Les troubles du langage

Les troubles du langage

Notes personnelles d’après l’intervention de Mme BOUTHEMY

Formation CAPA-SH, janvier 2005


Le maître E va pouvoir travailler en prévention et remédiation. Il doit se positionner en professionnel : il n’est pas habilité à faire un diagnostic. Il doit savoir reconnaître le trouble (repérage) et en faire part au médecin scolaire (dépistage). Un trouble déclaré demande une rééducation qui ne relève pas du maître E

mais de l’orthophoniste.


Le trouble du langage est diagnostiqué à partir d’un triple bilan : orthophonique, neurologique et psychologique.


Le diagnostic de trouble dys implique :

- pas de maladie

- pas de trouble sensoriel ni psychologique

- pas de carence culturelle, sociale

- une fréquentation scolaire normale

- une efficience intellectuelle normale

Sinon, on ne peut savoir de façon certaine d’où vient le trouble, le diagnostic n’est pas posé. C’est pourquoi de nombreux enfants néanmoins porteurs de troubles dys ne sont pas reconnus. Remarque : on

ne demande pas de bilan scolaire, c’est pourtant aussi à l’école qu’il va falloir agir.


A quoi faut-il être vigilant pour repérer un trouble ?


Au niveau du langage oral :


La parole :

- Appareil phonatoire (troubles de l’articulation)

- Confusions, inversions

- Omissions de phonèmes, de terminaisons…

Le langage (ce qui a à voir avec la pensée)

- Absence ou excès de communication (logorrhée)

- Mauvaise construction

- Difficultés de l’ordre de la réception / compréhension (→ Dysphasie de réception)

- Difficultés de l’ordre de l’émission (→ Dysphasie d’expression)

- Absence du « je »

- Non verbal


Il y a bien sûr un aspect développemental, mais il y a des signaux d’alerte : L’enfant est-il dans la communication ? « Essaie-t-il » les mots ?


Au niveau du langage écrit :


Le geste : motricité fine et globale (→ Dysgraphie)

Coordination oculo-manuelle (→ Dyspraxie)

Confusions, inversions, erreurs de segmentation, « charabia » écrit (→ Dyslexie)


Au niveau transversal :


La mémoire, l’attention et la concentration sont déficitaires.


Différence entre trouble / échec / difficulté ?


Difficulté


Etymologie :

du latin difficultas

Synonymes :

Complication, contrariété, embarras, empêchement, gêne, peine, résistance, obstacle.

Définition usuelle :

Caractère de ce qui est difficile, complication. Caractère difficile de quelque chose, ensemble de points qui posent problème. Ce qui est difficile, obstacle à vaincre, à surmonter. Embarras éprouvé par quelqu’un pour faire quelque chose. Ce qui crée un obstacle, un embarras, un ennui. (Grand Larousse Encyclopédique)

Définition spécifique :

Performance malaisée à franchir, exigeant un mode d’activité intellectuelle non encore rencontré par l’enfant (Dictionnaire encyclopédique de pédagogie – Nathan)

Citation :

« Pour bien écrire, il faut une facilité naturelle et une difficulté acquise. » Joseph Joubert (1754 – 1824)


Echec


Etymologie :

De l’arabo-persan shâh. C’est l’altération de eschac dans l’expression shâh mat « Le roi est mort ». En persan, châh = roi

Synonymes :

Défaite, faillite, fiasco, insuccès, revers, naufrage, avortement, bide (argot), four (théâtre)

Définition usuelle :

Position difficile dans laquelle on est mis par l’adversaire (le Petit Robert). C’est une notion essentiellement subjective qui se situe relativement à certaines normes et en particulier au niveau de chaque individu (Grand Larousse Encyclopédique)

Définition spécifique :

Psychanalyse : la névrose de l’échec est une structure névrotique dont le symptôme dominant est, pour le sujet, une impossibilité de tolérer la satisfaction de son désir (Grand Larousse Encyclopédique)

Citation :

On parle d’échec « lorsque la totalité des moyens ne se transforme pas en fin. » « Il y a échec lorsque j’ai eu toute latitude de réaliser l’opération et, lorsque l’opération finie, elle ne se transforme pas dans la fin. » Jean-Paul Sartre (1905 – 1980) Cahiers pour une morale


Trouble


Etymologie:

Du latin turbidus : qui n’est pas limpide, pas transparent.

Synonymes :

Complexe, inquiétant, impénétrable, mystérieux, obscur, opaque, secret, suspect, ténébreux.

Définition usuelle :

Mésintelligence → défaut d’entente, d’accord. Désunion → division. Anomalie de fonctionnement d’un organe, d’un système. Empêcher une activité de se dérouler normalement, la contrarier en parlant des fonctions physiologiques ou psychiques. (Dictionnaire de la Langue Française – Bordas)

Définition spécifique :

Par trouble, il est convenu d’entendre syndrome de désorganisation d’une fonction, liée à un défaut structurel [] Le trouble est par nature durable dans le temps, résistant pour partie aux remédiations, divers dans ses formes et ses signes associés, variable par sa gravité et par les incapacités générées (Jean Charles RINGARD)

Citation :

« La science rassure et l’art est fait pour donner du trouble. » Georges Braque (1882 – 1963)



LA DYSLEXIE


Troubles d’acquisition du langage écrit.

