Dominique Barbéris dans Le Monde ©

«Un dimanche à Ville-d’Avray » :
Dominique Barbéris au point de bascule 

La romancière fait se confier deux sœurs que le temps a éloignées.
Un texte troublant sur la mémoire et les griffures du regret.
Le Monde, 21 septembre 2019, Xavier Houssin

Est-ce encore une histoire d’enfance ? Comme un rappel de ces temps où le temps ne passe pas, ou si peu. Où les heures s’étirent aussi tard que des jours. Où les jours sont d’entières saisons. « Les enfants s’ennuient le dimanche », chantait Trenet. Il nous en reste un rien de mélancolie, une indéfinissable poussée de vague à l’âme. Un presque chagrin de fin de semaine que l’on chasse d’un revers de main. Allons, tout va bien.

Ce curieux serrement de cœur, que les années ne sont jamais parvenues à complètement dissiper, envahit toutes les pages d’Un dimanche à Ville-d’Avray, le nouveau roman de Dominique Barbéris. ...

Un tueur de femmes terrifie un val isolé par l’hiver.
Dominique Barbéris inquiète et enchante

Le Monde, 10 janvier 2014, Florence Bouchy

Modeste par les moyens qu’elle met en oeuvre, mais puissante par les effets qu’elle produit, l’écriture de Dominique Barbéris enchante et inquiète, apaise et éveille. Elle se place délibérément dans les espaces intermédiaires et dans l’entredeux des perceptions et des sentiments pour faire résonner en chaque lecteur l’écho d’une vie en marge du monde, mais au coeur de la littérature...

« La Ville », de Dominique Barbéris.

Le Monde, 7 octobre 2010, Monique Petillon

Une ville de province, au bord d'un fleuve. C'est un soir de Toussaint, où, loin du tumulte de l'Histoire - en cette récente "fin de siècle" -, la bruine nocturne avive la conscience poignante de "l'insoutenable brièveté de la vie". Du parc Albert au salon de thé Pasdeloup, une polyphonie, orchestrée par un narrateur discrètement ironique, mêle soliloques et conversations feutrées dans un même regret d'avoir si peu vécu. C'est un double plaisir que de lire, quatorze ans après sa première publication, en 1995, le premier ouvrage de l'excellente romancière de Quelque chose à cacher (Gallimard, prix des Deux Magots 2008). Parce qu'une fine patine nimbe cette sensible évocation et parce que la précision subtile des détails (un parfum, un slogan, une chanson) l'ancre dans notre mémoire commune.

« Beau rivage », de Dominique Barbéris. : l’ombre d’un doute

L’écrivaine développe l’art de nouer des intrigues faussement simples.

Le Monde, 14 mars 2009, Monique Petillon

On pourrait emprunter les titres des films d’Alfred Hitchcock pour définir l’atmosphère fascinante des romans de Dominique Barbéris : Une femme disparaît, Soupçons ou L’Ombre d’un doute. De ses Kangourous (L’Arpenteur 2002) - dérisoires témoins muets, au Jardin des plantes, des forfaits d’un tueur de dames -, Anne Fontaine a tiré un film, Entre ses mains. Dans le remarquable Quelque chose à cacher, prix des Deux-Magots 2008 (repris en Folio), deux personnages cherchent à élucider un meurtre qui a eu lieu : celui de la belle Marie-Hélène, de retour dans une propriété familiale à l’abandon, au bord de la Loire.

Un "inquiétant envoûtement" s’impose à nouveau dans Beau rivage - un roman captivant, où un simple séjour en montagne prend peu à peu une tournure angoissante....

.../...

Romancière minutieuse, presque impressionniste, Dominique Barbéris excelle de plus en plus à nouer des intrigues dont la simplicité masque des gouffres intérieurs. Peut-être tout cela s’est-il déroulé "dans la noire forêt du rêve", où, comme dans les contes de Maupassant, "il vous arrive ce que vous redoutez le plus".

Le vertige de l'introspection mélancolique

Le Monde, 17 juin 2005, Jean-Luc Douin

Sauvegarder les apparences, faire comme si rien n'avait changé : c'est ce dont rêvent les trois femmes de Dominique Barbéris, héroïnes vouées à retrouver le parfum des heures douces d'antan, happer quelques émotions furtives, refuser d'admettre qu'il est vain de vouloir souffler sur la braise des sensations perdues.Dans « Scène sur la Loire », un couple dîne dans un restaurant. Un homme et une femme qui s'étaient aimés étudiants et qui se sont mariés chacun de leur côté.      .../...

LA FRAGILITÉ DU CRÉPUSCULE

Clin d'oeil au Mrs Dalloway de Virginia Woolf, « Ce qui s'enfuit » suit une émigrée tchèque installée en France tout au long d'une journée ordinaire, l'achat d'un poulet pour le repas du soir, la remontée de la rue Mouffetard, une promenade dans le jardin du Luxembourg. A-t-elle fait le bon choix en préférant un époux stable au soupirant neurasthénique dont elle a aujourd'hui la nostalgie ?

Acharnées à vouloir dissiper les mystères de l'invisible et lutter contre la fragilité qui les prend à l'heure du crépuscule, ces trois femmes sont assaillies par des vagues d'émois et de hauts-le-coeur suscitées par l'observation de la nature, des cortèges de souvenirs remontés de l'intérieur. Peindre le vertige de l'introspection mélancolique en même temps que les résonances de la lumière, de l'ombre, sur une conscience en proie au désir de redonner des couleurs à la vie, c'est en cela qu'excelle Dominique Barbéris.

