Loi du 20 juin 2014 sur la réforme des procédures de révision

Réforme des procédures de révision et de réexamen d’une condamnation pénale définitive.

 

Présentation des principales dispositions de la loi du 20 juin 2014

par le comité de soutien à Jean-Marc Deperrois.

 

 Rappel préliminaire de quelques notions :

 

 Droit de faire appel d’une condamnation : Depuis juin 2000, un condamné aux assises a le droit de faire appel de sa condamnation, dans les jours qui suivent celle-ci, afin d’être rejugé. Il peut alors faire valoir d’éventuelles erreurs dans l’enquête et l’instruction de son affaire. Jean-Marc Deperrois ayant été condamné en 1997 n’a pas pu faire appel de sa condamnation.

 Requête en révision d’une condamnation définitive. Si la condamnation est confirmée, en appel comme après un pourvoi en cassation, il reste l’option de la requête en révision. Elle peut intervenir des années plus tard, et même après le décès du condamné, à condition de présenter un élément nouveau, de nature à créer un doute sur sa culpabilité. Cet élément doit avoir été inconnu de la juridiction au jour du procès. Tout élément qui a été examiné lors du procès ne saurait donc répondre à cette définition.

 

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Article 1 : Il permet au condamné de s’opposer momentanément à la destruction des scellés : cette destruction est réexaminée tous les cinq ans, le condamné doit en être informé, et il peut s’y opposer. Auquel cas, si le procureur ne veut pas renoncer à cette destruction, il saisit la chambre de l’instruction « qui se prononce dans un délai d’un mois ». (Article 1 inséré au  CPP (code de procédure pénale) comme Article 41-6).

  

Article 2 : Enregistrement sonore des débats de la cour d’assises. Il s’agit de déterminer ce qui a été dit aux assises (Art.308-2 du CPP).

(Nos observations :  Ce qui a été vu aux assises ne peut pas être considéré comme "élément nouveau". D'où l'importance de savoir quels points ont été évoqués ou non lors du procès. 

Nous avons signalé aux députés le problème d’un élément figurant dans le dossier d'instruction, mais qui n'a jamais été présenté aux jurés alors qu’il était susceptible d’innocenter l’accusé.  Voir à ce sujet : L'élément non débattu  )

 

Article 3 sur les demandes en révision et en réexamen. (art. 623/626 du CPP)

 (Nota : Le réexamen d’une condamnation peut être demandé après arrêt de la CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme) établissant que la condamnation a été prononcée en violation de la convention européenne des droits de l’homme).

        ● « La révision ou le réexamen peuvent être demandés par les membres de sa famille après la mort ou l’absence du condamné, à savoir par son conjoint, son partenaire pacsé, son concubin, ses enfants, ses parents, ses petits-enfants ou arrière-petits-enfants, ou ses légataires ».

        ● Demande d’actes préalables. (Article 626 du CPP) Chapitre VI de la présente loi.     

Cet article d’une grande importance permet au condamné, ou à ses représentants, « de demander au procureur de la république tous actes nécessaires à la production d’un fait nouveau ou à la révélation d’un élément inconnu au jour du procès ».

Il doit s’agir d’actes précis, analyses par exemple, ou de l’audition d’une personne identifiée.

Mais le procureur peut refuser. Dans ce cas, le demandeur forme un recours auprès du procureur général, qui « se prononce dans le délai d’un mois ».

 

        ● Les demandes de révision ou de réexamen

 

˃ Révision et réexamen seront traités par 18 magistrats,  issus des six chambres de la Cour de cassation : chambres criminelle, commerciale, sociale et 3 chambres civiles fournissant chacune 3 magistrats.

(Observation : C’est peut-être un progrès que les magistrats soient issus de toutes les chambres de la Cour de cassation. Ils pourraient avoir un regard différent sur les affaires.)

 

˃ 5 d’entre eux composent une Commission d’instruction des demandes qui examine le dossier, et décide de sa recevabilité avant de le présenter à la Formation de jugement. Elle doit prendre en compte « l’ensemble des faits nouveaux ou inconnus lors du jugement sur lesquels ont pu s’appuyer une ou des requêtes précédemment présentées » et saisit la Formation de jugement si elle estime qu’un fait nouveau s’est produit, ou qu’un élément inconnu au jour du procès s’est révélé.

                  (Observation : ces dispositions sont d’une grande importance. Il ne devrait plus être possible, notamment, de prendre en considération les faits reconnus comme « nouveaux » indépendamment les uns des autres, lors de chacune des requêtes précédentes, et de dénier tout intérêt à chacun d’eux pris isolément. C’est en effet l’ensemble de ces faits qui devrait pouvoir former en fin de compte un faisceau de présomptions d’innocence, concordantes et finalement convaincantes...).

 

˃ Les 13 autres magistrats composent la Formation de jugement qui statue en révision ou en réexamen. Les cinq magistrats de la Commission ne peuvent y siéger.

(Observation : On reproduit donc sous une autre forme le système à deux niveaux qui existait auparavant, entre la Commission et la Cour. Pourquoi interdire aux magistrats de la Commission, qui ont longuement étudié le dossier,  d’expliquer de vive voix leurs points de vue à leurs collègues ? Pourquoi leur interdire de participer à la décision finale ?)

 

˃Le requérant peut demander à la Commission tous actes lui paraissant nécessaires pour l’instruction de sa requête (Art.624-5). La Commission a trois mois pour statuer sur cette demande par « une décision motivée et non susceptible de recours ».

