Narcisse et auto-interviews

Auto-interview / réponses questionnaires

Auto-interview

Antonin : Antonin je peux te poser des questions ? Antonin : OuiAntonin Toi qu’est que tu imaginerais comme théâtre ?Antonin : Comme théâtre ? comment ça ?Antonin : Si tu rêvais d’un théâtre, il serait comment ?Antonin : Ça dépendAntonin : Ça dépend de quoi ?Antonin : Je peux faire tout ce que je veux dans ce théâtre ?Antonin : Oui c’est ton théâtreAntonin : Le théâtre d’Antonin quoi ?Antonin : OuiAntonin : Alors d’abord ce serait peut-être les théâtres d’AntoninAntonin : Pourquoi ?Antonin : Parce que je ne crois pas à un seul théâtreAntonin : Va pour les théâtres d’Antonin même si c’est un peu mégaloAntonin : Tu m’as dit que c’est « ton théâtre »Antonin : Ok, ok, c’est ok.Antonin : Ensuite ça ne serait pas un CDNAntonin : Pourquoi ? Antonin : Parce que déjà CENTRE, DRAMATIQUE et NATIONAL, ça fait beaucoup de mot qui donne pas envie. CENTRE déjà c’est triste, Centre commercial, centre de radiologie, centre des impôts, centre de détention, centre-ville. Il y a tellement de centres pour tout que tu comprends pourquoi tout est cloisonné, séparé.Antonin : Ok mais alors ?Antonin : Tu peux prendre l’inverse ! tu avais imaginé ça un jour avec Thomas Ferrand : Marges Internationales JoyeusesAntonin : M I JAntonin : Ça nous paraissait plus ouvert, plus amusant.Antonin : tu crois que le nomAntonin : le nom c’est un indicateur, c’est presque déjà une direction.Antonin : Comment ça ?

Antonin : Ben par exemple : « Conservatoire », ça fait « conserve », « conservateur », « conserver »Antonin : Oui mais ton Théâtre alors, il est comment.Antonin : il est toujours ouvertAntonin : toujours ouvert ?Antonin : oui parce qu’il n’y a pas que le théâtre dans mon théâtreAntonin : ah ? tu mets un cinéma ? un café ?Antonin : oui mais aussi, un boulanger, un médecin, un fleuriste, des associations comme Emmaüs… d’autre trucs encore.Antonin : pourquoi ?Antonin : c’est important que des gens rentrent dans le théâtre même sans aller voir de spectacle.Antonin : Tu crois à un théâtre fédérateur, un théâtre pour tousAntonin : Je crois surtout au fait que le théâtre c’est un lieu qui doit être ouvert. Ouvert même pour ceux qui ne vont pas au théâtre. T’imagine les parents qui amènent leur enfant fiévreux chez le médecin un soir où il y a un spectacle. Ils sont dans la salle d’attente et à quelques mètres d’eux. Des spectateurs, des acteurs attendent aussi le début du spectacle.Antonin : Ça les emmerdera peut-être qu’il y ait du monde, puis tout le monde aura peur d’attraper la maladie du gosse…Antonin : Parce que tu crois que tout le monde va au théâtre en bonne santé ?Antonin : Quoi d’autre dans ton théâtre ?Antonin : Des salles de répétitions. Beaucoup. Peut-être quatre. Grande. Belle. Avec des possibilités de travailler la lumière, le son, la scénographie.Antonin : c’est impossible ?Antonin : PourquoiAntonin : c’est trop ?Antonin : Alors j’arrête làAntonin : Comment ça ?Antonin : J’arrête de rêver.Antonin : ok vas-y okAntonin : les salles de répétitions ouvertes si on veut sur l’extérieur avec des fenêtres.Antonin : des fenêtres ?Antonin : oui des fenêtres pour voir la lumière dehors si tu veux, pour être vu de la rue si tu veux. Tu sais comme les travaux, quand une grue ou une tractopelle fait quelque chose et que tu t’arrêtes pour regarder. Là tu pourrais / tu aurais le choix de laisser voir comment ça se fabrique le théâtre.Antonin : d’autres choses ?Antonin : une salle de spectacle aussi.Antonin : en plus des 4 salles de répétitionAntonin : ouiAntonin : ça fait beaucoup ?Antonin : Au fronton du théâtre une phrase comme : « Partager, c’est le début du bonheur »Antonin : c’est cuculAntonin : tu changerais de temps en temps.Antonin : tu veux un théâtre à ParisAntonin : Paris ? Pourquoi Paris ?Antonin : Parce qu’il est grand ton théâtre.Antonin : Pas du tout à Paris, plutôt à Guipavas, Laxou ou Vire…
texte écrit dans le cadre Nous sommes le Paysage #1

