Boulevard de Laveleye - page 8
XI. En un mot comme en cent :
Les arbres vivent dans un temps différent du nôtre. Ses blessures sont irréparables. Les badigeons sont des leurres et toutes chirurgies arboricoles les meilleurs moyens d'augmenter les dégâts et de précipiter l'abattage. Ils ne supportent pas notre violence, celle de nos machines, de nos produits, de nos fantasmes.
Des experts « arbre », cela n’existe pas ! Notre bon sens fera plus pour l’arbre, pour peu qu’on le respecte. Nous ne pouvons qu’anticiper le « non dégât ».
« L’arbre est un rebelle, un résistant, un hors-la-loi. … L’arbre bouscule notre vision du temps : est-ce pour cela qu’il nous fascine, comme nous fascinent ces vieillards qui , ayant beaucoup vécu, sont riches d’histoires et de sagesse ? … On mesure, dès lors, quelle responsabilité portent les services des plantations : leurs erreurs, ils ne les paient pas cash, ils les lèguent à crédit, intérêts compris, aux successeurs de leurs successeurs.1 »
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"Vivre en parenté avec la nature, notre civilisation ne sait plus ce que cela signifie. L'homme occidental détruit le monde rural, il aseptise le milieu naturel. Son obsession : exercer un contrôle sur tout. Son idéal ; un environnement droit et propre...
Ses liens avec la nature semblent résumés dans cette alternative : détruire ou maîtriser. Il oppose un seul mot d'ordre à la destruction massive, celui de protection. Et au bout du compte : même incompréhension, même violence, même impasse. Car l'homme confond la protection et l'assujettissement.
En fait il a peur. Peur qu'il puisse exister quelque chose d'extérieur à l'humanité. Peur de tout ce qui ne porte pas la marque de sa volonté. Peur de ce qu'il ne peut ni prévoir ni planifier. Sans même savoir qu'il agit ainsi par peur de sa propre nature, la plus obscure, la plus sauvage, mais aussi la plus féconde : ses émotions, ses instincts, ses pulsions..."
François Terrasson.
François Terrasson, La civilisation anti-nature, Editions du Rocher, col. Conscience de la Terre, octobre 1994.