  • Dyslexie phonologique

  • Dyslexie lexicale = de surface = dyséidétique

  • Dyslexie visuo attentionnelle


La dyslexie dans le rapport Jean-Charles RINGARD – Juillet 2000

Ce rapport s’appuie sur deux idées maîtresses :

  • « L’école doit accueillir tous les élèves avec le même souci d’exigence et d’ambition, tout en veillant à développer à tous les niveaux du parcours scolaire, une approche différenciée de son public. » Les parents réclament des classes « dys », CLIS 5, cela va à l’encontre de l’intégration.

  • « L’école doit être son propre recours pour faire face à la diversité des élèves accueillis. » Le maître E est au service de la remédiation, pas de la rééducation.


Ce rapport fait état des « conceptions diverses et multiples des origines de la dyslexie. »

  • Certains mettent en avant la présence de lésions neurologiques → La dyslexie est un trouble de l’apprentissage. D’autres parlent de lésions d’origine génétique.

  • Conception psychanalytique → Trouble affectif : refus d’apprendre, défit à l’autorité, culpabilité à dépasser ses parents…

  • Conception sociologique → Handicap socio-culturel / concept d’ « Habitus »

  • D’autres enfin pensent que la dyslexie trouve son origine dans une méthode pédagogique lacunaire (méthode, école, enseignant … autant de causes de dyslexie…)


La position actuelle se trouve bien du côté médical.


Définitions des dyslexies dans le rapport RINGARD


1) Dyslexie phonologique

Défaut d’automatisation de l’assemblage : L’enfant qui apprend à lire regarde les lettres, cette lettre chante … ce n’est pas automatisé mais cela viendra → L’enfant qui présente une dyslexie phonologique n’automatisera jamais. L’enfant reconnaît les mots globalement, donc ne peut lire les mots nouveaux. De plus, la mémoire va vite saturer. Pour compenser, il existe une méthode qui fait mémoriser des syllabes, ce qui permettrait à l’enfant de lire des mots nouveaux. L’enfant dyslexique comprend : il a le sens.

Difficultés associées :

  • Méconnaissance des valeurs de conversion i + n → in

  • Confusions entre les phonèmes sourds et sonores

  • Difficultés d’ordonnancement et substitutions de mots graphiquement proches (maison / moisson)


2) Dyslexie lexicale = de surface


C’est la voie d’adressage qui est altérée. Par contre, la voie d’assemblage fonctionne. L’enfant lit les mots simples et les logatomes, il ne lit pas les mots irréguliers.


3) Dyslexie mixte


Les deux voies de lecture sont affectées.


4) Le rapport RINGARD ne parle pas des dyslexies visuo attentionnelles.



LA DYSPHASIE


Les dysphasies de réception (d’après le rapport RINGARD)


Rares et graves, elles affectent la compréhension du langage. L’enfant ne manifeste que peu d’oral, voire aucun. Ce serait une défaillance de l’équipement linguistique qui empêcherait la mise en place du langage dans son rôle de médiation. Ce n’est plus le langage qui est support de la pensée ou de la communication. C’est un trouble très grave dans notre société… et pourtant la pensée est bien là. On parle aussi de déviance linguistique : le sujet parle, mais il parle différemment, un langage connu de lui seul.

Association à plusieurs difficultés : rythme, notion de temps, mémoire à CT (mémoire de travail) et empans mnésique.


Les dysphasies d’expression (d’après le rapport RINGARD)


La réception est correcte mais les difficultés s’observent dans 3 domaines :

  1. Difficulté dans la recherche et la récupération des mots en mémoire, manque du mot.

  2. Style télégraphique : Ces élèves ne parviennent pas à organiser leur phrase, mais ils comprennent. « Paul mord chien » peut vouloir dire que « Le chien mord Paul. » L’ordre des mots est aléatoire.

  3. La production sonore est altérée. L’enfant ne parvient pas à mettre les mots en sons. Il veut dire « Paul » et dit « Paut »… pour lui, il veut réellement dire « Paul ».

Mêmes difficultés associées que pour la dysphasie de réception.


LA DYSPRAXIE


Trouble d’ordre psychomoteur souvent accompagné de difficultés d’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul.

Discordance entre l’acte voulu et l’acte réalisé.


LA DYSGRAPHIE


Trouble de l’apprentissage de l’écriture.



Un enfant porteur de trouble « dys » ne parvient pas à automatiser. Tous ces troubles sont indépendants de la déficience intellectuelle.


Quelles pratiques pédagogiques ?