 Si des éléments nouveaux amènent la Commission d’instruction à soupçonner un tiers d’être impliqué dans la commission des faits, elle avise le procureur de la république qui « peut ouvrir  une information judiciaire ». 

˃ La Commission d’instruction comme la Formation de jugement peuvent demander un supplément d’information, « à l’exception de l’audition de toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a  commis ou tenté de commettre une infraction ».

         (Observation : Les investigations des magistrats de la Commission de révision doivent  se borner à vérifier que l’élément présenté à l’appui de la requête est effectivement « nouveau ». S’ils repèrent de nouveaux suspects il leur est interdit d’enquêter plus avant : ils doivent aussitôt aviser le procureur qui « peut ouvrir » une instruction judiciaire. Cette répartition des tâches est logique, pour autant que le procureur accepte d’agir. Mais nous constatons avec regret  qu’ « il existe des raisons plausibles de soupçonner » qu’à l’une ou l’autre de ces étapes, les magistrats cherchent la plupart du temps à étouffer les affaires controversées ).

 

˃ Les magistrats ayant eu à connaître précédemment du dossier en cours ne peuvent siéger au sein de la Commission ou de la Formation de jugement. 

On ne peut confier la nouvelle information judiciaire à un magistrat  ayant déjà connu de l’affaire, ni saisir un service ou un officier de police ayant participé à l’enquête à l’origine de la condamnation.

              (Observation : N'était-ce pas évident ? Et pourtant, il aura fallu cet article de loi  car ce cas de figure était fréquent et très défavorable à l’accusé. Peut-on demander à des enquêteurs ou des magistrats de se déjuger ?) 

La Formation de jugement peut rejeter la demande ou annuler la condamnation prononcée. Elle peut aussi renvoyer le requérant devant une juridiction autre que celle dont émane la décision annulée.

 

Le chapitre V traite des demandes de suspension de l’exécution de la condamnation

Le chapitre VII traite de la réparation à raison d’une condamnation                          

 

Conclusion

Les dispositions de cette nouvelle loi procèdent d’un réel désir des députés et sénateurs d’améliorer les conditions d’accès à une révision ou un réexamen d’une condamnation pénale définitive, et donne de l’espoir à ceux qui luttent pour faire reconnaître leur innocence.

Toutefois, le pouvoir judiciaire conserve la possibilité de refuser de les appliquer. Tout dépend donc des priorités des magistrats : la recherche de la vérité contre le respect de la chose jugée. Les mentalités sont-elles en train de changer ? L’avenir le dira. En attendant, malgré les incontestables avancées de cette loi de juin 2014, on est toujours sous le règne du « bon vouloir ». Le législateur peine toujours à garantir les citoyens de l’arbitraire.

                                                                                Perrine Maillet

                                                                                Présidente du comité de soutien à Jean-Marc Deperrois

                                                                                                                          

ANNEXE                                                                                  

Depuis la promulgation de cette nouvelle loi nous avons voulu observer dans quelle mesure elle était appliquée ou non. En 2014/15, deux affaires ont été examinées par la Cour de cassation pour une requête en révision.

L'affaire Mis et Thiennot . On constate un rejet de la sixième requête en révision dans l’affaire Mis et Thiennot, condamnés à 15 ans de travaux forcés en 1947, puis graciés par le Président Coty en 1954, la Chancellerie ayant établi à l'époque que leurs aveux, arrachés sous la torture, « n’étaient pas probants », et que le seul témoin à charge s’était avéré un « débile mental profond ». On remarquera au passage qu'à l'époque, de telles constatations ne les ont pas fait innocenter pour autant, ni n'ont justifié une réouverture de l'enquête.

Certes, dans cette affaire, l'usage de la torture et l'état mental du témoin ne sont pas des éléments nouveaux. Mais d'après le comité de soutien à MM Mis et Thiennot, le message des magistrats aurait été en substance : "Adressez-vous au législateur pour qu'il fasse en sorte que nous puissions réviser le procès".

L'affaire Raphaël Maillant. Autre refus de réviser dans l’affaire de Monsieur Raphaël Maillant, condamné pour le meurtre d’une jeune femme, Valérie Bechtel, étranglée avec un torchon. Il fut condamné malgré ses véhémentes protestations d'innocence sur la dénonciation de son ami Yann Bello qui admettait pourtant avoir transporté le corps dans la forêt. 

La révision a été rejetée malgré une série impressionnante d’éléments nouveaux : quatorze ans après la condamnation de M. Maillant, Yann Bello a lui-même assassiné sa propre femme en l’étranglant avec … une serviette, et sa personnalité s’est avérée immature et perverse, ce qui n’était pas apparu en 1997. Un ancien témoin à charge contre Maillant s’est avéré non crédible, et un troisième témoin a révélé que Yann Bello lui avait confié être le meurtrier de Valérie Bechtel !

Me Noachovitch estime que si son client n’obtient pas la révision avec un tel dossier, alors personne ne le pourrait. Et pourtant, le 24 septembre 2015, la requête en révision de Raphaël Maillant a été  rejetée.

Nos pires craintes s’avèrent fondées. Les juges de la cour de cassation semblent se dispenser purement et simplement d’appliquer les dispositions de la nouvelle loi, pourtant clairement exprimées par le législateur.