ARTS, CULTURE, CREATIONS : Le rire peut-il être sérieux ? Peut-on traiter d’un sujet sérieux avec humour ?
Durée : 1h57min
Réalisation : Roberto Benigni
Scénario : Roberto Benigni et Vizenzo Cerami
Montage : Simona Paggi
Musique : Nicola Piovani
Interprètes :
Roberto Benigni (Guido),
Nicoletta Braschi (Dora),
Giustino Durano (L’oncle),
Sergio Bustric (Ferrucio),
Marisa Paredes (Laura, mère de Dora),
Giorgio Cantarini (Giosuè)
La Vie est belle est le premier film comique sur l’holocauste. C’est une comédie et le principe de toute comédie est le comique.
Les procédés comiques
Lorsque l’on cherche à faire rire dans une oeuvre, on utilise des "outils" qu'on appelle "procédés comiques". Les procédés comiques désignent donc l'ensemble de ce qui est mis en place pour provoquer le rire chez le spectateur. On identifie ainsi :
Le comique de caractère : Il peint de manière caricaturale des personnages. C’est le caractère du personnage qui est mis à mal : vices, idées saugrenues, manies…
Le comique de mots : Il utilise la répétition, les jeux de mots, les effets de surprise dans les répliques. Il accentue les défauts de prononciation, crée des accents fantaisistes.
Le comique de situation : Il place les personnages dans des circonstances imprévues, embarrassantes. Il ménage des rebondissements, des révélations.
Le comique de geste : Il utilise les manipulations d’objet, les coups de pied, de bâton, les déguisements et les chutes.
Le comique de mœurs : Il ridiculise les manières de vivre, de parler, de penser, de s’habiller propres à un groupe social.
Guido fait accidentellement tomber un pot de fleurs sur un employé de la mairie, et descend alors, des œufs à la main, pour s’excuser. Le temps de vérifier si le pot de fleur n’a blessé personne, il pose les œufs dans le chapeau de l’employé. Ce dernier, vexé et énervé, remet machinalement et précipitamment son chapeau… et se retrouve avec une omelette sur la tête
C’est une scène burlesque dans laquelle l'humour et la caricature s'allient à un irrationnel échevelé, extravagant.
La première partie du film accumule les sketchs, les scènes courtes et comiques. Guido, le personnage central en est le principal instigateur: il utilise la pantomime, l’art de s’exprimre uniquement par des gestes, des mimiques et des attitudes. Son langage corporel s’inspire de grands noms du cinéma muet : Buster Keaton ou Charlie Chaplin.
Une critique sociale :
Cette scène utilise le comique de geste et le comique de situation dans le but de se moquer de la bureaucratie pesante et mettre en avant la responsabilité des employés de bureau dans les administrations. Si le constat est plutôt affligeant, la morale reste heureuse pour le particulier.
Artistes auxquels on peut associer cet extrait (l’art du pantomime)
Marcel MARCEAU
Buster KEATON
Charlie CHAPLIN
Mr BEAN
Guido prend la place – et l’écharpe tricolore – de l’inspecteur venu prononcer un discours sur la race italienne dans l’école où la femme qu’il aime est institutrice. Exhibant son lobe d’oreille puis son nombril en témoignage des vertus italiennes, Guido improvise un discours qu’il termine en caleçon sous l’œil médusé des enseignants et des élèves, ces derniers, hilares, comme le spectateur.
Dans cette scène, c’est d’abord le comique de caractère qui est utilisé : Guido caricature l’inspecteur, il amplifie les traits de sa personnalité dans le but de faire rire. Le plaisir du spectateur est de reconnaître l'exactitude dans ce qui est pourtant une incroyable déformation, et vice-versa.
De plus, Guido fait preuve d’auto dérision, il n’a pas peur du ridicule et n’hésite pas à se mettre en scène lui-même. Il se montre particulièrement grotesque : écharpe coincée à l’entrejambe, aspect physique chétif, tenue indécente…
Par ailleurs, le comique de mœurs est également utilisé car son discours tourne en ridicule l’idéologie fasciste.
Une satire du régime fasciste
Si le spectateur rit pendant cette scène, l’objet du rire n’en est pas moins un sujet sérieux : Le film se moque du régime fasciste : le discours sur la race aryenne est ridiculisé, les doctrines fascistes et nazies sont ainsi directement visées. Benigni veut mettre en avant l’absurdité de telles idéologies.
Artistes auxquels on peut associer cet extrait (l’auto dérision et le ridicule dans l’art contemporain)
Virginie BARRE :Fatbat,2005
Harald FERNAGFU : Sauvez la France, 2001
Boris ACHOUR : Sommes, 1999
Alighiero BOETTI : Autoportrait, 1993
Maurizio CATTELAN : Him, 2001
Maurizio CATTELAN : La Nona ora, 1999-2000
Guido s’improvise traducteur du règlement du camp énoncé par un SS. Il invente alors les règles d’un jeu à l’usage de son fils : manger le moins possible, se cacher de tous… Le but imaginaire de ce jeu est d’obtenir 1000 points le premier, et le prix promis au vainqueur est un char d’assaut
Guido parodie l’intervention de l’officier SS, il crée une imitation comique et invente pour son fils les règles d’un jeu qui vient se superposer à la réalité du camp pour tenter de l’en préserver. Cette intrigue repose sur deux principes: l’improvisation d’une part, dans laquelle l’exubérance de Guido sert à sauver son fils de situations critiques. D’autre part, la fiction inventée par le père est maintenue par une série de quiproquos ( erreurs qui consistent à prendre une personne ou une chose pour une autre). Grâce au jeu de Guido, le film parvient à faire rire même à l’intérieur du camp de concentration. Ainsi, dans cette scène, le décalage entre les véritables propos de l’officier et leur traduction crée le rire. Ce rire est nourri par les réactions de Giosué. C’est le comique de mots qui est utilisé.
Le rire comme arme face à l’inhumain
Benigni a amené l’humour jusque dans des endroits qui paraissaient inaccessibles : la réalité des camps d’extermination. Ainsi, peut-on se poser la question de la légitimité du rire dans un tel endroit.
Cette partie du film montre la confrontation entre le rire, les figures de style destinées à le susciter, et la négation de l’humanité du système concentrationnaire. Le rire est ainsi mis en tension et ce contraste dénonce l’absurdité de l’antisémitisme.
« Le comique n’existe pas sans le drame, justement à cause du contraste produit par deux concepts opposés. » BENIGNI
Artistes auxquels on peut associer cet extrait (l’art tragi-comique)
John HEARTFIELD : 1934 : La croix n’était pas assez lourde
Philippe RAMETE : 2011 Portrait tragi comique