Dominique Barbéris dans Libération ©

Critique. Vient de paraître...
Dominique Barbéris L'année de l'éducation sentimentale

Libération, 12 janvier 2018 Claire Devarrieux

Trois amies se réunissent chez l'une d'elles à la campagne. Mi-août dans l'Ouest : une chaleur épouvantable et pas de piscine. Elles ont en commun le souvenir d'un fameux voyage en Italie quand elles avaient 20 ans, et le cours qu'elles suivaient sur l'Education sentimentale. «Elles s'étaient connues en fac, au Quartier latin. Inévitablement, la conversation tourna autour de ces années - les années 80 -, les années de leur jeunesse, de leurs études dans les couloirs de la Sorbonne. Les années de "la bande", elles dirent : la grande époque !» Le fils de la maîtresse de maison charme ces dames. Mais leur hôtesse finit par avouer que son mari absent est en réalité parti, ça casse un peu l'ambiance. Aucune des trois ne voudrait, pour rien au monde, ressembler aux deux autres. Un roman acide sur la nostalgie de la jeunesse, adouci de lointains bonheurs enfantins..  .... 

Livres. Vient de paraître...
Une sélection du service Livres de Libération

Libération, 15 janvier 2014, Claire Devarrieux

Un homme qui se fait passer pour un responsable EDF prend une chambre d’hôtel dans une petite ville de montagne, près de la frontière suisse. On est avant le 31 décembre 1999, puis après le 1er janvier 2000. L’homme est déjà venu, deux ans auparavant. Il était quelqu’un d’autre, un représentant. Le bug a lieu dans la vie de deux femmes qui n’auraient pas dû croiser le visiteur, la nuit, chez elles, ou dans la neige. Cela se passe à la manière de Dominique Barbéris, inquiétante, familière et feutrée. La narratrice est une infirmière qui se souvient de ses malades à cette époque, de la ville dont elle connaît par cœur les rues et les faubourgs, la supérette et la scierie. Elle tourne en mémoire autour du drame, des lieux, d’un chien qui aboie, de gens calfeutrés, d’un collectionneur d’art en train de mourir, et de ses propres peurs.  .... 

Curiosités inusitées

Grozdanovitch par Barbéris.

Libération, 13 mars 2008, Dominique Barbéris

Il a l'habitude de s'installer, avec éclectisme et talent, dans les lieux désertés par l'époque. Il cultive l'érudition et les arts raffinés du loisir méditatif et du jeu. Rien d'étonnant à ce que Denis Grozdanovitch ne se satisfasse pas tout à fait des 3 000 mots du vocabulaire de base. Pas plus qu'il ne goûte le culte de la performance et le prêt-à-penser en vogue.

Son petit dictionnaire des merveilles oubliées du Littré est autre chose qu'un abrégé du monument du grand lexicographe. Ce serait plutôt une sorte de magasin de curiosités, et aussi une manière de rappeler que la saveur du monde ne se sépare pas de celle de la langue. Ceux qui aiment à retrouver Grozdanovitch, sa rêverie, ses marottes de collectionneur, la persistance de sa méditation sur la littérature, ses réflexions narquoises sur le vide boursouflé du siècle, le croiseront à tous les coins de son dictionnaire.

Ici, une réflexion proustienne : «La littérature, dans son ensemble, ne ressemble-t-elle pas bien souvent à une vaste psychomancie ?»

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Pourquoi se priver des «ressources infinies de l'épaisseur des mots» (comme dirait Ponge, cet autre amateur du Littré), alors qu'il y en a de si justes pour dire l'époque, sa «stampomanie», ses pédants patentés, sa «crapaudaille» d'écrivailleurs, ses «tapoteurs», ses penseurs qui «pantouflent» (ou «pensotent») ?

L'air du soupçon

Libération, 20 septembre 2007, Claire Devarrieux

Dominique Barbéris adore jouer au chat et à la souris, et elle s'y prend très bien. Dans les Kangourous , devenu un film d'Anne Fontaine ( Entre ses mains ), une jeune femme avait des rendez-vous, cependant qu'un assassin rôdait dans la grande ville. On avait peur pour elle, pendant tout le livre, c'était délicieux. Dans le nouveau roman, Quelque chose à cacher , il y a une femme, mais elle n'a plus de rendez-vous, elle est morte. Et si ça se trouve, c'est l'assassin qui nous raconte. Enfin, peut-être. Peut-être pas. Il est le chat, et le lecteur, la souris. C'est encore mieux. On a peur pour nous. .... 

L'orgue de Barbéris

Les gens normaux ont tout d'exceptionnel . «Les Kangourous», de Dominique Barbéris, se promène à Paris sous la pluie.

Libération, 5 septembre 2002, Claire Devarrieux

Les kangourous mélancoliques du Jardin des Plantes ne vous regardent pas en face. La jeune femme dont nous faisons la connaissance dans le roman de Dominique Barbéris pense qu'ils n'osent pas. «Et tout à coup je me suis dit qu'ils n'avaient pas non plus dû regarder le meurtrier en face ; mais certainement, ils l'avaient vu.» Trois meurtres ont lieu, chaque fois dans le périmètre où elle vit, et comme elle est elle-même une jeune femme seule, ces drames la concernent. Elle n'en fait pas une histoire, mais l'angoisse monte. Elle a rencontré un homme à la cantine
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Son roman ne croit pas aux vies minuscules. Voir la description du quartier de pomme dans l'assiette, épluché par tante Louise, «sa précision de tableau hollandais. Comme si, pour l'exprimer, pour la représenter, il fallait arracher la matière du monde à des pans entiers de mystère». C'est le programme des Kangourous.

(1) Dans Quatre lectures, Jean-Pierre Richard consacre un chapitre à Dominique Barbéris, «Un champ d'enfance». Les autres textes sont consacrés à Pierre Michon, Pierre Bergounioux et Yves Bichet (Fayard, 150 pp., 12,00 euros).


Lumière d'août 

Dominique Barbéris, L'Heure exquise, Gallimard «l'Arpenteur», 120 pp., 78 F.

Libération, 10 septembre 1998, Claire Devarrieux

Ce n'est pas encore dix heures et demie du soir en été, mais on y va. Soleil rasant, soleil couchant, la lumière flamboie puis décline, une journée de vacances s'achève, classique. Là-bas, «les gens» rentrent de la plage. Ici, trois générations de Saint-Ollier, ou encore Claire Lansiot, une lectrice sentimentale, donnent leur point de vue, l'auteur (dont c'est le deuxième roman) adoptant le rythme rafraîchissant et virevoltant des tourniquets. Un slow court sur toutes les radios du voisinage, il sera bientôt temps d'appeler les enfants. La bouchère, Mme Morineau, a un fils rocker aux cheveux orange qui s'ennuie: «Tous les soirs se ressemblaient: le vide et le silence et l'odeur obsédante de la terre arrosée.» On a l'impression que rien ne bouge, mais c'est ainsi qu'on vieillit et que les livres avancent, «et toutes ces petites peurs mises bout à bout, ces peurs de tous les soirs, finissent par former une vie». La vraie héroïne est une petite fille qui prépare sa Barbie pour le bal. C'est son regard qui dessine les contours. Elle affronte les adultes, ses larmes salées mélangées au sang du foie de veau abhorré.