«Les Kangourous» : Dominique Barbéris en proie à l'angoisse

Alors qu'une série de meurtres viennent d'être commis près de chez elle, une femme en mal d'amour s'invente, à en frémir de plaisir, un suspense quotidien digne des meilleurs Hitchcock.

Le Monde, 12 septembre 2002, Jean-Luc Douin


En deux, trois livres, Dominique Barbéris est passée de l'été à l'hiver, du soleil à l'orage, de l'enfance à l'angoisse. Il pleut beaucoup, sans cesse même, dans Les Kangourous. Nous y sommes loin, apparemment, des jeux de lumière appréhendés en fin de jour d'été dans L'Heure exquise (1), bien que déjà, dans cette évocation de l'âge où l'on passe imperceptiblement de l'imaginaire au réel, où l'on découvre peurs, agressions, regrets, cette romancière de la sensation laissa filtrer la menace d'une fin de rêve, l'ombre d'un précoce crépuscule, le début d'un trouble et d'un déséquilibre. Déjà dans L'Heure exquise affleurait l'ambiguïté du sentiment qui s'empare des jeunes filles : en quête de leur « genre d'homme », quoique alarmées par la bestialité du mâle, simiesque...

L'héroïne des Kangourous n'est pas guérie de cette obsession du temps qui passe trop vite, de ce désarroi mêlé d'excitation devant la mutation et la dégradation des corps, de cette ambivalence des désirs. Ni de son penchant pour l'évasion. Employée d'une compagnie d'assurances qui la paye pour empêcher les clients d'inventer des histoires à dormir debout, elle se laisse volontiers aller à voir glisser sur l'écran de son ordinateur « des ondes rêveuses, sinusoïdales, presque abstraites, comme les courants lumineux qui zèbrent le fond des piscines ». Elle vit seule à Paris depuis que son fiancé l'a quittée. Sa collègue Maryse, unique confidente, l'entretient dans l'idée que, fatalement, les histoires d'amour tournent mal. Et que, méfiance : « Les hommes... si on se laisse faire, on est fichu. »

HEMORRAGIES EN TOUT GENRE.../...

«Le temps des Dieux» : Dominique Barbéris 

Avec une voix juste et émouvante, Dominique Barbéris dessine le paysage où elle fut une petite fille

Le Monde, 22 octobre 2000, Patrick Kéchichian


En raison même de son universalité, ou plus simplement de sa banalité, le thème de l'enfance conduit souvent et sans difficulté au pire. La plate mièvrerie guette, ou bien son envers : l'exploitation du trouble et de la perversité forcément polymorphe des enfants. Une voix fausse, c'est-à-dire laide, bruyante ou désaccordée, donne immédiatement envie de se boucher les oreilles ! Au contraire, une juste voix, lorsqu'elle existe, ne trompe pas. C'est elle que Dominique Barbéris manifeste constamment dans le très beau récit qu'elle vient de publier. Sa voix, il suffit de l'écouter, même si elle n'a pas vocation à faire beaucoup de bruit.

Les « dieux », ici, ce sont les adultes, les « grands ». C'est dans leur « temps » et dans leur espace que vit « la petite fille », l'héroïne du livre, que l'auteur semble avoir fort intimement connue - et c'est pour cela qu'elle ne lui donne pas d'autre nom. Nous sommes dans les années 60, dans un pays du Nord : « Intérieur flamand », précise le titre de la première des deux parties du livre, divisées, sans nécessité toujours visible, en chapitres et sous-chapitres. « C'était le progrès, le milieu du vingtième siècle. Les routes du monde étaient lisses. Des lignes jaunes les partageaient et semblaient dessiner sur la face de la Terre l'image de l'infini. Les vacances confinaient à l'éternité. » Les enfants n'ont pas un âge précis, sans doute parce que le temps n'a pas encore la signification rigide qui s'imposera plus tard.

Quelques pages plus haut, Dominique Barbéris avait écrit : « Certains souvenirs sont une pente qu'on ne remonte jamais. » A la fin du livre, à propos de « la petite fille » et de son « fiancé », Thierry, elle dit de même : « C'était eux, et pourtant rien de ce qu'ils étaient ne serait conservé. C'était l'été. Pourtant rien de cet été ne devait survivre. » Ce « rien » répété donne la note continue, basse et mélancolique du récit.   .../...

L'HEURE EXQUISE, de Dominique Barbéris

Le Monde, 15 janvier 1999, Monique Pétillon

Dans son premier roman, La Ville, Dominique Barbéris évoquait, au fil de l'heure, l'insensible glissement du jour vers la nuit. L'Heure exquise est à nouveau une traversée du crépuscule, à travers les infinies variations de la lumière. C'est un bourg, à la fin d'une chaude journée d'août : un de ces beaux jours d'été où l'on croit sentir « la corde fine et nue de l'existence ». C'est la tombée du soir, avec l'odeur humide des jardins pleins de bourgeons de fraises et de tomates que l'on arrose. L'heure de l'attente, de la frustration, des regrets. Les petits gestes simples du quotidien, jusqu'au dîner, qui repoussent l'angoisse. Puis la clarté du soir s'affaiblit, glaçant les intérieurs des maisons d'une vague transparence. C'est le moment fragile où l'on sent tout ce qui vibre et palpite, le tremblement des gouttes d'eau sur les feuilles des thuyas. Enfin l'heure poignante du crépuscule, qui serre les coeurs trop sensibles, fait place à la sérénité de la nuit d'août, lorsque la lune redonne au paysage nocturne ses contours et ses formes. Ce récit intimiste, subtil, délicat, cette évocation fervente et mélancolique des étés bientôt disparus est peut-être une invite à prendre garde à la douceur des choses