revue de presse

Antonin Ménard, metteur en scène de la compagnie CHanTier21THéâTre, au sein des Ateliers Intermédiaires.

Antonin Ménard, une figure singulière du théâtre

Jeune metteur en scène de la compagnie CHanTier21THéâTre, Antonin Ménard est sur tous les fronts pendant tout le mois de mai.

Portrait

Arrivé d'Angers à 22 ans où il faisait des études de mathématiques, il bifurque pour le département Arts du spectacle de l'université de Caen en 1996. C'est « Les Fous de la rampe », le festival de théâtre étudiant, un « outil modeste mais très porteur » qui le pousse du côté de la pratique.

Repéré avec David Bobée et Méderic Legros par Eric Lacascade, alors directeur de la Comédie de Caen, il est sélectionné pour bénéficier d'une formation d'acteurs au sein du Centre dramatique. Il continue en parallèle son activité de metteur en scène avec l'équipe des Arts du spectacle « pour transmettre, par capillarité, ce que j'apprenais avec Eric ».

À la fin des années 90, il monte Antigone de Brecht, En mémoire du futur, montage de texte sur le fascisme ou encore Mademoiselle Julie de Strindberg.

Expériences

C'est l'époque de la création du « Laboratoire d'imaginaire social », au sein de la Comédie de Caen, dont le principe était de montrer des performances théâtrales après une quinzaine de jours de travail et des thématiques comme « le bonheur », « seul ou à plusieurs »...

D'autres expérimentations ont donné des propositions assez abouties comme « N13 » dans l'église Saint-Nicolas dans les années 2000. « On avait construit une route, 60 m de perspective avec deux voitures qui roulaient à l'intérieur. »

S'il ignore si Eric Lacascade lui a transmis quelque chose en tant que metteur en scène, Antonin Ménard affirme qu'en tant qu'acteur il lui a inculqué l'idée du « faire » avant de réfléchir. Le fait d'approcher des metteurs en scène aussi marquants que Claude Régy, Ian Fabre, Pascal Rambert ou Castellucci l'ont poussé à une certaine exigence.

« J'ai vu La Mouette de Lacascade cinq ou six fois et Mélancholia de Régy tous les soirs pour sentir comment ça se construit. »

Rapport au théâtre

« C'est Randonnée, mon premier spectacle professionnel, qui révèle le rapport que j'entretiens avec la création, c'est-à-dire fabriquer un spectacle à partir d'une expérience concrète », explique Antonin Ménard.

Le théâtre de CHanTier21THéâTre est un théâtre fortement inscrit dans le tissu social, c'est ce qui a déterminé les projets de ce mois de mai dans différents lieux.

« Pour les Siestes à la carte, on invite les gens à manger puis à s'allonger chacun dans une des huit salles individuelles qui se trouvent en dessous du Café Mancel. Un comédien va lire une histoire au spectateur avant de le laisser s'assoupir. »

Détours, spectacle jeune public autour de la magie et la recherche d'un ami disparu sera également joué au Salon du livre ? avec une version en langue des signes.

Enfin, A vos postes est une petite forme, « un spectacle radiophonique pour introduire Le Cid qui deviendra une forme nomade à installer dans les lycées qui iront voir la mise en scène de la vraie pièce de Corneille à la Renaissance ».

MOUVEMENT

Théâtre en immersion scolaire REPORTAGE / ENQUÊTE (EXTRAITS)

Rencontre avec le dramatuge Eric Da Silva et les metteurs en scène Antonin Ménard et Nathalie Garrau

source : Les éditions du mouvement // date de publication : 23/04/2012 //

Partout en France surgissent de nouveaux projets de théâtre profondément ancrés dans l’Ecole. Le dramatuge Eric Da Silva, la compagnie du zieu dans les bleus, le metteur en scène Antonin Ménard et d’autres en ont fait un terrain fertile pour faire éclore leurs créations.

S’il est un sujet en apparence consensuel en matière de politique culturelle, c’est bien celui des arts à l’école. A gauche comme à droite (Jacques Chirac évoquait cette question dès les années 1970), tout le monde s’accorde pour dire que la présence de l’art dans le dispositif scolaire, par le biais de la présence concrète d’artistes et donc d’une réelle pratique des formes artistiques, est une exigence pédagogique de premier plan. Même si certains répondent aux restrictions budgétaires actuelles en misant sur une reconversion de la question par l’introduction de cours d’histoire des arts, la présence des enseignements artistiques reste la boussole d’une grande majorité d’acteurs, dans les milieux culturels comme dans celui de l’Education nationale. Reconnue et encouragée par tous les ministres successifs, cette politique de l’art à l’école avait été largement renforcée sous les mandats de Jack Lang et de Catherine Tasca à la tête des ministères de la Culture et de l’Education nationale – même s’il y eut des difficultés à mettre en œuvre une véritable politique transministérielle.

Au terme de dix ans de gouvernements de droite, le dispositif mis en place par les socialistes a fondu comme neige au soleil et la pérennité des projets à finalité culturelle et artistique est de plus en plus difficile à tenir pour le corps enseignant comme pour les artistes invités. Mais, paradoxalement, dans ce contexte sinistré, précarisé et sans boussole, on observe l’irruption de projets singuliers, portés par des artistes, eux aussi singuliers, qui ont choisi d’investir le milieu scolaire, pour y inscrire de véritables propositions artistiques. Dans leur esprit, l’Ecole n’est plus simplement une institution où ils dispensent leur pratique, leur savoir-faire ou leurs connaissances, elle devient un véritable médium de création, où l’artiste reçoit autant qu’il donne.

Le metteur en scène Antonin Ménard, basé à Caen, est lui aussi convaincu de l’importance de l’Ecole dans son cheminement artistique. A condition que le rendez-vous soit bien pensé. D’où cette proposition d’une véritable « immersion » dans un établissement scolaire. Pendant une semaine entière, les acteurs de la compagnie CHanTier21THéâTre proposent trois types d’interventions, des performances pendant les récréations, des interventions à l’intérieur des cours, préparées avec les enseignants de français, de mathématique, de philosophie, de biologie, d’anglais et de sport, et la présentation du spectacle Randonnée. Tous mangent sur place et dorment à proximité. Une véritable traversée qui a donné l’impulsion du nouveau projet de la compagnie. Les spectacles s’élaborent en effet en contact direct avec le thème traité. Pour Randonnée, la compagnie est partie en randonnée deux fois quinze jours ! Lorsqu’elle travaillait sur la folie, le spectacle a été répété dans un hôpital psychiatrique. Pour Devant nous, consacré à l’adolescence, il était donc d’autant plus évident de s’immerger à nouveau dans le milieu représenté sur le plateau. C’est dans sept lycées de Basse-Normandie que la création s’est construite, avant d’être interprétée… dans d’autres lycées, toujours sous la forme d’une réelle résidence immersive d’une semaine, comme en janvier dernier au lycée Paul Cornu de Lisieux.

Bruno Tackels