Au cœur de l’orphelinat de Luang Prabang

Comme expliqué plus tôt, j’ai la chance d’avoir voyagé trois mois en Asie du Sud-Est avec ma famille. Voyage durant lequel j’ai accordé une attention particulière à ce projet. J’ai ainsi eu l'opportunité d'aller dans l’orphelinat de Luang Prabang, au Laos, où j'ai vécu une expérience très enrichissante avec les enfants, dont je témoigne ci-dessous. J’y ai été introduite par Saïta, une bénévole franco-laotienne que j'interview ici afin d'en découvrir un peu plus sur le mode de vie et la situation de ces orphelins, illustrée par quelques photos et vidéos que j'ai pu prendre là-bas.

Retranscription

Bonjour Aurore ! Donc ici, c’est un orphelinat. Et je me demandais, combien il y a d'enfants en tout?

Alors ici, il y a environ 314 élèves, 314 orphelins.

Et quel âge ont-ils ?

Ils ont de 4 à 18 ans. A 18 ans, ils doivent quitter l'orphelinat parce qu'ils ont la majorité et donc, ils doivent laisser la place pour d'autres potentiels orphelins.

Comment sont-ils arrivés là ?

Alors, ce qui s'est passé en général pour nombre d'entre eux, c'est qu'ils ont perdu les deux parents. Soit ça peut être à la suite de la naissance. En général, les femmes qui accouchent dans les villages excentrés, malheureusement, il y a beaucoup de décès. Ces petits enfants sont pris en charge par les villageois au départ et ensuite, à un certain âge, ils ne peuvent plus subvenir aux besoins d’une autre bouche. Donc, ils les amènent ici à l’orphelinat car ils sont capables de se débrouiller à partir de quatre ans. Et sinon, il y en a qui effectivement perdent un de leurs parents et donc l’autre parent n’arrive pas à subvenir à leurs besoins. Mais c’est très rare. En général, c’est les deux parents qu’ils ont perdus, ceux qui se trouvent ici, vraiment. Sinon, ici, le directeur essaye de leur dire : vous pouvez encore quand même subvenir aux besoins de votre enfant. Mais il arrive des fois qu’ils n’aient perdu qu’un seul des deux parents sur les deux mais que l’autre ne peut vraiment pas assumer ou qu’ils les ont abandonnés, ça arrive.

Est-ce que ça arrive que la famille vienne leur rendre visite parfois s'il y a encore un parent qui est là ?

Oui, ça arrive. En général, ce ne sont pas les parents mais ça va être les cousins, les cousines, les gens du village qui ont aidé au début quand ils étaient avec eux et qui reviennent les revoir.

Et comment se passe la vie pour eux ici ?

Ils sont très très libres. Comme vous le voyez, ils sont vraiment libres. L’école, il y a quand même l’école obligatoire. C’est le matin en général et les après-midis sont dédiées aux activités sportives ou de danse, de créativité, d’anglais. Et puis sinon, par exemple à l’orphelinat dans les dortoirs, ils sont vraiment libres, il n’y a personne ici qui les surveille vraiment ou qui leur dise ce qu’ils doivent faire.

Et donc pour manger, par exemple, est-ce que ce sont eux qui cuisinent où il y a des gens qui viennent apporter la nourriture ?

Le gouvernement donne à peu près l’équivalent de 20 dollars par mois, par enfant. Ça, ça leur sert à payer leur nourriture, donc ce n'est pas énorme. Donc on leur a appris à faire leur propre jardin. Vous avez les jardins juste derrière les dortoirs. Ils peuvent cultiver et donc cuisiner par eux-mêmes ici. Il y a des bénévoles qui viennent et qui cuisinent pour eux et puis qui les aident à cuisiner mais les plus grands prennent en charge les plus petits, donc tout le monde met la main à la pâte.

Combien sont-ils plus au moins dans les dortoirs ? Ont-ils une place bien fixe pour dormir ?

Alors, les dortoirs, normalement, voilà, ils se donnent leur place. Ils s’attribuent une place et puis après, ils ne bougent pas mais c’est en fonction surtout des affinités. Les dortoirs sont séparés filles et garçons, il n’y a pas de mélange. Et après, c’est par affinité. En général, ils ont leur lit pour l’année et puis après, peut-être que l’année d’après, quand ils vont tout nettoyer, ils vont changer. Mais en général, ils restent à leur place. Après, ils dorment, vous avez vu ce sont des grands dortoirs où ils dorment sur des paillasses et donc ils dorment assez collés serrés puisqu’il faut quand même se tenir chaud un petit peu la nuit donc ils sont tous ensemble.