33 questions posées par Sonia Chiambretto et Yoann Thommerel pour La comédie de Caen

12 réponses d'Antonin Ménard en perspective de notre résidence collective de réflexion et d'action au 24 avec Nouvelle Plage (collectif d'artistes pour réfléchir sur comment faire vivre un lieu)

1 - À quel âge avez-vous eu la varicelle ?

Ça dépend, lui il a eu à 4 ans je crois, elle s’était plus tard 6 ans, moi aussi je crois, nous ensemble en ajoutant nos âges. La Nouvelle Plage a eu la varicelle a 59 ans.

C’est lui qui l’a eu en premier et après c’est au tour de chacun de nous. Ça s’est propagé. Tout le monde était heureux que nous l’attrapions. Nous voulions l’attraper, le plus vite possible. Ensemble nous voulions l’attraper, s’en saisir, vivre cette expérience là en groupe.

2 - Enfant, quel masque d’animal aimiez-vous porter pour Carnaval ? Et aujourd’hui ?

- Chacun a amené son masque. Ensuite nous les échangions, comme des idées. Nous nous revêtissions du masque de l’autre et d’un coup nous comprenions mieux son idée que nous faisions notre.

- Aujourd’hui pareil, nous voulons mettre les masques de chacun d’entre nous.

3 - Quand avez-vous pris votre température pour la dernière fois ?

Dimanche aux quatre coins de la France, nous avons en visio pris la température de ce qui restait à accomplir. Tout était ouvert mais tout était à faire. Nous savions qu’il y aurait des obstacles à l’extérieur comme à l’intérieur mais nous étions prêts. Nous étions chauds.


4 - Quand vous étiez petit, vous jouiez au docteur. Quel rôle préfériez-vous ?

5 - Pensez-vous qu’on aura encore envie de jouer Le Misanthrope après ça ? Et Le Malade imaginaire ?

Nous n’en avons pas eu envie avant. Maintenant dans une réinvention, dans une réappropriation des espaces et des textes d’avant, nous pourrions y réfléchir.

6 - Aujourd’hui, avez-vous plutôt l’impression de vivre une tragédie ? Une comédie ? Ou un drame satyrique ?

Nous vivons, nous imaginons un ensemble et c’est déjà pas si mal.

7 - Après. Mais après quoi au juste ?

Il n’y a pas d’après ou il y a toujours un après. Mais la métamorphose profonde se fait lentement. Ensemble, nous sommes toujours après. Puisque rien n’a changé encore. Le groupe, le plusieurs est encore et toujours effrayant.

8 - Le confinement contamine-t-il toujours vos rêves ?

Ce qui contamine nos rêves, c’est la tentative d’un ensemble dans un espace. C’est le déconfinement des idées pour les mettre en commun.

9 - Vous sentez-vous surveillé ? Si oui, trouvez-vous cela rassurant ? Si non, trouvez-vous cela rassurant ?

Oui

Non

Oui et alors

Oui nous sommes surveillés comme le lait sur le feu.

10 - Indépendamment de la crise sanitaire, avez-vous tendance à penser qu’on est quand même un peu trop collés les uns aux autres dans une salle de théâtre ?

C’est ce qui nous reste après. Quand on quitte la salle. Le souvenir de ce collage. Cette chaleur des corps côte à côte, les respirations, les transpirations. La vie autre à côté de toi. Le regard vers ce que tu regardes aussi. La vie à 3, 15, 300 en même temps devant la même histoire, les mêmes mots, les mêmes gestes.

11 -Les distributeurs automatiques permettent d’acheter des billets (ou des paquets de chips) et de payer directement à la machine sans aucune autre intervention humaine. On les trouve partout ou presque, sauf dans les théâtres qui résistent vaillamment. Jusqu’à quand ? :)

Le théâtre qui résiste ? première nouvelle.

