.

         Liés deux par deux au fond de l'atelier, il y en avait des piles bien rangées. Lorsque le client se présentait, le sabotier prenait la mesure du pied avec une baguette, coupée toujours un peu plus longue, et muni de ce témoin il cherchait dans la pile : "C'est ceux là qu'il te faut"

Après essayages répétés nouveaux curages, nouveau lissage venait le moment de la teinture, si cette option avait été choisie. Le Maginot proposait alors la pose d'une garniture en cuir noir bordée d'un liseré rouge. Il dessinait aussi, à la demande une fleur gravée à la gouge sur le coup de pied."

Ces essayages me rappellent le souvenir des discussions épiques entre le Maginot et son ami, quasiment frère, l'oncle Albert, qui ne trouvait jamais le sabot assez large. La discussion se terminait devant un canon … et les sabots au fond d'une armoire car malgré ses éloges de l'ancien temps et de ses sabots, sans garniture, l'Albert manifestement préférait les souliers du Milou…et les charentaises.

"      Le Maginot ne se contentait pas de faire des sabots. Il participait, à la journée à la vie des champs, mais aussi à l'exploitation forestière où il excellait dans le maniement de la "touradouire " " . Marié à L'Albertine (fille de la Filhou),  femme un peu simplette et père de Raymond l'innocent, il ne se faisait guère d'illusions sur leur capacité à se débrouiller sans lui et répétait souvent cette sentence : " Ton qué lou Maginot existaro,la touradouiro tiraro e la tiroliro duraro. Quon lou Maginot existaro pas plus la tiroliro s'atariro ! "

I       l exerçait également la fonction de garde champêtre, assermenté, et surveillait entre autres les pécheurs à la main ou à la fourchette, lissant sa moustache, il les apostrophait : "Ah! noum distiou !  aquesté cop l'aouras toun biscuit !"   ... Il n'a jamais dressé de biscuit ( P.V.)

I                  l est mort misérablement, brulé vif dans son lit par la faute d'une couverture chauffante défectueuse.

    

                                   -L' Augustin Buisson :

 

Evoquant les bergers et leurs troupeaux, Georgette consacre une ou deux lignes à Augustin Buisson, essentiellement pour dire qu'on le surnommait " lou laïdé" et ..."qu'effectivement il était laid."

J'ai déjà parlé de lui dans le chapitre réservé aux transhumants qu'il amenait, à pieds, de Crespian dans le Gard jusqu'aux pentes du Finniels.

Mais je me sens obligé de revenir vers lui, mon oncle, pour affirmer que ni moi ni mon épouse ne le jugions laid. Il avait le visage buriné par le soleil, les intempéries…et la "patissure" . S'il avait été réellement laid comment expliquer que ma fille, âgée de 4 ans, lui vouât une véritable adoration que, d'ailleurs, il lui rendait bien

 J'aimais sa compagnie, ses histoires de bergers et de brebis et sa grande sensibilité.

Au cours de la guerre de 1914/1918, il fut enterré par un obus. On ne l'exhuma qu'un jour après, on peut s'imaginer dans quel état physique et psychique.

Rendu à la vie civile son seul avenir fut l'éprouvant métier de berger.

 

                                                    L'Albert Reboul:

 

            Un article de la " Lozere Nouvelle ", hélas incomplètement lisible, le présente  comme "essentiellement un liquoriste" (cf. ci-dessus "Vie Sociale") Le portrait est bien court pour un tel personnage.

            Avec son "contremaître" et ami Pedro, réfugié de la guerre d'Espagne, il était exploitant forestier. Marchand de vin en gros, il convoyait sur son camion, les 4 demi-muids, remplis à la cave "Crouzet" à Nébian. Ce vin, titrant 9°5 était ensuite détaillé dans des fûts de 110 litres et livrés aux clients. De même il approvisionnait  les cafés en caisses de bière et de limonade de la brasserie Muller à Mende. 

L es bouteilles étaient consignées ce qui provoquait, souvent, lors des livraisons, des discussions homériques.

             Il passait d'une activité à l'autre et parfois sacrifiait le travail forestier au grand dam de son "plus patron que " contremaître"; Pedro ..

            Mais ce qui caractérisait, véritablement, l'Albert, c'était sa générosité. Sa maison était, disait on, "la maison du bon Dieu" Qu'il soit en train de nettoyer ses tonneaux, devant sa cave, de se prélasser sur sa terrasse ou de se raser, un miroir accroché à la fenêtre de la cuisine, il ne manquait pas de héler tout passant de sa connaissance " béni bièrou un canou ! …ou un cran ! (selon l'heure)"

            Les soutiens apportés à sa famille, à sa belle famille (et je fus le plus grand bénéficiaire de sa bonté) et à ses amis ne se comptent pas.

            Et avec ça toujours prêt à la blague et à la rigolade avec les uns et les autres.

            Ai-je dit que parmi ses activités il était, aussi, "lieutenant de louveterie" Seul titre qui me laisse un peu perplexe, car en compagnie de son ami "Maginot"…garde chasse (!)...il n'était pas le dernier à s'en aller tirer un lièvre au gîte ("al jias") ,hors période d'ouverture.

                                  Antonin Reboul :

 

            Employé par son frère Albert, exploitant forestier, entre autres, Antonin était sourd de naissance, donc muet. Par je ne sais quel prodige et quelle volonté il avait acquis un langage sommaire qui sortait péniblement de sa gorge mais qui était bien compréhensible, pourvu qu'on lui accorde quelque attention.   

            Il avait, également, appris le langage des signes et savait lire sur les lèvres

            D’une force peu commune, il fallait le voir porter sur le dos les sacs de charbon(les couffes) qu’il livrait chez les clients dans des caves à l’accès, le plus souvent, périlleux.

            Dans l'exploitation des forêts, il étai le meilleur. Il conduisait le mulet pour trainer jusqu'au chemin les arbres abattus et ébranchés. Dans cet exercice particulièrement difficile et dangereux, et malgré son handicap, il n'eut et ne provoqua  le moindre accident.

            Il faut imaginer la souffrance d'une personne ne connaissant que l'absolu silence. Et pourtant il était toujours de bonne humeur, riant de nos bêtises de gamins... et des incartades de son frère -"Toi comme petit enfant ! "  - assénait-il alors aux uns et à l'autre


                                                         - La Rosette   

        

      "  La Rosette de L'Estiénnou, robuste comme un chêne, maigre comme un échalas, était la domestique de tous".

         Elle participait, comme ma mère, Camilla, à nombre de charbonnades où son aide était également précieuse.

          Lorsque son neveu et sa nièce disparurent prématurément, laissant cinq enfants à élever et nourrir, elle prit les choses en main aidée dans cette lourde responsabilité par l'aînée des enfants, Marie-Rose, qui sacrifia, à cette fin, des études prometteuses à l'école normale d'instituteurs.


                                                    - Le Pierre -du-Cal


        "Pratiquement une fois par semaine, le Dimanche matin, un cérémonial se déroulait à la fontaine abreuvoir ( "naouchio") de la cime du Bleymard

            "Aux environs de 7 heures, se pressentait un personnage de légende « Le Pierre du Cal"  

       Il déposait sa lourde besace, après en avoir extrait quelques objets qu’il déposait sur la bordure de pierre. Il plantait dans le mur sa lourde canne recourbée qui allait lui servir de porte- manteau. Il y accrochait son large béret, son écharpe, sa lourde veste de velours, et, débarrassé de ces « pelures », il commençait sa toilette.