Quand ils ont besoin de quelque chose, de savons, de couvertures, ont-ils beaucoup de donations ?

Ils reçoivent cela, heureusement. Notamment via l’association que je dirige et qui s’appelle « Saïta », « Laos Long Terme Assistance Orphenage. » Il y a une page Facebook, vous pouvez la consulter. Effectivement, nous on donne tous les ans, on a des donations régulières puisque, travaillant dans un hôtel, un éco-resort, je bénéficie de donations en fait, régulièrement, que je viens apporter ici, pour les enfants.

Ont-ils école plus au moins tous les jours ?

Ils vont à l’école tous les jours. Comme en France, du lundi au vendredi et après, le weekend, ils sont libres.

Et restent-ils toujours dans l’orphelinat ou vont-ils parfois en dehors?

Ils vont parfois en dehors, à partir d’un certain âge, 13 ans, 14 ans. Ils ont envie de découvrir un petit peu ce qu’il y a autour donc ça arrive que voilà, ils voyagent un petit peu aux alentours dans les villages ou vers le centre-ville.

Y a t’il beaucoup d’orphelinats comme celui-ci au Laos ?

Malheureusement, il n’y en a pas énormément. Ici, c’est un des plus grands qu’on trouve au Laos, à Luang Prabang, celui-ci. Ils essayent d’en mettre de plus en plus parce qu’il y a beaucoup d’enfants, beaucoup d’enfants orphelins malheureusement, beaucoup de mortalité infantile également au Laos. C’est très important ici dans ce pays, même si ça se développe de plus en plus. Et ici, c’est vraiment un exemple d’un des plus grands orphelinats qu’on trouve au Laos parce qu’il y a quand même 300 élèves et c’est quand même assez important comme nombre. Il y a des orphelinats un petit peu partout dans le Laos mais c’est un nombre vraiment... moins que ça, vraiment… 30 à 40 enfants, pas plus.

Arrive-t ’il qu’il y ait des enfants qui n’aient pas accès à l’orphelinat et qui se retrouvent alors à la rue?

Ici aux Laos, non, parce que les laos, ils sont vraiment dans le partage. C’est le bouddhisme qui fait ça. Du coup ils ne laisseront jamais… on ne voit pas de mendiants ici. Il n’y a personne qui mendie parce qu’en fait, ils laisseront jamais, c’est la famille. Même si c'est un cousin, une cousine, c’est la famille, il faut aider. Donc il faut trouver une solution. Donc c’est les orphelinats. A partir d’un certain temps, ils ne savent plus s’en occuper donc c’est pour ça qu’ils arrivent ici. Sinon, ils travaillent dans d’autres familles, ils sont envoyés dans d’autres familles. Et puis, ils vont nettoyer, ils vont faire la vaisselle, le ménage, tout ça… dans d'autres familles qui ont plus de moyens et qui peuvent les héberger et les aider. Il y a toujours l’esprit des servants. Ici, ça existe encore. C’est pour aider ces jeunes qui n’ont pas forcément de foyer.

A 18 ans, quand ils doivent sortir de l’orphelinat, est-ce qu'ils vont parfois faire des études ou travaillent-ils directement ?

Alors, ça, c’est encore un gros point qu’il faudrait qu’ils travaillent ici. Bénéficier de bourses, de plus de bourses que ce qu’ils ont à présent. Donc, en fait, il y a quelques élèves qui sont bons et qui peuvent aller étudier à l’université gratuitement à l’aide des bourses qui sont octroyées mais c’est un chiffre vraiment minime comparé au nombre d’enfants qu’il y a sur l’orphelinat.

Donc, les enfants vont soit avoir le choix d’aller en université mais s’ils n’ont pas les moyens, effectivement, ils ne vont pas pouvoir y aller. Donc ils vont essayer de travailler dans les champs, de faire des travaux praticables au début. Ou alors, ceux qui ont bien appris l’anglais vont essayer de trouver tout de suite dans une entreprise touristique, qui sont très présentes ici, à Luang Prabang.

Et sont-ils motivés justement pour apprendre l’anglais ?

Non, je pense que, ça, l’intérêt, il faut le provoquer en fait. Vous avez vu, on a fait une heure de classe en anglais et ils sont tous à essayer. Je pense qu’ils veulent vraiment apprendre mais c’est vrai qu’ils n’ont pas forcément toutes les clés. Comment apprendre proprement l’anglais, comment s’en servir en fait, dans la vie courante.

A propos, ont-ils parfois des cours de mathématiques, de lao… ?

Oui, histoire, mathématiques, lao…

Et ont-ils encore des cours d’histoire malgré que le gouvernement restreigne un peu les savoirs ?