12 - Êtes-vous favorable à l’instauration d’une « prime de risque » pour les comédiens qui doivent régulièrement, pour des raisons strictement professionnelles, embrasser leurs collègues sur la bouche ?
13 - Puisque tout le monde semble adorer le principe du théâtre filmé sur Internet, à quoi bon encore du théâtre en vrai ?

14 - De quoi avons-nous peur ? Et de quoi encore ?

- du mutisme

- des bananes flambées

- des faux

15 - Le théâtre, c’est faire exister des mondes larges dans un espace confiné. Ça marche comme ça aussi dans vos vies ? 16 - Le visage à moitié caché, vous sentez-vous complètement vous-même ? 17 - Le visage à moitié caché, craignez-vous de ne plus être reconnu ? 18 - Le visage à moitié caché, vous ressemblez à un guérilléro. Bonne nouvelle, non ? Avez-vous l’intention de passer à l’action ? C’est déjà dans nos cerveaux, passer à l’action en groupe. Penser ensemble. Pas masqué du tout, c’est très clair ce que nous voulons. 19 - Les « p » et les « b » favorisent la diffusion aéroportée des virus. Ne serait-il pas préférable d’envisager aujourd’hui l’adaptation des textes de théâtre en vue de la suppression pure et simple de ces deux consonnes occlusives bilabiales ? 20 - Combien seriez-vous prêt à payer pour vous abonner à un théâtre partiellement fermé ? 21 - Une pièce créée en zone verte pourra t-elle jouer en zone rouge ? Et l’inverse ? 22 - D’après vous, combien de kilomètres cumulés le responsable de la programmation de votre théâtre préféré a-t-il parcouru en avion en 2019 ? Et en 2020 ? 23 - D’après vous, combien de kilomètres cumulés le responsable de la programmation de votre théâtre préféré a-t-il parcouru en vélo en 2019 ? Et en 2020 ?24 - Au pire, on pourra toujours refaire le chemin vers un théâtre pauvre, non ? 25 - Que doit selon vous créer un théâtre fermé pour rester un théâtre ? Et un théâtre révolutionnaire ? 26 - Quand avez-vous ressenti la sensation de faim pour la dernière fois ? 27 - Être ou ne pas être : telle est la question. Mais pour combien de temps encore ? 28 - Imaginer les gestes-barrières contre le retour à la production d’avant-crise. Avez-vous répondu au « questionnaire » de Bruno Latour (qui n’est pas un questionnaire, ni un sondage, mais une aide à l’auto-description) ? Pourquoi ? 29 - À quelle distance de la mer se trouve votre théâtre préféré ? Et dans 50 ans ? 30 - Le très optimiste PDG de SpaceX prévoit d’envoyer un premier équipage humain sur mars dès 2024, ouvrant ainsi la voie à la création de la première colonie humaine sur une autre planète que la nôtre. Un million de personnes pourraient vivre dans la première ville martienne d’ici 50 à 100 ans. Pensez-vous qu’ils auront besoin d’un théâtre là-haut ? Sérieusement ? 31 - Le théâtre peut-il encore sauver le monde ? Si oui, comment doit-il s’y prendre ? 32 - Selon vous, les plus démunis se posent-t-ils ce genre de question ? 33 - Et si on en profitait pour tout changer ? Par quoi on commence ?

Complément à l’auto interview.

Je crois que je ne sers à rien. Je crois que nous ne servons à rien.Je pense que nous coûtons trop cher à la société. Que nous vivons aux crochets des collectivités et de leurs subventions. Je crois que nous n’avons aucun rôle à jouer. Je crois que si tu n’es pas connu, tu ne sers à rien. Je crois que je n’apporte rien, que je ne contribue à rien à la société. Je crois que toutes les médiations artistiques ne servent à rien.Je crois que je me persuade que ce que j’ai à dire est important mais en fait non.Je crois que tout tourne autour de moi mais en fait non.Je crois que mort je serai regretté mais non.

Je crois qu’on aurait tort de me croire.

textes écrits dans le cadre Nous sommes le Paysage #2

  • comment ça se passe pour toi ?

Ça va. Ça dépend des jours.

  • As-tu un truc, une astuce pour lutter contre l’ennui ?

Lire Réfléchir Se révolter

  • Qu’as tu appris de toi lors de ces dernières semaines ?