        Retournant à l’intérieur le col de sa chemise,il s’entourait les épaules d’une serviette et alors, il fallait le voir, étalant en tournant avec son blaireau savonneux la belle mousse blanche, sur ses joues, son menton son cou. Et puis, il dépliait son rasoir, et commençait la séquence rasage. Ses doigts habiles tâtant son visage : pas le moindre carré de peau n’était oublié

                                      Voila notre homme rasé !

      Puisant dans l’auge l’eau, à pleines mains, il s’aspergeait copieusement pour effacer toute trace de savon, s’essuyait énergiquement, remontait ses bretelles, reboutonnait son col, remettait ses vêtements, refermait le sac. Rien ne restait sur la margelle de la fontaine

       Frais et à l’aise, il tirait de sa poche une montre à  gousset qu’il ouvrait, puis tâtait du bout des doigts, la position des aiguilles.

                                      Le Pierre du Cal était aveugle

     A partir de ce moment il pouvait aller à la messe                                                              

 Il s’appelait Pierre Devèze,  venait de Bergognan et, colporteur, il vendait de la présure (d’où son surnom) et autre épices

J'évoque ce sympathique personnage, avec une certaine impertinence, dans le paragraphe consacré à Noël, le Pierre du Cal étant régulièrement invité aux veillées chez ma grand –mère.

     

                                                   -  Le Manifacier

                      

         "SS  Une ou deux fois par semaine retentissait la corne du « Manifacier ».au volant de sa camionnette, ce brave homme venant de L’Estrade, près de Villefort, apportait légumes et fruits de saison. Il s’arrêtait en des endroits très précis et attendait les clientes «  eh ! Madame, elles sont bonnes mes mananes ! (bananes )" .

              Ah ! La poire fondante qu’on se partageait avec ma  mère !

       Sa camionnette étant, à ciel ouvert, il arrivait que quelques "pinels" de raisins ou  quelques "Reines-Claude" passent plus vite que prévu dans la bouche des gamins attirés comme des mouches par la corne du Manifacier

      

                                                     Le Peillarot

                       

   "Le village recevait aussi la visite de M. Bruel, ramasseur de peaux de lapins .   Le "peillarot » poussait sa carriole à bras en criant à la cantonade «  pels de lèbres, pèls dé lapis, maî qué la car y siègié dédin !!! » Contre quelques piécettes s’échangeait la peau du lapin, séchée, talquée et bourrée de papier journal"

                                                           

                                               - Les "caraques"

    

" A la belle saison, s’installaient à la Remise, près du pont bascule, les familles des gens du voyage que nous appelions «  les caraques » Les roulottes en bois joliment peint disposaient de petites fenêtres ornées de rideaux et un fin tuyau de cheminée sortait du toit .C’étaient souvent les mêmes roulottes, chaque année. On finissait par les reconnaître …

            Effrayés mais curieux et intrigués, nous nous approchions lentement du campement au milieu duquel flambait un grand feu entouré de marmites et de casseroles .Pendant que les chevaux paissaient tranquillement dans le pré de la «  tante Agnès », les hommes qui se disaient rémouleurs, chaudronniers, rétameurs ou vanniers s’adonnaient à leurs occupations…certains allaient à la pèche".

          (L'un de ces pécheurs était un véritable génie de la pèche, on l'appelait " Patraque" du nom de son appât préféré, la larve aquatique de l'éphémère)

            Les femmes en jupons et falbalas, suivis d’une nuée d’enfants "machiarats", frappaient aux portes pour proposer paniers, dentelles épingles …ou la bonne aventure…Si la maîtresse de maison refusait la visiteuse s’éloignait en grommelant…ses sortilèges….un signe de croix hâtif conjurait le sort !

            On savait que ses oiseaux de passage avaient la main leste et la population se montrait méfiante  à leur égard."


                                                  - Elle...


      Elle est "bugiadière" ( lavandière), c'est-à-dire qu'elle lave et repasse le linge sale des familles aisées du Bleymard. 

Il est difficile de décrire la pénibilité de toutes les étapes de cette tâche, à l'époque ou tout se faisait à la main et ou l'eau se charriait depuis la fontaine : manipulation de l'énorme lessiveuse, chargée de linge bouillant,  qu'il fallait descendre du fourneau puis transporter jusqu'à la "boutigue", au rez des  chaussée, où le linge était transvasé dans la "tine" ( cuve faite de la moitié d'un tonneau de 220l). à la suite de quoi le linge rangé dans deux "déches" (corbeilles ) était chargé sur la brouette et charrié jusqu'au pont de la Remise pour être descendu, "en force", par l'étroit et raidillon, jusqu'à la rivière et y être rincé, à grand coups de battoir…avant de reprendre le chemin inverse.

           

Elle est femme de ménage ( on dit, aujourd'hui, "aide-ménagère") chez le percepteur, chez Mme Raynal, institutrice, puis chez son fils Ricou où elle fait partie de la famille, chez M. Bros ( Ah ! l'adorable Georgette davantage amie que patronne)  ,chez M Gachon (auquel je dois tant ), Mme Devèze , puis chez Mme Teissier devenue pratiquement aveugle et qu'elle accompagnera jusqu' à son admission à la maison de retraite où elle ne manquera jamais de lui rendre, régulièrement,  visite ainsi qu'à la Mélie et l'Elise.

           

Elle est,  durant  "la saison", la cheville ouvrière de l'Hôtel Farges, où, avec la Marthe et sa fille Paulette elle assure aussi bien le service à table que la vaisselle et l'entretien du linge.

           

Elle est le bras droit du Félix Robert durant toute la période du "tue-cochon".

Avant de participer au travail de découpage de la viande et de charcuterie, elle ira, à la rivière, laver les boyaux. Ces travaux se déroulant l'hiver, combien de fois l'ai-je vue au bord de l'évanouissement tant la douleur des doigts glacés était intense ("lou gret")  ( de tels moments se produisaient, aussi, au retour du rinçage du linge, lorsque le froid sévissait et que l'importance de la lessive ne permettait pas un rinçage à la maison). Pour ce travail elle est rémunérée, outre le repas de charbonnade, le soir, par un panier de cochonnailles diverses  (lard, saucisse, moche, boudin..)

 

Elle est celle qui assure le travail d'un homme en cas de besoin dans les champs, pour les foins, les moissons, le ramassage des pommes de terre et  le battage du blé. ( elle y  sera victime, un jour, d'un grave accident).

           

Elle est celle qui reste à la maison et donc soigne sa mère, jusqu'à ses derniers jours tout en s'occupant de manière admirable de ses deux enfants.

           

Elle est, elle est…Elle est par-dessus tout la personne la plus serviable du village:

                        -un malade elle est là pour aider la famille,

                        - un décès elle accourt, avec la Marcelle,pour procéder à la toilette mortuaire;                            

                        -une famille est dans l'embarras, on l'appelle, comme chez les Maurins lors du décès prématuré des parents de cinq enfants …

                        l'énumération serait trop longue …

 

                                                                                                                                                                       ELLE  s'appelle CAMILLA…C'EST MA MÈRE


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                      1 - le " blues " du Couderc

 

               L'histoire se passe au cours d'un hiver des années 38 ou 39 . Le Bleymard est recouvert d'une épaisse couche de neige où seule  "la trace "de la largeur d'une pelle permet la traversée du village . Le silence cotonneux de cette belle matinée est soudain rompu par un cri, que dis je un hurlement , " Oh Louis ! ..Pissé blu !!!"  : c'est l'Albert qui, du "couderc" ,  interpelle le Louis  lequel 50 m plus haut , s'apprête, aussi , à satisfaire un besoin naturel .   Un court instant et  .."  Noun dé diou  ! ..iéou tabé ! "  ( moi aussi)  s'époumone le Louis .

