Février 2009 - La requête en révision est rejetée.

Date de publication : Mar 07, 2016 6:5:26 PM

La Commission de Révision a rendu ce matin, dans l'indifférence générale, une décision définitive: c'est NON !

Ecoutez la réaction de Maître Valérie Rosano,

avocate de Jean-Marc Deperrois.

Pour une analyse complète, écoutez l'émission de Jacques Pradel sur Europe 1, "Café Crime" du 12 Février 2009.

L'invité n'est autre que Jean-Michel Dumay, journaliste au "Monde" et auteur de la contre-enquête qui démontre que la petite Emilie a été victime d'un malheureux accident domestique camouflé ensuite en empoisonnement.

La Commission de Révision a enfin rendu sa décision: il n'y aura pas de révision, en dépit de toute raison !

On pouvait s'y attendre, puisque le parquet s'opposait à la révision et pourtant, au Comité de Soutien, nous voulions y croire. La réponse est tombée.

Après plus de trois années de compléments d'enquêtes et d'atermoiements, la Commission de Révision a finalement rejeté la demande de révision déposée par les avocats de Jean-Marc Deperrois, qui mettait pourtant en évidence des éléments nouveaux inconnus lors du procès de 1997.

Fini le temps des révoltes, des luttes pour que la justice reconnaisse enfin qu'elle s'est trompée, ajoutant du mal au mal. Commence le temps du désespoir.

Une justice en gros au détriment de la justice en détail

" Combien avons-nous découvert d'innocents avoir été punis, sans la coulpe des juges;

et combien y en a-t-il eu que l'on a pas découverts ? "

(Montaigne, Essais, livre III, chap 13 § 15)

Et pourtant cette demande de révision était solide: elle associait un phénomène chimique, dûment constaté, au témoignage de l'infirmier du SAMU venu, en juin 94, tenter de réanimer Emilie tombée dans le coma au domicile des Tocqueville.

Alors pourquoi la commission de révision n'a-t-elle pas reconnu l'erreur ?

La réponse est simple : la justice ne revient pas sur la chose jugée comme Montaigne déjà pouvait le déplorer.

Deux exemples tirés des "Essais" confirment ce principe.

Le premier fait état d'hommes jugés coupables d'homicide. Ils vont être exécutés lorsque des officiers au galop viennent informer les juges qu'en une cour subalterne, d'autres hommes ont reconnu le meurtre et fourni des éléments indiscutables. Après délibération, on décide néanmoins d'appliquer la sentence. A charge pour une autre session de juger les véritables meurtriers.

Le second exemple est moins douloureux mais plus explicite encore. Un juge ayant condamné un homme à une forte amende prend conscience de son erreur. En honnête homme, il indemnise de ses propres deniers le condamné mais, en tant que magistrat, il ne revient pas sur son jugement.

Montaigne oppose " la raison de la cause ", ici celle de l'innocent condamné, à " la raison des formes judiciaires ". Elles sont inconciliables et témoignent des limites de notre justice car " il est forcé de faire tort en détail qui veut faire droit en gros et injustice en petites choses qui veut venir à chef de faire justice ès grandes ".

Dans l'affaire Deperrois les magistrats ont privilégié la "justice en gros" au détriment de la "justice en détail".

La commission de révision a fini par rejeter la demande de Jean-marc Deperrois. Cela signifie-t-il qu'il soit réellement coupable du crime pour lequel il a été condamné ? Deux points de vue s'opposent : celui du droit et celui de la justice comme exigence.

-Du point de vue du droit : assurément. C'est une parole qui décide de la culpabilité ; c'est une parole qui décide de la réhabilitation. Il y a eu condamnation sans repentance.

-Du point de vue de la justice comme exigence, c'est une autre paire de manches. Ici le mot ne suffit plus ; il faut qu'il corresponde à la réalité.

Or la réalité est autre : Jean-marc Deperrois n'a pas empoisonné le flacon d'Emilie et aucune personne informée des dernières avancées de l'affaire n'en peut douter.

Et ensuite ?

La réponse de la commission de révision est tombée,

terrible pour le " détail " qui se refuse à n'être que le bouc émissaire d'une " justice en gros ".

Jean-Marc Deperrois a œuvré bien plus pour sa réhabilitation que pour sa libération conditionnelle. Celle-ci, accordée en priorité à celui qui fait amende honorable, aurait pu intervenir plus tôt, mais pour cela il lui aurait fallu reconnaître ce qu'il ne pouvait reconnaître. Ne va-t-il pas sombrer sous ce choc radical ? Quelle raison de vivre donner à celui qui n'a eu de cesse de recouvrer son innocence ? Une telle préoccupation est à l'origine de cette intervention.

Le comité de soutien peut bien se dissoudre en ses éléments : hommes et femmes, adhérents de la première heure, nouvelles recrues ; tous garderont la mémoire de leur combat mené pour un humain tombé dans le malheur, si courageux dans l'épreuve, pugnace jusqu'à l'extrême, et sauront la transmettre.

Qu'à la personnalité de lettres, des sciences, du droit… désireuse de consacrer un peu de sa notoriété à la réhabilitation d'un homme, soit dédié ce témoignage d'un ancien codétenu de Jean-Marc Deperrois :

" J'ai vécu aux côtés de Jean-Marc dans la même cellule pendant de longs mois, ce qui m'a valu tant d'apprécier l'homme que de forger ma conviction de son innocence ".

Le champ des possibilités subitement s'est rétréci mais tout l'horizon n'est pas bouché.

Au " coupable " pour la Justice peut succéder "l'innocent " pour l'Histoire.

Jean-Charles Camilleri

Vice-Président du comité de soutien.

Ps : L'auteur de cette page, qui ne connaissait pas Jean-Marc Deperrois avant les faits, ne prétend pas livrer ici tous les arguments capables de justifier sa conviction, arrachée au doute et inébranlable. Ceux-ci sont contenus dans un ouvrage enquête-réflexion ("Paroles d'innocence") écrit en 2001 à partir d'une longue correspondance avec le condamné, et paru à compte d'auteur, malgré le soutien de plusieurs personnalités littéraires et juridiques