SOLDAT, mon petit corps mourant

Soldat, mon petit corps mourant

Soldat, mon petit corps mourant, est un solo pour Matthieu Coulon, danseur et comédien de la compagnie CHanTier21THéâTre depuis 2006. Je travaille avec Matthieu depuis notre rencontre à l'université en 2004 (Définitions 2007, Presque 2008, Curriculum Vitae 2012). Dix ans d'amitié, de complicité et de projets communs nous conduisent aujourd'hui à cette création.

Avec Définitions j'interrogeais le langage, la question du : est-ce qu'on arrive toujours à tout dire avec le langage, avec les mots; à partir de quand le langage restreint nos pensées, nos envies de dire? Le plateau était rempli de mots, de phrases dites et écrites à la craie dans tout l'espace jusqu'à saturation. Avec Presque nous essayions de « dire » en reprenant des dialogues de cinéma, des « mots des autres » pour nous dire nous. Avec Curriculum Vitae nous travaillions à l'exercice toujours compliqué du C.V, du « comment se vendre, comment se dire, quels mots, quelles phrases, dans quel sens pour que ça marche, que ça plaise ».

Soldat, mon petit corps mourant, s'inscrit dans la continuité de ce travail autour du langage. Nous souhaitons avec Matthieu, interroger cette fois-ci le langage du corps comme étant ce qu'il nous reste après le langage « parlé ». Au-delà des mots, quand on n'arrive plus à dire, à se dire, il reste le corps. Le corps qui parle. Soldat, mon petit corps mourant, c'est le corps qui parle jusqu'à épuisement, jusqu'à ne plus, jusqu'à avoir tout dit, du moins essayer de dire tout, jusqu'à la fin.

Une phrase de Yannick Butel sera notre base textuelle, notre balise, notre point de départ: « C'est l'histoire d'un cadavre régulièrement fêté, à l'occasion des jours anniversaires qui sont autant d'enterrements tus, où le cierge spectral se meut en bougie et où la pelle à tarte n'est rien moins que celle qui appelle l'outil principal des fossoyeurs ». Cette phrase nous permettra de « construire » le personnage de Matthieu au plateau. Un personnage projeté là, dans une boîte noire, un espace-temps indéfini. Sans doute un entre-sol entre la vie et le caveau. Ce personnage n'est pas muet, il n'arrive plus à parler. C'est différent. Il essayera sans doute de parler. Il tournera les mots dans la bouche, à la manière du personnage de Gaspard de Peter Handke. Il tournera aussi une phrase chorégraphique, de plus en plus complexe, de plus en plus rythmée, de plus en plus bruyante...

Matthieu et moi avons tous les deux été sportifs de haut niveau en danse à l'université. Nous avons tous les deux suivi des études d'art du spectacle puis intégré la compagnie ChanTier21THéâTre en 2006. Nous avons tous les deux aussi pris quelques chemins différents. Et nous avons souvent eu envie d'un projet commun, lui au plateau, moi le mettant en scène et Antonin Ménard nous épaulant de son regard et de ses conseils attentifs.

Marie BERNARD