Nous sommes complètement dépassés par nos outils !
Nous sommes dépassés par nos outils et l’arbre nous le montre car son langage est construit. Il imprime sa croissance strictement périphérique, il fossilise son développement, il cumule les blessures qu’il est incapable de cicatriser à cause de son mode de croissance,
(voir autopsie du Tilleul de Versailles). Il cache ces blessures avec ses feuilles et nous cache également tout son système racinaire ; il peut être mécaniquement faible mais physiologiquement en pleine santé. Il se construit par « morceaux » et meurt par « morceaux » lentement, souvent même d’épuisement pour avoir dû lutter contre l’infection durant des dizaines d’années. A la fois mort et vivant, jeune et vieux, individu et colonie... le modèle arbre nous désarçonne ! Un arbre se photographie aussi sans feuilles, car sa santé se lit aussi dans sa ramification. Il vit sur ses réserves, mais ne maigrit pas ; les feuilles de certains peuvent flétrir, … mais à chaque espèce, à chaque âge sa façon de s’exprimer, de résister ou non aux agressions extérieures. Son langage construit est partiellement accessible à qui sait « lire » l’arbre, tandis que ses réactions physique et chimique sont partiellement connues (sur papier seulement). Mais, nous n’en tenons pas compte dans nos diagnostic, de même que nous ne tenons pas compte de la possibilité que l’arbre a ou qu’il a eu de refaire ses réserves - de 3 à 8 ans sont nécessaires pour qu’il se refasse une santé ! Nous refusons à l’arbre son statut « d’être vivant » avec sa capacité d’auto-gestion, d’auto-régulation, auto-reproduction. Seul « le non-dégât », la prévention peuvent compter ; même l’exception (une seule course de VTT passant sur les racines) est à proscrire. Nous nous croyons indispensables à l’arbre, alors qu’il se porterait bien mieux sans nous !
Toute taille est une agression.
Les moyens mis en œuvre pour le massacre de ces « êtres sans voix » sont au point. Il y a les débroussailleuses à cuillères (pour les herbes), à marteaux, à couteaux, très efficaces et rapides, à rendement maximum, qui peuvent s’attaquer au gros bois ; elles frappent, éclatent, explosent la matière ! Un passage suffit et peut être définitif. Il ne permettra pas alors l’amortissement des machines ! Les élagueuses à scies circulaires sont très coûteuses à l’usage. Il faut aiguiser les lames et le moteur souffre. Leur avantage : il n’y pas de limite au diamètre du bois coupé et elles permettent les étêtages / rapprochement à distance, sans angle de coupe. Les sécateurs (2 lames) sont meilleurs à cause de la propreté des coupes, le rendement et la vitesse d’exécution ; mais 12 cm est le diamètre maximum qu’ils peuvent couper. Il y a aussi les broyeurs pour les rémanents, qui avalent tout, l’outil vedette depuis 1995 ; les aspirateurs-souffleurs-broyeurs thermiques pour les feuilles, les copeaux, la sciure, les coupe-bordures thermiques à fil, les super tondeuse-à-gazon-ramasse-crottes …. puis les rogneuses pour effacer les souches, bien sûr le couple « nacelle / tronçonneuse » la révolution des années 1970-80 et bien sûr les tracteurs, pièces maîtresses ... tout le nécessaire pour les surinvestissements : vous devez rembourser avec intérêts, les banques "touchent", l’arbre paie…
Avec les effets non désirés, la flore et la faune en "prennent un coup" : plus de haies, plus de brise-vent, plus d’ombre, plus de sol, plus de lapins, plus d’oiseaux, plus de mares, plus de ruisseaux, plus de marguerites ou coquelicots, malgré le fauchage tardif … car qui dit fleurs dit insectes, qui dit insectes dit oiseaux… c’est l’éternel TOUT des interactions1 qu’amène la complexité !
1 Un outil dangereux : l'addition . Ne pas confondre deux mots aux sens bien différents : "Et" et "Plus". "Plus" évoque une addition, "Et" évoque une interaction et l'impossibilité de peser les rôles des divers acteurs lorsque l'action de chacun est sous l'influence de l'autre. Au cours des processus qui se déroulent dans la nature, les additions sont rares, les interactions permanentes. "L'équation du nénuphar - Les plaisirs de la science", Albert Jacquard, Calmann-Lévy, Le livre de Poche, 1998.