De moi, que je réfléchis beaucoup. Que la contrainte me donne l’énergie pour la contourner.

  • Un livre ? Une série ? Un site? Un film? Un spectacle ? Que tu pourrais nous conseiller…

- Un roman - La seconde femme de Louise Mey

- Deux films - « Mon voisin Totoro » et « le Château ambulant » de Hayao Miyazaki.

- Trois articles dans La déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen

o Article 13

1- Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État

2- Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays.

o Article 20

1- Toute personne a droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques.

- Une citation de Brecht

Une conduite vous parait familière, découvrez-la insolite, Sous le quotidien, décelez l’inexplicable. Derrière la règle consacrée, discernez l’absurde. Défiez-vous du moindre geste, fût-il simple en apparence. N’acceptez pas comme telle la coutume reçue, Cherchez en la nécessité. Nous vous en prions instamment, ne dites pas : "c’est naturel" Devant les évènements de chaque jour. A une époque où règne la confusion, où coule le sang, où on ordonne le désordre, où l’arbitraire prend force de loi, où l’humanité se déshumanise...

Ne dites jamais : "c’est naturel" Afin que rien ne passe pour immuable.

  • Est-ce que tu as écris 1 texte// 2 poésie/ 1 liste de course durant ces 8 semaines ? Si oui, peux-tu nous faire lire un extrait ?

ALISON – Enfin, je suis partie, je suis sur la route. Je vais les rejoindre.Je vais pouvoir toucher, les autres, les autres vont me toucher, je veux sentir les mains sur moi, que ça reste sur moi les mains, les autres. J’ai envie de ça, d’une chaleur qui tienne sur ma peau. Une chaleur jusqu’à l’humide. Une chaleur qui glisse sur ma peau. Je veux sentir sur moi la peau des autres. Sentir la peau sur moi. Qu’elle chauffe la surface d’abord. La surface de ma peau chauffée par la peau. La surface chaude de la peau au creux de mes mains. Sentir la peau, qu’elle me chauffe, en surface d’abord et en profondeur, oui en profondeur. Qu’elle chauffe ensuite à l’intérieur. La peau combustible faisant fondre le sec de l’intérieur. Tout devient humide, liquide et chaud. La peau chauffée se liquéfie, en âge, l’humide en surface puis en profondeur. L’humide en moi veux se faire chauffer par la peau.

Extrait de La découverte, pièce écrite et répété sur Skype tous les lundis depuis le 6 avril avec Fanny Catel, Virginie Vaillant, Abigaïl Green et Eric Fouchet.

  • Un truc qui t’as surpris ? Chez toi et chez d’autres ?

- Chez moi, c’est ma docilité, ma capacité d’adaptation à une privation de liberté.

- Dans l’ensemble j’ai senti une forme de folie, une folie collective et généralisée. Nous sommes face à quelque chose d’inconnu et de mortel. Nous ne supportons pas l’idée de mourir d’une maladie inconnue. Nous voudrions tout maîtriser. Nous vivons dans une sorte de dictature de la maîtrise. L’autre surprise c’est que cette peur de l’inconnu entraîne une peur de l’autre, des autres. Les autres, les inconnus deviennent des dangers. Ça me désespère. Les autres deviennent une menace. Petit à petit nous acceptons cela, nous le vivons même. Pour le partage, c’est catastrophique, pour les échanges aussi. Pour l’art et la culture c’est même destructeur.

- Une surprise plus concrète a été de savoir que les autorités ont fermé les plages et les forêts. Les autorités ont enfermé les plages et les forêts. Je l’écris encore sans vraiment y croire. Les plages et les forêts ont été enfermées. Les plages emprisonnées, les forêts emprisonnées. En l’écrivant, une tempête boue en moi, je suis ahuri, épouvanté, effaré. Je ne comprends pas. Une incompréhension d’abord mais tout de suite la colère et la tristesse s’est emparé de moi et reste profondément en moi encore.

Da Un instant? Une histoire? Un texte qui t’a ému ? Lors de cette parenthèse...