    Les deux examinent les traces respectives de leur miction pour se rendre à l'évidence : le dessin sur la neige est plus ou moins artistique mais il est d'un splendide bleu foncé . L'arrivée du Maginot, de l'Emile, puis du François, du Poulitou ,de l'Henri ...met fin à la contemplation de leur œuvre mais ne fait que confirmer leur affolement : toute la gent masculine pisse bleu !  On se regroupe au " couderc " devant le terrasse de l'Albert , on échafaude des hypothèses et ceux qui en ont encore la possibilité lâchent quelques gouttes pour obtenir, hélas , confirmation que l'épidémie perdure .

     Une réunion s'organise dans l'atelier de l'Emile  tandis que la nouvelle se répand comme une trainée de .. poudreuse dans le village où les femmes ne manquent pas de l'amplifier, certaines évoquant même quelque mystérieuse maladie honteuse attrapée à l'occasion d'on ne sait quel banquet d'anciens combattants !

     L'Albert, propose de mettre les ridelles à son camion pour amener tous les " malades " chez le docteur à MENDE . Beaucoup l'approuvent et le pressent de faire vite ... sauf  l'Henri qui fait preuve d'un remarquable sang-froid et surtout le Louis qui  pris d'un inextinguible fou-rire,  se roule dans les copeaux qui jonchent le sol autour de la raboteuse .

     Tout finit par s'expliquer : c'est l'Henri qui a amené de MENDE des bonbons au bleu de méthylène et qui en a fait généreusement profiter ses copains avec la complicité du Louis

     Puis tout se termine au bistrot , où ces anciens, peu au fait des connaissances médicales , mais sachant rigoler et taper le carton comme personne , prolongèrent la matinée  ,jusqu'à ce qu , pour certains,  leurs femmes viennent les "ramasser " .

       Je me souviens très nettement de quelques bribes de l'événement , notamment les "expérimentations"  au "couderc ", le Louis se tordant de rire dans les copeaux.. , mais surtout cette histoire fut tellement  racontée dans les veillées , les charbonnades ,..que pendant de nombreuses années elle fit partie du patrimoine culturel del bluma .

          Elle m'a été racontée telle que je la livre par ma tante " la Marie de l'Allbert ", laquelle, plus tard, elle était déjà âgée  se souvint d'un détail que ,  pour ma part, j'ai jugé assez savoureux  (1)

       (1)  " ... je me souviens , qu' en compagnie d'autres galopins de ton âge  tu ne quittais pas les hommes pendant qu'ils se livraient à leurs expériences  ..à moment donné , tu es entré en courant dans la cuisine en criant    " oulala tata ! si tu voyais comme elle est grosse la quiquette du tonton ! "

                                                   2- Les sucres


        Un soir , l 'Albert rentre de MENDE ,ouvre la porte de la cuisine et lance violemment un projectile dans la fenêtre , en face .Le bruit est impressionnant , mais la vitre ne bronche pas  . Deuxième lancer  :  même effet  . Il explique qu'il a appris ce truc à Mende , il s'agit de morceaux de sucre , le sucre ayant la particularité de ne pas casser les vitres aussi fort que tu les projettes ( c' est scientifique !   ?)

       On s'y met tous  lance que tu lanceras, l'embrasure de la fenêtre est rapidement jonchée de morceaux de sucre .. qu'on récupérera .

          Voilà que passe l 'Emile  , qui vient du Bizat acheter son paquet de gris , l'Albert l'interpelle : " Béni beiré Emilo "  .  Il monte et,  informé sur le champ, participe à cette scientifique expérience . Puis il empoche 5 ou 6 morceaux de sucre et prend congé .

    La Blanche , son épouse, le voit arriver, s'arrêter à la porte et imperturbable, sans prononcer la moindre parole, prendre un fabuleux élan et lancer à toute volée un projectile dans la fenêtre ...dont la vitre explose dans un vacarme amplifié par le silence ambiant, tandis que les éclats de verre s'éparpillent pour partie dans la rue, pour partie sur le lino  ! !

    L'Emile rempli de stupeur , voit sa femme se lever, se diriger vers la porte comme pour s'enfuir  ""es débéngut nechi " (" il est devenu fou " ) et il ne peut que bredouiller  " éro maou masticat , éro maou masticat  !!! "  ( " il était mal mastiqué , il était mal mastiqué " ) ! ! 

  Nous avons longtemps rigolé, à l'évocation de cette histoire, avec le fils de l(Émile, mon grand ami de toujours Justin, aujourd'hui disparu

                                                          

                                            3 - le fakir


                 Lors d'une fête votive,  à laquelle participe mon frère , en 1946 ou 47 , l'idée germe de monter une attraction ( je dirais une arnaque ) de fakir .                C'est mon cousin ,Joseph,qui s'y colle :           

                 Outrageusement maquillé, revêtu de châles  voiles et turban lui donnant une vague apparence indo-sénégalo-mauresque , il est amené en grand secret au pré de la tour, dans une cabane édifiée avec une " gabio "( 1) recouverte de bâche.  Dans une inquiétante pénombre, il prodigue - contre espèces sonnantes et trébuchantes-conseils et bonne aventure l'après -midi durant .Il est d'autant plus crédible que, connaissant tous ses clients , le fakir est en mesure de leur " dévoiler " beaucoup de détails de leur passé

        Il reçoit au cours de sa prestation des confidences parfois croustillantes de jeunes et de moins jeunes ...dont on devine l'embarras lorsque la supercherie sera dévoilée . Le  "fakir " fit preuve d'une parfaite déontologie en ne dévoilant jamais les petits secrets qui lui avaient été confiés

        Mais la galéjade l'emporte sur le ressentiment et pendant des années " lou débinaïré " du 15 août fera l'objet des conversations et des rigolades préférées des Bleymardois .

        A noter que , quelques années plus tard, le " fakir "  devint le Père Abbé de l'abbaye de ST MICHEL DE FRIGOLET , immortalisée par  Alphonse Daudet ... et Marcel Pagnol  ( l'élixir du père Gaucher )

        (1) GABIO  :  pour rentrer les foins , on adaptait sur les chars ( qui avaient des dimensions très modestes ) , une sorte de cage à claire voie, faite de planches et de liteaux et qui devait mesurer environ 1, 50 m de largeur , 2, 50 m de longueur sur 2m de haut .

                                 on entassait ( " quichait "  ) , en vrac , le foin dans cette " gabio " pour l'entreposer dans les granges , " les paillots " . Lorsque tout le foin était rentré et bien tassé, l'un de nos jeux consistait à creuser des galeries à l'intérieur ce qui  parait il n'était pas sans danger  ( fermons la parenthèse )

                                       

                                        4 - Sœur Virginie et l' Albert

                                

             En parcourant le recensement de 1936,que m'a fait parvenir Jean Claude Rouvière, je m'arrête sur deux noms évocateurs de mon enfance

                               - Pratlong Germaine,  institutrice privée ;

                               - Albaret Virginie , infirmière

             Il s'agit de deux religieuses du couvent situé au dessous de l'église et qui nous recevaient, je crois  pour des répétitions de catéchisme .