Ils ont des cours d’histoire, mais qui sont orientés en fait. Mais ce n’est pas des cours comme…, ce n'est pas pareil que nous. Les cours ne sont pas vraiment structurés comme nous, avec certains programmes, des chapitres, etc. Ce n’est pas… c'est plus sur les évènements qui se passent au Laos. Par exemple, il y a le « Pimai lao», c’est le Nouvel An lao, il y a le « Boat Racing », c’est un festival ici au Laos, qui sont célébrés. « Pourquoi on fait le Boat Racing? ». Ca va être plus comme ça. Ce n’est pas de l’histoire, comme nous on l’apprend « en 1974, il y avait… »

C’est un peu l’histoire du présent…

Oui, c’est, voilà, c’est un peu l’histoire du présent, exactement.

À part ça, vois-tu beaucoup de différences entre les écoles du Laos et les écoles d’Europe ?

C’est complètement l’opposé, ça n’a rien à voir avec chez nous. Les élèves ici sont très libres en fait. Principalement dans les orphelinats, j’imagine. Parce qu’il y a d’autres écoles à Luang Prabang qui ressemblent pas du tout à ça mais ici, dans les orphelinats, le niveau de l’éducation est un petit peu plus... est moindre. Donc voilà, ils font avec ce qu’ils ont.

D’accod, merci beaucoup et bonne continuation dans ton projet !

Merci, « Khop tchaï » !

« Khop tchaï »!

Mon expérience là-bas

Tout d’abord, je m'attendais à vivre une sorte de choc plutôt négatif par rapport à la situation et au potentiel malheur de ces jeunes. Pourtant, en arrivant, j’ai toute de suite senti une atmosphère de positivité et d'entraide. Les enfants jouent, rigolent et s'amusent entre eux, ne laissant jamais quelqu'un tout seul. Cette philosophie est également présente dans les villages, ce qui explique qu’il y a très peu de bébés orphelins puisque les villageois sont toujours prêts à les accueillir jusqu’à ce qu’ils deviennent un peu plus grands et qu’ils ne puissent plus s’en occuper. Il y a donc des enfants de 5 à 18 ans dans cet établissement.

Ensuite, j’ai eu l’occasion de participer à une leçon d’anglais. On peut très vite remarquer la motivation des enfants à apprendre. Tous écoutent l’enseignant, participent activement aux activités et répètent en chœur les leçons. Cependant, la professeure d’anglais parle tellement peu anglais qu’il est difficile d’avoir une conversation fluide avec elle. En essayant de faire connaissance avec les jeunes, peu importe l’âge, la plupart des conversations se résumaient à « What’s your name ? » ou « How old are you ? » Au-delà de ces deux phrases, impossible de se faire comprendre. Il faut avouer qu’apprendre l’anglais n’est pas simple lorsque l’on parle une langue asiatique n’ayant pas les mêmes lettres. Lorsque j’essayais de dire quelques phrases basiques que j’ai pu apprendre en laotien, c’est souvent incompréhensible pour eux également. Pourtant, le niveau d’anglais global du pays s’améliore de plus en plus avec le tourisme. L’enseignement n’est d’ailleurs pas très strict. En effet, ceux qui ne veulent pas venir à la leçon ne sont pas obligés d’y aller, certains écoutent depuis les fenêtres…


Par ailleurs, j’ai vite remarqué le confort très rudimentaire dans lequel les enfants vivent. Ils sont en effet séparés par sexe et par âge dans des dortoirs presque sans matelas, tous serrés les uns contre les autres, sans aucun espace intime. Les plus grands ont quand même un dortoir avec « seulement » une dizaine de jeunes. J’ai pu y rentrer, j’ai donc vu que celui-ci est assez terne et constitué de lits superposés entourés des vêtements des jeunes accrochés aux barreaux. De plus, ils ont seulement 6 toilettes et douches pour quelques 413 enfants. J’admire leur capacité à vivre ensemble jour et nuit dans une ambiance d’entraide

Enfin, j’ai été touchée par leur reconnaissance dès qu’ils reçoivent la moindre chose. Avant d’aller à l’orphelinat, on a demandé à Saïta qu’est-ce qu’on pouvait apporter pour donner aux enfants et elle nous a répondu : « ce que vous voulez, ils ont besoin de tout. » C’est magique de voir leurs sourires pour de simples gommes ou ballons que l’on leur avait donnés. Malgré leurs conditions de vie parfois difficiles, ils dégagent une belle joie de vivre et une simplicité qui m’ont fait penser qu’avec presque rien, on peut avoir tellement plus !