Claude Boisnard a fait des photos, souvent le matin, je crois. Il en publiait de temps en temps sur Facebook. J’ai beaucoup aimé voir d’autres horizons. Quelque chose s’ouvrait. Je lui ai écrit : « tes photos sont des horizons précieux qui contrastent avec les panoramas de nos prisons. »

  • Dans sa pièce « tratando de hacer una obra que cambia el mundo » le chilien Marco Layera imagine 4 artistes confinés dans une cave coupée du reste du monde jusqu’à ce qu’ils aient créé l’œuvre majeure... et toi, si tu avais été contraint de rester ( seul ou à plusieurs) au Préau pendant 45 jours, qu’aurais-tu fait?

J’aurai adoré que chacun des présents imaginent ou mettent en scène une pièce avec les autres. Et si une fois répétées, nous n’avions toujours pas eu le droit de montrer ces pièces alors nous aurions construit des mannequins pour les installer dans la salle.

  • Ces derniers temps et les mesures sanitaires qui suiviRent: Un échec ? Une opportunité ? Quel constat fais-tu de ces « temps, hors de ces gonds » ?

Ce temps, a été un temps pour penser. Un temps où l’inaction subie m’a permis de me recentrer sur ce que je voulais, ce qui me manquait.

  • Qu’est-ce qu’on pourrait changer pour l’Après ?

Collectivement je voudrais que nous trouvions à construire une société plus fraternelle. Individuellement je pense que je dois conserver du temps pour l’inaction, ou plutôt pour de l’action non productive.

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Questionnaire pour se présenter au sein de l'équipe pédagogique du Préau - Vire

PO/GO journal interne au préau

- Peux-tu te présenter avec un extrait ou un texte théorique// poétique// ou ce que tu veux: Mais un texte qui t'accompagne en tant qu’artiste...

« Je n'ai pas d'idées sur le théâtre. Je n'y connais rien. Je n'y vais pas. C'est admissible. Ce qui l'est sans doute moins, c'est d'abord, dans ces conditions, d'écrire une pièce, et ensuite, l'ayant fait, de ne pas avoir d'idées sur elle non plus. C'est malheureusement mon cas. Il n'est pas donné à tous de pouvoir passer du monde qui s'ouvre sous la page à celui des profits et pertes, et retour, imperturbable, comme entre le turbin et le Café du Commerce. Je ne sais pas plus sur cette pièce que celui qui arrive à la lire avec attention. Je ne sais pas dans quel esprit je l'ai écrite. Je ne sais pas plus sur les personnages que ce qu'ils disent, ce qu'ils font et ce qui leur arrive. De leur aspect j'ai dû indiquer le peu que j'ai pu entrevoir. Les chapeaux melon par exemple. Je ne sais pas qui est Godot. Je ne sais même pas, surtout pas, s'il existe. Et je ne sais pas s'ils y croient ou non, les deux qui l'attendent. Quant à vouloir trouver à tout cela un sens plus large et plus élevé, à emporter après le spectacle, avec le programme et les esquimaux, je suis incapable d'en voir l'intérêt. Mais ce doit être possible. Estragon, Vladimir, Pozzo, Lucky, leur temps et leur espace, je n'ai pu les connaître un peu que très loin du besoin de comprendre. Ils vous doivent des comptes peut-être. Qu'ils se débrouillent. Sans moi. Eux et moi nous sommes quittes. » Lettre se Samuel Beckett à Michel Polac à propos d’En attendant Godot en janvier 1952»

Questionnaire (septembre 2020) Newsletter Préau

1ere partie:

Po/Go: Dans quel rôle as tu foulé les planches pour la première fois? Comment cela c’est passé pour toi?

À 17 ans, dans le Révizor de Gogol, j’étais heureux, je jouais le Révizor. J’ai compris très vite que nous étions menés collectivement par une chose qui nous dépassait individuellement. Cette idée fut une révélation et reste très présente en moi depuis. J’ai trouvé la beauté dans cette idée. J’ai vu le stress aussi, comment chacun réagissait à la peur de jouer. J’ai aimé ça aussi. La peur d’un voyage qui va se faire quoi qu’il se passe.

Po/Go: Peux tu nous donner ton parcours artistique en 5 dates?

1995 – rencontre avec Angel Bonora – issue de l’école Lecoq. J’ai compris qu’il y aurait toujours à apprendre.

1997 – 4ème mise en scène. Antigone à L’université de Caen. Certains acteurs et actrices avec qui j’ai travaillé à ce moment-là sont toujours des partenaires aujourd’hui.