             Sœur Germaine était un petit bout de femme, timide d'une exquise gentillesse .

Souvent, en lieu et place de patenôtres, elle préférait répondre à nos pressantes sollicitations pour faire défiler de belles photos à travers sa " lanterne magique "

             Sœur Virginie , au contraire  était une forte femme à l'abondante chevelure blanche et au verbe haut . Elle était loin d'être méchante mais sa sainteté et sa sévérité nous terrorisaient d'autant plus, que sa qualité d'infirmière  laissait planer sur nos fesses la perspective de redoutables piqures .

             Par une belle journée de printemps mon oncle Albert et ma tante faisaient une livraison de bière quand le camion  un vieux Ford, tomba brusquement en panne sur la place . Après de très longs moments de vains et douloureux efforts, l'Albert , dont la qualité première n'était pas la patience,s'échinait encore en proférant , à son habitude, des jurons de plus en plus sonores et sans ambiguïté :  " Noum dé Diou ! " , .."putain dé Diou! " ... "  "coun dé Diou ! " ( traduction superflue )

          Vint à passer sœur Virginie ,  atterrée , épouvantée par ces blasphèmes  :

                             - " Oh Monsieur Reboul  arrêtez d'insulter le saint nom de Dieu ! demandez plutôt le secours et l'assistance de la Sainte Vierge ! "

                             -   "Ah ! qué benié pas mi faïré caga aquello tabé " ( ah ! qu'elle vienne pas me faire c..... celle la aussi )

              C'est ma tante qui m'a rapporté cette anecdote il y a au moins 60 ans en ajoutant que mon oncle avait tellement regretté son attitude , que le lendemain, tout contrit, il portait une bonbonne de vin au couvent .

                                                           


                                             5 - le chasseur de serpents


            M. RAYNAL , le père de mon excellent ami Henri ( le Ricou )avait, entre 'autres, une passion : la chasse aux serpents .

            Armé d'un bâton fourchu, il se rendait dans les "cagnards " de la Gazelle  pour traquer couleuvres et vipères . Après leur avoir immobilisé la tête dans la fourche de son bâton, il leur arrachait, disait il , les crocs en leur faisant mordre un chiffon , puis il les exhibait dans le village en les tenant par la queue  à la grande frayeur des passants 

            Il avai,aussi , une autre passion , faire des blagues et je me souviens qu'à plusieurs reprises  ma tante, plongeant la main dans sa boite à lettres, la retirait en hurlant après avoir saisi en place du courrier attendu, un serpent heureusement mort . Sans me tromper, je peux prétendre qu'à ces occasions son cri dépassant largement les limites de  "La Croix de la Mission ,  faisait sursauter les paisibles consommateurs de la Remise . ( elle avait un organe exceptionnellement puissant  et ses éternuements jouissaient d une certaine célébrité,  leur portée ne le cédant en rien à ceux de son amie la Marcelle , ce n'est pas mon ami et voisin Justin Devéze qui me démentira  )

             Il va se soi que , les jours suivant , le père Raynal pouvait s'attendre à recevoir une casserole d'eau sur la tête dés qu'il passerait sous la fenêtre de sa victime .

        Le mur surplombant le champ de Paul Farges, à la Croix de la Mission, était surmonté de lourdes dalles de schiste, des " bars ", de près de 1 m de longueur et de quelque 8 à 10 cm d'épaisseur  pesant ,  chacune , plus de 50kg .

            Alors qu'une demi- douzaine de jeunes discutaient , assis sur ces bars , le père Raynal vint à passer .

            La personne qui m' a rapporté l'anecdote ne m'a pas précisé par quels arguments, mais il demeure que notre " galégiaïre " persuada les lascars à balancer, la nuit venue, tous le bars dans le champ .

            C'est ainsi que le lendemain matin, dans le cadre des prestations, une dizaine d'hommes conduits par le chef cantonnier ,s'échinèrent , la matinée durant à remettre les bars en place .

             Les " Noum dé Diou "  , "  putos dé drôles "   et autres amabilités fusaient avec d'autant plus de vigueur, au fur et à mesure de l'avancement des travaux, que les "réquisitionnés " s'abreuvaient , régulièrement en face ,à la cave de l'Albert, qui tenait tonneau ouvert et qui , bien entendu faisait partie des travailleurs …et des consommateurs ( je ne jurerai pas que M. Raynal ne soit pas passé par hasard et n'ait pas fait partie... des consommateurs  )

 

                    

                                             

                                              6-    " On va faire le lait du ….  "

          

            Un certain nombre de paysans, pour conserver au frais le lait produit par leurs 3 ou 4 vaches, rangeaient la marmite, le couvercle recouvert de lauzes, à l'extérieur de leur maiso , dans un trou , au bord d'une source ou d'un ruisselet  ou dans tout autre endroit bien abrité .

            Le lait ainsi reposé , était prêt, le lendemain matin,  à être écrémé à la louche,  pour recueillir la précieuse  "burade " et confectionner beurre et fromages .

Une à deux fois l'an, dans la journée, un certain nombre de lascars ( en fait la majeure partie des garçons de 15 à 18 ans ) s'interpelaient par cette phrase laconique  : "  ce soir on va faire le lait du Ferrier ou du Marius  ou du Poulitou  ..etc.."

Que signifiait cette invitation ?  : très prosaïquement, il s'agissait, à la nuit tombante, d'organiser une expédition pour aller subtiliser la marmite de lait du Ferrier  , du Marius ou de tout autre fermier du Bleymard et des environs, assez imprudent pour confier sa marmite  sommairement camouflée , aux étoiles .

Le produit du larcin était alors consommé, le soir même  dans l'un ou l'autre des bistrots du village sous forme de café-au-lait .

Mais pourquoi ce rite alors que la plupart des maraudeurs étaient eux-mêmes, fils de paysans et disposaient chez eux d'autant de lait que pouvait en contenir leur ventre  ?

C'était ce qu'on appelle la tradition ,laquelle , bonne ou mauvaise, se perpétuait depuis des années voire des siècles . Certes, le lendemain , lorsque la fermière trouvait sa marmite vide, et parfaitement lavée, elle n'éprouvait pas un enthousiasme délirant  quelque soit son attachement aux traditions et même si ses " clients" avaient déposé quelques pièces au fond du seau pour rembourser, symboliquement, l'emprunt  . Certes , le fermier surprenant les amoureux de son lait , loin de s'en trouver flatté, ne manquait pas de les abreuver d'insultes et de les poursuivre à travers chemins et travers .

I        l est vrai aussi que, lorsque un coupable était identifié, par la victime, et dénoncé à son père, le châtiment , corporel, était immédiat et rude …cela aussi faisait partie de la tradition  !

 Ces expéditions se conclurent par certains épisodes assez cocasses :   

A l'issue de l' un de ces raids  , les consommateurs se rendirent dans un des cafés du Bleymard. La patronne confectionna le traditionnel café –au-lait ,  et, le lendemain matin, quand elle souleva le couvercle de sa réserve en vue de prélever un peu de " burade " pour son premier café …sa louche ne rencontra qu'un vide abyssal, la présence de quelques sous troués  au fond du récipient ne faisant que lui confirmer l' horreur : Elle avait servi et gâté ses convives avec son propre lait ! .Pour comble , parmi les " voleurs " se trouvait son propre fils ( c' est lui qui m'a rapporté l'anecdote , dont il conserve un souvenir assez cuisant ) . Pour expliquer la chose, il convient de préciser que les marmites, provenant toutes de la quincaillerie Devéze ( la Baptistine ), étaient absolument identiques quel qu'en soit leur propriétaire .

