LES FAITS

11 juin 1994 - Une petite fille de neuf ans, Emilie Tanay, meurt empoisonnée au cyanure au domicile d'un camarade de classe, chez Jean-Michel et Sylvie Tocqueville, à Gruchet-le-Valasse, près du Havre. 

Son médicament, un flacon de Josacine, est resté à la maison après le départ de l'ambulance, et n'a été apporté à l'hôpital qu'après que son décès eût été acté. Ce n'est que le lendemain du drame que l'aspect et l'odeur de la Josacine ont paru suspects. Quelques jours plus tard, on  découvre que ce médicament " Josacine "  contenait du cyanure.        Voir :   (Le drame du 11 juin)

                                                                                                                                          

1994 à 1997 - Jean-Marc Deperrois est alors accusé d'un crime passionnel.  Il s'était procuré du cyanure quelques semaines auparavant pour son entreprise située à 50 m de la maison des Tocqueville.  Voir :  (Pourquoi et comment Deperrois avait-il commandé du cyanure ?

Il s'en était ensuite débarrassé en cachette, ne voulant pas être inquiété dans cette affaire, car il avait eu une liaison avec Sylvie Tocqueville 

                           Voir :  (Pourquoi Deperrois a-t-il jeté son cyanure et nié en avoir acheté ?).

On va l'accuser alors d'avoir voulu tuer le mari de Sylvie ; il serait entré vers 17 h dans la maison, et aurait empoisonné la Josacine, en croyant qu'elle avait été prescrite à Jean-Michel. Il y aurait donc eu " erreur sur la victime ".

L'hypothèse de l'accusation paraît pourtant très peu vraisemblable. 

 Deperrois, lui-même père de famille, savait que la Josacine 500 en présentation buvable est à usage pédiatrique. Il connaissait très bien Jean-Michel et Sylvie, qui avaient deux petits garçons âgés de 8 et 5 ans. Jean-Michel prenait ses traitements, comme la plupart des adultes,  sous forme de cachets ou de gélules. Quelle probabilité pouvait-il bien y avoir, dans ces conditions, que le médicament  appartienne au père,  plutôt qu'à l'un de ses enfants ?

Mai 1997 -  Jean-Marc Deperrois est condamné à 20 ans de prison pour le meurtre d'Emilie.

Plusieurs constatations contredisent l'hypothèse de l'accusation.

- Les analyses chimiques révèlent que le cyanure trouvé dans la Josacine, très dégradé, a toutes les caractéristiques d'un produit ancien, alors que le cyanure de Deperrois était neuf. En 1998, puis en 2005, plusieurs experts constatent avec étonnement que tous les éléments à décharge ont été systématiquement " écartés sans explication "            

Voir :  ( Les analyses chimiques innocentaient Deperrois).

- Le mélange Josacine + cyanure sent fortement l'ammoniaque. Or le médicament d'Emilie ne présentait aucune odeur anormale le soir du drame                                          Voir :  (La preuve par l'absence d'odeur).

Novembre 2002 - Nouvelle hypothèse : la Josacine n'aurait été empoisonnée qu'après le décès de l'enfant, pour cacher un accident domestique. 

     Après la condamnation de Jean-Marc Deperrois, un journaliste du journal Le Monde, Jean-Michel Dumay, découvre dans le dossier l'écoute téléphonique d'une conversation entre Jean-Michel Tocqueville et l'un de ses amis, présent le soir du drame, qui lui dit :  " Tu vas passer à la télé, toi, avec c'que t'as mis dans la Josacine ". Les deux interlocuteurs n'ont jamais été interrogés par la police  sur le sens de cette phrase, à l'époque, et elle est restée totalement ignorée lors du procès. 

       En 2002, le journaliste suggère dans un article du Monde qu'Emilie a peut-être avalé par erreur un produit cyanuré qui se trouvait dans la maison. On aurait  alors cherché à cacher cet accident en introduisant du cyanure dans la Josacine après le drame, alors que l'hôpital réclamait le  médicament pour le faire analyser.                                                                                                    Voir :  ( La contre-enquête de Jean-Michel Dumay )

 Saisi d'une plainte en diffamation contre ce journaliste, le Tribunal du Havre affirme, en  novembre 2005, que cette hypothèse est  plausible , que " des incohérences existent dans les explications données [par les  Tocqueville] sur les circonstances dans lesquelles l'enfant a pris son médicament ", et que le journaliste " a objectivement présenté  les faits ".                 

 Voir :  ( La justice estime "plausible" l'hypothèse de l'accident camouflé )

Ce tribunal a donc officiellement reconnu plausible une hypothèse qui innocente Jean-Marc Deperrois.

Les demandes de révision

Une première demande de révision, présentée en 2001, s'appuie sur la critique des analyses chimiques et sur la phrase prononcée par l'ami de M. Tocqueville : " Tu vas passer à la télé, toi, avec c'que t'as mis dans la Josacine ". Cette demande est rejetée par la Commission de révision des condamnations pénales, qui considère qu'il ne s'agit pas d'éléments nouveaux, puisque les analyses chimiques et la phrase en question figuraient au dossier.

Une deuxième demande de révision, présentée en 2005, affirme que plusieurs éléments nouveaux rendent vraisemblable l'hypothèse de l'accident camouflé après coup et notamment :

- une fausse description de l'état du flacon le soir du drame, par les témoins sur place dans la maison. Ils prétendent avoir remarqué que le médicament était "tourné" le samedi soir à la maison, alors que son aspect était parfaitement homogène après son arrivée à l'hôpital et au moins jusqu'à 2h30 du matin. La bizarre coagulation - définitive - n'a été remarquée qu'à 5h du matin le lendemain.

- et la découverte qu'en mélangeant cyanure + josacine on obtient normalement une forte odeur ammoniaquée. Or l'infirmier qui a senti le flacon de Josacine à 20h30 dans la maison n'avait décelé aucune odeur anormale.  Voir : (La preuve par l'absence d'odeur)

La Commission de révision des condamnations pénales demande alors un supplément d'information, et organise des observations sur l'odeur du mélange josacine/cyanure et divers tests de sensibilité aux odeurs.

On vérifie notamment que l'infirmier qui avait senti le flacon est sensible à l'odeur d'ammoniaque. La Commission écrit qu'il "perçoit fortement cette odeur".

Mais tout en reconnaissant qu'un mélange cyanure + Josacine sent normalement l'ammoniaque, et que l'infirmier qui n'avait rien remarqué ce soir-là est sensible à cette odeur, elle estime néanmoins qu'il y a "de telles différences de sensibilité aux odeurs d'un individu à un autre, que l'on ne peut se fier à un témoignage basé sur la perception des odeurs", et rejette la requête.

  Notre opinion : Qu'importe que la perception des odeurs varie d'un individu à l'autre. Seule compte ici la sensibilité olfactive de l'infirmier qui a effectivement senti le flacon !  Nous avons le sentiment que toutes ces vérifications n'avaient d'autre objet que de justifier, à tout prix et contrairement à l'évidence, un refus de réviser qui était inscrit d'avance. L'étude de la contre-expertise du Professeur Storck nous confirme dans cette impression. Voir : Deux contre-expertises contradictoires