2001 – premier stage avec Pascal Rambert – pour moi il y avait quelque chose d’évident dans le travail qu’il nous proposait. S’en ai suivi 10 ans de coopération

2005 – mise en scène de Randonnée autour de la question du corps de la philosophie de Foucault et Deleuze

2011 – mise en scène de CAP avec mon équipe et 120 lycéens de 6 lycées différents

Po/Go: Peux tu nous parler de ce que tu fais en ce moment? ( répétition ou tournée ou tournage etc)

- Mise en scène de la remise du prix liberté le 2 octobre Là encore, on travaille pour défendre une idée plus grande que nous, et là encore je trouve ça beau.

- Réflexion avec 10 artistes autour de la direction d’un lieu. Notre groupe s’appelle Nouvelle Plage.

- Recherche autour des Mythes et des questions philosophiques pour un spectacle jeune public

- Acteur dans « En attendant le déluge » avec la compagnie les furies

- Co-mise en scène avec Marie Bernard à la Source (La Gheroulde) en Aout 2021 d’un projet avec des Ados autour des jardins secrets. J'ai quelque chose à dire

Po/Go:Un bon ou mauvais souvenir sur scène ?

Je jouais dans « Le souffle du Taureau » à partir d’Oncle Vania mise en scène Médéric Legros. C’était mon premier spectacle en tant que comédien professionnel et après la quatrième représentation je crois, j’ai compris que je vibrais avec la pièce. Je me suis senti libre car d’un coup tout se mettait en place. C’était fluide. Ma partition devenait simple et limpide.

Po/Go: Que détestes-tu dans ton métier?

Devoir se vendre. Penser tout en terme de stratégie commerciale et d’autopromotion.

Po/Go: Quel.le prof de théâtre t'as apporté une clé inoubliable de nos métiers? (C'était quoi, cette clé?)

D’Angel Bonora, à Médéric Legros en passant par Claude Régy et Pascal Rambert chacun à leur manière ils m’ont dit de me laisser traverser. C’est ça la clé : « Laisse-toi traverser ! »

Po/Go: Est-ce que tu te sens libre?

Oui complétement et non pas tout à fait.

J’ai choisi d’être là où je suis donc je suis libre et dans ce que j’ai choisi il y a des impératifs qui altère la liberté.

Po/Go: Qu’est-ce que tu rêverais de faire sur scène?

Je cherche, j’adorerais trouver le moyen d’inventer un générique de théâtre. Quelque chose qui serait au début du spectacle et qui serait un générique.

Po/Go: Penses-tu que le théâtre est utile?

Il est utile, plus que nous le pensons. J’aime croire qu’il est même très utile aussi pour celles et ceux qui n’y vont pas. Le fait que ça existe, que des personnes jouent et parlent devant d’autres personnes en direct, c’est utile pour ceux qui sont présents mais aussi pour ceux qui sont absents. L’imaginaire a un pouvoir insoupçonné.

Po/Go: Si tu avais une règle éthique dans ce métier, laquelle serait-elle?

N’avoir qu’une parole

Po/Go: Pourquoi fais-tu du théâtre?

Parce que c’est un espace d’échange direct, dans sa construction comme dans sa finalité. C’est un espace où nous sommes ensemble pour construire quelque chose pour des inconnu(e)s. C’est beau en soi. Chercher à raconter quelque chose du monde. Ce temps de préparation, ce temps à échafauder un spectacle et ce temps de le partager.

Po/Go: Quelle(s) question(s) aimerais tu poser à celui où celle qui se prêtera à cet exercice après toi?

- qu’est-ce que tu voudrais transmettre?

- qu’est-ce qui te frappe au premier cours?

- qu’est-ce que tu dis tout le temps ?

- comment tu fais travailler dans le silence?

2ème partie:

Po/Go: Comment as-tu su que tu voulais enseigner?

Quand j’ai commencé, je me suis aperçu que le travail de pédagogue en plus de cette tentative de transmettre quelque chose était une fabuleuse entreprise pour découvrir. Découvrir le pouvoir du théâtre et le pouvoir de la construction ensemble.

Po/Go: As-tu un exercice/ un jeu fétiche ?