La dernière expédition sévit le jour de la fête du retour des prisonniers, en 1945 ou 1946, j'étais encore trop jeune pour avoir été admis à participer à ces raids .

                         

                             7 – L"affaire " de l'orme de St Jean  1881

                         

                   Je place ici ce document, historique, en raison de l'importance donnée à l'élagage,intempestif, d'un arbre qui parait relever de la galéjade  ou d'une nouvelle de Pagnol.

En substance l'orme ( Sully ), situé à l'angle du cimetière, à été élagué par 4 délinquants (sic) de St Jean , sur l'ordre du curé, Ollier , et au bénéfice de son frère curé du Bleymard .               

         Le dossier comporte plus de 15 pièces de procédure mais je ne livre dans cette page qu'un résumé du long rapport de l' Ingénieur Ordinaire des Ponts et Chaussées  Pour  accéder au rapport complet :  ouvrir le lien ci dessous  ;   Clic ICI

Le 5 janvier 1881 , M. Bardol , conducteur des Ponts et Chaussées, a constaté que le vieil orme se trouvant dans le talus gauche de la R.N. 101 , contre le cimetière de st Jean, avait été élagué …et le bois emporté  …le délit avait été commis par MM. Amouroux Pierre , Maurin Cyprien , Reversat Auguste et Devéze Sylvestre, agissant pour le compte et sur ordre de M. Ollier curé de St Jean au profit de son frère curé du Bleymard  …"

"…MM. Amouroux, Reversat et Ollier frères dans un écrit collectif du 13 mars disent que :

-1-" .. aucune quantité de bois n'a été enfermée au presbytère de St Jean, les habitants de cette paroisse ayant l'habitude de faire  chaque année , gratuitement, la provision de leur curé  (la bouade" ).

-2-".. les 3 chars apportés au Bleymard n'étaient pas gros puisqu'une seule branche avait été émondée ;

-3-".. l'on a abattu que le bois mort dans le but de débarrasser l'arbre de ses branches sèches ;

-4 -".. le bois apporté au Bleymard était destiné à l'usage du curé de St Jean qui fait son ménage chez son frère curé doyen …ce dernier étant entièrement étranger à l'affaire;

-5 –".. le curé de St Jean a largement indemnisé la pauvre  fabrique  de St Jean …en payant de ses deniers des réparations faites à l'église et au presbytère

- 6-".. les curés de St Jean ont de tout temps émondé cet arbre…dont la fabrique(1) a la possession incontestée depuis  1802  date à laquelle Jeanne Eyme   léga à l'église …la totalité des biens de l'ancien prieuré, qu'elle avait acquis de la nation pour les rendre à leur ancienne destination ;

-7- "..en 1843 , lors de la construction de la route  l'administration reconnut les droits de ladite fabrique puisque c'est avec elle que furent passée les conventions de cession d'une portion du cimetière,  la somme reçue, 374 fr  ,aurait été insuffisante si l'arbre avait été compris dans la vente  ;

- 8-".. encore aujourd'hui …le mur qui longe la route est obligé de faire un coude et de se replier à angle droit pour aboutir à l'arbre . "

De son côté M. Devéze Sylvestre , déclare ne pas avoir participé à l'émondage mais avoir transporté un char de bois au presbytère du BLEYMARD

L' Ingénieur expose alors ses arguments et c'est, à, mon avis, un chef- d'œuvre,car il démolit point par point toutes les assertions de la défense et même imagine, pour les contrer , des arguments qui n'ont pas été formulés, on en vient à oublier que l'objet du rapport est .. une branche d'arbre ! :

"…on peut répondre que :

- " lors même que l'arbre aurait appartenu à la fabrique, il y aurait lieu à répression en vertu des articles  102 et 105 du décret du 16 0ctobre 1811 ;

- " mais il est facile de démontrer que l'arbre n'appartient pas à la fabrique mais à l'État "

L' argumentation qui suit est étayée par de nombreuses pièces et plans :

- " on ne trouve pas trace de vente d'une portion du cimetière …cette vente ne peut donc être considérée que comme simplement probable … mais si on trouve pas l'acte c'est qu'il n'existe pas …

…" La prétendue vente n'aurait pu avoir lieu que 10 ans après la dernière inhumation  …si elle avait été faite elle l'aurait été en violation de la loi ;

- "… Même si l'on considère que l'arbre n'a pas été compris dans la vente( modicité du prix 374 fr ),.. cela résulte du fait que l'arbre n'a jamais été dans le cimetière…  "  Suit une longue et minutieuse démonstration sur les positions respectives de l'arbre et du mur  et la conclusion que " le grossissement des arbres ayant lieu par couches à peu près concentriques, on ne peut concevoir qu'un arbre planté d'abord à l'intérieur du mur, se retrouverait aujourd'hui à l'extérieur . On devrait plutôt admettre que gêné dans sa croissance par le mur  il se serait rejeté de préférence vers l'espace libre, c'est-à-dire du côté du cimetière  …l'État est donc incontestablement   propriétaire de cet arbre …il l'a fait élaguer, il y a plusieurs années par son cantonnier VINCENT et ce sans opposition de la fabrique  de St Jean "

L'ingénieur ne s'en tient pas là . Pour faire un sort à toute possibilités de contestations il déclare que  " si les contrevenants entendaient soutenir que , même en dehors du cimetière, l'arbre doit être considéré comme appartenant à l'ancien prieuré investi de la paroisse féodale ..nos répondrions que ces droits ont été supprimés par l'art. 15 de la loi du 28 août 1792 "

- sur l'excuse du " bois mort ", l'Ingénieur déclare  : " on n'a pas enlevé tout le bois mort et on n'a pas coupé que du bois mort (!) et l'on n'a pas donné aux branches amputées les soins nécessaires … il est difficile d'admettre qu'un autre guide que le caprice ait dirigé les opérateurs "

- Enfin …" la justification produite en faveur du curé de St Jean, qui aurait indemnisé la fabrique pèche par sa base puisque l'arbre n'appartient pas à la fabrique "

En ce qui concerne les 4  exécutants   "… on peut sans porter atteinte à l'intérêt public, abandonner les poursuite …nous n'avons pas de raisons de douter de leur bonne foi, pas plus que de celle du curé du Bleymard  " . A l'égard de l'abbé Ollier de St Jean  " … il y à lieu d'appliquer l'art. 8 de l'arrêt du conseil du 3 ma 1720 …nous pensons , toutefois qu'il y a des circonstances atténuantes et qu'il convient de faire application de l'art. 1 de la loi du 23 mars 1842 .

"…par suite nous proposons que M. l'abbé Ollier soit condamné à une amende de Cinquante francs …un tiers à l'État , un tiers à la commune , un tiers à l'agent ayant constaté le délit  "

     L'abbé Ollier a fait une requête pour faire réduire son amende mai le dossier ne contient pas la suite donnée .

                A noter que l'arbre dont il s'agit était un fort bel orme puisqu'il mesurait 5, 35 m. de circonférence à 1, 50 m. au dessus du niveau de la route

(1) La fabrique , au sein d'une paroisse , désigne les laïcs chargés de gérer les biens et revenus de l'église et d'assurer l'entretien des bâtiments 

                                                 

                                                  8 – La soupe des mariés

 

         Les mariages auxquels s'attachait une grande solennité, faisaient  alors l'objet d'une fête souvent somptueuse , toujours pittoresque .

