Un con prend de la place


Quand j'étais minot, ce qui remonte déjà à une époque où les grands chênes étaient encore des glands (et où les glands allaient naître à la chaîne, mais c'est un autre problème), j'allais à l'école dans le village minuscule de Trouperdu

18 élèves de tous âges, entre 5 et 10 ans, et un instit sans âge, qui totalisait plus d'années que nous tous réunis.

Tous dans la même classe, sous la férule de monsieur Gradubide, tout à la fois curé du village, maire, directeur de l'école, instituteur pour toutes les sections et gros con patenté.

 

Comme tout bon cumulard, il ne brillait que dans l'un de ces domaines, et c'était bien le dernier cité.

Il était con, le père Gradubide, comme vous ne pouvez pas imaginer, comme une horloge sans remontoir, une valise sans poignée, un footballeur sans sa femme ou un chasseur sans son chien.

Il nous menait la vie dure, papa Gradubide, et il se régalait, comme un chat le fait avec une souris, le percepteur avec le contribuable, la misère avec les pauvres ou le crétin avec la pensée.

Il nous faisait la morale, le curé du village, comme les politiques font des promesses, comme la prostituée vend de l'amour, comme le moulin brasse le vent.

Il nous faisait chier, notre instituteur, comme une dragée fuca au pruneau d'Agen, comme un moustique la nuit qui te bourdonne aux oreilles, comme l'ail que t'as mangé et qui te revient sans cesse.

Il était partout, le père Gradubide, à nous faire croire qu'il était le Dieu qu'il était censé incarner, représentant sans fixe payé au pourcentage, contraint d'en faire des caisses et de mettre le pied en travers de ta porte.

 

On en avait marre de voir sa gueule, partout et tout le temps.

J'ai oublié pas mal de choses, mais j'ai quand même retenu un truc de cette période là.

Un con prend de la place, d'autant plus qu'il est gros, et tu finis par croire qu'il peut t'envahir et te bouffer la vie.

Mais tous les cons de la terre, du plus modeste au plus grand, et même réunis, ne peuvent vraiment tenir que la place que tu leur accordes.

Et moi, désolé, mais j'ai plus du tout de place, là.