Je les fais marcher, je veux qu’ils/elles prennent conscience de l’espace. Souvent il y a de la musique, souvent classique. Ils et elles marchent et au fur à mesure je leur donne des consignes. Au signal : s’arrêter. À un autre signal ; tomber sur le sol… Puis petit à petit je leur demande continuer sans qu’il y ait de signal.

Po/Go: Aurais tu 2/3 techniques pour préparer des élèves à assister à une pièce? Ou un spectacle vivant auquel tu n’as pas participé ?

Ne rien dire. Ne pas parler de l’auteur. Ne pas les abreuver de connaissances qui pourrait les laisser penser qu’on ne pourrait pas voir cette pièce sans ses connaissances. Leur faire confiance. Leur faire comprendre qu’il n’y a rien à comprendre de plus que ce qu’ils et elles comprendront. Leur transmettre qu’en face du spectacle, ce ne sont plus des élèves. Essayer de trouver les mots pour qu’ils/elles puissent se laisser transporter par le spectacle. Ne pas penser à leur place. Faire en sorte qu’ils et elles me surprennent dans leurs commentaires, dans leurs références, dans leurs réactions.

Po/Go: Tu as fait tout ce que tu avais prévu pour aujourd'hui, il reste 20 minutes de cours. Tu fais quoi?

J’improvise, ils et elles improvisent

Sans doute je travaille dans la lenteur, je leur propose une expérience de lenteur.

Parfois, je peux leur demander de rejouer une chose que nous avons mis en scène mais sans les dialogues, juste physiquement pour travailler les regards.

Po/Go: Comment prépares-tu tes séances ?

Ça dépend, des fois je prépare des exercices mais une fois avec les élèves je me laisse guider par le souvenir des exercices que j’ai préparé.

J’essaie d’avoir un objectif, j’essaie de les amener à traverser tel ou tel aspect de l’acteur : La présence, l’espace, le collectif par exemple

Po/Go: Un conseil pour un jeune pédagogue ?

Sers-toi des exercices que tu as appris mais remodèles-les, transformes-les.

N’attends rien d’un exercice, regarde là où il t’amène.

Po/Go: Comment fais-tu face à l’inertie d’un groupe?

J’imprime une dynamique, je les mets ensemble au plateau. Je ne les laisse pas être des élèves, j’impulse le fait qu’ils et elles soient acteurs, actrices.

Po/Go: As tu une astuce pour faire apprendre les textes de théâtres?

Je me suis rendu compte que nous sommes tous différents pour apprendre un texte. Mais une technique qui fonctionne c’est de proposer des lectures et quand quelqu’un commence à lire tu lui dit : « arrête de lire, pense à dire. »

Je donne aussi souvent ce conseil : « le personnage ne sait pas ce qu’il va dire. »

Po/Go: On te demande de créer une pièce avec des amateurs sans texte: que fais tu?

Je travaille à partir d’improvisations, de questions. Je vois si ça nous amène quelque chose, où cela nous amène. Je suis à l’écoute de textes qu’ils et elles auraient envie de dire, j’amène des textes qu’ils et elles pourraient avoir envie de dire. Je travaille physiquement pour créer des chorégraphies.

Po/Go: As-tu une anecdote durant un cours à nous donner?

J’avais écrit un texte pour des élèves de troisième, ils avaient tous une partition. Une élève avait été absente deux cours de suite donc je ne l’avais jamais entendue avec sa partition. À la fin d’un cours, je lui propose d’essayer pour voir où elle en était et voir quels conseils je pourrais lui donner. Elle a commencé le texte et nous nous sommes tous arrêtés de respirer tellement elle était rentrée dans ce qu’elle avait à dire et dans cette histoire.

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Question courte ( 1 phrase ou 1 mot)

//Avec qui aurais-tu adoré travailler dans un autre siècle?

Samuel Beckett, Kantor

//Une citation que tu apprécies ?

« La réalité de ce que vous voyez ce n’est pas ces lumières, ces couleurs, ce sont des mensonges

Et qu’est-ce que vous croyez ? vous croyez que je leur en veux pour leurs mensonges ! n’importe quoi ! j’aime ça, moi, les mensonges ! » Crime et châtiment F.Dostoïevski

// Quel rôle rêverais tu de jouer?

Antoine dans Antoine et Cléopâtre de Shakespeare

// ton dernier coup de cœur artistique ?

Finir chèvre du Collectif Assymptomatique

Le concert de Maalax

// ta musique pour un échauffement ?