            Après l'église  et la mairie, venait le temps des réjouissances :  les apéritifs précédaient un magnifique repas où , le plus souvent trônait la tête de veau . Par tête de veau , il faut voir, non pas ce " roulé " informe que l'on nous sert aujourd'hui, mais une véritable tête , entière décorée de fleurs et de persil .

            Au dessert , après moultes libations , les jeunes amis des mariés se glissaient sous la table   à la conquête de la jarretière . Les cris effarouchés de la jeune épousée n'y pouvaient rien : la jarretière était conquise ..et mise en vente aux enchères au profit du jeune couple . 

            Mais une épreuve bien plus redoutable attendait les mariés  : la fameuse soupe apportée au milieu de la nuit jusque dans leur lit et présentée dans un pot –de- chambre ( lou  kèli )

            Toutes les ruses étaient mises en œuvre pour échapper à cette épreuve  et ,notamment , le secret du lieu de la nuit de noce  .

Pour dérouter les perturbateurs, les " nobis "  se gardaient de coucher chez leurs parents ou à l'hôtel où se déroulait la noce . Ils s' étaient mis , préalablement, d'accord avec un habitant du village afin qu'il leur offre l'hospitalité pour cette première nuit .

 

La maison de mon oncle Albert se prêtait parfaitement à cet usage en raison de l'accès direct d'une chambre indépendante à partir du Couderc .            C'est dire le nombre de mariés qui y ont passé leur nuit de noce . L’hôte , bénévole, jurait bien entendu sur ses grands dieux de ne pas révéler le secret .

Alors , après la dernière goutte , l'exécution de quelques valses , polkas et autres bourrées , nos tourtereaux s'éclipsaient discrètement pour gagner leur nid d'amour improvisé . Mais le village n'était déjà  pas grand  à cette époque , et , surtout , il n'était pas nécessaire de torturer longuement et sauvagement le complice de mariés pour qu'il vende la mèche .

  C'est donc un cortège de jeunes chantant, braillant , avec parfois le renfort d'une trompette , qui se répandait dans les rues du village . Ils feignaient , un moment de chercher le échappés mais finissaient par faire irruption dans la chambre (  dont, tant qu'il y était, le logeur félon leur avait remis la clé ) . Ils servaient alors au jeune couple , surpris ,( mais pas trop ), et dépité , (mais pas trop ), une mixture présentée dans un pot de chambre ( j'ose espérer ,  réservé à cet usage ) .

Cette soupe se composait de vin blanc, idéalement tiède dans lequel surnageait du chocolat, plus ou moins ramolli, tout étant fait pour donner à la soupe une apparence évocatrice et peu ragoutante .Le tout se passait dans la rigolade, mais il n'était pas question de refuser, au minimum de goûter à la savante préparation . A défaut de bonne volonté, il y avait toujours un bon copain ( ou copine ) ,  muni d'une louche, prêt à "embuquer "  le récalcitrant .

Mais les perturbateurs savaient se montrer compréhensifs et, rapidement les  " nobis " étaient laissés à des occupations autrement plus agréables

En annexe –https://sites.google.com/site/LEBLEYMARDannexe   ( Familles du Bleymard )    - , vous pourrez voir, devant l'hôtel de la Remise , la photographie d'un mariage qui dut avoir lieu vers 1938 ( Julien Amouroux d'Orcières –Louise Peytavin des Alpiers  ). Je suis persuadé que ce sympathique couple eut droit au "pot de chambre , ma conviction étant renforcée par la présence ( en haut , à gauche de l'Albert et de son épouse " la Marie de L'Albert"

                               Si des lecteurs peuvent me renseigner sur les participants que je n'ai pu nommer je les en remercie vivement

 

                                          9  - Les exploits de " Jésus " , "La Piaule  "et  "La Grève "


        Au début du siècle précédent , sévissait au Bleymard  un trio de vieux pendards aimant autant les bonnes blagues que la dive bouteille . Le  "Jésus " et  ses deux acolytes préférés " La Piaule " et "La Grève " avaient conquis une réelle célébrité par leurs innombrables facéties qui ne sont pas sans évoquer pour moi celles des " Pieds -Nickelés qui enchantèrent mon enfance . En voici 3 dont je garantis l'authenticité  :

 

                                                                                           1  Et le fût ….fut

 

,            Un beau matin de Juin , alors qu'il passait au Couderc , mon jeune et apprécié ami Claude a rappelé à ma mémoire défaillante un des exploits du trio :

 

            Nos trois compères ,assis sur une murette près de la Remise, se prélassaient attendant, peut être le passage  d'une potentielle  victime  de leurs "catures " ou plus certainement celui d'une âme généreuse susceptible de leur offrir un canon de rouge .

            Sortant de son café-restaurant, le Marius accompagné d'un représentant en vins aperçoit nos trois lascars dont il ne connaissait que trop la malice ( voir plus bas ). Flairant une possible blague , il interpelle le négociant : " vous avez la chance de rencontrer ,ici, les plus fins connaisseurs en vins-*/ du Bleymard et des environs " et, la main sur l'épaule, il le pousse gentiment devant l'aréopage des "experts "

  On goûte le contenu des petites fioles d'échantillons avec les indispensables claquements de langue (mais on ne recrache rien ! ) , on négocie , on marchande et finalement on condescend à commander un tonneau de 30 litres du meilleur .

            Le samedi suivant, le car amène, de la gare de Villefort , le tonnelet de nectar, lequel promptement chargé sur une brouette est acheminé, par l'encore joli chemin de " Sous – Mamé- Jeanne ", jusqu'à la maison du "Jésus " .

  Immédiatement mis en perce le tonneau avait en quelque sorte ,"perdu toute contenance " avant la fin du Week-End au profit des 3 fins gosiers .

            Cependant ,quelques jours plus tard, le facteur apporte à l'un des amateurs de bon vin  ( peu importe lequel ) un pli contenant la facture et un bon  pour renvoyer le fût dés qu'il serait vide . Nos amis constatent que si le vin fut doux aux gosiers, la facture était salée  !

            Alors ? ….. , alors le brave négociant , frisa l'apoplexie dans sa maison de Corconne ( Gard )  quand il reçut , par retour du courrier , sa belle facture , avec , en guise de paiement,  rédigée en lettres capitales  , la formule aussi lapidaire qu'explicite suivante

                            

                                                                " VIN  BU  ,  FÛT  PERDU  ,  ARGENT  FOUTU  !!! " 

 

                                                              2 -  "  Jésus meneur de " Gréve  "

 

            Un matin d'automne , "la Grève " et " Jésus " passant à la Remise aperçoivent un jeune qui  devant l'écurie du Marius s'acharne à fendre de respectables buches de " fayard " .

-         Qu'est que tu fais là , Pierrot  ?

-         Et bé , vous voyez bien que je fends le bois du Marius

-         Et il te paie pour ça  ?

-         Je comprends bien , quand il reviendra de Mende , il doit me donner 5 francs et un litre

Nos deux compères se regardent, se parlent à l'oreille  et partent d'un grand rire

-         Qu'est ce qui vous prend de rigoler , vous vous foutez de moi ?

