IX. Ces marronniers sont-ils malades, stressés ou épuisés ?
Dans les années nonante à l’époque des pluies acides, on parlait de dépérissement forestier, de vieillissement, de dommages aux arbres. Actuellement, on utilise le terme « stress » : arbres stressés, manifestation d’un stress … Ce terme implique une réversibilité de l’état de stress. Si la cause disparaît, la santé de l’arbre se rétablit. Comme le dit si bien Francis Hallé, un arbre est « potentiellement immortel ». La mort d’un arbre provient toujours de causes extérieures 1.
Pour l’arbre, savoir attendre, faire des réserves d’eau et de glucides , en un mot "prévoir" est capital. C'est sa stratégie même de survie. Le climat subit par les arbres ces 20 dernières années est la seule cause plausible de la généralisation du stress des arbres, dans toutes les régions. Les marronniers n’échappent pas à la règle. Les arbres ont eu soif et chaud, ils ont faim et le climat des 20 dernières années ne leur a pas donné les années successives nécessaires pour refaire leurs réserves de glucides, pour récupérer !
Se pose donc la question : sont-ils « malades » ou « épuisés » ? Si les rescapés des camps de concentration étaient « malades » ? alors oui, les arbres sont « malades » ; si non : >>> les arbres sont momentanément en difficulté, pour certains même en grande difficulté (hêtre, frêne, chêne, bouleau, peuplier…) !
Si par endroit, l’écorce se détache en 2007, depuis combien de temps le méristème est-il mort ? Déficit pluviométrique de printemps 2002-2006, plus étêtage – rapprochement de 2003, plus 2003 très sec, plus 2006 épouvantable, plus les mineuses, plus sol compacté, plus sel de déneigement, plus réfection parking, plus blessures aux racines, plus fuites de gaz, plus réfection des égouts, plus…, plus… ….assez de raisons qui expliquent la nécrose de l’écorce des marronniers du boulevard E. de Laveleye. Etaient ils capable en 2005-2007 de réagir autrement ?
Cette même réaction est visible sur les « gros sujets » transplantés place Nicolay à Ans ; 3 ans après un feu de feuilles mortes sur chêne centenaire au Domaine Provincial de Wégimont ; sur les érables du rond –point du Cora, sur les tilleuls plantés à la sortie de l’autoroute à Hognoul (199… ) ; etc…etc…etc .
Que pouvons nous faire, face à ce climat ? Pour la grande majorité : rien ; pour quelques uns leur donner à boire sans les noyer, en surveillant l’humidité du sol et la pluviosité. De plus, « ces soins exceptionnels » doivent être maintenus sur une période de plusieurs années, leur santé appréciée d’après l’aspect de leur ramification, de leur feuilles, de leur croissance, sans les sonder, sans les percer, sans les blesser. Si nous avions été conscient de la chose on aurait pu sauver « Jupiter » le fameux chêne de la forêt de Fontainebleau !…
Et la mineuse « Cameraria ohridella » ? Elle affaiblit l’arbre, c’est certain, mais, faut-il vous couper la tête si vous attrapez des poux ?
Pourquoi les 2 marronniers de place de Broncard n’ont-ils pas la même allure désespérée que ceux du boulevard ? Ces insectes, mangeur de feuille, profitent de la faiblesse généralisée de l'arbre qui l'empêche de réagir. L’arbre doit gérer la compétition entre les « puits à métabolites » … (voir gestion de l’énergie et le langage de l’arbre).
Suivant le mode de vie de cette mineuse (où passe-t-elle l’hiver ?), le blanchiment à la chaux des troncs serait-il efficace ? Cette tradition avait son utilité et se perpétue dans les pays méditerranéen. Pourquoi pas chez nous ? L’expérience est à mener sur plusieurs années, les résultats positifs ou négatifs sont à publiés, diffusés…
Faut-il évacuer les feuilles mortes ? Pas sûr : qu’est-ce qu’un sol ? Pourquoi l’appauvrire ? Qu’est-ce que le mulch ?
Pourquoi tant de discussions, d’autorisations, d’expertises, de compétences … pour étêter un arbre si cela lui fait du bien ? Le boulevard E. de Laveleye est-il un cas unique ou un cas général ?
Existe-t-il un expert arbre à la faculté, dans les ministères, dans le privé ? Que sont devenues les multiples plantations d’arbres d’ornement des villes et campagnes après les soins à la tronçonneuse, après les plantations sans taille de formation, ? Face à l’arbre, notre niveau d’incompétente est à la mesure de notre longévité par rapport à la sienne et notre arrogance d’homme lettré, diplômé n’a fait que des dégâts ; le pire c’est qu’elle est ignorée de ceux-la même qui prennent la parole, délivrent des permis, font des expertises, signent les bons de commande, prodiguent un enseignement… jamais de bilans ! jamais d’autopsies ! jamais de remise en cause de notre superbe !
1 Francis HALLÉ, "Éloge de la plante - pour une nouvelle biologie", Ed. du Seuil, coll. sciences ouvertes, oct.1999.