22 - Heureux...

Dans Matthieu 5:3-12, nous trouvons le passage connu sous le nom des "Béatitudes". Par 9 fois, dans ce passage, Jésus formule une phrase commençant par le mot "Heureux". Voici les 4 premières "béatitudes":

Heureux les pauvres en esprit, car le royaume de cieux est à eux!

Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés!

Heureux ceux qui sont doux, car ils hériteront la terre!

Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés!

. . . ( + 5 autres "Heureux ..." à lire dans les versets qui suivent )

...

Ce passage nécessite de grandes précautions dans sa compréhension. Il est tout spécialement difficile à traduire car il comporte des descriptions de conditions de vie et de comportements, dans lesquelles les mots utilisés en grec (langue d'origine du Nouveau Testament) sont remplis de nuances et de subtilité. Nous précisons ce point afin d'inciter les lecteurs de la Bible à être prudents sur une interprétation trop rapide du passage des "Béatitudes", qui consisterait à penser que Jésus aurait globalement déclaré que l'on doit souhaiter être malheureux dans cette vie pour connaître le bonheur ensuite. Nous allons expliquer en détail le sens des deux premières "Béatitudes" afin de faire ressortir la subtilité et la richesse de ces versets.

..

**********

Heureux les pauvres en esprit, car le royaume de cieux est à eux!

Une compréhension hâtive de cette phrase pourrait être: "Heureux les sots", ou: "Heureux ceux qui ne savent pas faire d'humour"; on serait alors complètement à côté du sens des paroles de Jésus. Dans une traduction moins répandue, on trouve: "Heureux ceux qui sont conscients de leur pauvreté spirituelle", cette formulation, peut-être un peu lourde, est très proche du sens exact. Le mot grec traduit par "pauvre" désigne en fait l'état d'une personne qui se perçoit comme insuffisamment pourvue et qui demande à recevoir plus pour combler ce manque.

On pourrait traduire par "mendiant" (Heureux les mendiants en esprit). Comprenons bien cette nuance qui est importante: il ne s'agit pas de ceux qui sont effectivement pauvres, mais de ceux qui trouvent qu'ils n'en ont pas assez et qui demandent à en avoir plus.

Le mot "esprit" est la meilleure traduction pour un mot grec très utilisé dans la Bible qui désigne la capacité de l'homme à développer une relation avec Dieu. Dans le vocabulaire biblique, on distingue bien l'âme de l'esprit. Aussi bien en hébreu qu'en grec, il y a deux mots différents: un, qui peut être traduit par "âme" et l'autre par "esprit". L'âme est la capacité de l'être humain à développer des relations avec son entourage naturel (y sont inclus les sentiments, l'intelligence, l'émotion, la volonté), tandis que l'esprit représente la capacité de l'être humain à avoir des relations avec Dieu (on y trouve la révélation intuitive de Dieu, la conscience, l'adoration). Le mot esprit ne désigne donc en rien la capacité intellectuelle ni l'art de faire de l'humour. Il désigne la capacité d'avoir une relation personnelle et vivante avec Dieu.

"Heureux les pauvres en esprit" pourrait donc être traduit, pour être plus complet, plus exact mais nécessairement plus long, par "Heureux ceux qui se sentent insuffisamment capables de développer leur relation avec Dieu et qui Lui demandent d'accroître cette capacité ".

..

**********

Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés!

Le mot traduit par "ceux qui pleurent" désigne effectivement l'état d'une personne affligée ou endeuillée, qui pleure devant le malheur. Pour pleurer il faut avoir de la sensibilité, ne pas avoir le cœur trop endurci. Un enfant pleure souvent, puis en grandissant il pleure moins car il supporte mieux les événements tristes. Il y a une part d'endurcissement à l'origine de cette résistance. Jésus nous demande d'être comme des enfants. Il ne nous demande pas de pleurer en permanence, mais d'être capables de pleurer, d'avoir suffisamment de sensibilité pour être affligés au point de pleurer face aux évènements qui attristent Dieu.

Un mot est encore important: "consolés". Qui peut consoler? Le mot grec traduit par "consolés" a la même racine que celui que Jésus utilise pour nommer le Saint-Esprit (Jean 14:16 et 26). Ce mot est d'ailleurs souvent traduit par "le Consolateur". L'Esprit de Dieu est le Consolateur par excellence.

Nous proposerons donc la phrase suivante pour expliciter cette "Béatitude": "Heureux ceux qui ont le cœur suffisamment sensible pour pouvoir pleurer, car l'Esprit de Dieu va leur manifester sa consolation". Pouvez-vous vous imaginer en train d'être consolé dans les bras de l'Esprit de Dieu?