-         Oh rien ,tu es bien brave , mais tu te fais couillonner , tu sais pas que le Marius est un peu juif (1 )   , " ti pagaro pas jamaï , béléou ti bailaro un litré dé piquéto et encaro acos pas sur !  "  (il ne te paiera jamais , peut être il te donnera un litre de piquette et encore ce n'est pas sûr  ! )

-         Vous me racontez pas des blagues au moins, s'inquiète le simplet

-         Saïqué nou  ! et tu seras pas le premier qu'il attrape baï !

Et voilà notre brave Pierrot qui plante là hache,  cougnets , buches et s'apprête à partir . Mais les deux gandards , jamais à court d'imagination , l'arrêtent un instant

-         Le dernier à qui il a fait le coup lui a tout palafiqué son bucher ….

Aussitôt dit aussitôt fait et chacun part de son côté

 

            Comment décrire la stupéfaction puis la fureur du Marius  descendant du car, une pièce de 5 francs à la main  pour constater que loin d'être fendues et rangées toutes ses buches sont en "estampel ", avec les outils, devant son  écurie  déserte

 

( 1) A cette époque l'antisémitisme sévissait en France, au point d'être banalisé .Au Bleymard, de même que M. Jourdain pratiquait la prose, on pratiquait , sans le savoi , un racisme inconscient , et j'oserai dire, bon enfant, sans voir de mal à qualifier de juif toute personne près de ses sous .

                                                                                                                               

                                                                                                                                                                                                                 3 -   Jésus est ressuscité

           

           

 Le surnommé "Jésus " , habitait " sous –maméjeanne " , une petite maison , proche du café –restaurant " Bouquet " .

Un soir , vraisemblablement après des libations particulièrement copieuses, il s'affaisse dans l'entrée de sa maison, au bas de l'escalier , tout juste derrière la porte d'entrée .et reste dans cette position la nuit entière .

Le lendemain matin , au lever du jou , une femme qui se rendait à la messe est intriguée : la porte du Jésus est entr'ouverte  !  Poussée par la curiosité ou la manifestation d'une charité bien chrétienne  l'histoire ne le dit pas, elle pousse la porte, et un cri perçant en buttant sur le corps inanimé du Jésus . Ses efforts, ses cris ne parviennent pas à faire bouger le corps étalé sur les dalles de l'entrée .

Elle court donc chez le curé-doyen, dont le presbytère est tout proche, de l'autre côté du pont de Combesourde : " Moussu lou curat , benét bité , lou Jésus es mort !! " ; Affolé , notre brave curé revêt le surplis, se charge des saintes huiles et, accompagné de la sainte femme, se précipite vers la maison du " défunt" qu'il trouve toujours inanimé .

Il entame donc le rituel et les prières de l'extrême –onction, quand notre ami ouvre un œil, puis l'autre et s'exclame tout à coup : " déqué fasét aqui , Moussu lou curat , sioï pas mort , ni maï embégio . Aco saro per un antré cop " .(1 )

Et , pendant que le curé dépité, retourne à son petit déjeuner, notre brave femme, les sangs encore retournés, mais ayant perçu le coté cocasse de la situatio , se répand dans le village en annonçant la nouvelle : " eh bé , sén éncaro luin dé pachos , et pas méns lou Jésus és déjia ressucitat " (2)

 

 1) " que faites vous ici Monsieur le curé , je ne suis pas mort ni envie ( de l'être ) . ça sera pour une autre fois "

(2 )"eh bien , nous sommes encore loin de Pâques et pourtant le Jésus est déjà  ressuscité !  "

 

     A ces 3 anecdotes il faut évidemment ajouter leur démonstration de triomphe lors d'une élection de M° Ferrand relatée plus haut (   §  2  " Le Bleymard avant la guerre " --  1-2  -" Les élections " )

 

 

                                                                          10 - La maison BALEZ

 

             Lorsque , il y a quelques années 'je sillonnais les rues du village pour photographier les linteaux et vieilles pierres , mon attention a été attirée par une série de documents et photos affichés en façade de la maison Balez  de la " Campanade " .

              Le dessus de porte de cette maison  étant assez original , je l'ai inclus , avec les photos , dans mon site  "Linteaux et vieilles pierres "

            Par M. Yonne Balez j'ai appris , depuis , que cette maison abrita l'école communale jusqu'en 1850 , date à laquelle l'habitation fut acquise par son aïeul Pierre Balez arrivant d'Arzenc de Randon pour s'installer au Bleymard en qualité de garde - champêtre  .

 

            Parmi les documents exposés figurait un texte de Charles Balez , instituteur , (1916- 1984 ) qui raconte avec beaucoup d'émotion et d'authenticité ses vacances au Bleymard chez ses grands- parents , Eugène et Marie -Louise née Ferrier  ( photo en annexe ) 

 

            Avec l'autorisation de son fils Yonne , le récit de Charles Balez est retranscrit ci dessous . L'original  est visible sur le site annexe en    CLIQUANT ICI


                                               

                                  SOUVENIRS D'ENFANCE    de Charles Balez  1916 1984

                                                                        

                 "  Chez mon grand-père au Bleymard

   Quand j'étais petit , vers 1923-1924 , que j'avais de 7 à 8 ans, je restais à Marseille où mon père était venu travailler . Mais chaque année , dés le 1er août, en ce temps là nous n'étions en vacances que le 31 juillet , je montais en Lozère pour garder les vaches de mon grand -père .Je ne redescendais à Marseille que le 30 septembre pour la rentrée à l'école le 1er octobre .

            Le voyage était merveilleux pour moi malgré que je sois seul et que je m'ennuyais parfois . Le train partait de la gare de Marseille vers 10 heures du soir, mon père m'accompagnait et cherchait un voyageur qui allait plus loin que Villefort car c'était là que je devais descendre du train .

            En descendant du train , je me retrouvais seul dans une gare obscure vers 3 heures du matin. Je devais attendre pendant sept heures d'horloge que l'autocar, que l'on appelait à ce moment là ,  la voiture, vienne charger les voyageurs qui se rendaient au Bleymard , a Bagnols et à Mende . Cet autocar puait l'essence et il était rempli de voyageurs. Il y en avait même parfois sur l'impériale avec les bagages, les caisses et les bicyclettes . Aujourd'hui , ce car fait toujours le même service de Villefort à Mende, mais sa mécanique et sa carrosserie sont modernes, et il n'y a pas tant de voyageurs .Ils ne sont que un ou deux et même parfois le chauffeur se trouve seul . Le long de la route l'autocar s'arrêtait dans tous les villages. Le chauffeur allait boire un coup ou porter un petit paquet et il en profitait pour discuter avec l'hôtelière ou les clients du cabaret . Nous autres, les voyageurs , nous attendions dans la voiture . Tout cela allongeait le chemin et , pour parcourir trente kilomètres,  il fallait une grosse heure .

            Au Bleymard , mon grand-père se trouvait à l'arrêt que l'on appelle encore la Remise, pour rappeler le temps des diligences . J'étais heureux d'embrasser mon " papet "  . Il avait sorti sa grosse montre " la cébo "et il disait " 10 heures, il est à l'heure " ou plutôt il disait " dech ouros es a l'ouro " car mon grand père ne parlait jamais le français . Et c'était aussi l'heure du soleil qu'il garda toute sa vie . Nous avions 500 mètres à faire pour arriver à la maison .

             J'embrassais ma grand-mère et j'allais vite à l'étable voir les vaches . D'habitude il y en avait deux mais ce qui m'intéressait le plus  c'était de savoir s'il y avait un ou deux veaux . S'il y avait deux veaux, il n'y aurait pas de lait pour mettre dans mon petit déjeuner le matin  et il me faudrait me contenter de l'eau bouillie, avec une gousse d'ail et trempée de pain bis .