Mise en place d’une démarche métacognitive (sauf dans le cas d’une dysphasie d’expression). Poser les choses, cibler les points d’appui et les difficultés : cela donne des pistes de travail et permet de restaurer l’estime de soi. Pas de narcissisme : il est important d’avoir aussi conscience de ses points faibles.

Donner des repères auditifs et visuels. Privilégier l’entrée kinesthésique.


L’école, de part sa structure, ne peut faire le travail spécifique nécessaire aux élèves porteurs de troubles

dys. Mais si les 3 entrées du modèle systémique et développemental de Thierry MAROT sont travaillées, on élimine beaucoup des difficultés.


Entrée phonique / Entrée scripturale / Entrée sémantique


Chaque enfant a une entrée privilégiée dans l’écrit : sensible aux sons (rythme, comptines…), sensible au graphisme, au geste d’écrire, au choix de l’outil scripteur, sensible au sens et au contexte. Tout petit, il a sa propre prédisposition qui sera ou non accentuée par son environnement familial, puis il entre à l’école. Il est alors important de proposer à tous les enfants les trois entrées pour inhiber l’entrée éventuellement surinvestie. C’est très difficile de se déshabituer de son mode de fonctionnement pour aller vers un autre. L’idée est donc que dès la maternelle on développe les trois entrées. Le plus difficile est de s’autoriser à faire la même chose en cycle 3… difficile à faire passer auprès des enseignants.


En remédiation, on peut inhiber l’entrée surinvestie, mais dans une classe, il est nécessaire de permettre à chacun de pouvoir lire un mot quelle que soit son entrée. Prendre conscience que les trois approches sont également nécessaires. On ne permet pas assez aux élèves de maternelle d’écrire. De la même façon, on ne s’autorise pas les dictées de logatomes en cycle 3. Pourquoi ? C’est pourtant le moyen de vérifier la connaissance du code. Sans le code, on ne peut écrire que les mots que l’on connaît déjà.


Pas de « guérison », des progrès.

Toutes les méthodes « aident », certaines fonctionnent avec certains enfants et pas avec d’autres, mais ce ne sont pas des remédiations. Cela apporte des compensations au trouble. Il n’y pas d’adaptations définies pour chacun des 3 types de dyslexie, mais autant d’adaptations que d’élèves porteurs de dyslexie. On ne sait pas traiter, on essaie de compenser le trouble.

Plus on « presse » un élève dyslexique, plus on le désorganise. La pression d’un travail dans l’urgence déstabilise et désorganise.

Attention pour le maître E de ne pas faire « n’importe quoi » en regroupement d’adaptation, ne pas faire de bêtise.

Par exemple, dans le cas d’un élève porteur de dyslexie phonologique qui ne peut pas isoler les sons, ce n’est surtout pas dans cette approche qu’il faut aller. C’est l’orthophoniste qui va rééduquer la phonologie.

Utiliser des couleurs.

Par exemple, si un élève nommé Stéphane dit, chaque fois qu’il voit « an », « C’est comme dans mon prénom », il faut toujours utiliser la même couleur pour écrire le son [ ã], an en am em…, il ne retrouvera pas cette couleur dans son prénom.


Ecriture inventée de FIJALKOW. C’est la même chose que de dire « Tu écris en français dyslexique, puis tu traduis en français classique. »


Dénomination alphabétique des lettres : l’élève doit être confronté à la réalité de la lettre qui a un nom (pour épeler) et un son (pour écrire). Quand on écrit, on écoute le son des lettres / Quand on épelle, on dit le nom des lettres. Le concept de lettre nom – son doit être clair dès la petite section. En croyant simplifier les choses, on met souvent l’élève en difficulté.

Les peuples qui n’écrivent pas sont incapables de repérer les phonèmes, le phonème n’est utile que pour écrire. Par contre ces peuples ont la conscience syllabique.


Bien distinguer :

  • Discrimination auditive → Est-ce que tu entends [õ] dans cochon ?

  • Conscience phonémique → Qu’est-ce que tu entends dans cochon ?


Pour un enfant de fin de cycle II qui n’est pas entré dans la lecture malgré toutes les stratégies, avec les trois entrées proposées, il est nécessaire de demander un diagnostic.


On peut entrer dans la langue orale par l’appui sur la langue écrite. La non maîtrise d’un mot à l’oral (PATALON) peut progresser vers la maîtrise à la vue ou à l’écriture du mot (PANTALON).


Comme on ne sait pas adapter notre enseignement aux élèves « dys », ils se retrouvent souvent orientés en SEGPA alors qu’ils n’en ont absolument pas le profil.


Pour les dyslexiques visuo attentionnels, utiliser des cahiers à lignes uniquement horizontales, ou sans lignes. Les lignes verticales les perturbent.


Le diagnostic posé de dyslexie donne droit à un tiers temps supplémentaire pour relecture ou à l’aide d’un secrétaire aux examens.


Outil de dépistage de la dyslexie, téléchargeable sur internet : ODEDYS