Sigur Ros ou Bachar Mar Khalifé

// la dernière réplique que tu as prononcé sur scène?

« …dans mon rêve, je vois plein de gosses en train de jouer dans un champs de seigle. Des milliers de gamins, et y’a personne avec eux, pas de grand je veux dire, y a que moi. Et je suis debout au bord d'une falaise de taré ! Et ce que je dois faire c'est les rattraper avant qu'ils tombent du haut de la falaise, je veux dire, s'ils sont entrain de courir sans regarder où ils vont, il faut que j'arrive et que je les attrape avant qu'ils tombent ! Je ne fais que ça, toute la journée. Je suis l'attrapeur dans le champs de seigle. Je sais que c'est fou, mais c'est tout ce que je voudrais vraiment être : un attrapeur dans un champs de seigle. Je sais, c'est du délire ! » Salinger de Bernard-Marie Koltès

// si tu pouvais rencontrer n’importe qui sur terre, ce serait qui? Nasrin Sotoudeh avocate iranienne emprisonnée en Iran

// tu peux choisir un partenaire de scène, ce serait qui? Vincent Garanger

Portrait chorale

Si tu étais un livre?// Crime et châtiment de Dotoïevski

une pièce// Phèdre de Racine

un film// Pierrot le fou de JL Godard

un tableau// Picasso : femme dans un fauteuil 1946

une danse// La shy danse

un défaut// La gentillesse

un poème// AMOUR de Christophe Tarkos

1 Je t’aime. Je t’aime toi. J’ai besoin de toi. J’aime ce qui existe. Je t’aime toi. Tu es là. J’aime ce qui existe plus que ce qui n’existe pas. Je m’enfonce. Tu es vivante. Je t’aime. J’ai besoin de qui vit. J’aime d’amour. Je ne sais plus ce que tu es. Je m’enfonce. J’ai le vertige. Je t’aime. C’est toi que j’aime. Tu es. J’aime ce qui est. J’ai besoin de ce qui es. Je t’aime. C’est toi que j’aime, toi plus que tout autre, toi plus que tout ce qui existe. Je suis amoureux de toi. Je t’aime plus que tout ce qui n’est pas toi. Toi, tu es là. Je tombe dans tes bras, je veux te prendre dans mes bras. Je suis pris de vertige, tu existes. Je n’aimerai rien de tout ce qui n’existe pas que toi, tu es. J’aime ce qui est plus que tout ce qui n’est pas, je m’enfonce, c’est toi que j’aime.

2 Toi, toi, toi, habitante de notre amour. Toi, l’unique habitante, toi, la créatrice de notre amour. Précieuse présence qui rayonne de notre amour une forte lumière. Habitante très précieuse. Tu baignes dans l’aura de la lumière de notre amoureux et généreux et lumineux amour qui t’enveloppe, qui nous enveloppe. Tu, notre unique de notre bain d’amour, rayonnant de toi. Habitante d’amour, tu es là. Ta présence, unique présence créée un halo de lumière, je t’aime, tu es là, je t’aime auréolant notre amour d’un halo de lumière.

3 Tu es belle. Je vais t’aimer d’un amour amoureux. Je t’entends. Je vais t’aimer. Tu es si belle. Je sais que je ne résisterai pas à ta beauté. Je vais descendre, je vais t’entendre, je ne peux pas résister, je vais plonger. Je m’apporterai. Tu es si belle, si jeune, si vive, si évanouissante, je me perds. Je vais être à toi. Je t’entends, je suis déjà vers toi, je descends, je ne supporte pas, je plonge. Ta beauté m’attire. Je suis attiré, tu es si belle, je vais t’aimer. A la beauté de ta licence, je coule vers toi sans résistance, c’est à toi que je suis, je t’aime, je me porte à toi, tu es une déesse, je suis voyant ta beauté pris, ne voyant que toi, je suis à toi, tu es belle, je me porte, je ne résiste pas, je descends….

Un aveu// J’ai peur des oiseaux paniqués dans une pièce

une qualité// persévérant

Un morceau de musique// L’allegro du concerto 1056 de BACH

Un.e auteur.rice// Christophe Tarkos

Un.e chorégraphe// Maguy Marin

Un.e metteur.euse en scène // Cathy Mitchell