            Les vaches, en ce temps là travaillaient du soir au matin, pour la fenaison  pour rentrer les gerbes, pour labourer, pour aller au bois et elles ne donnaient guère de lait ( 1 )quand on les trayait le matin et le soir. S'il n'y avait qu'un veau j'étais sur d'avoir du lait . L'enfant de la ville que j'étais se régalait avec du lait et du pain blanc et je n'aimais guère l'eau bouillie avec du pain bis .

            Le même jour , mon grand -père me conduisait chez le tailleur ( le Fèlix Farges N.D.R ) , et il y en avait un en ce moment là, et il m'achetait une blouse noire ou bleue et des culottes courtes . Puis nous allions chez  "l'escloupié "  ( le Buisson qui habitait au bas de la Campanade  NDR )  et il m'achetait une paire de sabots . Le soir , il les ferrait avec des fers de vaches usés( 2 ) . Les vaches, en ce temps là étaient toutes ferrées des 4 pieds pour travailler . Ma grand-mère, elle , plaçait mes vêtements de la ville dans la grande armoire et je ne les revêtais que le Dimanche pour aller à la messe et à la fin des vacances pour retourner à Marseille .

            Combien de fois , ainsi , je suis revenu chez moi , les 30 septembre avec des souliers qui me faisaient souffrir le martyre , parce que mes pieds avaient grandi en 2 mois, et pendant ce temps mes souliers de ville étaient restés tels quels .

 

                                                           Charles Balez "

(1 )   mais quel lait !

(2)    comme c'est vrai ! Il y avait toute une hiérarchie dans les sabots selon l'usage ou les moyens du "saboté "  : avec ou sans bride , vernis ou non , ferrés ou non ferrés

 

            Aux périodes citées par Charles Balez ses grands- parents avaient entre 74 et 76 ans  et je suppose qu'avec eux cohabitait leur fils Jérome ( 34 ..36 ans  ) dont Charles ne parle pas .

            Le Jérome " ( de mon temps les noms , prénoms et surnoms étaient toujours précédés de l'article , "communisés" en quelque sorte ) ( M. Jérome Balez  ) figure en bonne place parmi les gens pittoresques que j'ai eu la chance de connaître , au Bleymard ( photos en annexe ) .

            Célibataire , il habitait cette ancienne mais belle maison que l'on trouve en montant la " Campanade " , à gauche

            Il possédait , comme son père des dons de guérisseur et il va de soi que les habitants du village étaient partagés entre ceux qui y croyaient et ceux qui n'y croyaient pas .

            Ma famille faisait plutôt partie des sceptiques  . Cependant  je me souviens très clairement d'une guérison .      Ce devait être dans les années 40 , un tout jeune garçon qui  jouait dans la cuisine de mon oncle ( l'Albert , ami et classard du Jérome ) ) se renversa une casserole de lait bouillant sur sa  jambe nue .Mon oncle et le père enveloppèrent le gamin hurlant de douleur dans une couverture et se précipitèrent vers la " Campanade " chez le Jérome  . Ce dernier , racontèrent ils après leur retour, en quelques secondes,   "coupa le feu " qui se propageait en vilaines cloques sur la cuisse du malheureux dont les cris et pleurs ne tardèrent pas à cesser . Quelques jours après , il ne subsistait aucune trace de brulure et notre scepticisme fut quelque peu ébranlé .

 

             Dans les années 40 , mon cousin , Joseph , et moi même,  assistés d'un brouette , livrions périodiquement une bonbonne de vin au Jérome . Nous étions délicieusement effrayés compte tenu des légendes qui courraient sur lui , de son aspect et de la quasi obscurité qui , me semble t'il ,régnait dans la maison .. Mais il se montrait très gentil , très souriant , et il nous impressionnait  par sa culture  ( qu'il faut peut être, jauger à l'aune de notre  inculture , mais le texte de la carte jointe  en annexe témoigne à la fois d'une élévation d'esprit certaine et des problèmes causés par la déformation de ses mains )

             Il nous faisait asseoir à la table placée devant la fenêtre et demandait à sa bonne, ou gouvernante, dont j'ai oublié le nom , de nous servir une tasse de café ou un verre de grenadine . Il discutait volontiers avec nous, surtout avec mon cousin plus âgé ,et nous montrait des lettres et cartes postales de remerciement qu'il recevait de partout en France  .

            Lorsque nous le quittions il nous glissait un pièce de monnaie, aussi à l'issue de la première livraison nous étions toujours volontaires .

            Des détails avaient frappé l'enfant que j'étais , d'abord ses mains déformées et recroquevillées , je suppose par l'arthrose ,et surtout un système de cordes, poulies et contrepoids qu'il avait installé de manière à ce que la porte d'entrée se ferme automatiquement !

            Il est décédé en 1953 et son neveu Yonne  a bien voulu me confier les photos de la famille Balez que l'on peut canciennes".     

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                                                 11 - les divertissements


           Le titre est quelque peu prétentieux. Les spectacles se limitaient à l'obligatoire bourrée, aux  saltimbanques notamment  le montreur d'ours (présenté au chapitre  "Photos anciennes",  les séances récréatives présentées à la salle des frères par les jeunes des écoles catholiques  etc....

           L'affiche annonçant une de ces représentations a attiré mon attention car y figure la chanson " la fille de de l'aveugle" qui était un des morceaux de bravoure de mon grand-père qui;  selon ma mère et mes tante, l'aurait enregistrée, sur rouleau, lors du passage d'un reporter au BLeymard. (malgré mes recherches je n'ai jamais pu mettre la mai sur ce rouleau ).

             La copie de cette affiche  figure au début du présent chapitre, peu lisible j'en donne un résumé ci dessous persuadé ue certain Bleymardois y retrouveront le nom d'un de leurs ancêtres 


                                                SÉANCE RÉCRÉATIVE

 

 

                      Donée par le jeunes gens du Cercle d'Etudes du Bleymard

 

                            DIMANCHE  6 février ? (Vraisemblablement vers 1930 )

……..

                             "  " Rira bie; qui rira le dernier" par: J ;Talagrand,E. Buisson, B. Prrivat; P. Rieu,A; Vouet, F. Buisson,U Folcher

 

…..

….                     "Un jeune homme difficile à marier "  par : E; Barandun, F; Combes, A Randon,; B . Buisson ; J. Balez

 

 ……..                                ENTRACTE AVEC CHANSONS

  " Les 4 prunes "                     par F. Farges et A. Randon

**   " La fille de l'aveugle "    par F .Farges

"Gosjean N° 2  "                 par r J; Buisson

"La pipe du commandant "   par L. Reboul

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                                                  Prix des places : 0,25f Enfants : 0, 10f

 

 

  En désespoir de cause,  pour satisfaire mon désir impérieux de perpétuer les souvenirs j'ai enregistré, ma mère et sa sœur Marie interprétant cette chanson mythique . Plus tard mes petites filles m'ont fait le cadeau de leur version.

          Cet hommage fait l'objet d'une petite vidéo  que je m'autorise contre vents et marées, critiques et ridicule à inclure dans ce site tant est vivace mon désir de perpétuer les souvenirs de nos ancêtres . Même si un seul de mes descendants apprécie, un jour,  cet hommage j'éprouverai une grande satisfaction...posthume.


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